Missionnaires d'Afrique


Richard Nnyombi M.Afr
Jpic-Ed

“Attention à la marche !”

Plusieurs pays africains auront leurs élections présidentielles et parlementaires cette année ou l’an prochain. Dans la liste, pour 2015, il y a la Zambie, le Burundi, le Burkina Faso, la Tanzanie, le Nigeria, le Sud Soudan et le Lesotho… et en 2016 ce sera le tour du Ghana, de l’Ouganda, du Rwanda, du Congo (RD.C.), du Somaliland, etc.

En Afrique, l’expérience montre que le temps des élections, spécialement dans les pays où “le style de démocratie occidentale” n’est pas encore accepté, est souvent marqué par toutes sortes de violence, “verbale” et “physique”, qui parfois conduisent à la perte de vies humaines et de biens matériels. Dans certains cas, c’est aussi une période où il y a violation des droits de l’homme et de la liberté, surtout par ceux qui sont au pouvoir.

Le temps des élections est aussi un moment pour faire des amendements à la Constitution et des réformes électorales. Dans certains pays, ce processus a déjà commencé, avec des débats animés et explosifs à cause des thèmes abordés, comme la durée du mandat présidentiel, l’âge limite des candidats, le registre électoral, etc. Ce qui vient d’arriver au Burkina Faso est encore bien présent dans nos esprits!

Il est surprenant de constater que, durant la saison électorale, les politiciens deviennent plus religieux et généreux (malheureusement, certains utilisent l’argent des contribuables comme si c’était leur propre argent) en faveur des responsables religieux et de leurs communautés. Ces politiciens fréquentent des centres de prière à la recherche de bénédictions célestes de la part des responsables religieux, et ils s’assurent de participer aux événements de financement. Quelques responsables religieux comptent sur cette période pour les inviter, en espérant recevoir de “grosses” enveloppes de leur part. En effet, cela est une grande tentation, mais pouvons-nous servir Dieu et Mammon ?

Comme les différentes saisons liturgiques, les périodes d’élection devraient faire partie de notre agenda pastoral. Cela nous mettrait dans une position proactive et non seulement réactive. Cela se pratique dans certains pays. Des communautés de croyants, souvent sous la même bannière, ont pris l’habitude de participer à la préparation des élections pour qu’elles soient justes et libres. Qu’en est-il des endroits où nous sommes présents et travaillons ? De quelle façon sommes-nous impliqués dans cet exercice ou planifions-nous de le faire ? Partager l’information entre nous sur ce sujet serait une source d’encouragement mutuel et un défi.

Notre premier défi consite de montrer un intérêt sur ce qui se passe durant les “périodes électorales” et, croyez moi, beaucoup de choses se passent ! Nous avons aussi la responsabilité d’aider les gens à savoir et comprendre ce qui se passe. Mais, comment allons-nous les éclairer quand nous-mêmes sommes dans les ténèbres sur ce qui se passe ! Il est possible que nous ne nous sentions pas capables d’apprécier objectivement la situation sociale et politique. Cela n’est pas un péché ! Heureusement, il y a dans nos communautés des hommes et des femmes compétents qui sont prêts à nous aider dans ce domaine. Demandons leur appui. C’est un moment opportun pour recourir aux Centres de Justice et Paix dont nous sommes fondateurs et co-fondateurs.

La question concernant l’amendement de la Constitution nationale est d’une importance suprême. Les chefs religieux avec leurs communautés ont le devoir et l’obligation d’y participer activement. Dans quelques pays comme le Burkina Faso, le Burundi et le Congo (RDC), le mérite revient aux chefs religieux qui ont osé manifester sur ce point dans le processus électoral de leur pays. C’est une leçon et un défi pour les autres pays où les chefs religieux n’ont pas inclus cet engagement dans leur agenda.

La période électorale, qui a déjà commencé dans quelques pays, arrive à un moment où la Communauté internationale en général, et aussi certains pays en particulier font l’évaluation de leurs réalisations vis-à-vis du Millennium Development Goals (MDGs). Les Objectifs du Millénaire pour le Développement qui ont été signés par les chefs de 189 pays en l’an 2000, devaient être atteints en 2015. Ces MDGs font partie des “engagements” et des promesses de plusieurs responsables et partis politiques. La réalisation ou la non réalisation est donc un critère objectif pour reconnaître les personnes honnêtes à qui nous pourrions confier le leadership local et national. Cela est aussi le cas pour les communautés de croyants qui se sont engagées vis à vis MDGs et qui auront à faire l’évaluation de leur contribution pour la réalisation de ces objectifs.

“Attention à la marche ! Je lisais récemment un magazine et cet titre d’un article, a attiré mon attention. En lisant l’article, je me suis rendu compte que le mot marche ne fait pas référence à ce qu’on mentionne dans les aéroports ou gares, mais plutôt à l’espace entre les pauvres et les riches ! Malheureusement, cet espace s’élargit toujours, non seulement dans les pays Africains, mais aussi ailleurs, et cela est contraire au rêve des MDGs ! “Attention à la marche!”, “Mind the gap”.

Richard Nnyombi M.Afr

Tiré du Petit Echo N° 1059 2015/03