Au Mali, la situation sécuritaire se dégrade dangereusement
Les faits
Alors que l’armée malienne annonçait à la mi-février que les terroristes étaient en « débandade », des coups meurtriers ont été portés par les groupes djihadistes contre les forces de sécurité ces derniers jours. Trois semaines après l’annonce du retrait de la France, la situation sécuritaire est de pire en pire, et l’espace démocratique, en régression.
Les attaques attribuées aux groupes djihadistes ne cessent de se multiplier au Mali depuis quelques jours. Lundi 7 mars, dans la matinée, la base de N’tahaka, un verrou stratégique situé à 50 km de Gao (dans le nord du Mali) tenu par les forces de l’armée malienne (les FAMa), a été prise d’assaut par des djihadistes. Une opération, selon des sources maliennes, très violente. L’état-major des armées à Bamako a annoncé, dans la soirée, avoir perdu seulement deux soldats et éliminé neuf « assaillants ». Un bilan impossible à vérifier. Dans la même journée, un convoi logistique de la mission des Nations unies (Minusma) a sauté sur une mine au nord de Mopti (centre), tuant deux casques bleus égyptiens.
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Ces incidents s’ajoutent à plusieurs attaques durant les jours précédents. Samedi 5 mars, à la frontière mauritanienne, une quinzaine de civils auraient été tués en rentrant du Mali, selon plusieurs sources concordantes. Un massacre qui s’ajoute à la terrible attaque de la base de Mandoro, à la frontière burkinabée, qui a eu lieu vendredi 4 mars : 27 soldats maliens ont été tués – le bilan officiel le plus meurtrier depuis des mois, tranchant avec la relative accalmie que l’on observait depuis quelques semaines.
Une série de communiqués victorieux
Le mardi 21 février, au terme d’une visite officielle de dix jours, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits humains au Mali, Alioune Tine, s’était montré optimiste : « Pour la première fois depuis le début de mes visites en 2018, j’ai noté une amélioration tangible de la situation sécuritaire. »
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Dans un communiqué publié le 22 février, les FAMa ont affirmé avoir consolidé leurs « acquis opérationnels face à des terroristes de plus en plus fébriles, en débandade », assurant en avoir « neutralisé » 22 et arrêté 15 autres dans le nord, le centre et le sud du pays. La semaine précédente, l’état-major malien avait déjà annoncé en avoir tué près de 60 dans le nord du Mali.
À lire les bulletins de cet état-major, l’armée malienne porterait chaque semaine des coups décisifs aux groupes terroristes depuis le début du mois de janvier. Et bien qu’Emmanuel Macron a annoncé le retrait de l’armée française du Mali, le jeudi 17 février, elle conduit toujours des actions de guerre sur ce territoire comme en témoigne l’annonce de l’élimination par Barkhane d’un haut cadre algérien du groupe djihadiste d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), à environ 100 km au nord de Tombouctou (nord du Mali), le lundi 7 mars.
Risque d’encerclement de Bamako
La recrudescence, ces derniers jours, des attaques djihadistes sonne comme un cinglant démenti aux communiqués triomphalistes de Bamako. En réalité, jamais le Mali n’a été dans une situation aussi périlleuse pour son intégralité territoriale. Dans une note de l’Ifri publiée début février, Mathieu Pellerin documente leur progression vers le sud du pays, à Koulikoro, Sikasso et Kayes : « La pression exercée sur ces trois régions augure d’une menace nouvelle pour le Mali, celle d’un encerclement progressif de Bamako. »
À cette situation sécuritaire aussi dégradée s’ajoute une détérioration du contexte démocratique. Selon l’expert Alioune Tine, « il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion dissidente sans courir le risque d’être emprisonné ou lynché sur les réseaux sociaux. Ce climat délétère a conduit plusieurs acteurs à l’autocensure, par crainte de représailles des autorités maliennes de la transition et/ou de leurs sympathisants. » Une régression démocratique que le Mali n’avait pas connue depuis la chute de Moussa Traoré, en 1991.
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La stratégie des djihadistes
La Katiba Macina, fer de lance de la progression djihadiste vers le sud, poursuit l’encerclement de la capitale en évitant de mener des attaques qui pourraient affaiblir la position de la junte à l’heure de son bras de fer avec la France et l’Union européenne. Selon une source malienne, son chef Amadou Koufa aurait fait du départ de la France une condition pour entamer des pourparlers de paix. On assiste à la même attitude de la part du groupe lié à Al-Qaida et dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghali. Ce dernier, qui jouit de la protection d’Alger, comme s’en désole Paris, a fait aussi du départ de la France la condition de son dialogue avec Bamako. Le groupe lié à l’État islamique est toujours actif dans la zone des trois frontières. Il est aussi très actif au Burkina Faso et au Niger.