Transition politique au Tchad :
Le conseil national de transition installé, le dialogue inclusif se poursuit
Le Conseil national de transition, parlement intérimaire formé de 93 membres, est installé depuis le 5 octobre dernier. C’est l’une des institutions majeures de la transition politique menée depuis la mort du Maréchal Idriss Déby Itno. Dans le même temps, le dialogue national et le processus de réconciliation continuent d’enregistrer des résultats.
Le 20 avril, en annonçant la mort du maréchal Idriss Déby Itno dans des combats contre des rebelles, alors qu’il venait d’être déclaré réélu après 30 années au pouvoir, le général Mahamat Idriss Déby Itno était proclamé chef de l’État à la tête d’un Conseil militaire de transition (CMT) composé de quatorze autres généraux. Celui-ci était chargé de faire face aux menaces auxquelles le pays était confronté, d’organiser des élections libres et transparentes, dans un délai de dix-huit mois mais aussi de mener un processus de réconciliation entre Tchadiens, alors que chaque gouvernement est confronté depuis des décennies à une opposition armée.
Pour accomplir ces missions, dès le 21 avril, le CMT a doté le pays d’une Charte de transition. C’est conformément à cette Charte qu’un Premier ministre de transition civil, Albert Pahimi Padacké, a été nommé le 26 avril. Cinq jours plus tard, celui-ci prenait la tête d’un gouvernement de transition composé d’une quarantaine de ministres.
Le Conseil national de transition représente l’ensemble de la société
Il restait à mettre en place le Conseil national de transition (CNT). Pas moins de cinq mois ont été nécessaires à la formation de ce parlement provisoire, nommé le 24 septembre par un décret du chef de l’État. Ses 93 membres, sélectionnés par un comité ad hoc, respectent des quotas fixés à l’avance, notamment en termes de représentativité de la société tchadienne. Au moins 30 % de députés de l’Assemblée nationale sortante devaient ainsi apparaître dans le CNT, de même que 30 % de femmes et 30 % de jeunes.
Ses membres représentent une douzaine de courants politiques. On retrouve dans le CNT des personnalités de la société civile et du mouvement syndical, des représentants religieux, des personnes issues de l’univers « politico-militaire », le dernier chef de l’opposition parlementaire, sous Idriss Déby Itno, ou encore l’ancien Premier ministre, Kassiré Coumakoye. Aucun membre de la plateforme Wakit Tama, qui conteste toujours le pouvoir actuel, n’y figure en revanche.
LE CNT AURA NOTAMMENT POUR MISSION D’EXAMINER LE PROJET DE FUTURE CONSTITUTION, UNE ÉTAPE CLÉ DE LA TRANSITION
© Les membres du comité ayant sélectionné les dossiers des membres du CNT, le 26 septembre 2021.
C’est un homme politique d’expérience, Haroun Kabadi, qui devra guider le CNT dans ses missions. L’une des plus importantes consistera à examiner le projet de future Constitution, une étape clé de la transition. •
HAROUN KABADI : un poids lourd pour présider le CNT
Nommé le 5 octobre dernier à la tête du CNT, en même temps que l’institution démarrait ses travaux, Haroun Kabadi est âgé de 73 ans. Agronome formé aux États-Unis, il était le président de l’Assemblée nationale sortante. Il a passé dix ans à la tête du législatif tchadien, après avoir été Premier ministre dans les années 2000.
LES OPPOSANTS NOMBREUX À REJOINDRE LE DIALOGUE NATIONAL INCLUSIF
Si Wakit Tama ne figure pas dans le CNT, nombre de personnalités de l’opposition participent au dialogue national, afin de contribuer de l’intérieur à la transition, y compris des membres de cette plateforme de partis politiques et de la société civile qui continue de manifester contre le pouvoir.
Mahamat Nour Ibedou : un militant historique va au dialogue
C’est le cas de Mahamat Nour Ibedou. Ancien opposant au régime d’Hissène Habré, puis d’Idriss Déby Itno, dont il a dans un premier temps été un chargé de mission, il est depuis 2011 le secrétaire général de la Convention tchadienne pour les droits humains (CTDDH).
« Nous avons assez lutté en dehors du système, a-t-il déclaré le 11 octobre. Et là, franchement, nous risquons d’être d’éternels contestataires. Nous refusons désormais de subir et nous avons décidé, cette fois-ci, de lutter de l’intérieur, c’est-à-dire d’aller au dialogue. Il faut vraiment participer aux instances qui doivent décider de la vie du pays ».
« NOUS AVONS DÉCIDÉ DE LUTTER DE L’INTÉRIEUR, C’EST-À-DIRE D’ALLER AU DIALOGUE »
Laoukein Kouraleyo Médard reçu par le président du CMT
Le parti la Convention tchadienne pour la paix et le développement (CTPD) a lui aussi annoncé, le 14 septembre, prendre part au dialogue national inclusif.
« Si nous n’y allons pas, cela veut dire que nous leur donnons l’occasion de s’éterniser au pouvoir ou de prolonger la durée de la transition », estime Laoukein Kouraleyo Médard, son président. Lui-même ex-candidat à la présidentielle, ex-ministre et ancien maire, il a été reçu le 28 septembre par le président du CMT, Mahamat Idriss Déby Itno, « dans le cadre des consultations régulières avec les leaders de formations politiques ».
La Ligue tchadienne des droits de l’homme représentée au sein du Dialogue
Son point de vue est également partagé par Dobian Assingar, ancien président de la Ligue tchadienne des droits de l’homme (LTDH). Ce dernier a été nommé membre du comité d’organisation du dialogue national. Pour rappel, lors de la nomination des membres de ce comité, le 13 août dernier, une place a été réservée à des entités comme la LTDH ou l’Union des syndicats du Tchad (UST), également membres de Wakit Tama.
LES PARTICIPANTS ESPÈRENT QUE LE DIALOGUE, RÉCLAME DEPUIS DES DÉCENNIES, JETTERA LES BASES DE RÉFORMES PROFONDES DE L’ÉTAT
Il faut rappeler que les anciens chefs de file de l’opposition, Saleh Kebzabo, de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), et Mahamat Ahmat Alhabo, du Parti pour les libertés et le développement (PLD), ont tôt rejoint le dialogue national. Le premier a même été nommé mi-août vice-président du comité d’organisation du dialogue national inclusif.
Haroun Kabadi - Président du CNT © Haroun Kabadi – Président du CNT
Comme les autres participants à ce processus, ils espèrent que le dialogue, réclamé depuis des décennies, jettera les bases de réformes profondes de l’État.
© Timrane Erdimi – Dirigeant du groupe armé de l’Union des forces pour la résistance (UFR)
DES REBELLES ARMÉS SAISISSENT LA MAIN TENDUE
Depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’État tend la main aux groupes rebelles qui acceptent de déposer les armes pour participer à un futur dialogue inclusif. C’est dans ce cadre que plusieurs dirigeants du groupe armé de l’Union des forces pour la résistance (UFR), dirigé par Timan Erdimi, ont saisi l’opportunité de regagner le Tchad et même de rencontrer le président du CMT, Mahamat Idriss Deby Itno, le 3 septembre dernier.