Au Burkina Faso, « quatre mines fermées, c’est 30 milliards de F CFA de perdus »
Orpaillage, insécurité, mauvaise perception… Adama Soro, président de la Chambre des mines du pays, fait le point sur le secteur, important contributeur à l’économie burkinabè.
Adama Soro, président de la Chambre des mines du Burkina Faso, à Ouagadougou, le 10 janvier 2023. © Leonard Bazie pour JA.
Pour le président du principal syndicat corporatiste minier du Burkina Faso, le secteur qui pèse 2 021 milliards de F CFA (3,09 milliards d’euros) de recettes d’exportations et jusqu’à 20 % des recettes fiscales de l’État fait grise mine. Également vice-président affaires publiques chargé du Burkina chez Endeavour, Adama Soro anticipe ainsi pour 2022 une baisse d’au moins 15 % de la production annuelle d’or, comparé aux 66,8 tonnes extraites en 2021 (en hausse de 7,6% par rapport à 2020). Entretien.
Jeune Afrique : Quelles sont les attentes du secteur minier dans le contexte de tensions avec les partenaires extérieurs, dont la France ?
Adama Soro : Nous suivons avec attention l’évolution des rapports entre le gouvernement de la transition et ses partenaires. Lors de sa première sortie médiatique, le Premier ministre [Kyélem Apollinaire de Tambèla] avait donné les grandes lignes de son mandat : sécurité, pouvoir d’achat des burkinabè et enfin, gouvernance. Le secteur minier ne peut que partager ces priorités. Nous sommes évidemment sensibles à la dimension sécuritaire et attendons que des efforts soient consentis pour protéger les investissements.
En ce moment, des voix s’élèvent pour demander la révision du code minier [déjà révisé en 2015]. Nous appelons au contraire à ne pas stigmatiser les investisseurs miniers : il est excessif d’affirmer que l’or n’apporte rien au pays, alors que les 16 sociétés actives dans le secteur mobilisent 20 % des recettes fiscales. En comparaison, le secteur informel, qui représente près de 80 % du tissu économique national, n’apporte que 0,96 % de celles-ci…
Perkoa, l’unique mine de zinc du pays, détenue par Trevali Mining, a fermé ses portes en novembre 2022. Est-ce un mauvais signal pour vous ?
Quand on préside la Chambre des mines, assister à la fermeture de quatre mines – Taparko, Karma, Youga et Perkoa – en six mois est particulièrement difficile. Nous estimons la perte de recettes à au moins 30 milliards de F CFA, à laquelle il faut ajouter le gel des contrats de fournisseurs locaux et plus de 700 emplois perdus rien que pour Perkoa, ainsi que l’arrêt des taxes que percevaient les communautés locales… Si nous n’avons pas encore les chiffres de production de 2022, nous anticipons une baisse drastique des volumes, de l’ordre de 15 %.
Or, les mines apportent de la résilience au pays. En 2020, malgré la pandémie, la production minière a fait un bond au Burkina, avec 62 tonnes extraites [contre 50 tonnes en 2019].
Comment l’insécurité se répercute-t-elle sur les charges d’exploitation des miniers ?
L’insécurité génère un surcoût, notamment logistique : pour acheminer les biens et les personnes, nombre d’acteurs optent pour la voie aérienne, engendrant des dépenses qui se chiffrent en millions de dollars. Il faut aussi sécuriser les lieux d’opération. Mais il y a aussi des frais moins évidents, par exemple les primes d’assurances, qui se sont accrues au fur et à mesure que le risque pays s’élevait.
Tout cela, ajouté à l’environnement sociopolitique [deux coups d’État en huit mois], entame la compétitivité du secteur, même si le pays demeure attractif au sens du potentiel minier. Pour rassurer les investisseurs et permettre de continuer les opérations, nous plaidons pour la mise en place d’un plan incluant deux ensembles de mesures, sécuritaire d’un côté, économique et fiscal de l’autre.
Comment relancer l’exploration, actuellement au ralenti ?
Malgré l’onde de choc causé par la mort du géologue canadien Kirk Woodman et la chute des dépenses d’exploration – de 10 millions de dollars à moins de 3 millions par an présentement –, les sociétés minières continuent d’investir. Elles ont en revanche restreint les périmètres de recherche pour concentrer leurs efforts sur les zones à fort potentiel. Malheureusement, les délais de délivrance des autorisations administratives pénalisent les demandeurs.
Que préconise la Chambre pour encadrer l’orpaillage ?
L’orpaillage est une question cruciale. Nos membres ont produit 62 et 66,8 tonnes d’or respectivement en 2020 et 2021. L’initiative pour la transparence de l’industrie extractive [Itie] chiffre à 270 kg l’or extrait par les orpailleurs, mais les enquêtes statistiques nationales estimaient à 10 tonnes la production artisanale en 2016 [l’Agence nationale d’encadrement des exploitations minières artisanales et semi-mécanisées, qui dépend du ministère des Mines, avance même le chiffre de 20 tonnes pour 2020].
Avec la crise sécuritaire qui a provoqué un déplacement des populations des régions d’orpaillage du Sahel ou de l’Est, nous assistons en outre à des conflits de cohabitation des orpailleurs avec les mines. Cela génère de l’inquiétude et nous appelons l’État à organiser ce secteur. Des réformes sont en cours, comme l’instauration d’une carte de l’artisan minier ou l’organisation des orpailleurs en coopératives, pour une meilleure collaboration avec les industriels.