Selon le président du Consistoire central, Élie Korchia, le grand rabbin de France, Haïm Korsia, ou encore le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Francis Kalifat, cette résolution vise à désigner l’esplanade des Mosquées, à Jérusalem, uniquement par sa dénomination arabe (Haram Al-Charif), sans évoquer son appellation juive « mont du Temple ».
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Dans un communiqué commun, publié lundi 6 décembre, le président du Consistoire central et le grand rabbin expriment leur « regret et amertume » face à la décision de l’ONU qui, selon eux, « continue de nier tout lien entre les juifs et le mont du Temple ». L’institution juive se dit « d’autant plus choquée par cette décision, que la position française s’était réorientée ces dernières années, de manière à garantir une situation plus équilibrée sur le dossier israélo-palestinien ». Francis Kalifat a, lui, fait part sur Twitter de sa déception et de son incompréhension face au vote français et réclame des « explications ».
Vote incompréhensible et inacceptable de la France à l'ONU contre Israël et le peuple juif. Ainsi Jérusalem n'aurait aucune antériorité juive et le Mont du Temple ne serait que l'Esplanade des Mosquées
— Francis Kalifat (@FrancisKalifat) December 3, 2021
Des explications sont indispensables.@EmmanuelMacron@JeanCASTEX@JY_LeDrian
Une terminologie « habituelle » pour désigner l’esplanade
Une position qui surprend l’historien spécialiste de la ville de Jérusalem Vincent Lemire, qui explique que le terme « esplanade des Mosquées » est l’expression « habituelle » pour décrire ce lieu dans les résolutions de l’ONU. « Il n’y a jamais eu de résolution comportant la mention “mont du Temple” », ajoute-t-il.
L’assemblée générale de l’institution internationale a en effet adopté une résolution concernant la ville de Jérusalem, dans le cadre de son débat annuel sur la question de la Palestine. Parmi les préconisations, figure la formule de « maintenir inchangé le statu quo historique sur l’esplanade des Mosquées ». Une tournure régulièrement utilisée dans les résolutions de l’ONU et « consensuelle » selon le maître de conférences à l’université Paris-Est, « contestée seulement depuis quelques années par le gouvernement israélien », qui lui préférerait celle de « mont du Temple ».
En outre, le vote de la France en faveur de cette résolution n’est pas un fait nouveau, puisque le pays a toujours voté en sa faveur. « La polémique autour de la terminologie de ce lieu dans les textes internationaux est une polémique créée par le gouvernement de Netanyahou », explique Vincent Lemire. « Si le Consistoire reprend cette position, cela montre que la campagne israélienne a une certaine efficacité », constate-t-il.
Cette résolution s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe autour du conflit israélo-palestinien. Elle a été présentée par plusieurs pays arabes, dont l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Égypte, le Qatar, mais aussi l’Autorité palestinienne. Parmi les 11 pays qui se sont opposés au texte, figure notamment le Royaume-Uni.
Mont du Temple ou esplanade des Mosquées, un lieu saint au cœur des tensions
Selon le site des Nations unies qui retranscrit les débats lors de l’adoption d’une résolution, « Israël a dénoncé des résolutions qui ignorent les racines juives de Jérusalem, désignée, dans les résolutions, que sous son seul nom arabe ». Tandis que le Royaume-Uni, « soutenu par la Norvège, le Brésil », a « insisté sur le vocable “Haram Al-Charif/mont du Temple”, contrairement au libellé de la résolution », raison pour laquelle il a voté contre la résolution.
Située au cœur de la Vieille Ville de Jérusalem, cette esplanade accueille le dôme du Rocher, un des lieux saints de l’islam. Pour les juifs, ce lieu, appelé le mont du Temple, correspond à l’esplanade sur laquelle se trouvait le temple de Salomon, construit au Xe siècle avant J.-C. Depuis la prise de la Vieille Ville par les Israéliens pendant la guerre des Six Jours en juin 1967, l’esplanade est administrée par la Jordanie. Un statu quo autorise uniquement les musulmans à venir y prier. Comme les visiteurs de n’importe quelle confession, les juifs peuvent accéder au site mais non y prier.
Cette interdiction a été renforcée par une décision du grand rabbinat d’Israël rappelant que, sur cette esplanade, se trouvait le saint des saints du Temple, siège de la présence terrestre de Dieu, où seul le grand prêtre pouvait pénétrer. Mais depuis quelques années, des juifs extrémistes revendiquent de pouvoir le faire.