Dans le dernier numéro du Petit Echo (1099)
cet article sur le dialogue interreligieux
Rencontre avec les musulmans
et les chrétiens d’autres Églises :
Une spiritualité du dialogue
Le dialogue avec l’Islam et la rencontre avec d’autres Églises chrétiennes sont de nature très différente. L’intérêt ici est d’examiner “ la dynamique “ du dialogue aujourd’hui. Notre rencontre avec les musulmans et les chrétiens d’autres Églises remonte à Lavigerie lui-même.
Fondée à Alger, la Société a été entourée par l’Islam dès ses débuts. Tous les premiers membres de la Société ont dû apprendre l’arabe ou le kabyle pour être proches de la population locale. Ce lien spécial ou cette relation étroite avec l’Islam s’est maintenu jusqu’à aujourd’hui.
Non seulement nous contribuons au dialogue avec l’Islam en dirigeant des instituts d’enseignement supérieur comme l’IBLA (Institut des Belles Lettres Arabes) à Tunis, le PISAI (Pontificio Istituto di Studi Arabi e d’Islamistica) à Rome et d’autres centres comme l’IFIC (Institut de Formation Islamo-Chrétienne) à Bamako, Mali, mais aussichaque membre de la Société est censé avoir quelques rudiments de base en Islam. En tant que directeur du Fonds pour les écoles orientales, bien avant même d’être archevêque d’Alger, Mgr Lavigerie a visité le Moyen-Orient. En Syrie, il a rencontré l’émir Abd El-Kader. Cette rencontre l’a profondément marqué. Il a également rencontré la réalité des Églises chrétiennes orientales. En février 1877, le gouvernement français proposa à Lavigerie de devenir le gardien du sanctuaire français de la basilique Sainte-Anne à Jérusalem. On dit que ce sanctuaire est le lieu de naissance de la Bienheureuse Vierge Marie. Lavigerie voyait Sainte-Anne comme un endroit de pèlerinage vers le lieu de naissance de Marie et un lieu privilégié de prière pour les missions en Afrique. Il pensait aussi que les Missionnaires d’Afrique avaient un rôle à jouer
dans les Églises orientales. En fait, c’était aussi une invitation à se rapprocher de la culture et des traditions arabes et orientales. Il s’oppose donc fermement à toute forme de “latinisation “ des rites orientaux.
Le Magistère de l’Église et tous les papes depuis Vatican II ont toujours proclamé la nécessité et l’importance du dialogue interreligieux et de l’œcuménisme. Des événements marquants comme les deux rencontres d’Assise de prière pour la paix en 1986 et en 2011, promues
respectivement par saint Jean Paul II et par le Pape Benoît XVI, témoignent du sérieux et de l’engagement avec lesquels l’Église a poursuivi le chemin du dialogue et de la rencontre.
Le Pape François a également multiplié les initiatives dans le domaine du dialogue interreligieux et des relations avec les autres confessions chrétiennes, leur donnant un nouvel élan. Sa rencontre et sa déclaration commune avec le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée en mai 2014 à Jérusalem, sa rencontre avec le Patriarche orthodoxe de Moscou Kyrill à La Havane, Cuba en février 2016, sa participation à
la commémoration conjointe catholique luthérienne des 500 ans de la Réforme à Lund, Suède en octobre 2016 et de nombreux autres gestes similaires parlent pour eux-mêmes et sont un signe clair de la volonté et de la détermination de l’Église à avancer dans ce domaine.
Rencontre inter-religieuse en Algérie.
Cependant, un changement d’attitude ne suffit pas à lui seul. Une chose est l’affirmation de
principes de respect, de collaboration et de dialogue ; une toute autre chose est de trouver la bonne façon de mettre ces principes en pratique. Je crois que ce qu’il faut aujourd’hui, c’est
une spiritualité du dialogue, fondée sur l’attitude de saint Paul, si chère à Lavigerie, à savoir “ être tout pour tous les hommes “ (1 Co 9, 22).
En tant que Société, nous ne pouvons pas nous contenter de quelques-uns de nos membres qui soient directement impliqués dans le dialogue interreligieux ou l’œcuménisme au plus haut niveau, que ce soit au Vatican ou dans les commissions du Conseil œcuménique des Églises.
Au contraire, chaque membre de la Société est invité à s’impliquer dans le “ dialogue de la vie ”, parfois aussi appelé “ dialogue d’amour ” ou “ dialogue des peuples ”.
Les Actes capitulaires de 2016 insistent sur ce point en déclarant que “Le Chapitre insiste pour que la Rencontre et le Dialogue constituent ensemble le fondement de notre vie missionnaire. A la suite du Cardinal, nous sommes convaincus que la Rencontre est une attitude qui nous pousse à créer des liens d’amitié avec les autres dans leur culture et leur religion”.
Le dialogue comme nouvelle expression de la mission prend aussi en compte le “ devoir sacré “ d’annoncer l’Évangile, car le vrai dialogue implique la réciprocité des dons et l’acceptation mutuelle ; il implique l’annonce du message évangélique. Le dialogue et l’annonce sont ainsi deux expressions de la même mission évangélisatrice de l’Église. Nous sommes appelés à nous approcher des gens pour les aimer et les servir, et non dans le seul but de leur prêcher. En aimant et en servant le peuple, la proclamation suivra comme résultat de l’amour réciproque, ce qui implique un partage profond de sa foi et de ses croyances.