Au Sénégal, Macky Sall caresse les lutteurs dans le sens du poil
Le chef de l’État sénégalais a annoncé une série de mesures en faveur de la lutte traditionnelle. Compassion envers un secteur en difficulté ou calcul électoraliste ?
© Damien Glez
Alors que la crise politique couve et que plusieurs observateurs s’inquiètent pour le modèle démocratique sénégalais, le président de la République soigne l’un des symboles du modèle sociétal du pays de la Teranga.
Au secteur, ô combien stratégique, de la lutte traditionnelle, Macky Sall promet un accompagnement « pour une ou deux années avant de trouver un système de financement dans la durée ». Un terme qui dépasse la prochaine élection présidentielle, donc. Évocation de la continuité naturelle de l’État ou expression d’un souhait de rester aux commandes pour Macky Sall qui, officiellement, n’est pas candidat à sa succession ?
Mutuelle
Ce lundi 8 mai, le chef de l’État a reçu quelque 600 acteurs de la lutte sénégalaise au palais de la République. Parmi les annonces qui ont accompagné cette réception très médiatisée, la prochaine mise en place d’un fonds de garantie de 500 millions de francs CFA financé via le Fonds de garantie des investissements prioritaires (Fongip), à l’intention des promoteurs, en attendant d’élaborer un système de subvention pérenne.
Macky Sall a également encouragé les entreprises, publiques et privées, à soutenir les 152 écoles et écuries qui forment 10 000 jeunes lutteurs, et promis la rédaction de textes législatifs de nature à optimiser la gestion de l’Arène nationale, ou encore la mise en place d’une mutuelle de santé spécifique pour les lutteurs et autres acteurs du secteur.
Demi-dieux précaires
À la liste des mesures promises, le chef de l’État sénégalais a ajouté un accès facilité au « programme des 100 000 logements » déjà lancé par le gouvernement, ainsi que l’allocation aux lutteurs et à leurs familles de 300 emplois dans le cadre du Programme d’urgence pour l’emploi et l’insertion socioéconomique des jeunes (Xëyu ndaw ñi), lancé en 2021. Enfin, Macky Sall a invité le secteur à tenir au plus vite une assemblée générale pour faire le point sur tous ces domaines d’intervention.
Considérés comme des demi-dieux, les rois des arènes remplissent des stades, mais n’échappent pas toujours à une certaine précarité, notamment lorsqu’ils raccrochent. Pour certains, la voie de sortie est politique : rejoindre l’escouade de sécurité d’un ministre, chef de parti présidentiel ou opposant. Pour les hommes et femmes politiques, il vaut donc mieux avoir les « gros bras » avec soi que contre soi. Il y a deux ans, le garde des Sceaux de l’époque, Malick Sall, avait accusé des lutteurs d’avoir participé au mouvement de contestation né dans le sillage de l’arrestation d’Ousmane Sonko. Il avait alors essuyé une volée de bois vert.