Mali : la classe politique soulagée mais prudente après la levée des sanctions de la Cedeao
Réunis à Accra, au Ghana, ce 3 juillet, les chefs d’État de l’institution sous-régionale ont levé les sanctions économiques et financières imposées depuis janvier. Une décision saluée par la classe politique de Bamako, qui appelle à tout faire pour un retour à l’ordre constitutionnel.
Cela faisait près de six mois que le Mali avait été placé sous embargo financier et économique par l’instance sous-régionale. Des sanctions finalement levées ce 3 juillet lors du sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui s’est tenu à Accra, au Ghana.
« L’adoption des textes portant sur la création d’un organe unique de gestion des élections, l’élaboration d’un chronogramme de la transition, son mécanisme de suivi en particulier, nous ont amené à décider de lever les sanctions économiques et financières appliquées au Mali », a ainsi déclaré l’Ivoirien Jean-Claude Brou, président de la Commission de la Cedeao (auquel a succédé le Gambien Oumar Touray ce 3 juillet), devant la presse.
Rassurer
Depuis quelques jours, et alors que les négociations avec l’instance sous-régionales piétinaient, les autorités maliennes ont en effet adopté une série de mesures considérées par les chefs d’État ouest-africains comme les gages d’un retour, dans un délai raisonnable, à l’ordre constitutionnel. Après s’être doté, le 24 juin, d’une nouvelle loi électorale, Bamako a en effet présenté, quatre jours plus tard, un chronogramme fixant à février 2024 la prochaine échéance présidentielle. Si ce délai dépasse largement celui de seize mois défendu par une partie des dirigeants de la sous-région, le Nigérien Mohamed Bazoum en tête, « il a le mérite d’exister », ironise un homme politique malien.
Selon ce dernier, c’est avant tout « l’inclusivité » de la démarche qui a permis de rassurer Goodluck Jonathan, le médiateur de la Cedeao au Mali, et dont le rapport plaidait en faveur d’une levée des sanctions. Alors que le dialogue était rompu depuis le coup d’État du 24 mai 2021 (le deuxième en mois de deux ans), la classe politique a été conviée le 28 juin dernier afin d’examiner le chronogramme proposé par le gouvernement. Les différentes parties prenantes se sont également entendues sur la création d’un comité de suivi qui réunira tous les mois le gouvernement, la classe politique et des acteurs de la société civile. Une démarche jugée « encourageante » par la Cedeao.
Soulagement et gravité
Une partie de la classe politique a partagé ce sentiment. « Nous accueillons la levée des sanctions avec soulagement et gravité », se réjouit Modibo Soumaré, président du cadre d’échange des partis politiques. Cette coalition hétéroclite de partis d’opposition, qui avait annoncé ne plus reconnaître les autorités en place à compter du 25 mars (date initialement fixée de la fin de la transition), se dit désormais attentive et ouverte à la poursuite du dialogue, « à condition que les autorités tiennent leurs engagements ». « Que cela serve de leçon à ceux qui pensent que le Mali peut évoluer en totale autarcie. Les autorités ont maintenu une posture mortifère pendant trop longtemps et nous devons aujourd’hui en subir les conséquences politiques, économiques et sociales », ajoute Soumaré.
« Nos populations ont souffert le martyre pendant six mois d’embargo. Désormais, les autorités de la transition et l’ensemble des forces vives de la nation doivent travailler à respecter les engagements pris pour le retour à l’ordre constitutionnel », plaide quant à lui l’ancien ministre Amadou Koïta. Réunis à huis clos, les dirigeants ouest-africains ont effectivement débattu de la situation économique au Mali. En décidant de mettre fin au gel des avoirs de l’État malien et des entreprises publiques et parapubliques, la Cedeao devrait offrir une respiration aux finances publiques maliennes et au portefeuille des Maliens déjà lourdement touché par la pandémie de coronavirus, la hausse du prix des denrées alimentaires et la flambée du coût de l’essence.