En Côte d’Ivoire, la bataille des prix dans les télécoms ne fait que commencer
Malgré la suspension du nouveau prix plancher par le gouvernement, les opérateurs de Côte d’Ivoire peinent à revenir à leurs anciennes offres.
Boutique Orange dans le centre commercial le Playce-Marcory à Abidjan, le 27 avril 2016. © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Depuis une semaine en Côte d’Ivoire, les opérateurs de télécommunications sont vivement critiqués sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux. En effet, la mise en application soudaine, le 6 avril, d’un nouveau prix plancher de 0,8 franc CFA par mégabits (Mbps) d’internet mobile a forcé les trois acteurs du secteur – Orange, MTN et Moov – à proposer de nouvelles offres. Problème : à prix égal, certaines d’entre elles proposent moins de crédit 4G.
Fronde
L’incompréhension des consommateurs s’est vite transformée en une fronde vivement alimentée dans les médias et sur les réseaux sociaux par quelques figures politiques. Face au tollé, l’Autorité ivoirienne de régulation des télécommunications (ARTCI) a bien tenté de s’expliquer : selon elle, ces nouvelles mesures sont le fruit d’une décision prise le 12 janvier dernier, après concertation avec les opérateurs « dans le souci de remédier à certains problèmes persistants de concurrence sur le marché de détail », explique l’institution dans un communiqué publié le 7 avril.
En effet, depuis un an, le régulateur sonde les différents acteurs du secteur pour rééquilibrer un marché des télécoms qu’il estime fragilisé. En 2022, avec un chiffre d’affaires total (internet fixe et mobile, téléphonie fixe et mobile) de près de 1 479 milliards de francs CFA (plus de 2,2 milliards d’euros), le secteur a effectivement connu une contraction qui s’explique notamment par la perte de revenus sur la voix, et une situation identique sur le segment très concurrentiel du mobile money – depuis l’arrivée de Wave – que les revenus de la data peinent à compenser pour le moment.
Nouveau cycle de concertations
Malgré les explications de l’ARTCI, les critiques des consommateurs ont continué. Jusqu’à ce que le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication, des Médias et de la Francophonie, Amadou Coulibaly, intervienne le 10 avril sur la RTI pour annoncer la suspension pure et simple des nouvelles offres, et l’activation d’un nouveau cycle de concertation entre l’ARTCI, les opérateurs et les représentants de la société civile. Selon nos informations, une réunion des différents acteurs s’est tenue le 13 avril.
Si elle est applaudie par les pourfendeurs des nouveaux tarifs, cette suspension ne répond pas à tous les questionnements du secteur. Interrogés par Jeune Afrique, les opérateurs assurent ne pas être en capacité de revenir du jour au lendemain aux offres précédentes. « Nous avons changé la totalité de nos offres pour en créer de nouvelles et n’avons pas la capacité d’écraser ces dernières car les choses doivent être testées », confie une source au sein de MTN Côte d’Ivoire.
« Retourner aux offres précédentes nous demande un délai de trois semaines minimum car cela implique de supprimer techniquement leur affichage sur notre application et le système USSD », indique pour sa part un cadre d’Orange Côte d’Ivoire qui précise que ces offres ont aussi fait l’objet d’un travail marketing de deux mois. Moov quant à lui, est l’acteur qui aurait la capacité de retourner le plus rapidement aux anciennes offres.
Flou règlementaire
Un flou réglementaire sur la question du prix plancher devrait également freiner le retour à la normale. Pour le comprendre, il faut revenir à septembre 2020, lorsque l’ARTCI décide, sans concertation, d’instaurer un prix plancher officiel d’1 franc CFA par Mbps. Estimant ce tarif trop élevé, les opérateurs s’entendent pour ne pas l’appliquer et décide d’instaurer leur propre prix plancher. Il demeure jusqu’ici confidentiel, mais selon nos informations, il était inférieur au 0,8 franc CFA annoncé le 6 avril, ce qui explique le couac de communication entre un régulateur qui annonce une baisse de 20 % du prix plancher et la hausse des tarifs des opérateurs qui en découle.
Des mesures peu commentées
En janvier 2022, l’ARTCI, qui souhaite faire respecter sa décision, change de méthode. Elle entame une campagne de concertation d’un an à l’issue de laquelle le prix de 0,8 F CFA le Mbps est adopté, et doit être appliqué sous peine de sanction. Sa mise en application était actée pour… le 6 avril 2023.
Dès lors, la question est de savoir à quel prix les opérateurs doivent revenir : à l’ancien prix officiel d’un franc CFA ? Ou à l’officieux pratiqué jusqu’ici ?
Si le sujet du prix plancher retient toute l’attention, d’autres mesures – notamment le report des données non consommées et le relèvement des bonus de 100 à 200 % – interrogent elles aussi. « Nos clients vont rapidement s’habituer à ces nouveaux avantages, dont peu de monde a parlé au cours de cette polémique. Si telle devait être la décision, il sera compliqué de leur retirer », indique le représentant d’Orange. Les nouvelles concertations qui s’annoncent devraient pouvoir éclaircir ces points. Encore faut-il qu’elles aboutissent rapidement à des conclusions…