Khalifa Sall et Karim Wade éligibles au Sénégal : les cartes de la présidentielle rebattues
L’éligibilité de l’ancien maire de Dakar et du fils d’Abdoulaye Wade, candidats déclarés à la présidentielle de février 2024, posait question du fait de leurs condamnations respectives en 2018 et en 2015 pour des crimes économiques.
Marche d’opposants sénégalais réclamant la fin des poursuites contre Khalifa Sall et Karim Wade, à Dakar, le 29 novembre 2018. © Seyllou/AFP
Dans la nuit du samedi 5 août, les députés sénégalais ont voté à une large majorité le projet de loi portant révision du code électoral, lequel rétablit dans ses droits civiques et politiques toute personne frappée d’incapacité électorale après avoir été condamnée à une peine d’emprisonnement ou d’amende.
Jusqu’ici, les articles L28 et L29 du texte interdisaient l’inscription sur les listes électorales de personnes condamnées à « une peine supérieure à trois mois de prison sans sursis ou supérieure à six mois avec sursis ». La réforme permet désormais aux citoyens concernés de réintégrer le fichier électoral « cinq ans après l’expiration de la durée de la peine prononcée ».
Projet consensuel
La réforme, dont les mesures avaient fait l’objet de consensus lors du dialogue politique national initié fin mai entre la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar (BBY) et une partie des formations politiques de l’opposition, concerne particulièrement le leader de Taxawu Sénégal et ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, ainsi que Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, tous deux candidats déclarés à la présidentielle de février 2024. Elle lève en effet toute équivoque sur l’éligibilité de ces deux opposants dans la course à la succession du président Macky Sall.
Car les nouvelles dispositions votées à 124 voix pour (1 contre et 0 abstention) rendent également possible la réhabilitation de personnes condamnées pour crime, trafic de stupéfiants et pour des infractions portant sur les deniers publics. Celles-ci étaient auparavant bannies de manière permanente des listes électorales, et peuvent désormais les réintégrer sans délai dès lors qu’elles bénéficient d’une mesure d’amnistie ou, dans le cas d’une grâce, « après l’expiration du délai correspondant à la durée de la peine prononcée, s’il s’agit d’une peine d’emprisonnement ». Les personnes concernées devront toutefois attendre trois ans supplémentaires si elles ont également été condamnées à une peine d’amende.
Réduction du taux de parrainage
La participation au scrutin de Khalifa Sall et de Karim Wade – bien que graciés respectivement en 2019 et en 2016 – était loin d’être acquise du fait de leurs condamnations en 2018 et en 2015, respectivement à cinq ans d’emprisonnement pour « faux en écriture de commerce et escroquerie portant sur les deniers publics », et à six ans de détention pour détournements de fonds publics ainsi qu’à une amende de 138 milliards de francs CFA (210 millions d’euros).
L’adoption de la nouvelle loi visait également à intégrer les nouvelles dispositions d’une réforme constitutionnelle intervenue deux semaines plus tôt – lors d’une première session extraordinaire de l’Assemblée – et qui actait la réduction du taux de parrainage à 0,6% minimum et 0,8% maximum du corps électoral, ainsi que la possibilité de recourir au parrainage des élus : treize députés ou 120 maires et présidents de conseil départemental. La réforme instaure aussi, conformément aux conclusions du dialogue politique national tenu fin juin, un plafond maximum pour le montant de la caution dont doivent s’acquitter les différents candidats à la présidentielle. Laquelle « ne peut excéder la somme de 30 millions de francs CFA (45 000 euros) ».
Le nouveau code électoral doit être promulgué dans un délai de quinze jours par Macky Sall alors que l’avenir politique d’Ousmane Sonko, son principal opposant, est de plus en plus incertain. Condamné par contumace à deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse » dans l’affaire qui l’opposait à Adji Sarr, une masseuse d’un salon de beauté, le leader du parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), récemment dissous, a été incarcéré le 31 juillet après son inculpation pour sept chefs d’accusation dont « appel à l’insurrection », « atteinte à la sûreté de l’État », « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » ou encore « complot contre l’autorité de l’État ».