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[Édito] Sénégal : pourquoi Macky Sall n’est plus un « président normal »

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Par  Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

(@marwaneBY)

Macky Sall au Palais de la République, à Dakar, le 11 mai 2020.

Macky Sall au Palais de la République, à Dakar, le 11 mai 2020. © DR / Lionel Mandeix/Présidence Sénégal

 

Le remaniement gouvernemental du 1er novembre est marqué par plusieurs surprises de taille, avec le départ de caciques et une large ouverture à l’opposition. Passé maître dans l’art des coups de théâtre, le chef de l’État entend rester le maître du jeu et celui des horloges d’ici à 2024. Quitte à secouer régulièrement le baobab.

Si Macky Sall était un joueur de football, il serait assurément de la race des grands dribbleurs, tels Pelé, Chris Waddle ou Garrincha. Un as de la feinte, du passement de jambes et de la fausse piste, qui n’aime rien tant que surprendre ses adversaires comme les spectateurs. Face à la crise sanitaire et économique qui touche le Sénégal, le chef de l’État a choisi, ce 1er novembre, de se séparer de nombreux caciques de son équipe gouvernementale et d’accueillir sept nouvelles figures.

Grand ménage d’un côté, ouverture de l’autre… Annoncé depuis l’ouverture du dialogue politique en mai 2019, ce premier remaniement depuis sa réélection est surtout marqué par l’arrivée de plusieurs poids lourds de l’opposition. Et non des moindres.

Idrissa Seck sur orbite

Ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, tout comme lui, Idrissa Seck remplace Aminata Touré à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Principal challenger de Macky Sall lors de la présidentielle de 2019 – et arrivé deuxième avec 20 % des suffrages, à la surprise générale -, il avait depuis disparu des écrans radars. Le président du parti Rewmi fait ainsi son grand retour en devenant la troisième personnalité de l’État. Avec Yankhoba Diattara à l’Économie numérique et Aly Saleh Diop à l’Élevage, il place même deux membres de son parti dans ce nouveau gouvernement.

L’autre surprise s’appelle… Oumar Sarr. Autre ancien du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Wade – décidément un sacré vivier –, il hérite des Mines et de la Géologie. L’avocate Aïssata Tall Sall, ex-cadre du Parti socialiste qui fut opposée au rapprochement avec la coalition de Macky Sall avant de finalement soutenir ce dernier lors de la dernière présidentielle, récupère le très exposé ministère des Affaires étrangères. L’opposant radical Ousmane Sonko (15,6 % des voix en 2019) doit désormais se sentir bien seul.

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PARMI LES SORTANTS, DES TÉNORS DU CAMP MACKY, QUI FAISAIENT FIGURES DE PRÉSIDENTIABLES POUR 2024

Parmi les sortants, là aussi, la surprise est de taille. Exit Aminata Touré, Amadou Ba, Mahammed Abdallah Dionne, Makhtar Cissé ou Aly Ngouille Ndiaye. Que des ténors du camp Macky, qui faisaient par ailleurs figures de présidentiables pour 2024.

La nouvelle alliance Macky Sall-Idrissa Seck rebat complètement les cartes à quatre ans du scrutin et place le natif de Thiès, qui fut un temps présenté comme le dauphin de Wade avant d’être embastillé par ce dernier, sur orbite pour la conquête du palais de la République.

L’art du coup de théâtre

Enième rebondissement donc, mais sans doute pas le dernier. Car Macky est passé maître dans l’art du coup de théâtre. La liste des « surprises du chef » est longue. Le 27 septembre 2019, ses « retrouvailles », ô combien symboliques, avec Abdoulaye Wade, son prédécesseur et ex-mentor devenu meilleur ennemi, lors de l’inauguration de la grande mosquée Massalikoul Djinane, en présence de Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, le khalife général des mourides, avait de quoi étonner quand on connaît la rancœur de « Gorgui » (« le Vieux », en wolof) depuis sa défaite de 2012 et, surtout, depuis l’incarcération de son fils Karim en 2013 (il fut finalement gracié en 2016).

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IL Y A LONGTEMPS QUE MACKY SALL SONGEAIT À CETTE PACIFICATION GÉNÉRALE DE LA SCÈNE POLITIQUE

Devant ces images, certains avaient avalé leur chapelet ! Le 29 septembre 2019, dans la foulée, on était tombé des nues en apprenant la grâce – à ne pas confondre avec une amnistie – accordée à Khalifa Sall, puis sa libération immédiate. Condamné à cinq ans de détention pour détournements de fonds publics, l’ancien maire de Dakar venait de passer deux ans et demi à Rebeuss, la célèbre prison centrale de la capitale.

En réalité, il y a longtemps – bien avant sa réélection pour un dernier mandat – que Macky Sall songeait à cette pacification générale de la scène politique sénégalaise sur fond de dialogue national. Ils étaient pourtant bien peu nombreux à être dans la confidence.

En avril 2019, la cérémonie de son investiture à peine achevée, il avait une nouvelle fois pris tout le monde à contre-pied en nommant un gouvernement réduit à trente-deux ministres, remerciant du même coup une vingtaine de membres de son ancienne équipe, sanctionnés en raison de leur inefficacité ou de leurs frasques.

Seize petits nouveaux, venus pour la plupart de grandes entreprises publiques ou de diverses institutions, avaient été lancés dans le grand bain. Le président avait aussi « zappé » les ralliés de la dernière heure et contraint les caciques de son entourage à changer de maroquin, histoire, sans doute, de leur éviter de s’encroûter.

Méfiez-vous de l’eau qui dort…

L’opération chamboule-tout ne s’était pas arrêtée là. Peu de temps après, la suppression du poste de Premier ministre avait fait l’effet d’une bombe. Ceux qui rêvaient d’un second mandat « pépère », avec un gouvernement pléthorique pour remercier les uns et les autres de leur soutien et aucune prise de risque politique, en avaient été pour leurs frais.

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IL ENTEND NE RENDRE DE COMPTES QU’À SES CONCITOYENS ET NE PAS LAISSER PHAGOCYTER SON DERNIER MANDAT

Macky Sall était présenté à ses débuts, à l’instar de François Hollande en France, comme un « président normal », par opposition au Zébulon Wade. Un président tout en rondeurs, limite débonnaire. Méfiez-vous de l’eau qui dort… Voilà qu’il s’est mué en « hyper-président », maître du jeu et des horloges, qui entend gérer le Sénégal à sa guise, ne rendre de comptes qu’à ses concitoyens et ne pas laisser phagocyter son dernier mandat. Sans jamais hésiter à secouer le baobab.

Une chose est sûre : 2024, qui verra pour la première fois dans l’histoire du pays un chef d’État organiser une présidentielle sans y être candidat, c’est encore loin. Surtout avec Macky Sall à la baguette.

[Édito] Alpha Condé – Cellou Dalein Diallo : un bras de fer et deux Guinée

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Par  François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

La présidentielle 2020 en Guinée a pris des allures de duel entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.

La présidentielle 2020 en Guinée a pris des allures de duel entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo. © Photomontage/ Photos : Vincent Fournier/JA


Après l’annonce par la Ceni de la victoire d’Alpha Condé à la présidentielle, Cellou Dalein Diallo engage un bras de fer en exigeant le recomptage des résultats. Verdict de la Cour constitutionnelle dans quelques jours.

Alpha Condé : bien ou mal réélu ?

La Cour constitutionnelle, dont le verdict est annoncé pour les jours à venir une fois examinés les recours déposés par les candidats, tranchera.

Mais une chose est sûre : la problématique posée, classique au demeurant sur le continent, ne surprendra personne, les deux principaux camps en présence, celui d’Alpha Condé et celui de Cellou Dalein Diallo ayant annoncé à l’avance l’inéluctabilité de leur victoire – avec, pour ce dernier, une particularité : sa défaite ne pourrait être que le produit d’une manipulation des résultats.

C’est cette logique qui l’a conduit à proclamer dès le 19 octobre, lendemain du scrutin, sa propre victoire sur la base du décompte relevé « en temps réel » par ses militants et envoyé par SMS à une centrale d’appels chargée de les traiter.

Pour crédibiliser cette autoproclamation (Cellou Dalein Diallo élu au premier tour avec 53,8 % des voix), la direction de la communication de son parti, l’UFDG, avance des données techniques pour le moins étonnantes tels la mobilisation de « centaines de jeunes hommes et femmes » dans son Call Center de Conakry, ou le déploiement le 18 octobre dans les 15 000 bureaux de vote du pays de « 32 000 universitaires », alors que la Guinée ne compte que quelques centaines d’enseignants correspondant à cette appellation.

Reste qu’en exigeant de la Commission électorale nationale indépendante, laquelle a rendu le 24 octobre des résultats inverses aux siens (Alpha Condé réélu avec 59,49 % des suffrages), qu’elle publie ses propres décomptes bureau par bureau, l’UFDG fait preuve d’une certaine habilité : cette revendication qui paraît à priori démocratique va dans le sens de la transparence, et elle vise à ramener une institution constitutionnelle et paritaire au-dessus des partis, au niveau d’un simple démembrement du pouvoir.

Pourtant et même si nul ne peut prétendre que l’élection du 18 octobre – réalisée sur la base d’un fichier validé par la Cedeao – répond aux standards « norvégiens » en la matière (la Norvège étant considérée comme le pays le plus démocratique au monde), avec des taux de participation étonnants dans certaines circonscriptions, les résultats proclamés par la Ceni correspondent globalement à la carte géopolitique actuelle de la Guinée.

Comme en Côte d’Ivoire pour la présidentielle du 31 octobre et plus encore ici en l’absence d’une société civile transversale significative, le comportement devant les urnes a toujours été et demeure très largement communautaire. Personne ne s’étonnera donc de voir Cellou Dalein Diallo réaliser des scores soviétiques dans son fief de Moyenne-Guinée, et Alpha Condé atteindre des pourcentages identiques chez lui, en Haute-Guinée.

La même logique explique que le candidat de l’UFDG soit arrivé en tête dans les communes de Ratoma et de Dixinn, à Conakry, ainsi que dans les localités de Sangarédi, Dinguiraye et Télimélé situées hors de sa région naturelle. A contrario et toujours en fonction de la même contrainte, le fait que Sidya Touré en Basse-Guinée et Dadis Camara en Guinée-Forestière – où l’électorat urbain malinké et konianké est par ailleurs important – se soient abstenus de donner des consignes de vote a incontestablement profité à Alpha Condé.

Enfin, les tergiversations du leader de l’opposition quant à sa propre candidature, finalement décidée de façon unilatérale à un mois et demi de l’échéance, ont vraisemblablement dérouté et démobilisé une fraction du front anti-troisième mandat.

Les deux Guinée irréconciliables ?

Il n’existe pas une seule élection en Guinée depuis la mort de Sékou Touré qui n’ait été précédée ou suivie, parfois les deux, de violences. Celle-ci n’a, hélas, pas dérogé à la règle (20 à 30 morts). Les partisans, souvent très jeunes, de Cellou Dalein Diallo ont payé le prix le plus lourd, mais aussi, à un degré moindre, les forces de l’ordre, qui ont perdu huit hommes dans les affrontements de rue.

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D’AUTRES BRAS DE FER SONT À REDOUTER AVANT QUE SOIENT TROUVÉES LES VOIES D’UN APAISEMENT

Les réseaux sociaux, actifs en Guinée mais surtout parmi la diaspora, ont rivalisé de fake news et d’appels à la haine. Une demi-douzaine d’ambassades de Guinée à l’étranger ont été attaquées, parfois vandalisées. Dans le contexte d’une séquence électorale bipolarisée à l’extrême (aucun des deux camps n’accordant à chacun des dix autres candidats un score atteignant 2 %), le déficit de confiance est abyssal, tout comme est apparemment insurmontable la défiance de l’opposition à l’égard des institutions chargées d’organiser et de valider les élections.

Les voies d’un apaisement sont donc étroites, semées d’embûches, et d’autres bras de fer sont à redouter avant qu’elles soient trouvées. Le minimum, si l’on peut dire, serait qu’Alpha Condé se garde de tout triomphalisme – ce qu’il a fait jusqu’ici – et s’abstienne de croire que le score que lui a concédé la Ceni équivaut à un plébiscite. De son côté, Cellou Dalein Diallo devrait savoir que, de Martin Fayulu à Maurice Kamto et de Jean Ping à Agbeyome Kodjo, aucun président autoproclamé n’a pu accéder au pouvoir.

L’actuel titulaire du Palais de Sekhoutoureya, dont ce sera en toute logique (et si la Cour constitutionnelle valide les résultats de la Ceni) le dernier mandat de six ans, ne pourra gouverner et mener à bien ses chantiers dans un climat de tension permanent : il lui faudra donc faire les gestes d’ouverture indispensables et préparer sa succession.

Quant au leader de l’UFDG, il devra, si l’épreuve de force en cours ne tourne pas en sa faveur (son appel à l’armée du 1er novembre, qualifié « d’ultime rempart » contre « la violation des lois de la République », résonnant à cet égard comme le tir d’une dernière cartouche), procéder à un réexamen douloureux de sa stratégie.

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LES PAIRS D’ALPHA CONDÉ ATTENDENT PRUDEMMENT LE VERDICT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE POUR SE MANIFESTER OFFICIELLEMENT

Réinscrire dans le jeu institutionnel un parti privé pour cinq ans de la totalité de ses sièges de députés ainsi que de son propre statut de chef de file de l’opposition, à la suite du boycott des législatives de mars 2020, pose toute une diversité de problèmes dont le moindre n’est pas financier. Enfin et même si quatorze ans le séparent d’Alpha Condé, Cellou Dalein Dallio doit lui aussi songer à l’avenir, sauf à laisser les quadras et les quinquas de l’UFDG en décider à sa place.

Vu d’ailleurs : une élection comme les autres ?

Si Alpha Condé a reçu quelques appels téléphoniques de félicitations de la part de chefs d’État d’Afrique centrale et d’Afrique australe, la plupart de ses pairs, tout comme la Cedeao et l’Union africaine, attendent prudemment le verdict de la Cour constitutionnelle pour se manifester officiellement. Et cela même si la possibilité que cette juridiction suprême ordonne la reprise du scrutin, à l’instar de ce qu’ont pu faire ses homologues malawite ou kényane, est considérée comme improbable.

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LES VIFS DÉBATS AUTOUR DU TROISIÈME MANDAT D’ALPHA CONDÉ ONT LAISSÉ DES TRACES DANS LA RÉGION

C’est que les vifs débats autour du troisième mandat d’Alpha Condé, ouverts depuis plus d’un an, ont laissé des traces dans la région et dans les relations entre le président guinéen et certains de ses homologues d’Afrique de l’Ouest. La rupture avec le Nigérien Mohamadou Issoufou, qui a ouvertement pris position contre la volonté du Guinéen de se succéder à lui-même, est ainsi consommée et elle risque de s’étendre – tout au moins pour un moment – au successeur que ce dernier s’est choisi, Mohamed Bazoum (dans l’hypothèse évidemment où il rempoterait la prochaine présidentielle).

Avec le Sénégalais Macky Sall, l’ambiguïté qui a toujours prédominé dans les relations entre Dakar et Conakry s’est encore renforcée ces derniers mois. Même si l’hôte du Palais de la République, qui se défend de toute ingérence dans les affaires de son voisin, ne saurait être tenu pour responsable de l’agressivité des médias sénégalais à l’encontre de celui de Sekhoutoureya, encore moins de l’hostilité démonstrative d’une diaspora guinéenne très majoritairement acquise à Cellou Dalein Diallo, le soupçon d’un double jeu de sa part est largement partagé dans l’entourage d’Alpha Condé.

Le dîner du 15 octobre à la State House d’Abuja auquel ont participé, autour de Muhammadu Buhari, Macky Sall et le Bissau-Guinéen Oumaro Cissoko Embaló (soutien déclaré du chef de l’UFDG) a ainsi été perçu avec une très grande suspicion à Conakry, où le terme de « complot » a même été suggéré, évidemment sans preuve. Alpha Condé, qui a en outre perdu en Ibrahim Boubacar Keïta un allié de poids, peut cependant se satisfaire de la fluidité retrouvée de ses relations avec Alassane Ouattara, embarqué comme lui dans l’aventure du troisième mandat.

Quant aux observations formulées à l’encontre du processus électoral par l’Union européenne, la France et les États-Unis, certes gênantes pour Alpha Condé dans la mesure où elles recoupent certaines des critiques de son adversaire, il convient de les relativiser sur un point. Condé est un souverainiste dans la tradition historique guinéenne, une corde plus sensible ici qu’ailleurs en Afrique francophone.

Dans un monde où la communauté internationale ne se limite plus à sa composante occidentale, ce panafricaniste convaincu n’hésite pas à s’appuyer sur des partenaires beaucoup moins intrusifs comme la Chine, la Russie, la Turquie ou les Émirats.

En Guinée, la crise postélectorale s’annonce à la fois durable, complexe et potentiellement périlleuse. Il appartiendra en premier lieu au vainqueur proclamé par la Cour constitutionnelle de la dénouer.

Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara réélu pour un 3e mandat avec 94,27 % des suffrages

| Par - à Abidjan
Mis à jour le 03 novembre 2020 à 12h03
Alassane Ouattara, après avoir voté le 31 octobre 2020, à Abidjan.

Alassane Ouattara, après avoir voté le 31 octobre 2020, à Abidjan. ©  Alassan Ouatara, président de la Côte d'Ivoire et candidat à un troisième mandat, vote a l'ecole sainte marie a Cocody, Abidjan, le 31 octobre 2020. Les Ivoiriens se rendent aux urnes pour le premier tour de l'élection présidentielle. Quelque 7,5 millions de votants sur 25 millions d'habitants doivent départager les quatre candidats en lice, Kouadio Konan Bertin, Alassane Ouattara, Pascal Affi N'Guessan et Henri Konan Bédié. © Virginie NGUYEN HOANG

Au terme d’une campagne électorale boycottée par l’opposition et au bout d’une nuit électrique, le président sortant Alassane Ouattara a été réélu à un troisième mandat avec 94,27% , selon les résultats officiels provisoires annoncés par la Commission électorale indépendante.

Après une très longue attente, c’est à 5 heures du matin, ce mardi 3 novembre, que la Commission électorale indépendante (CEI) a finalement annoncé les résultats officiels provisoires de l’élection présidentielle ivoirienne, après les avoir égrainés depuis dimanche, département par département, par vagues entrecoupées de longues pauses.

94,27 % des suffrages

Alors que le scrutin de samedi 31 octobre a été marqué par le « boycott actif » de l’opposition, c’est sans surprise que le président sortant, Alassane Ouattara, est réélu pour un troisième mandat. Selon la CEI, il obtient 94,27 % des suffrages.

Le taux de participation, particulièrement attendu et qui devrait être abondamment commenté, s’élève à 53,9 %.

L’unique candidat à avoir fait campagne face à Alassane Ouattara, Kouadio Konan Bertin, un dissident du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) qui se présentait en indépendant, remporte 1,99 % des voix.

Pascal Affi N’Guessan, du Front population ivoirien (FPI), et Henri Konan Bédié, du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qui avaient appelé leurs partisans à « s’abstenir de participer tant en ce qui concerne la distribution des cartes électorales qu’en ce qui concerne la campagne électorale » et à « empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin » pour dénoncer la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat qu’ils jugent anticonstitutionnel, obtiennent respectivement 0,99 % et 1,66 %.

« Conseil national de transition »

En début de soirée lundi, ils ont annoncé la création d’un « Conseil national de transition » pour « préparer le cadre de l’organisation de l’élection présidentielle juste, transparente et inclusive », « mettre en place (…) un gouvernement de transition », et « convoquer les assises nationales pour la réconciliation nationale en vue du retour à une paix définitive en Côte d’Ivoire ».

Au lendemain du vote dimanche, ils avaient dénoncé « un simulacre d’élection ».

Et alors que la Côte d’Ivoire était toujours suspendue aux résultats de l’élection, vers 22 heures, des jets de gaz lacrymogène et des tirs de grenades assourdissantes étaient simultanément constatés devant le domicile de plusieurs leaders de l’opposition, notamment celui d’Henri Konan Bédié où, peu avant minuit, une cinquantaine de jeunes montaient la garde.

« Des tirs à l’arme lourde »

« Nous avons entendu des déflagrations qui ont fait trembler le mur de la maison, huit au total. Des personnes qui se trouvaient dehors racontent avoir vu des cargos de CRS », décrit un proche de l’ancien président, qui juge que « la coïncidence avec l’annonce du Conseil de transition est troublante. »

Sur les réseaux sociaux, Henri Konan Bédié évoque « des tirs à l’arme lourde». Des scènes identiques ont été observées devant les domiciles d’Albert Toikeusse Mabri, le président de l’Union pour la démocratie et la Paix (UPDCI), membre de la coalition de l’opposition dont le dossier la candidature avait été rejetée par le Conseil Constitutionnel, et d’Assoa Adou, secrétaire général du FPI proche de Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan. Tous ont dénoncé des « attaques ».

La tension est donc montée d’un cran alors que la journée de l’élection, samedi, a été entachée d’incidents, en particulier dans le centre et le sud du pays. Quatre personnes sont mortes dans des affrontements à Tiébissou, une à Botro et une autre à Yamoussoukro.

Le lendemain, quatre membres d’une même famille ont péri dans l’incendie de leur domicile en marge de manifestations à Toumodi, à près de 200 kilomètres de la capitale économique ivoirienne.

La mission conjointe d’observation de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) et de la Fondation Carter estiment que « le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection compétitive et crédible » et considère que ce scrutin laisse « un pays fracturé ».

L’ONG Ivoirienne indigo, qui avait déployé près de 1 000 observateurs dans 750 lieux de vote sur l’ensemble du territoire, a dressé le constat « d’une élection émaillée de violence n’ayant pas favorisé l’expression massive et sereine des populations ».

Le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) estime en revanche que, « hormis quelques incidents rapportés dans certaines localités, le scrutin s’est déroulé de façon honnête dans des conditions acceptables et dans la sérénité grâce à l’implication des forces de sécurité déployées pour la sécurité du scrutin », selon sa présidente, Namizata Sangaré.

La Côte d’Ivoire n’en a pas fini d’attendre alors que les crispations entre l’opposition et la majorité sont particulièrement vives. Dans quelques jours, les résultats de l’élection doivent en effet être soumis pour validation au Conseil constitutionnel.

Ouagadougou: Les Récréâtrales, un festival côté cour

                       La rue 9.32 au festival Les Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.

                                                      La rue 9.32 au festival Les Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.
 © Nicolas Benita / RFI
Texte par :Pascal Paradou
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Vidéo par :RFISuivre
8 mn

La onzième édition du festival Les Récréâtrales s’achève ce samedi 31 octobre dans la capitale du Burkina Faso. Un festival unique qui se déroule dans les cours des maisons et qui, malgré la pandémie de Covid-19, a connu un succès grandissant.

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Bravant l’épidémie des peurs, sanitaires ou sécuritaires, le public, les  professionnels et les artistes ont répondu présent. Tous réunis autour de ce mot de Felwine Sarr qui claque comme un cri et qui fut le thème de cette édition : « Nous dresser ». Nous dresser « contre nos découragements, nos incompréhensions, nos déceptions, contre la peur et la méfiance de l’autre » poursuit Aristide Tarnagda, le directeur des Récréâtrales. Nous dresser pour « hisser l’Humanité au pinacle de l’Espérance, embellir les cœurs et les visages, relever le rire tombé de nos mères, de nos pères, de nos sœurs et de nos frères ».

Rassemblé.e.s à Bougsemtenga

Le succès public de ce rendez-vous d’automne ne s’est jamais démenti d’édition en édition, depuis le début des années 2002, quand Etienne Minoungou donne corps à cette idée d’un théâtre populaire, au plus près du quotidien des habitants de Ouaga. Pendant une semaine, les jeunes, les familles occupent la rue 9.32 du quartier de Bougsemtenga, quartier historique et traditionnel de la capitale, avec ses maisons familiales, ses maquis où, la nuit tombée, la Brakina coule à flots, ses échoppes d’artisans et ses ateliers d’artistes. Là aussi où s’est installé le Cartel, structure qui regroupe l’ensemble des compagnies de théâtre de la ville, car, en vingt ans, ce festival des Récréâtrales a structuré le paysage et fidélisé un public.

Et d’année en année, cet festival est devenu la plaque tournante des artistes de l’Afrique de l’Ouest. Giovanni Houansou, jeune auteur béninois, considère qu’être joué ici est « un moment important dans la visibilité d’un auteur ». Ce n’est pas Avignon, mais c’est une étape importante dans le travail de reconnaissance d’un artiste. Si le Congolais Sinzo Aanza est au programme cette année du Théâtre national de l’Odéon à Paris ou au Théâtre Antoine Vitez d’Ivry, c’est qu’il a été découvert ici aux Récréâtrales. De même pour Traces de Felwine Sarr, monologue de révolte généreuse et tranquille, discours à la jeunesse africaine interprété par Etienne Minoungou. La première lecture a eu lieu à Ouaga avant sa création à Dakar. Avec la Saison Africa 2020 dont l’ouverture est sans cesse repoussée et contrariée par la situation sanitaire, ce temps de festival est devenu un lieu de rendez-vous pour les professionnels européens. 


« Le quartier » raconte au travers de montages de texte d’Aristide Tarnagda et de Sinzo Aanza des moments bruts et justes de la vie d’une communauté.

« Le quartier » raconte au travers de montages de texte d’Aristide Tarnagda et de Sinzo Aanza des moments bruts et justes de la vie d’une communauté.
 © Pascal Paradou

La cour est un théâtre

Chez les Zaïda, les Nombré ou dans la famille Gyengani, des files d’attentes se forment à partir de 18 h ou plus tard dans la soirée pour assister à un spectacle dans la cour, avec les maisons de terre, le sol de poussière rouge, l’arbre à calebasses ou le manguier pour unique décor. Quelques projecteurs et ce lieu de vie, dans lequel quelques gradins en bois sont rajoutés, se métamorphose en scène du monde. Succès populaire, presque tous les spectacles se sont joués à guichets fermés, notamment celui accueilli dans la cour du chef et joué par des jeunes du quartier. Moment d’émotion rare, car ces neuf jeunes réunis en atelier pendant un an autour d’Aristide Tarnagda, auteur, metteur en scène et directeur du festival, jouaient pour la première fois.

Et Le quartier raconte au travers de montages de texte d’Aristide Tarnagda et de Sinzo Aanza des moments bruts et justes de la vie d’une communauté, l’harmattan qui se lève, le départ des hommes, la rivalité entre frères et sœurs, familiale, la rébellion des femmes. Et les mots d’auteurs deviennent des mots de vie. L’Afrique se raconte à elle-même, car tel est le projet d’ensemble Récréâtrales-Elan qui se déploie toute l’année réunissant plus de 350 artistes du continent et de la diaspora pour les accompagner dans leur travail de création.

« Les enfants hiboux », pièce de Basile Yawanké, présentée aux Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.

« Les enfants hiboux », pièce de Basile Yawanké, présentée aux Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.
 © Pascal Paradou / RFI

Des cours et une rue

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La magie de ce Festival tient à la rue 9.32, un petit kilomètre devenu piéton le temps du festival, éclairé de mille et une sculptures lumineuses, lanternes ou monuments éphémères. Une guirlande de tee-shirts abat-jour, des monstres dressés et habillés de plastiques non recyclés, des fleurs gigantesques en tissus colorés. Là encore, ce décor féerique est imaginé par les habitants et par le collège scénographique initié par Patrick Janvier qui regroupe une trentaine de bricoleurs inspirés. Tout commence et finit dans la rue, bière et brochettes à toute heure, entre deux spectacles ou jusqu’à tard dans la nuit. Cette rue donne le pouls du festival, joyeux et bon enfant, repoussant au plus loin la peur de l’extérieur.

Les forces de police sont discrètes mais présentes, car le Burkina Faso reste un pays ou le terrorisme islamique frappe. Les bouteilles de gel hydroalcoolique ont fait leur apparition sur les tables des maquis mais peu de Ouagalais portent le « cache-nez », joli surnom du masque chirurgical. Parenthèse enchantée, la rue s’invente et ravive le rêve des origines quand le théâtre était affaire publique.


« A demain ma mort », pièce du Congolais Michael Disanka, présentée aux Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.

« A demain ma mort », pièce du Congolais Michael Disanka, présentée aux Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso.
 © Pascal Paradou / RFI

Des spectacles en prise avec le monde

Du Congo, du Benin, de Conakry ou du Nigeria, chaque spectacle garde son esthétique, mais chacun s’empare d’un pan de l’histoire contemporaine du contemporain. Dans le murmure d’un face-à-face intense, et avec le texte de Zainabu Jallo, Murs-Murs, Carole Karemera nous éveille à la violence faite aux femmes et à la transmission imposée de leur docilité. Avec Les enfants hiboux ou les petites ombres de la nuit, Basile Yawanké nous fait aimer les enfants des rues désignés par la société comme des sorciers. Courses au soleil de Giovanni Houansou nous confronte au rêve brisé d’un athlète qui court après sa liberté. Enfin, Sinzo Aanza nous souffle une Plaidoirie pour vendre le Congo, ou l’histoire d’un conseil de quartier qui doit trancher sur les indemnités demandées à l’Etat après une bavure policière qui a fait 63 morts, chiffre officiel. Une farce philosophique sur le prix d’une vie estimée par l’Etat à… 30 dollars. Et si on vendait le Congo, le pays et le sous-sol, propose un artiste : cela en ferait plus, pour tout le monde !

Spectacles, lectures, dont celle de La Cargaison de Souleymane Bah, lauréat du prix RFI Théâtre, musique, danse... ce festival des Récréâtrales est une fenêtre réjouissante sur l’Afrique, loin d’une actualité politique immédiate, mais au cœur d’une société civile qui se « dresse pour rester debout » selon la formule d’Odile Sankara, la présidente de ce festival. Une société qui prépare l’avenir et prévient : « Nous avons le courage du baobab ».

Burkina: la campagne pour la présidentielle débute dans un contexte sécuritaire tendu

                              Des Burkinabè dans le marché de Rood Woko à Ouagadougou en avril 2020 (image d'illustration).
                                 
                                                           Des Burkinabè dans le marché de Rood Woko à Ouagadougou en avril 2020 (image d'illustration).
 AFP Photo/OLYMPIA DE MAISMONT
Texte par :RFISuivre
2 mn

Samedi 31 octobre démarre la campagne en vue des élections présidentielle et législatives du 22 novembre prochain. 13 candidats dont le président sortant et une femme iront à la conquête des électeurs. Cette campagne se tient dans un contexte sécuritaire tendu. Le pays enregistre près d‘un million de personnes déplacées internes suite aux attaques attribuées à des jihadistes. Plusieurs parties de certaines régions sont dans l’insécurité, l’un des défis pour les candidats est d’aller à la rencontre de ces populations qui se sentent abandonnées.

Pour ce début de la campagne, plusieurs candidats ont décidé d’aller à la rencontre des populations vivant dans les zones en proie aux attaques des groupes armés. Par exemple, Kadré Désiré Ouédraogo, du mouvement Agir ensemble, commence par la ville de Kaya avant de progresser vers la région du Sahel.

Quant à Zéphirin Diabré, de l’Union pour le progrès et le changement, après Tenkodogo dans le Centre-Est, il évoluera vers la région de l’Est. C'est là que doit démarrer en principe la campagne pour l’équipe de l’ancien président Yacouba Isaac Zida.

« Ils n’ont pas d’autre choix que se rendre dans ces zones, s’ils entendent montrer aux électeurs que la lutte contre l’insécurité et le terrorisme fait partie de leur priorité », explique le politologue Abdoul Karim Saïdou, enseignant à l’université Thomas Sankara.

De son côté, le Conseil supérieur de la communication a prévu un calendrier de passage des différents candidats à la présidentielle et aux législatives la télévision et la radio publique. Il en est de même dans les colonnes du quotidien Sidwaya. Selon Abdoul Aziz Bamogo, vice-président du Conseil supérieur de la communication, la création de ces espaces répond à un souci de transparence et d’équité.