Guinée : la Cedeao resserre la vis face à Mamadi Doumbouya
Lors de leur dernier sommet, qui s’est tenu à Accra dimanche 3 juillet, les dirigeants ouest-africains ont allégé les sanctions contre le Mali et le Burkina Faso. Mais avec la Guinée, pas question d’être conciliants. Conakry risque de subir de nouvelles mesures coercitives.
Jusque-là, la junte militaire à Conakry avait su tirer son épingle du jeu et éviter que la Cedeao ne hausse trop le ton contre la Guinée. C’en est visiblement fini de cette indulgence. Désormais, Mamadi Doumbouya dispose d’un mois pour mettre en place des actes concrets en guise de garantie d’un retour à l’ordre constitutionnel. L’organisation sous-régionale attend notamment un chronogramme clair et raisonnable jusqu’à la fin de la transition – les plus de trois ans que s’est octroyé Mamadi Doumboya étaient jusque-là considérés comme inacceptables.
L’opposition revigorée
Cela figurait en bonne place parmi la liste de revendications des principales formations politiques guinéennes, dont l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, ou encore l’ancien parti au pouvoir, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel) d’Alpha Condé.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui avait vigoureusement combattu le troisième mandat de l’ancien président Alpha Condé, n’a pas non plus manqué de souligner dans un bref communiqué que « les deux exigences préalables du FNDC ont été prises en compte » dans les conclusions de la Cedeao.
Vendredi, à 48 heures du sommet d’Accra, le Front national avait convié la presse pour passer un message d’alerte en direction de l’organisation sous-régionale. « Compte tenu de la crise profonde de confiance qui existe entre la classe politique, la société civile et les autorités de la transition, il nous apparaît fondamental que la Cedeao intervienne pour présider le dialogue et favoriser ainsi le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée à travers l’organisation d’élections inclusives, libres et transparentes », avait-il notamment déclaré à l’occasion.
Du côté des autorités, Ousmane Gaoual Diallo, le porte-parole du gouvernement refuse de s’engager sur les exigences de la Cedeao : « Nous n’allons pas nous focaliser sur la durée mais sur le contenu de la transition. Le Mali et le Burkina ont l’avantage de ne pas avoir à revoir leur fichier électoral. Or nous souffrons en Guinée depuis douze ans à cause de ce problème. Faut-il le régler définitivement ou le laisser à une autre génération ? »
Nouveau médiateur
Outre l’imposition de la durée de la transition, le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) s’était opposé à l’envoi du diplomate ghanéen Mohamed Ibn Chambas, désigné médiateur par la Cedeao. La junte avait alors argué que la Guinée n’était pas en crise. Depuis, les divergences entre elle et la classe politique, ainsi que certaines structures de la société civile, sont apparues au grand jour. Sa légitimité des premières heures du putsch s’est effritée aux yeux de l’opinion, au fil de l’exercice du pouvoir. L’argument d’hier aura du mal à tenir désormais.
C’est dans un tel contexte que l’ancien président béninois Thomas Boni Yayi prend la place du Ghanéen, démissionnaire, dans la facilitation du dialogue inter-guinéen. « Si la crise guinéenne exige qu’il y ait un médiateur, pourquoi pas ? Nous ne sommes pas dogmatiques à ce sujet, mais il faut que nous en voyons la nécessité », réagit Ousmane Gaoual Diallo, tout en assurant vouloir « maintenir le dialogue avec la Cedeao ».
« Les chefs d’État et de gouvernement demandent au médiateur de travailler avec les autorités de transition pour parvenir à un calendrier acceptable pour que celle-ci se fasse au plus tard le 1er août 2022. Passé ce délai, des sanctions économiques et financières seront appliquées ainsi que des sanctions ciblées », a martelé la Cedeao. La menace est plus que jamais d’actualité.