En Côte d’Ivoire, quand le Conseil café-cacao ferme les vannes
Le CCC, régulateur de l’industrie de l’or brun ivoirien, restreint les achats de fèves pour certains acteurs, dont les mastodontes du secteur, pour éviter une crise.
Yves Brahima Koné, directeur général du conseil café-cacao, lors des journées nationales du cacao et du chocolat le 29 septembre 2017, à Abidjan. © SIA KAMBOU/AFP
Il avait prévenu qu’il prendrait les mesures qui s’imposeraient. En Côte d’Ivoire, premier producteur mondial d’or brun, le Conseil café-cacao (CCC), organe régulateur du secteur dirigé par Yves Brahima Koné, vient de fermer l’accès à l’achat des fèves à une vingtaine d’acteurs, dont les multinationales Cargill, Barry Callebaut et Olam.
Cette fermeture est entrée en vigueur le 21 février, a indiqué Kadoko Bamba, le directeur de la commercialisation extérieure du CCC. « Elle devrait durer quelques jours », a-t-il précisé, ajoutant qu’elle concerne « les exportateurs ayant couvert leurs contrats de déblocage par du stock physique ».
Alors qu’un haut niveau de récolte était annoncé pour la grande campagne du cacao, qui se tient chaque année de septembre à mars, les opérateurs de la filière – clé pour l’économie ivoirienne – sont confrontés à une pénurie de fèves.
Risque de défaut
« L’affaire est sérieuse car il y a réellement un déficit, ce qui fait peser un risque de défaut sur certains contrats de fourniture de fèves », confie un acteur du secteur.
Conscient des difficultés, le CCC a organisé début février une réunion avec la filière. À son issue, il a publié un communiqué très rassurant mais qui évoquait déjà la solution finalement déployée cette semaine. « Pour permettre aux exportateurs d’honorer leurs contrats, le CCC prendra les mesures nécessaires pour limiter aux achats tous les exportateurs qui seront à l’équilibre afin que ceux qui ne le sont pas aient la possibilité de s’approvisionner », avait-il indiqué, précisant qu’il n’admettrait pas « la constitution de stocks par certains opérateurs alors que d’autres ne sont pas couverts ».
Concrètement, le CCC, en coupant les vannes pour les acteurs dont les contrats sont déjà couverts, à savoir les leaders du secteur, entend permettre aux autres, principalement les négociants et exportateurs locaux de taille modeste, d’acquérir les fèves pour pouvoir honorer eux aussi leurs contrats.
Résultat, la mesure concerne une vingtaine d’acheteurs de fèves sur les quelque 90 que compte le pays mais il s’agit d’une minorité qui achète la majeure partie de la récolte.
À titre d’illustration, selon nos informations, sur les huit broyeurs installés en Côte d’Ivoire, seul un, à savoir la Compagnie cacaoyère du Bandama du groupe Eurofind fondé par Moustapha Khalil, décédé en mars 2014, est autorisé à acquérir des fèves actuellement.
Flux tendus
« La limitation des exportateurs aux achats est une mesure opérationnelle qui s’applique systématiquement lorsque les contrats de déblocage de l’exportateur sont couverts par des stocks physiques avec une marge de + 3 % », a indiqué Carine-Laure Poe, directrice chargée des délégations régionales et de la commercialisation intérieure.
Assurant que le CCC dispose d’une « bonne estimation des stocks des opérateurs dans les zones de production et les zones portuaires », elle a ajouté que « les opérateurs du bord champ disposant de stock sont orientés vers les exportateurs dont les contrats ne sont pas couverts par des stocks pour permettre à tous d’atteindre l’équilibre au 31 mars 2023 ».
Reste que la mesure est accueillie avec des grincements de dents par les opérateurs bloqués à l’achat, et notamment les broyeurs, car ils vont devoir utiliser leurs stocks pour faire tourner leur usine sans pouvoir, dans l’immédiat, les reconstituer.
« On va devoir fonctionner à flux tendus sans avoir la garantie, par ailleurs, que la mesure permettra effectivement aux autres acteurs de s’approvisionner, pointe un acteur concerné. Les acteurs nationaux auront-ils les moyens d’acheter des fèves dont le prix grimpe en raison de la pénurie actuelle ? »