Xénophobie en Afrique du Sud
Comme on les stigmatise “Makwerekwere”, les étrangers ou émigrants sub-sahariens, les attaques xénophobes continuent en Afrique du Sud. Depuis 2008 – 2009 le pays avait déjà connu une vague de violence contre les étrangers. En janvier dernier, plusieurs centaines de commerçants, notamment somaliens, ont dû aussi quitter les townships de Soweto, Pretoria and Johannesburg après que leurs magasins ont été attaqués et pillés. Les exactions contres les étrangers ne cessent de s’aggraver. Vivre en Afrique du Sud devient de plus en plus difficile pour les étrangers- migrants particulièrement les sans papiers, les commerçants et les business men. Tout récemment, au début du mois d’avril, des attaques se sont encore déclenchées et se sont multipliées notamment à Durban depuis les propos du roi Zoulou Goodwill Zwelithini appelant les étrangers à quitter le pays. C’était comme si on sonnait le glas, très tôt le matin du 7 avril, car on pouvait entendre dans les rues des banlieues prés de Durban la ville portuaire : "Tous les étrangers doivent rentrer dans leur pays !" (Eyewitness). Alors c’était dans ces cris de colère et de mépris que des jeunes gens armés de bâtons, de pierres et de machettes, ont envahi les townships des quartiers comme Umlazi et Malukazi où vivent de nombreux étrangers. Ils ont tout d’abord pris pour cible les propriétaires de salons de coiffure, de boutiques, de supérettes et de petits magasins d’électronique qui se trouvaient sur leur passage. Les plus vulnérables étaient sans doute les magasins des étrangers. Quelques jours après ces incidents, les violences ont aussi gagné d’autres villes de la province. Pietermaritzburg, l’une des plus grandes villes de Kwazulu Natal se situant a 15 kms environ de notre maison de formation avait aussi connu de pillages de boutiques et même des pertes de vies humaines. A Howick la petite ville se situant juste a 6 km tout prés de notre maison, des attaques et pillages ont été signalés. Mais dès lors, le gouvernement s’était retranché dans un silence total, se refusant à parler de xénophobie, évoquant plutôt des actes criminels. A cet effet le gouvernement sud-africain a été très critiqué pour son attentisme face à ces exactions. L’opposition EFF (Economic Freedom Fighters) de Julius Malema quand a elle pointait du doigt le president Zuma et son fils Edouard Zuma de n’avoir pas pris de mesure idoines pour protéger les étrangers vivant sur le sol Sud Africain.
Il fallait attendre quelques jours pour que le gouvernement sorte de son silence en commençant par le ministre de l'Intérieur. Celui ci avait promis de réagir fermement aux attaques contre les étrangers. C'est un message d'excuse que le ministre de l'Intérieur avait adressé aux étrangers « Nous n'avons pas le droit de nous en prendre à des gens venus d'autres régions d'Afrique », a-t-il déclaré. (The Citizen, Thursday 16th April ) Il a rappelé que la Constitution garantit « la dignité et un abri » à toute personne vivant sur le territoire sud-africain et désormais le gouvernement promettait d' « assurer la réinsertion des étrangers » chassés de leur logement et de travailler en profondeur sur les causes des attaques à caractère xénophobe. Il avait tout de même proposé d'aider ceux qui le souhaitent à rejoindre leur pays d'origine. Après le ministre de l’intérieur c’était le tour du président Zuma de prendre la parole depuis Pretoria. Il avait condamné tout d’abord les attaques perpétrées avant d’ajouter ceci: « Je veux mettre l’accent sur le fait que les conditions économiques, même les plus difficiles, et que le mécontentement des gens ne peuvent en aucun cas justifier les attaques sur des étrangers. J’appelle les Sud-Africains à traiter ceux qui sont dans le pays légalement avec respect et avec chaleur. » (City Press, Friday 17th April) C’est la première fois que le chef de l’Etat s’exprime sur le sujet depuis le début de l’année. Mais il reste encore à joindre l’acte à la parole car il est toujours difficile de mettre en commun ce que dissent les politiciens et ce qu’ils font. Avant même le début des violences au début du mois d’avril, son fils avait levé le ton pour soutenir les propos du roi Zulu avec qui ils partagent la même ethnicité. La première Dame Dr Nkosazana Dlamini Zuma qui assure la présidence de l’Union africaine n’avait rien dit jusqu’à présent.
Après tout cela, plusieurs voix se sont fait entendre pour condamner ces attaques barbares et insensées. L’Eglise Catholique pour sa part a adressé une lettre pastorale à ses filles et fils de l’archidiocèse de Durban. Le cardinal Wilfrid Napier, dans cette lettre a appelle tous les Sud- Africains a cultiver l’amour, l’harmonie, en construisant des communautés fraternelles. Aussi à l’intérieur comme à l’extérieur notamment dans la sous-région, des marches de protestation ont été organisées pour dire non à la xénophobie.
Mais la question la plus épineuse que l’on pourrait se demander est de savoir l’origine des ces attaques xénophobes. A en croire certains sources (City Press & the Citizen) la population locale accuse les étrangers d’être à l’origine de la criminalité et des problèmes de drogue dans le pays. Plus loin les mêmes sources indiquent que les commerçants étrangers sont accusés de faire de la concurrence déloyale aux Sud-Africains, et de voler le travail des locaux. Sur place on constate clairement la cherté de la vie, une augmentation rapide de chômage des jeunes, provoquant de jour en jour la délinquance juvénile. Mais quand on remonte dans l’histoire, on découvre que depuis des décennies l’Afrique du Sud a toujours attiré des migrants sub-sahariens pour des travaux miniers (or, diamants...) et dans les fermes des blancs. Cela donnait plus de 40% de travailleurs miniers (mineworkers) ainsi que dans les fermes. Ces activités sont souvent négligées par les Sud-Africains qui les considèrent comme trop pénibles, risquées et dangereuses.
Jusqu’au au moment ou j’écris ces lignes, la situation était toujours tendue. Les principales villes de l’est (Natal) étaient quasiment désertes. Les magasins et les boutiques restaient toujours fermés 24h/24h. L’Afrique du Sud qui avait fait vibrer le continent en organisant la Coupe du monde 2010 et les deux compétitions continentales de 1996 et 2013 était le vrai espoir du continent. Mais cet espoir est loin d’être une réalité si “l’afro phobie” continue.
Par ailleurs il devient un véritable casse-tête pour les autorités sud-africaines de voir le flux migratoire envahir a chaque instant leur territoire ; alors qu’elles n’arrivent pas à freiner le taux de chômage et l’insécurité galopante.
Albert Kondemodre