Modibo Keïta
Charles de Gaulle qui avait le sens des formules, disait qu’il était le seul chef d’État devant lequel, il n’était pas « obligé de baisser la tête pour lui parler ».
Militant panafricaniste et tiers-mondiste, pionnier du non-alignement, Modibo Keita fut un fervent soutien des mouvements d’émancipation et un défenseur distingué de la paix entre les peuples. Figure de proue de l’Afrique des années soixante, ses idéaux d’indépendance nationale, de justice sociale, d’unité africaine, de liberté et de paix, répondaient aux aspirations d’une majorité de la jeunesse du continent.
Il est Père de l’indépendance du Mali (pays qui a pris le nom du rayonnant et légendaire empire africain du moyen-âge), Modibo Keita a imprégné de façon indélébile les mentalités collectives de ses compatriotes.
Modibo Keïta est né le 4 juin 1915, d’une famille malinké et musulmane pratiquante, à Bamako-Coura, un quartier de Bamako, alors capitale du Soudan français. Après avoir fait ses études primaires à Bamako, en 1934, il entre à l’école normale d’instituteurs, l’École William Ponty de Gorée à Dakar. Ses professeurs le signalent déjà comme un bon élément mais comme un agitateur anti-français, à surveiller. Il sort major de sa promotion et en 1936, il devient instituteur. Il enseignera d’abord en brousse puis à Bamako, Tombouctou et Sikasso.
Très vite, il adhère à plusieurs associations. En 1937, il fonde avec le Voltaïque Ouezzin Coulibaly le « syndicat des ensei-gnants d’Afrique occidentale française ».
En 1943, est créé à Bamako le Rassemblement démocratique africain (RDA), présidé par Félix Houphouët-Boigny. Modibo prend le poste de secrétaire général de l’Union soudanaise R.D.A. Son ascension politique est rapide : 1948, il est conseiller général du Soudan français, puis, en 1953, conseiller de l’Union française.
Le 26 novembre 1956, il devient maire de Bamako et est élu député à l’assemblée nationale française dont il devient vice-président. Il siègera deux fois comme secrétaire d’État dans les gouvernements français de la Quatrième République.
En 1958, il est élu président de l’Assemblée constituante de la Fédération du Mali qui regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta et le Dahomey (ces deux derniers pays quitteront rapidement la fédération).
Le 20 juillet 1960, Modibo Keïta est nommé chef du gouvernement de la Fédération du Mali (qui regroupe le Soudan français et le Sénégal). Après l’éclatement de cette fédération, le 22 septembre 1960, il proclame l’indépendance du Soudan français qui devient la république du Mali. Il en prend la présidence.
Socialiste, il oriente son pays vers une socialisation progressive de l’économie, d’abord de l’agriculture et du commerce avec la création en octobre 1960 de la Société malienne d’importation et d’exportation (SOMIEX) ayant le monopole de l’exportation des produits maliens et de l’importation des produits manufacturés et des biens alimentaires (sucre, thé, lait en poudre…) et de leur distribution à l’intérieur du pays. La création du franc malien en 1962 et les difficultés d’approvisionnement entraînent une inflation importante et un mécontentement dans la population, notamment auprès des paysans et des commerçants.
Sur le plan politique, Modibo Keïta fait rapidement incarcérer ses opposants. À partir de 1967, il déclenche la « révolution active » et suspend la constitution en créant le Comité national de défense de la révolution (CNDR). Les exactions des « milices populaires » et la dévaluation du franc malien en 1967 amènent un mécontentement général.
Le 19 novembre 1968, le lieutenant Moussa Traoré organise un coup d’État et renverse Modibo Keïta qu’il envoie en prison à Kidal. Durant dix ans, de 1968 à 1978, le pays est alors dirigé par le Comité militaire de libération nationale (CMLN).
Modibo Keïta meurt en détention à Bamako le 16 mai 1977 à l’âge de 62 ans dans des circonstances suspectes. Officiellement, il « est décédé des suites d’un œdème aigu des poumons. » D’aucun disent qu’il a été empoisonné par ses geôliers.
Modibo Keïta est réhabilité en 1992 à la chute du régime de Moussa Traoré par le président Alpha Oumar Konaré. Le mémorial Modibo Keïta est inauguré à Bamako le 6 juin 1999.
Modibo Keïta a œuvré toute sa vie pour l’unité africaine. Après l’échec de la fédération du Mali (Mali-Sénégal) en 1960, il fonde l’Union des États de l’Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée et Ghana). En 1963, il participe à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) dont il est l’un des principaux artisans.
Partisan du non-alignement, il a défendu les mouvements nationalistes comme le Front de libération nationale (FLN) algérien.
Modibo Keïta est un panafricaniste et un tiers-mondiste très engagé. Il partage cette conviction avec les grands nationalistes de son temps, Mouammar Kadhafi, de Libye, Gamal Abdel Nasser d’Égypte, Kwame Nkrumah du Ghana, Ahmed Ben Bella d’Algérie, Nehru d’Inde, pour ne citer que ceux-ci.
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