Face à Macky Sall, Ousmane Sonko prêt au combat
L’opposant a défié le chef de l’État sénégalais lors d’un meeting tenu à Keur Massar ce 22 janvier. Plus tôt dans la semaine, son dossier pour viols avait été renvoyé devant un tribunal criminel.
Ousmane Sonko à Keur Massar, le 22 janvier 2023. © Twitter Ousmane Sonko
Ousmane Sonko avait annoncé la couleur, dès le lendemain de la décision du juge qui avait renvoyé son dossier judiciaire devant une chambre criminelle, le 17 janvier : il entrait en « résistance ». C’est donc tout naturellement vêtu d’un treillis militaire qu’il a tenu, dimanche 22 janvier, son « méga-meeting » dans la banlieue dakaroise de Keur Massar, déjà rebaptisée Keur Sonko » (« maison Sonko ») par ses partisans.
Écharpe aux couleurs du Sénégal sur les épaules, le leader de l’opposition s’est exprimé à 20 heures, en présence d’une foule nombreuse. Et quand le courant électrique a été coupé dans la zone − un acte de « sabotage », ont accusé ses soutiens -, ces derniers ont éclairé la scène avec leurs téléphones portables, donnant au rassemblement un air étrange de concert.
Face à la foule, Ousmane Sonko est revenu sur l’affaire qui tient le Sénégal en haleine depuis bientôt deux ans et qui pourrait se solder par un procès en pleine année électorale. Comme à son habitude, il a réaffirmé que la plainte pour viols déposée contre lui en février 2021 faisait partie d’un complot destiné à l’écarter du jeu politique, en amont du scrutin présidentiel de février 2024.
Rompant avec la posture d’apaisement qui avait été la sienne lors de son audition par le juge d’instruction, en novembre dernier, il a livré un discours particulièrement virulent et prévenu qu’il ne se rendrait pas au procès. « Nous avons atteint le terminus. J’ai fini de rédiger mon testament », a lancé l’opposant, enjoignant ses soutiens de se « tenir prêts », où qu’ils se trouvent. « Ce qui se passe ne peut plus continuer. Si cela continue, Macky Sall nous tuera ou nous le tuerons, a-t-il ajouté dans un style très offensif. Rien ni personne ne peut empêcher le peuple sénégalais de marcher vers sa destinée et sa souveraineté. »
Vers un procès ?
Le 17 janvier, le juge chargé de l’instruction de son dossier pour « viols et menaces de mort » a renvoyé l’affaire qui l’oppose à Adji Sarr, ex-employée d’un salon de massage dakarois, devant un tribunal criminel, ouvrant la voie à un procès. Toujours sous contrôle judiciaire, Ousmane Sonko a annoncé qu’il allait malgré tout reprendre sa tournée électorale, débutée en octobre dernier. « Le seul candidat du Pastef pour 2024, c’est Ousmane Sonko », a-t-il insisté.
Quelques jours auparavant, dans une déclaration qu’il avait pris soin de débuter en français, l’opposant avait cité ceux qu’il estime être les artisans de ce complot, en particulier l’ancien procureur de la République, Serigne Bassirou Guèye, et le juge d’instruction Oumar Maham Diallo. Il a accusé ce dernier d’avoir « mis à l’écart » le rapport de gendarmerie rédigé après le dépôt de plainte d’Adji Sarr, le 2 février 2021, mais aussi de l’avoir « délibérément compromis » et d’en avoir « retranché des passages à décharge ». « Le PV qui a servi à instruire le dossier est un faux », a assené le président du Pastef.
Il a fait appel à son « droit légitime et constitutionnel à la résistance », un concept qu’il avait utilisé en mars 2021, avant de répondre pour la première fois à la convocation du juge d’instruction. Ce jour-là, il avait été arrêté pour « troubles à l’ordre public » et l’épisode avait entraîné plusieurs jours de violences au Sénégal, faisant au moins quatorze morts.
Refus de test ADN
Le 17 janvier, le juge d’instruction a donc décidé de suivre les recommandations du procureur de la République. Dans son réquisitoire du 9 janvier 2022, consulté par JA, le parquet estime en effet que « malgré la précision et la constance des déclarations de Adji Sarr, Ousmane Sonko se borne à adopter un silence éloquent sur les questions liées aux circonstances des viols » et que « le silence adopté par l’inculpé ne fait qu’accréditer les accusations de la victime ».
Le procureur a notamment insisté sur le refus d’Ousmane Sonko de comparer son ADN à celui du sperme trouvé lors du prélèvement sur la victime, qui « sonne comme un aveu de culpabilité », selon le procureur. Le réquisitoire estime que l’opposant a fait preuve, lors de sa confrontation avec Adji Sarr le 6 décembre 2021, d’un « silence coupable […] sur des questions qui auraient pu le mettre hors de cause si tant est qu’il était innocent ».
L’opposant, qui dit n’avoir aucune confiance en la justice, refuse catégoriquement de se soumettre à un test ADN et de se prononcer sur la nature de ses relations avec Adji Sarr. Son entourage dénonce un dossier « vide » et insiste sur le fait que différents témoignages à décharge n’auraient pas été pris en compte par le juge, comme celui du médecin qui a reçu Adji Sarr et qui a affirmé avoir été menacé.
L’avocat de cette dernière, El Hadj Diouf, a quant à lui réclamé la retransmission du procès en direct à la télévision. « Personne n’est plus pressé qu’Adji Sarr de voir cette affaire déboucher sur un procès », avait-il déjà déclaré par le passé. La date du procès devrait être fixée par le parquet, mais l’entourage de Sonko s’attend à ce que cela soit rapide.
« La période des parrainages débutera à partir de fin juin. Ils savent que plus le temps passe, plus les candidats sont intouchables. Ils accélèrent pour anticiper le combat », accuse l’un de ses proches, qui assure lui aussi que Ousmane Sonko participera « coûte que coûte » au scrutin de 2024. « S’il est vivant, il n’y aura aucun moyen de l’en empêcher. »