Au Togo, la fronde gagne l’ANC de Jean-Pierre Fabre

Sept membres de l’Alliance nationale pour le changement réclament la démission de leur président et celle du bureau national en raison, selon eux, de leur « collaboration coupable » avec le régime de Faure Essozimna Gnassingbé.

Par  - à Lomé
Mis à jour le 29 décembre 2022 à 15:11

 

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L’opposant togolais Jean-Pierre Fabre (ici en février 2020) n’a récolté que 4,68 % des suffrages lors de la dernière présidentielle, en 2020. © PIUS UTOMI EKPEI/AFP.

 

À peine Patrick Lawson, premier vice-président et cofondateur de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), inhumé, la fronde a gagné les rangs du parti. Le 11 décembre, sept de ses membres – dont Tévi Nathaniel Lawson, autre figure du mouvement, et des ex-responsables de la fédération internationale Europe-Asie – ont exigé la démission de Jean-Pierre Fabre et de l’ensemble du bureau national.

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Les frondeurs reprochent à leur président et à ses lieutenants une « collaboration secrète avec le régime de Faure Gnassingbé » qu’ils assimilent à une « trahison de [leur] lutte politique ». « Nous avons à plusieurs reprises dénoncé la ligne politique collaborationniste prise par le bureau national depuis la convention de 2020 », indiquent-ils dans une lettre envoyée à Fabre, dans laquelle ils pointent sa « proximité coupable » ainsi que celle de membres de l’ANC avec des cadres du régime de Faure Essozimna Gnassingbé.

L’hommage controversé de Bawara à Lawson

Les frondeurs se sont manifestés quelques jours après l’hommage rendu le 26 novembre à Patrick Lawson – décédé le 23 octobre à 70 ans après une longue maladie – par Gilbert Bawara, ministre de la Fonction publique et figure de l’Union pour la République (Unir, au pouvoir). Ce proche de Faure Essozimna Gnassingbé avait alors évoqué la relation très amicale qu’il entretenait avec l’opposant depuis plus de dix ans.

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« Même dans les chamailleries, les bouderies et les fâcheries, on avait du mal à s’en éloigner. […] Les relations cordiales et confiantes entre Patrick et moi ne doivent rien au hasard. Je savais l’estime que lui vouait le président Faure », avait notamment déclaré Bawara. Et d’ajouter : « Lorsqu’il fut porté à son attention l’état de santé très préoccupant de Patrick, Faure Gnassingbé a décidé de dépêcher au chevet du malade son médecin personnel, puis fit prendre des dispositions diligentes pour son évacuation et sa prise en charge convenable hors du pays. » Gilbert Bawara avait également fait part de la demande de l’opposant, une fois rentré à Lomé, de « rencontrer et [de] remercier le chef de l’État ».

Une proximité qui ne passe pas

Il n’en fallait pas plus pour que les frondeurs dénoncent rapidement une « haute trahison ». Selon eux, la collaboration entre des cadres de l’ANC et le pouvoir remontent à la présidentielle de 2015, officiellement remportée par Faure Essozimna Gnassingbé avec plus de 58 % des voix. « Au moment où des militants se faisaient tabasser, emprisonner, jeter en exil ou même tuer, des cadres du parti se retrouvaient avec les barons du régime pour rigoler ensemble », déplorent-ils.

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Dans leur lettre, les frondeurs exigent la démission immédiate du bureau national du parti, la mise en place d’une cellule de crise chargée de gérer les affaires courantes, la convocation d’un congrès extraordinaire et l’élection d’un nouveau bureau national.

Sans fondement juridique

Selon Éric Dupuy, conseiller spécial de Jean-Pierre Fabre et porte-parole de l’ANC, cette lettre est une « tempête dans un verre d’eau » qui n’a aucun fondement juridique au regard des statuts et du règlement intérieur du parti. « Les signataires de cette fameuse lettre ont eu la probité de préciser qu’ils sont des ex-membres de la fédération internationale Europe-Asie. Je ne sais donc pas sur quoi ils se basent pour adresser une telle lettre au bureau national », s’interroge-t-il.

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Sorti fragilisé de la présidentielle de 2020, lors de laquelle il n’a récolté que 4,68 % des suffrages (contre plus de 35 % en 2015 et près de 34 % en 2010), Jean-Pierre Fabre, détrôné de son statut de chef de file de l’opposition par Agbéyomé Kodjo, est depuis deux ans en pleine opération reconquête et remobilisation de ses militants. Pour l’instant sans grand succès.