En Mauritanie, les derniers fidèles de Mohamed Ould Abdelaziz

En détention provisoire depuis l’ouverture de son procès pour corruption, le 25 janvier, l’ancien président a été lâché par nombre de ses soutiens. Dans le pays, ses alliés se comptent désormais sur les doigts d’une main.

Mis à jour le 21 juillet 2023 à 09:35

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L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz. © SEYLLOU/AFP

 

Lorsque les puissants chutent, il y a ceux qui partent, et ceux qui restent. S’ils sont bien peu à afficher publiquement leur soutien à Mohamed Ould Abdelaziz, ce dernier peut néanmoins s’appuyer, dans sa traversée du désert, sur quelques indéfectibles alliés.

S’agissant de ceux qui ont déserté ses rangs, l’ancien président répondait laconiquement à Jeune Afrique, en avril 2021, qu’ils étaient « surtout fidèles à leurs intérêts ». Installé à sa droite lors de sa première conférence de presse, en décembre 2019, juste après que le conflit pour le leadership du parti au pouvoir avait éclaté, son ex-ministre, Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna, est toujours à ses côtés.

Terrain politique

Cet homme à la barbe blanche et à l’air sévère – bien que réputé très sympathique -, a géré les portefeuilles de l’Habitat et de la Fonction publique lorsque Mohamed Ould Abdelaziz était au pouvoir, avant de devenir secrétaire général de la présidence. Très influent dans sa localité d’origine, Amourj (wilaya du Hodh el Chargui, dans l’est de la Mauritanie), il est le frère de Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna, lequel fut, entre autres, le Premier ministre de Maaouiya Ould Taya entre 1998 et 2003. Depuis le début des ennuis judiciaires de son ami, placé en résidence surveillée dès août 2020, Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna n’a cessé d’occuper le terrain politique.

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En décembre de cette même année, il a été désigné secrétaire général du Parti unioniste social-démocrate de Mahfoudh Ould Azizi, une formation d’obédience baathiste que Aziz avait rejointe quelques mois plus tôt et qui, par la suite, a été dissoute. Son ancien directeur de cabinet, Isselkou Ould Ahmed Izid Bih, s’en était également rapproché, mais il a, depuis, fait défection. Seyedna Ali Ould Mohamed Khouna n’a pas baissé les bras. Il est aujourd’hui président du Front pour le changement démocratique, un mouvement pro-Aziz qui ne parvient pas encore à se faire enregistrer en tant que parti politique. Et il se murmure qu’il pourrait être candidat à la présidentielle de 2024.

Franc-parler

Le deuxième vice-président du Front pour le changement démocratique est un autre ancien membre du gouvernement de Aziz : Mohamed Ould Jibril. Cet ex-ministre de la Jeunesse et des Sports (2017-2018) fut aussi directeur de cabinet du Premier ministre Yahya Ould Hademine (2014-2017). Maître de conférence à l’Institut supérieur de comptabilité et d’administration des entreprises, il a brigué un siège de député à Nouakchott-Sud, sur la liste de Ribat al-Watani (le parti que Aziz avait rallié en 2021) lors des dernières élections législatives, en mai dernier. Sans succès. Enfin, le troisième vice-président du mouvement est un autre fidèle parmi les fidèles de Aziz, Mohamed Ould Abidine.

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Réputé pour son franc-parler, souvent coiffé d’un panama, cet homme d’affaires qui a fait fortune dans la pêche à Nouadhibou (nord) est un compagnon de route de Mohamed Ould Abdelaziz depuis 2005. Il fut le représentant du parti au pouvoir, l’Union pour la République (devenu El Insaf), dans l’Inchiri, le fief de l’ancien chef de l’État. « Nous ne sommes pas parents, mais je le soutiens par conviction, affirme-t-il. Il est mon ami, mon frère, et j’en suis fier. » Il déplore qu’on l’empêche d’exercer ses activités professionnelles en raison de cette proximité et argue que c’est pour cela que peu osent afficher un soutien, ce que le camp adverse nie catégoriquement.

Quant à la présidentielle de 2024, il confie que « toutes les options sont possibles », avant de reconnaître que, tant que « Mohamed Ould Abdelaziz est sous les verrous, [il] ne sait pas tellement quelle est la marge de manœuvre, mais [qu’il] va continuer à se battre ». Tous sont en contact avec Sidi Elemine Mohamed Asker, dit Demine, qui gère les relations extérieures de l’ex-président, qu’il accompagne depuis 2000. Il est aussi membre fondateur, en novembre 2022, d’Engagés pour une Mauritanie unie (EMU), un mouvement de soutien à Aziz. Et l’ancien président s’appuie bien sûr sur son clan familial, soudé autour de lui. Sa fille, Asma, très présente au tribunal, lui apporte ses repas depuis les premiers jours de sa détention.

Bataille judiciaire

Enfin, Mohamed Ould Abdelaziz a engagé plusieurs avocats étrangers ces dernières années pour le défendre, mais seule une poignée plaide actuellement sa cause dans la petite salle du Palais de justice de Nouakchott. Parmi eux, le Sénégalais Ciré Clédor Ly ou encore la Libanaise Sandrella Merhej, recrutée en avril 2022, qui a déserté Beyrouth ces derniers mois pour assister à chacune des audiences. Cette spécialiste du droit pénal international, qui s’est familiarisée avec la loi mauritanienne et le complexe dossier de Aziz, affiche sa détermination.

« Tant que mon client sera en difficulté, je serai à ses côtés, ce n’est plus “seulement” un dossier, c’est une cause. Il est riche et il l’a reconnu, mais ce n’est pas un criminel et il y a beaucoup d’injustices dans cette affaire. » Son confrère Mohameden Ould Ichidou, qui dirige le pôle des avocats, a lui aussi tissé des liens avec son client depuis qu’il a pris son dossier en mains.

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Après avoir perdu plusieurs de leurs batailles, notamment devant le Conseil constitutionnel, les avocats espèrent aujourd’hui obtenir la libération provisoire d’Ould Abdelaziz. Estimant qu’il collabore avec la justice, ils dénoncent ses conditions de détention. Reste que Ould Abdelaziz fait plus que jamais face à de lourdes accusations de détournements, auxquelles plusieurs témoignages, comme celui de l’homme d’affaires Brahim Ould Ghadda en avril, ont donné du poids. « Il m’a confié des milliards », a même assuré ce dernier. À la barre, Mohamed Ould Abdelaziz a assuré qu’il s’était enrichi grâce à des dons de l’étranger et au reliquat des financements de ses campagnes. Sans toutefois convaincre ni la partie adverse, ni (pour le moment ?) l’opinion.