15 juillet : Crise au Burkina Faso: face aux sages, chacun a maintenu ses positions

media Le président burkinabè Michel Kafando (g.) et le lieutenant-colonel Isaac Zida, lors de la cérémonie de passation de pouvoir, en novembre 2014 à Ouagadougou. AFP PHOTO/SIA KAMBOU

Le cadre de concertation des sages mis en place par le président burkinabè Michel Kafando a terminé ses travaux mardi (14 juillet) à Ouagadougou. A tour de rôle, la société civile, les partis politiques, la hiérarchie militaire et les ministres du gouvernement ont été auditionnés par les sages. Ces derniers doivent maintenant rendre leurs propositions de solution de sortie de crise au président Kafando, dans les heures à venir, pour une décision finale.

Le cadre de concertation des sages avait été mis en place la semaine dernière, avec pour mission de permettre un « rapprochement des positions des acteurs politiques, militaires et civils ». L’objectif étant de mettre un terme à la crise provoquée au Burkina Faso par le bras de fer qui se joue depuis le 28 juin dernier entre les partisans et les opposants à la participation de militaires aux institutions de la transition, et en premier lieu celle du Premier ministre de transition, Yacouba Isaac Zida.

Après près d’une semaine de travail, les sages s’apprêtent à remettre leurs conclusions au président Michel Kafando. Au fil des auditions des différents groupes, dont des diplomates en poste à Ouagadougou parmi lesquels des Français et des Américains, les sages du cadre de concertation ont posé trois questions :

• Existe-t-il des obstacles au bon déroulement de la transition ?
• Comment peut-on lever ces obstacles au cas où il y en aurait ?
• Que propose chaque groupe pour une bonne conduite de la transition ?

La société civile veut l'éviction du RSP

La société civile estime que « c'est l'intrusion du Régiment de sécurité présidentielle » (RSP) dans le débat politique qui est en cause dans la mauvaise marche de la transition. Devant les sages, la société civile a donc demandé de « revoir les missions du RSP et de relocaliser ce corps hors de la présidence ». La société civile « demande une décision courageuse et définitive » concernant le RSP, a indiqué Jonas Hien, président du Conseil national des organisations.

Les partis politiques veulent la démission d'Isaac Zida

Les partis politiques se sont alignés sur la position de la hiérarchie militaire qui, comme le RSP, demande depuis le début de cette crise le retrait de leurs camarades d'armes des institutions de la transition, et donc la démission du Premier ministre Yacouba Isaac Zida. « L'armée est une composante de la transition, donc nous ne trouvons aucun inconvénient à ce qu'elle retire ses représentants des organes de la transition », relate à RFI l’un des membres de la délégation. « Mais il faut que l'armée s'engage à ne plus perturber le processus », ajoute ce chef de parti. Devant les sages, les partis politiques se sont également plaints du comportement des organisations de la société civile, accusées de jouer un rôle étatique qui n'est pas le leur. « Que chacun s'en tienne à son rôle et mission », a rapporté ce leader politique.

L'armée veut la sortie des militaires des organes de transition

Quant à la hiérarchie militaire, « elle a maintenu fermement ses positions », selon un haut gradé. C’est-à-dire : le départ des militaires des organes de la transition, le retrait de l'article donnant droit à une élévation de grade à un lieutenant-colonel afin de devenir général, et le réaménagement de l'âge de départ des militaires à la retraite, qui a été revu à la hausse dans le nouveau Code militaire adopté en juin dernier.

Michel Kafando, le président du Faso devrait prononcer un discours à la Nation cette semaine, lors duquel il annoncera ses décisions devant clore cette crise qui a éclaté le 28 juin dernier.

17 juillet : Burkina Faso: Isaac Zida reste Premier ministre mais perd la Défense

media Lors de son discours à la Nation, le président burkinabè Michel Kafondo (D) a maintenu le Premier ministre Isaac Zida (G) à son poste, mais en lui ôtant une prérogative majeure : la Défense. REUTERS/Joe Penney

Le Premier ministre résiste à la crise qui l’a opposé au régiment de sécurité présidentielle. Dans un discours à la Nation, le président de la transition a maintenu le premier à son poste mais Yacouba Isaac Zida perd un portefeuille très important, celui de la Défense. Après avoir reçu le rapport des travaux du Cadre de concertation des sages, le président de la transition a pointé du doigt l’armée nationale, devenue le perturbateur de la paix sociale, selon Michel Kafando.

Pour mettre fin à cette crise de confiance entre le Premier ministre Yacouba Isaac Zida et le régiment de sécurité présidentielle (RSP), le président de la transition a décidé de maintenir le Premier ministre Yacouba Isaac Zida à son poste.

Michel Kafando a expliqué ce choix par sa volonté d’éviter tout bouleversement du calendrier électoral. Le portefeuille de la Défense jusque-là détenu par le chef du gouvernement est désormais confié au président de la transition. Une mutation qui devrait régler les questions de « disfonctionnement et de frustration » au sein de l’armée, selon Michel Kafando.

Le ministère de l’Administration du territoire, de la décentralisation et de la sécurité est scindé en deux départements ministériels : celui de l’Administration territorial et la décentralisation et celui de la Sécurité. Michel Kafando espère que ces décisions contribueront à régler de façon définitive cette « situation déplorable » qui met en jeu la crédibilité du Burkina Faso.

En l’espace de sept mois de transition, c’est la troisième crise que vit le pays à cause « des divergences au sein de l’armée » a déploré le président du Burkina Faso. « Trois fois, nous avons été au bord de l’explosion avec toutes les conséquences que cela aurait comporté » a-t-il martelé.

Le président Michel Kafando a saisi l’occasion pour affirmer que le Burkina Faso va « se conformer » au verdict de la cour de justice de la Cédéao sur le nouveau code électoral dans un souci "d’apaisement social "

 

Burkina Faso: Blaise Compaoré mis en accusation pour «haute trahison»

mediaLe Parlement de transition a voté la mise en accusation de l'ancien président Blaise Compaoré pour «haute trahison», jeudi 16 juillet.REUTERS/Thomas Mukoya

Les députés du Parlement intérimaire du Burkina Faso ont voté jeudi 16 juillet à Ouagadougou la mise en accusation de l'ex-président Blaise Compaoré devant la Haute Cour de justice pour «haute trahison» et «attentat à la Constitution». Blaise Compaoré avait été renversé le 31 octobre dernier après une insurrection populaire consécutive à sa volonté de modifier la Constitution afin de pouvoir briguer un nouveau mandat.

Le CNT, le Parlement de transition, n'a pas fait dans la demi-mesure. L'ancien président Blaise Compaoré est accusé de haute trahison et d'attentat à la Constitution.

Tous les membres de son dernier gouvernement, ceux qui étaient présents lors du Conseil des ministres du 21 octobre 2014, ont été accusés d'assassinat et de coups et blessures volontaires. C'est lors de ce Conseil des ministres que le projet de révision constitutionnelle, qui a mis le feu aux poudres, avait été adopté.

60 des 63 membres du CNT présents lors de la session du jeudi 16 juillet ont voté ces mises en accusation. Les députés représentant l'ancienne majorité n'avaient pas pris part au vote.

Pour le président du CNT, Cheriff Sy, ces mises en accusation reposent sur la base d'enquêtes qui proviennent du parquet. Le dossier va donc être transmis via la Cour de cassation à la Haute Cour de justice, seule compétente pour juger les crimes et délits commis par un président et ses ministres dans l'exercice de leurs fonctions.

On ne sait pas encore si cette instance va confirmer les poursuites et si elle va ou non réclamer l'extradition du président Blaise Compaoré. Ce dernier vit en exil en Côte d'Ivoire. Il s'est envolé ce jeudi matin pour le Maroc afin d'y soigner une blessure au fémur consécutive à une chute.

Pour le juriste Abdoulaye Soma, spécialiste du droit constitutionnel, la Haute Cour de justice devrait pouvoir se saisir du dossier. « Elle a été opérationnalisée, elle est donc fonctionnelle », analyse-t-il. Il faut désormais attendre la transmission des dossiers « pour qu'elle puisse entrer en action ». Selon lui, les peine encourues par le président Compaoré, si il était reconnu coupable, sont « des peines d'emprisonnement pouvant aller de dix ans à la perpétuité ». Mais il n'exclut pas non plus la peine de mort, toujours en vigueur au Burkina Faso : « cela reste tout à fait possible », comment-t-il.

Nous saluons cette décision et nous pensons qu’il faut que la Haute Cour de justice s’en saisisse le plus rapidement possible.
Benewende Sankarachef de file du parti d'opposition Unir-PS