Sénégal : Dakar Dem Dikk peut-il passer à la vitesse supérieure ?

L’opérateur public de transports en commun entend jouer un rôle croissant pour fluidifier la circulation de l’agglomération. Il devra pour cela renouveler une flotte de bus aujourd’hui décimée.

Par  - à Dakar
 

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Un car Dakar Dem Dikk dans les rues de Dakar, en 2022. © Martin A1999A/CREATIVE COMMONS

 

« Le parc est pratiquement à terre, on peine à sortir 50 bus par jour dans Dakar et sa banlieue, la situation est intenable. » C’est le constat dressé par Alioune Badara Konaté, secrétaire général de l’Union démocratique des travailleurs de Dakar Dem Dikk (DDD), qui appelle de ses vœux le renouvellement du parc automobile de l’opérateur public de transport fondé en 2001. Selon le responsable syndical, sur les 475 véhicules reçus par Dakar Dem Dikk en 2016 – suite à un contrat passé avec le constructeur indien Ashok Leyland (Hinduja Group) –, une grande partie serait aujourd’hui hors service.

Une commande de 1 400 bus

Si, selon nos informations, un contrat commercial a été signé il y a quelques mois entre le gouvernement sénégalais et le constructeur automobile franco-italien Iveco Group concernant la livraison de 1 400 véhicules, en deux phases, le dossier ne semble pas aujourd’hui totalement ficelé. En juillet, l’ancien directeur général de DDD, Omar Bounkhatab Sylla, parlait d’une arrivée « imminente » de ces nouveaux bus, dont la durée de vie devrait être comprise entre quinze et vingt ans. Quatre mois plus tard, son remplaçant, Ousmane Sylla – par ailleurs élu maire de Kédougou lors des dernières élections locales – la repoussait « à la fin du premier trimestre » de l’année 2023.

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Sur le papier, la société dispose pourtant d’une marge de manœuvre importante pour compter dans la mobilité urbaine de Dakar et sa banlieue – qui représente près de la moitié de la population urbaine du pays. Selon une récente étude réalisée par la fondation Friedrich Ebert sur les défis de l’urbanisation à Dakar, seulement 6 % de la demande en transports est assurée par Dakar Dem Dikk. Les mini-bus Aftu (Tata) seraient les plus utilisés, avec 35 % des déplacements, suivis des cars rapides (20 %), des clandos (12 %), des taxis (10,5 %) et des Ndiaga Ndiaye (4 %). Par ailleurs, la marche à pied serait le mode de déplacement le plus utilisé, à hauteur de 70 % du total.

Nouveau souffle

DDD a donc une carte à jouer pour contribuer à désembouteiller la capitale, en appui du Train express régional (TER), dont le deuxième tronçon (qui desservira l’aéroport international Blaise-Diagne à partir de la ville nouvelle de Diamniadio) est actuellement en construction, ainsi que du Bus Rapid Transit (BRT) – qui devrait être mis en service courant 2023. Ce dernier projet d’envergure sera composé de 121 bus qui transiteront à travers 23 stations étalées sur 14 communes, de la gare ferroviaire de Dakar à la mairie de Guédiawaye.

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En attendant la finalisation du dossier Iveco, Dakar Dem Dikk devra composer avec les moyens du bord. « Sur le parc actuel qui couvre Dakar et sa banlieue, seuls 40 % des bus sont opérationnels », estime Ousmane Sylla, le nouveau directeur général, qui a pris ses fonctions à la mi-octobre au sein de la société, à laquelle il aimerait donner un nouveau souffle.

« L’objectif, avant la fin de l’année, c’est de faire circuler 120 bus par jour », ambitionne ce patron de 42 ans qui a passé l’essentiel de sa carrière à des postes de direction au sein du groupe sidérurgique ArcelorMittal, en Europe et en Afrique. « Il y a un travail de maintenance à venir, la plupart des bus sont réparables », estime celui qui voit dans la société « un potentiel extraordinaire » à développer.

Desserte de dix-sept villes

Outre la desserte de Dakar et sa banlieue – une quarantaine de lignes –, ainsi que le transport périscolaire, l’opérateur est également actif, depuis 2017, sur le territoire national via la couverture de dix-sept villes dans les quatorze régions du pays. En juillet, la société a reçu 33 bus modernes – équipés de ports USB, d’une connexion wifi et de sièges rétractables – pour renforcer ce volet périurbain.

« Nous avons également de nombreux projets dans la sous-région », indique Ousmane Sylla. Mauritanie, Maroc, Côte d’Ivoire : la société souhaiterait à terme desservir les capitales environnantes. Des ambitions déjà évoquées en 2020 avec le lancement d’Afrique Dem Dikk – qui se cantonne depuis lors à des liaisons quotidiennes avec la Gambie.

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Dernière mise en œuvre dans la stratégie numérique de l’opérateur qui emploie 2 900 salariés : la signature d’une convention avec l’entreprise de mobile money Wave pour l’achat de billets par voie digitale. Ce service était déjà disponible auprès d’Orange money. Le groupe travaille aussi à la numérisation d’informations en temps réel, comme les retards ou les numéros de voies…  Si DDD semble avoir toutes les cartes en main pour peser davantage dans la mobilité urbaine de Dakar et du pays, « la seule chose qui nous freine pour le moment, c’est le manque de bus », estime le syndicaliste Alioune Badara Konaté.