En Côte d’Ivoire, Hubert Oulaye défie Anne Désirée Ouloto, alias « Maman Bulldozer »

Le président exécutif du PPA-CI tentera de prendre la tête du conseil régional du Cavally, dans l’ouest du pays, dirigé par la ministre de la Fonction publique depuis 2018.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 5 juin 2023 à 13:50
 

 

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Hubert Houlaye (à g.) et Anne Désirée Ouloto (à d.) © MONTAGE JA – SIA KAMBOU/AFP – DR.

 

LE MATCH DE LA SEMAINE  La campagne n’a pas encore officiellement été lancée mais, depuis la publication des listes des candidats aux élections locales – régionales et municipales – du 2 septembre par les principaux partis, l’effervescence se fait sentir. Ministres, élus et autres têtes d’affiche ont commencé à sillonner le pays pour rencontrer leurs électeurs.

Après plusieurs années de boycott des élections, le Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI, de Laurent Gbagbo) participera au scrutin. Pour l’ancien président, rentré en Côte d’Ivoire en 2021 après son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), ces locales seront un premier grand test permettant de jauger l’implantation de sa nouvelle formation.

L’une des affiches phares de ces régionales se tiendra dans le Cavally, dans l’ouest du pays, où le président exécutif du PPA-CI, Hubert Oulaye, se présentera face à la présidente sortante du conseil régional, Anne Désirée Ouloto.

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Seule candidate du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) aux régionales, la ministre de la Fonction publique, 57 ans, tentera de conserver son siège. Membre du RDR dès les années 1990, puis du RHDP, elle a occupé plusieurs postes ministériels et est un poids lourd du parti présidentiel.

« Maman Bulldozer »

En 2010, alors cheffe de cabinet d’Ibrahim Cissé Bacongo, ministre de l’Enseignement supérieur, c’est elle qui est choisie pour devenir la porte-parole d’Alassane Ouattara lors de la présidentielle. Elle contribue à mobiliser l’électorat de l’ouest du pays, dont elle est originaire.

Lorsque son mentor arrive au pouvoir après la crise postélectorale l’ayant opposé à Laurent Gbagbo, il lui confie le portefeuille de la Salubrité urbaine en 2011. Elle lance alors des opérations de déguerpissement et de destruction des installations anarchiques. Même s’il n’a duré qu’environ un an, cet épisode suffit à lui valoir le surnom de « Maman Bulldozer ». Elle a depuis assumé plusieurs autres fonctions au sein de gouvernements successifs, jusqu’à sa nomination, en avril 2021, comme ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l’administration.

Députée de Toulepleu depuis 2011, Anne Désirée Ouloto est élue présidente du conseil régional du Cavally en 2018. Cinq ans plus tard, à l’heure de remettre son fauteuil en jeu, elle compte mettre en avant ses réalisations dans la région.

« Nous partons favoris parce que notre bilan parle pour nous, estime Hippolyte Bayalla, maire RHDP de Thaï, une ville de la région, également candidat aux municipales. À notre arrivée, le taux d’électrification était d’environ 33,5 %. Aujourd’hui, il est de 99 %. Nous avons aussi un grand chantier de pont en cours de finition. Le bitumage de plusieurs axes a été achevé et d’autres doivent l’être dans les mois à venir », énumère l’élu, qui rejette les critiques de l’opposition basées sur le manque d’ancrage local d’Ouloto.

Oulaye, un enfant de la région

En plus du conseil régional, le RHDP a conquis trois des quatre mairies du périmètre aux dernières municipales. Il tient aussi les deux postes de sénateurs du Cavally. Si Anne Ouloto a indéniablement contribué à installer le parti au pouvoir dans ce bastion de l’opposition au fil des ans, les régionales du 2 septembre s’annoncent ardues. Cette fois, c’est une personnalité bien connue de la région qui lui tiendra tête : Hubert Oulaye, 68 ans.

En mars 2021, ce fidèle de Laurent Gbagbo avait réussi un coup de force aux législatives en remportant six des sept sièges de la région à la tête de la liste Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS). Au terme d’un scrutin très disputé, seule Anne Ouloto avait réussi à conserver son siège, à Toulepleu. Président du groupe parlementaire EDS à l’Assemblée nationale jusqu’au retour de Gbagbo, Hubert Oulaye, devenu député de Guiglo, était alors considéré comme l’un des meneurs des « GOR » (les « Gbagbo ou rien »). C’est donc sans surprise à ce compagnon de longue date que Laurent Gbagbo a décidé de confier la présidence du PPA-CI, en octobre 2021.

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Directeur de cabinet de l’ancien président à la fin des années 1990 puis ministre de l’Emploi et de la Fonction publique durant la décennie du pouvoir de Gbagbo (de 2000 à 2010), Hubert Oulaye s’est un temps exilé au Ghana après la crise postélectorale de 2010-2011. « Même si elle a un bon bilan à défendre, Anne Ouloto fera face à une icône de la région. N’importe quel Wè le connaît. Lorsqu’il était aux affaires, il a fait la promotion de beaucoup de personnes et a soutenu les jeunes cadres. Les gens se cotisaient pour subvenir à ses besoins quand il était en prison [de 2015 à 2017]. C’est un fétiche ! » explique un député de l’opposition.

Début mai, le député de Guiglo a effectué une tournée dans quelques villes de la région. Il a demandé au peuple Wè son appui et a dit compter sur l’aura de Laurent Gbagbo pour emporter la victoire.

Lors de ce scrutin, Hubert Oulaye devrait également bénéficier du soutien du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), avec qui EDS avait noué des alliances aux dernières législatives. Des discussions entre les cadres des deux formations sont en cours pour ces locales. Sauf grande surprise, dans le Cavally, le candidat du PPA-CI sera soutenu par le PDCI. En contrepartie, l’ancien parti unique devrait conserver une autre région de l’Ouest, le Guémon, où le président de son groupe parlementaire, Simon Doho, est candidat.