Voix d'Afrique N°106.


Le solaire
pour révolutionner l’Afrique



Chacun de nous a pu voir l’impressionnante image satellite montrant l’émission nocturne de lumière à la surface de la Terre. On voit un hémisphère nord globalement trop “éclairé”, et un hémisphère sud où l’Afrique apparaît comme “éteinte”, comme dans l’obscurité à l’exception de quelques rares minuscules îlots de lumière. Et pourtant, ce continent dispose d’une ressource inépuisable, le soleil qui, s’il accable certaines de ses régions la journée, reste encore trop peu exploité. La majeure partie de l’Afrique compte environ 325 jours de fort ensoleillement par an.

L’énergie solaire, thermique ou photovoltaïque, semble être en effet l’une des clefs du développement et de l’industrialisation de ce continent. Reste à savoir s’il existe la nécessaire volonté politique de permettre à l’Afrique d’accéder à la place qu’elle peut légitimement revendiquer au regard de ses ressources, de ses compétences et de son potentiel humain.

D’aucuns pensent que dans une dizaine d’années, l’énergie solaire dominera le marché des énergies renouvelables en Afrique. Cela d’autant plus que la Chine est en train d’inonder le continent de produits très compétitifs sur ce marché. Pékin assure plus de la moitié de la production mondiale de cellules photovoltaïques. Pas de développement sans énergie. La problématique s’impose au continent de manière impérieuse. Quel constat ? Quelles conséquences ? Comment l’Afrique peut-elle y faire face ?

De quoi parle-t-on ?

La question de l’énergie solaire a été relancée par le projet pharaonique “Desertec” mené principalement par des entreprises allemandes, au Maroc. Il part du principe que chaque km2 de désert reçoit annuellement « une énergie solaire équivalant à 1,5 million de barils de pétrole. La surface totale des déserts sur la planète entière fournirait plusieurs centaines de fois l’énergie utilisée actuellement dans le monde ». Ce projet devrait répondre à 15% de la demande européenne en électricité à l’horizon 2050. Le réseau d’interconnexions doit commencer à fonctionner à partir de 2020.

Pour leur part, les pays africains doivent faire preuve de créativité. Actuellement, il y a d’une part les villes, très dépendantes de la consommation de produits pétroliers pour leurs besoins en énergie et électricité ; et, d’autre part, le monde rural, représentant plus de 80 % des terres et des hommes, qui manquent de moyens technologiques adaptés pour l’exploitation de la nature.


Centrale solaire

Dans de nombreux villages et de multiples petites localités à la périphérie des villes, on ne combat l’obscurité qu’avec les traditionnelles bougies, les lampes à pétrole ou à gaz ou les lampes-torches. L’énergie solaire devrait aider à changer radicalement la vie des populations qui y vivent. Il s’agit de leur permettre de ne plus vivre seulement au rythme du lever et du coucher du soleil.

Faut-il continuer à voir les habitants du monde rural utiliser le système de trois pierres pour la cuisson, pratiquer le système de brûlis pour enrichir les sols, ou sécher les aliments au soleil, au gré des vents, des poussières et des microbes ? Ne vaut-il pas mieux se demander pourquoi les moyens techniques et technologiques aujourd’hui largement maîtrisés et vulgarisés n’arrivent pas à être mis en œuvre pour faciliter le travail des paysans ?

Mais le courant électrique produit par les Sociétés nationales d’électricité dans la quasi-totalité des pays au Sud du Sahara est plus qu’aléatoire. Si le soleil brille 12 heures chaque jour, on ne peut souvent pas disposer d’une fourniture continue d’électricité durant une semaine sans coupure de courant. Les délestages peuvent parfois durer plus de trois jours dans certains quartiers. A Abidjan, Ouagadougou, Bamako, Lomé, Niamey, en Centrafrique… le décor est le même, avec des coupures d’électricité fréquentes. La plupart des centrales électriques et réseaux de transport de l’électricité sont trop vieux, datant des années 50 et 60. Et peu de choses sont faites pour remédier à leur vétusté.


Système de pompage solaire

Pourtant, l’Afrique a les ressources suffisantes pour satisfaire tous ses besoins en énergie. L’hydroélectricité est de loin la principale source dans bon nombre de pays. Mais, l’éloignement des centrales électriques des zones rurales rend les coûts de transport de l’énergie électrique conventionnelle trop onéreux, et rend très difficile leur raccordement aux réseaux existants, d’ici au moins plusieurs décennies.

L’indépendance énergétique est donc un défi majeur pour le continent africain. L’Afrique pourrait se libérer des griffes des puissances pétrolières pour prendre en charge entièrement ses besoins énergétiques en se tournant vers les énergies renouvelables. Celles-ci présentent des avantages non négligeables : sûreté, propreté, décentralisation possible, respect de l’environnement.

Passons aux actes !

De nombreuses études arrivent à la même conclusion : les pays d’Afrique peuvent doper leur économie et lutter contre le changement climatique en misant sur les énergies renouvelables. Ils possèdent un immense potentiel surtout en énergie solaire du fait de leur ensoleillement extrêmement important (3 000 heures par an soit au moins 6 heures de soleil par jour). Ceci est largement suffisant pour assurer le fonctionnement optimal de n’importe quelle technologie d’usage du solaire.


Concentrateur parabolique

Le marché est gigantesque et prometteur surtout pour les petits panneaux solaires, accessibles aux populations les plus démunies, notamment en milieu rural où l’électrification ne concerne qu’un habitant sur dix. Le développement énergétique durable est aujourd’hui une nécessité car il engendre à la fois essor économique, sécurité et indépendance énergétiques. Avec une bonne gestion de la consommation et un contrôle judicieux, on peut allonger considérablement la durée de vie de l’installation (10 ans avec stockage et environ 20 ans hors stockage).

Des réalisations importantes ont été réussies au Niger (programme “9 000 villages, 9 000 téléviseurs”, et au Mali où le projet MALI AQUA VIVA (ONG) a permis l’installation depuis 1977 de 100 systèmes de pompage solaire d’une puissance permettant l’approvisionnement en eau de près de 100 000 personnes.

Les dirigeants africains devraient donc sérieusement se poser la question de savoir si l’énergie solaire ne représente pas l’avenir de tout un continent, surtout lorsque l’on sait que le développement durable de ces pays ne se fera pas sans généralisation de l’accès à l’électricité pour l’ensemble des populations. Aussi, certains citoyens des zones rurales, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal, ont commencé à utiliser des panneaux solaires dans leurs maisons bien que le coût de l’ins-tallation soit particulièrement élevé.

Le soleil est gratuit mais le mètre carré de photovoltaïque se vendait, il y a peu, 650.000 francs CFA (990  ). Cependant, avec une subvention de l’État son prix pourrait être réduit et, avec 300.000 ou 250.000 FCFA (457 ou 381  ), le citoyen aurait les panneaux avec ses appareils d’installation. Ils peuvent produire suffisamment d’électricité pour alimenter des cuisinières, pomper de l’eau, et faire fonctionner des téléviseurs.


Panneaux solaires thermiques, appelés capteurs solaires
qui convertissent la lumière en chaleur

Un peu de technique

Il existe deux types de panneaux solaires : les panneaux solaires thermiques, appelés capteurs solaires, qui convertissent la lumière en chaleur récupérée et utilisée sous forme d’eau chaude ; les panneaux solaires photovoltaïques, appelés panneaux solaires, qui convertissent la lumière en électricité. Dans les deux cas, les panneaux sont habituellement plats, d’une surface de plus ou moins le m² pour faciliter et optimiser la pose.

Les panneaux solaires thermiques sont plus rentables économiquement que les modules photovoltaïques. Ils sont moins chers et leur rendement élevé avoisine les 80 %. L’énergie solaire thermique permet de produire de l’électricité. Grâce à des tours solaires ou des concentrateurs paraboliques, on peut concentrer et absorber la chaleur du rayonnement solaire pour exploiter ensuite cette énergie et faire tourner une turbine produisant de l’électricité. L’énergie solaire thermique produit de la chaleur utilisable tant dans les ménages que dans les industries.

Les deux systèmes se complètent et sont avantageux. Mais l’énergie solaire thermique permet de développer un tissu économique performant et innovant plus rapidement. On peut atteindre des températures de 30° à 300°C. Les applications sont diverses : pasteurisation, stérilisation, séchage, cuisson et climatisation.
Les systèmes photovoltaïques solaires utilisent des cellules solaires, reliées entre elles en ‘modules’ (panneaux solaires). Cela va des petites cellules qui peuvent faire fonctionner une calculatrice à d’immenses centrales solaires utilisant des milliers de panneaux solaires.

Systèmes
solaires domestiques

Le système solaire photovoltaïque le plus courant en milieu rural est le système solaire domestique, constitué d’un panneau solaire relié à une batterie et à un contrôleur de charge. Il comporte au moins une lampe et une prise pour alimenter d‘autres appareils électriques tels que la radio, le téléviseur ou le chargeur du téléphone cellulaire. Ce type d’appareil est le plus connu en Afrique et également le plus demandé mais aussi le plus cher et le plus fragile.

La durée de vie d’une batterie est très variable suivant sa qualité. La simple batterie de véhicule aura une durée de vie de moins d’une année si on l’utilise pour du solaire. Une très bonne batterie solaire peut durer jusqu’à 20 ans mais elle coûte très cher. Elle est économique à l’usage mais l’investissement est lourd. Trop lourd pour la plupart des particuliers. On peut dire qu’une batterie moyenne va durer de 5 à 7 ans si elle est bien entretenue.

Parfois, selon les besoins du client, on y adjoint un onduleur pour transformer le 12 V en 230 V et passer d’un système courant continu (12V ou 24V) en courant alternatif (le plus souvent 230V). Il doit être de bonne qualité particulièrement en cas d’utilisation d’appareils électroniques. Il doit sortir un voltage régulier et surtout une fréquence régulière. Il doit être économe car il consomme lui-même de l’énergie.

C’est leurs prix qui font que le système solaire thermique ou le photovoltaïque sont peu utilisés pour produire de l’électricité. Pourtant, avec les coûts croissants des combustibles fossiles et leur raréfaction (on pourrait manquer de pétrole dès 2025) ainsi que leur rôle dans les changements climatiques, les conditions de marché favoriseront progressivement l’utilisation de l’énergie solaire. Les subventions publiques peuvent également contribuer à encourager sa progression.
La production mondiale de panneaux se répartit principalement entre la Chine, l’Allemagne et les États-Unis, mais la Chine assure 80% de la production mondiale de cellules photovoltaïques. Aujourd’hui de grandes marques internationales font produire leurs modules en Asie et parfois réalisent une étape de montage.


Le système solaire photovoltaïque le plus courant
en milieu rural est le système solaire domestique

Difficultés

Utiliser le soleil comme source d’énergie est facile à concevoir pour des régions où le soleil brille abondamment. C’est le cas de l’Afrique mais elle l’utilise très peu. Pourquoi ? Il y a un manque d’information généralisé sur cette technologie. Les universités ne s’y intéressent pas assez, du moins du point de vue pratique. Et les États africains, pour la plupart, n’ont pas de stratégie en matière d’énergie. Or, les difficultés qui subsistent demandent des politiques énergétiques volontaristes pour être dépassées. Une vision de long-terme s’avère importante, tant pour orienter les investissements que pour démocratiser ces nouvelles technologies. L’électrification des zones rurales présente des défis particuliers : il est souvent coûteux et peu pratique de relier au réseau d’électricité des foyers éloignés et éparpillés. Des sources d’énergie autonome — solaire ou éolienne — peuvent constituer une solution.

« Malgré tous leurs avantages, ces systèmes solaires sont d’un coût élevé. Il faut compter de 400 à 800   en moyenne pour équiper un foyer, c’est-à-dire éclairer de trois à six pièces et faire fonctionner un téléviseur noir et blanc tous les soirs. La plupart des foyers africains n’en ont pas les moyens”. L’installation de panneaux solaires alimentant plusieurs foyers à la fois pourrait permettre de réduire les coûts.

Au niveau des États, le frein à l’introduction des technologies du solaire est la pénurie et la rigidité des sources de financement. Ces technologies obligent un premier investissement élevé et global car il faut s’acquitter du coût de l’installation au complet avant de pouvoir en utiliser le moindre kilowatt heure. Il faudra donc attendre encore quelques années pour que les prix baissent et rendent ce produit abordable aux peuples africains.

Un mot pour conclure

Le développement énergétique durable est aujourd’hui une nécessité sur tous les continents, plus particulièrement encore en Afrique car il engendrera à la fois essor économique, sécurité et indépendance énergétiques. Les pays africains doivent impérativement faire preuve de créativité pour assurer leur autonomie en énergie propre et renouvelable. Le soleil est gratuit et inépuisable. Le solaire ce n’est pas seulement des économies : c’est aussi la sauvegarde de la nature. Les États doivent prendre en considération le solaire et les autres énergies renouvelables.

Mais il faudra qu’une bonne partie des ressources nécessaires vienne dans un premier temps de partenaires extérieurs, bien que les gouvernements africains redoublent actuellement d’efforts en vue de mobiliser davantage de ressources internes.
Certains gouvernements africains ont aujourd’hui mis en place des politiques d’avantages pour l’importation des biens d’équipement solaires, par l’allégement ou la suppression des taxes fiscales, l’appui financier et logistique pour les projets innovateurs. Baisser les taxes à l’importation est le moyen le plus facile pour promouvoir le secteur.

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique