Où va Africa Global Recycling, pionnier du recyclage au Togo ?

Nouveaux partenariats, réorganisation de la chaîne de collecte, déménagement, relance des productions… Après trois années éprouvantes liées à la pandémie de Covid et un conflit avec ses investisseurs, Edem d’Almeida, le pionnier togolais de la gestion et de la valorisation des déchets, remet son entreprise en selle.

Par  - À Lomé
Mis à jour le 13 avril 2023 à 15:07
 

 

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Edem d’Almeida, le fondateur et directeur général d’Africa Global Recycling (AGR), à Lomé. © DR

 

Trois ans après la crise sanitaire, Africa Global Recycling (AGR) semble avoir retrouvé sa dynamique. Dans son bureau situé au premier étage du siège de la société, à Noukafou, quartier du centre-ville de Lomé, Edem d’Almeida, le fondateur et directeur général de la société, enchaîne les rendez-vous. « AGR a certes été touchée dans sa structure par la crise sanitaire, comme bon nombre d’entreprises, mais sa motivation et sa philosophie ne sont pas pour autant fragilisées », confirme le quadragénaire, confiant quant aux actions qu’il a engagées pour réorganiser et relancer ses activités. AGR compte 20 employés permanents – contre 130 avant la pandémie, qui a ralenti, voire suspendu, les activités de ses clients et de ses fournisseurs.  

Un potentiel de développement considérable

Aujourd’hui, l’une des priorités du chef d’entreprise est de mobiliser de nouvelles ressources financières en participant à des appels à projets à même de faire (re)monter en puissance les activités de recyclage. Situé dans le quartier Wuiti, le centre de tri et de valorisation d’AGR, au départ spécialisé dans le recyclage des papiers et des cartons, traite désormais une quarantaine de type de déchets (plastiques, métaux, équipements électroniques, verre, etc.), arrivant de tout le Togo et de pays voisins. Ces déchets sont triés, traités et conditionnés comme de nouvelles matières premières, destinées à des industriels locaux ou exportées vers l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Amérique latine.  

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Depuis sa création en 2013, AGR a collecté, trié et valorisé environ 18 000 tonnes (t) de déchets. Reste que la capacité moyenne annuelle de traitement d’AGR, soit quelque 1 800 t, est une performance toute relative comparée aux besoins du terrain. Selon les données officielles, la seule agglomération de Lomé, avec plus de 2 millions d’habitants, produit quotidiennement quelque 900 t de déchets, dont 9 % de plastiques, soit plus de 320 000 t par an. Le volume de déchets restant à traiter est donc énorme… Et le potentiel de développement du marché du recyclage l’est tout autant. En particulier pour AGR qui, en 2018, a investi 300 000 euros dans l’acquisition de nouveaux équipements qui lui permettent de tripler sa capacité de traitement de son centre de Wuiti pour la porter à 35 t/jour. 

Côté business, côté associatif

Autre cheval de bataille d’Edem d’Almeida : la réorganisation de la chaîne de collecte des déchets, avec la mise en place de filières locales de transformation, tout en accompagnant les communes dans leur transition écologique. Ancien cadre de Suez environnement et, ex-courtier et négociant en déchets industriels à Nantes avant de créer AGR, Edem d’Almeida a toujours été très actif sur le front de l’éducation environnementale et continue de travailler d’arrache-pied à une prise de conscience collective sur les dangers des déchets pour l’environnement.  

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Côté business, le Franco-Togolais développe des activités de formation, de conseil et d’ingénierie en gestion des déchets, en particulier pour les jeunes entreprises qu’il accompagne en élaborant des solutions environnementales intégrées aux projets de responsabilité sociétale et environnementale (RSE). 

Côté associatif, l’ONG Moi jeu tri, qu’il a créée en 2017, est présente en France, au Togo et en Côte d’Ivoire. Elle intervient en particulier auprès de groupes d’enseignants ou d’apprenants pour les initier aux gestes écologiques, à la gestion et à la valorisation des déchets ménagers. Plus de 100 000 bénéficiaires ont déjà participé aux actions de l’association. 

CE SOUTIEN FINANCIER EST LA RECONNAISSANCE D’UNE EXPERTISE TOGOLAISE, AVEC DES RÉPONSES TOGOLAISES ET AFRICAINES, À DES PROBLÈMES AFRICAINS

Avec Moi jeu tri, Edem d’Almeida met l’école, la formation et l’insertion professionnelle des jeunes au cœur des enjeux de la gestion et de la valorisation des déchets. En synergie avec AGR, l’association intervient sur les territoires, dont la ville de Lomé et celle d’Aného, dans la commune des Lacs1 (à 50 km au sud-est de la capitale). À Aného, Moi je tri et AGR, en partenariat avec Togocom, pilotent depuis bientôt deux ans le projet Ecobox, dans le cadre duquel des éco-collecteurs exploitent à la fois des points de rachat de déchets et des points de transfert d’argent et de vente de crédit de l’opérateur. À terme, l’objectif est de dupliquer ce modèle dans les 117 communes du pays, en y associant des entreprises, des collectivités et des services de l’État. 

Plus d’1 million d’euros de l’AFD 

L’ONG a par ailleurs conçu un projet de gestion de fin de vie des produits issus de la filière solaire et des éléments électriques et électroniques au Togo, qui, en janvier dernier, a été retenu par l’Agence française de développement (AFD), dans le cadre de son appel à projets Étude sur la facilité d’innovation sectorielle pour les ONG (Fisong). Un succès qui permet à l’ONG de bénéficier d’une subvention de plus de 1,125 million d’euros sur une période de trois ans pour mener à bien son projet, dont l’objectif est de valoriser au moins 1 000 t de déchets électriques et électroniques et de créer plus de 130 emplois.  

« Ce soutien financier est la reconnaissance d’une expertise togolaise, avec des réponses togolaises, africaines, à des problèmes africains, souligne Edem d’Almeida. Il servira à construire toute une chaîne de valeur autour de la filière, à renforcer les points de collecte, à créer des emplois, à acquérir des équipements et à faire appel à une expertise technique et industrielle supplémentaire. » 

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Son expérience professionnelle et associative, et son tempérament, font d’Edem d’Almeida « un motivateur » pour nombre de jeunes entrepreneurs, qu’il met un point d’honneur à encourager dans leurs projets, en particulier sur les réseaux sociaux. En mars dernier, il y a d’ailleurs créé un nouveau rendez-vous – « Des mots sur nos maux, parlons-en avec Edem ! » – qui permet d’échanger les expériences. Parmi les thèmes abordés : la diaspora et le choix de rentrer pour entreprendre, l’entrepreneur et le syndrome du super héros, le financement, etc. 

Si Edem d’Almeida reste le pionnier du recyclage au Togo, il est désormais talonné par de nouveaux entrepreneurs. C’est le cas de Bemah Gado, le fondateur de Green Industry Plast-Togo (GIP, créée en 2017), qui transforme les déchets plastiques, notamment les sacs en plastique noir et les bidons, en matériaux, tels que des pavés écologiques et des granulés de plastique. En mars dernier, GIP a remporté le premier prix de l’Afri-Plastics Challenge organisé par l’entreprise sociale Challenge Works, filiale de la fondation britannique Nesta. Cet award doté d’1 million de livres sterling (soit 748 millions de F CFA) va permettre à Bemah Gado d’accélérer lui aussi l’industrialisation de son activité.