Mali : les autorités de transition peinent-elles à payer Wagner ?

Selon plusieurs sources, l’État malien, soumis aux sanctions de la Cedeao, peine à trouver des liquidités.
Et à honorer ses contrats avec la société privée russe.

Mis à jour le 26 mai 2022 à 09:25

 

Cette photographie non datée remise par l’armée française montre trois mercenaires russes, à droite, dans le nord du Mali. © French Army via AP

« Les caisses sont quasiment vides. On se demande encore comment ils parviennent à tenir ». Le constat, dressé par un banquier ouest-africain, est partagé par nombre d’experts : les difficultés économiques et financières des autorités de transition, soumises aux lourdes sanctions de la Cedeao depuis le 9 janvier, sont de plus en plus palpables. Dans une note rédigée en avril dernier, la Banque mondiale estimait ainsi que le Mali risquait de plonger dans la récession si les sanctions étaient maintenues sur deux trimestres ou plus.

Blacklisté auprès de la Cedeao, le gouvernement malien n’a plus d’autre choix que de se financer auprès des banques commerciales locales pour continuer à assurer ses frais de fonctionnement. Il a ainsi demandé plusieurs prêts à différents établissements dont il est actionnaire : la Banque de développement du Mali (BDM), la Banque malienne de solidarité (BMS) ou encore la Banque nationale de développement agricole (BNDA). Reste à savoir jusqu’à quand elles pourront fournir ces avances de trésorerie.

10 millions de dollars par mois

Parmi les institutions primordiales que le gouvernement doit continuer à faire tourner : l’armée. Carburant, ravitaillement, équipement, primes… Les dépenses sont importantes et nombreuses. Alors que les putschistes ont invoqué l’incapacité du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à lutter efficacement contre le terrorisme pour justifier leur prise de pouvoir en août 2020, choyer les soldats est une priorité. Selon le dernier projet de loi de finances, le budget 2022 du ministère de la Défense et des anciens combattants s’élevait à plus de 490 millions d’euros.

Depuis le mois de décembre, les autorités maliennes doivent en plus régler une autre facture en matière de sécurité : celle des mercenaires de Wagner. Arrivés en décembre, ces combattants de la société militaire privée russe seraient aujourd’hui environ 1 200 dans le pays, où ils sont déployés en opérations conjointes aux côtés des Forces armées maliennes (Fama).

En juillet 2021, les services de renseignement occidentaux avaient capté une conversation téléphonique entre deux cadres de la nébuleuse de Evgueni Prigojine, oligarque proche de Vladimir Poutine. De retour du Mali, où ils avaient eu des entretiens avec les autorités de transition, ils y évoquaient les contours du futur contrat entre Wagner et le gouvernement : environ 1 000 mercenaires pour combattre les jihadistes sur le terrain en échange de 10 millions de dollars par mois.

« Investissement politique »

Selon nos informations, Bamako a effectué en janvier au moins un virement d’un montant de 1,5 million d’euros, prélevé sur le budget national. Mais, depuis, plusieurs sources (notamment françaises) assurent que ce versement mensuel de 10 millions de dollars ne serait pas honoré. Quant aux activités minières, qui permettraient à Wagner de se payer en « nature » au Mali, comme cela est fait en Centrafrique, elles ne semblent pas non plus avoir réellement démarré.

« L’hypothèse la plus probable est que le Kremlin compense les pertes et indemnise Wagner. Il s’agit d’une sorte d’investissement politique, qui permet aux Russes de damer le pion aux Occidentaux en Afrique de l’Ouest, où ils espèrent s’implanter dans la durée », estime une source française. De leur côté, les autorités maliennes continuent à fermement démentir toute présence des mercenaires de Wagner sur leur sol, préférant évoquer des « instructeurs russes » présents dans le cadre de la coopération bilatérale avec Moscou.