Témoignages

 

 

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La force sociale de l’eucharistie
Dominique Greiner, rédacteur en chef

le 02/06/2021 à 15:12

                                                          La force sociale de l’eucharistie

Nous fêtons ce dimanche 6 juin le Saint-Sacrement. C’est un appel à approfondir le sens de l’Eucharistie. "C’est le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables. Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu«, affirme le pape François dans son encyclique Laudato si’ (n° 236). »L’Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la création. Le monde qui est issu des mains de Dieu, retourne à lui dans une joyeuse et pleine adoration", poursuit-il.

La célébration de l’Eucharistie est un moment privilégié pour apprendre à regarder tous les êtres et les choses comme venant de Dieu et destinés à y revenir.

C’est aussi un moment où il nous est donné de faire uneexpérience inouïe de la proximité de Dieu : "Le Seigneur, au sommet du mystère de l’Incarnation, a voulu rejoindre notre intimité à travers un fragment de matière. Non d’en haut, mais de l’intérieur, pour que nous puissions le rencontrer dans notre propre monde", écrit encore François.

Ainsi celui qui participe à l’Eucharistie est-il convié à bénir Dieu pour le don de sa création et d’user de celui-ci avec gratitude et respect. Mais aussi à inventer des gestes de générosité, de solidarité et d’attention, pour que personne ne soit privé de la prodigalité du Créateur. Car l’Eucharistie est une force capable de nous transformer en profondeur pour que nous inventions de nouvelles relations de l’être humain avec Dieu, avec lui-même, avec les autres et avec le cosmos.

À LIRE : L’Eucharistie, un grand mystère

 

À quoi sert (vraiment) l’Eucharistie ?

Chez les catholiques français, le jeûne eucharistique imposé par le confinement a été au cœur de débats parfois si âpres qu’il conduit à réfléchir au sens profond de ce sacrement. 

le 04/06/2021 à 09:41

                                                 À quoi sert (vraiment) l’Eucharistie ?

Le manque s’est fait sentir, pour certains catholiques, dès la mi mars, quand le Covid-19 a mis sur pause le fil de la vie ordinaire. Manque d’espace, manque de rencontre, manque de mobilité ? Peut-être, mais aussi manque d’Eucharistie ! Un petit rond pâle déposé dans la main ou sur la langue, et une communion qui s’opère. Alliance mystérieusement renouvelée, par la simple ingestion d’un bout de pain qui n’a pas levé et sur lequel un prêtre a prononcé quelques mots répétés depuis deux millénaires : « Ceci est mon corps. »

« C’est quand même le pain de vie ! » a-t-on entendu d’une croyante portugaise, confinée en Picardie. La messe, pour Diolinda, c’était tous les jours en temps normal. « Je la regarde à la télé, mais ce n’est pas pareil. La communion me manque énormément. »

→ Semaine sainte : « Porter sa croix » à l’heure du coronavirus

D’autres ont relativisé ce manque, en rappelant que l’Eucharistie et la charité sont les piliers indissociables de la vie chrétienne et qu’il y avait bien à faire pour aider son prochain en dehors des églises fermées. Les derniers ont témoigné, étonnés voire perturbés, que la disparition subite de ce rituel pratiqué depuis l’enfance ne changeait rien à leur quotidien, du moins en apparence. La « surconsommation sacramentelle » déplorée par certains historiens, conséquence de siècles de christianisme sociologique, avait-elle fini par anesthésier, en eux, la puissance du sacrement dit « le plus grand » de tous ?

En tout cas, la période de disette eucharistique aura eu le mérite, au-delà des débats tendus et parfois inutilement violents qu’elle aura suscités, de nous interroger sur le sens profond de l’Eucharistie : « Source et sommet de toute la vie chrétienne », selon les termes de la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium (n°11), « unique aliment qui rassasie », selon ceux du pape François.

Des siècles de débats théologiques

Sœur Bénédicte Mariolle, théologienne et Petite sœur des Pauvres, reprend une métaphore employée par le pape Jean XXIII : « C’est comme la fontaine du village, le lieu où nous venons nous ressourcer, reprendre vie dans une expérience communautaire qui dépasse notre famille et nos amis. » Carburant de la vie spirituelle, source où les catholiques puisent leur « feu intérieur », l’Eucharistie introduit aussi une rupture dans le quotidien - « un espace de gratuité qui tranche avec la logique d’efficacité de la vie de tous les jours », pour sœur Bénédicte Mariolle.

→ « Comprendre l’Eucharistie » : retrouver le goût du sacrement

Mais que se joue-t-il vraiment dans ce sacrement, dont le nom grec veut dire « action de grâce » et qui a généré des siècles de débats et d’explorations théologiques, de saint Augustin à François Varillon en passant par saint Thomas d’Aquin et le concile de Trente ?

Le père Éric Morin, enseignant au Collège des Bernardins et directeur de la revue Cahiers évangile, le dit en quelques mots simples : « L’Eucharistie, c’est ce que Jésus nous a demandé de faire pour que nous nous souvenions de lui dans l’attente de son retour. Il se donne en nourriture, il se laisse déjà goûter, pour nous permettre de tenir dans l’espérance jusqu’à ce qu’il revienne. »

Ce sacrement - comme les six autres que reconnaît l’Église catholique - est donc né d’une absence : celle du Christ mort et ressuscité, qui s’est retiré de l’histoire pour entraîner ses disciples auprès de son Père, où il les attend. « Les sacrements correspondent à une autre modalité de présence du Christ à ses disciples, après sa vie terrestre, reprend le père Éric Morin. Ces sept gestes déploient ce que représentait la présence de Jésus entre la Galilée et la Judée : il a baptisé, il a pardonné, il a guéri les malades… »

Pain quotidien

Et il a pris un dernier repas. Voilà ce qui se joue dans le sacrement eucharistique, pour lequel l’autel recouvert d’une nappe rappelle un banquet. « L’Eucharistie n’est en rien la “répétition” de la croix, dont le “une fois pour toutes” ne peut être répété », insiste le père Bernard Sesbouë dans un livre paru cet hiver (1). « L’Eucharistie par contre est bien la “répétition” de la Cène ».

C’est dans l’ordinaire d’un repas partagé que le Christ promet à ses disciples de rester uni à eux, même après sa mort et sa résurrection. « C’est dans un four banal qu’on cuit le pain quotidien », écrivait Georges Bernarnos. « Il faut aussi accepter cette part d’ordinaire, d’habituel, dans l’Eucharistie », estime le père Éric Morin. « Certains jours, je vais communier parce que c’est l’heure, voilà, et cela ne veut pas dire qu’il ne s’y passe rien. »

→ Quelle place pour le pain dans la Bible ?

Ce qui s’y « passe », justement, est parfois difficile à identifier pour celui qui communie, fût-il de bonne volonté. De là à croire qu’il peut s’en passer, il n’y a qu’un pas… Pour le père Gilles Drouin, directeur de l’Institut supérieur de liturgie de la Catho de Paris, il est évident que l’on peut avoir « une vie chrétienne authentique sans Eucharistie » : ce fut notamment le cas des catholiques japonais après le départ des missionnaires. Il appelle néanmoins à ne surtout pas « confondre la norme avec des exceptions ».

Un corps pour testament

De même, communier en dehors de la messe est possible, mais uniquement pour les malades. Le père Henri de Lubac, grand théologien du XXe siècle, insistait sur le fait que chaque célébration eucharistique vise à faire de l’assemblée présente le corps de l’Église, qui est aussi le corps du Christ. « Si l’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie fait l’Église », écrivait-il. La dimension communautaire, fraternelle de l’Eucharistie est donc essentielle, et ce sacrement ne saurait se résumer à la « consommation » individuelle du pain et du vin consacrés, avant de rentrer chez soi sans un regard pour ses voisins d’assemblée.

→ Le confinement, une occasion de redécouvrir « le vrai culte à rendre à Dieu »

Recevoir le corps du Christ sans traduire cela en actes est bien un risque possible. Le père Gilles Drouin rappelle qu’en guise de testament, le Christ n’a pas donné un message - sinon le commandement d’amour - mais son corps : à chaque Eucharistie, il nous dit donc de nous donner nous-mêmes. « Nous devons conformer notre vie à l’acte que nous posons en participant à l’Eucharistie, qui est la participation au don du Christ de lui-même. »

Au cours de ses deux mois de confinement dans un Ehpad, sœur Bénédicte Mariolle dit avoir mieux pris conscience de la continuité entre l’Eucharistie et le service des pauvres - en l’occurrence, des personnes âgées. « L’Eucharistie rappelle au peuple chrétien celui vers qui il va », résume-t-elle joliment.

Assimi Goïta, deux fois putschiste et président du Mali

Portrait 

L’homme fort de la junte malienne est devenu « président de la transition » après avoir renversé l’ancien président et son premier ministre. Mystérieux sur ses motivations, Assimi Goïta a rencontré ses homologues africains dimanche lors du sommet de la Cedeao à Accra (Ghana).

  • Caroline Vinet, 

Lecture en 2 min.

Assimi Goïta, deux fois putschiste et président du Mali
Assimi Goïta, le 19 août 2020.MALIK KONATÉ/AFP

Inconnu au bataillon il y a encore un an, Assimi Goïta a gravi en un rien de temps les échelons du pouvoir : de colonel double putschiste, le voilà, à 38 ans, propulsé chef d’État. Une fonction de « président de la transition pour conduire le processus de transition à son terme », a assuré vendredi 28 mai la Cour constitutionnelle malienne. Mais difficile de connaître les motivations de l’homme qui a mené deux coups d’État en moins d’un an. Caché derrière son cache-cou militaire, le colonel Goïta n’est pas prolixe.

Après avoir renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020, il est nommé vice-président mais il assure, sous la pression internationale, renoncer à occuper le fauteuil de président en cas d’empêchement de celui qui est alors désigné pour assurer la transition civile. Le 24 mai dernier, les cartes sont rebattues.

Il renverse le président Bah N’Daw et son premier ministre, Moctar Ouane. Motif : ces derniers, cherchant ainsi à « saboter la transition », ne l’auraient pas consulté pour former un nouveau gouvernement, évinçant deux de ses proches, Sadio Camara et Modibo Koné, deux colonels qui occupaient jusque-là les ministères de la défense et de la sécurité.

Un militaire de formation

Assimi Goïta n’est pas un fin diplomate. C’est un homme de guerre. En attestent ses affectations militaires à Gao, Kidal, Tombouctou, Ménaka et Tessalit dans le nord du pays, où il a combattu les rebelles indépendantistes, puis les djihadistes. L’ancien commandant de bataillon des forces spéciales ne s’exprime pas beaucoup.

→ ANALYSE. Opération Barkhane : partir ou rester au Mali, la France doit choisir entre deux maux

« Il a la reconnaissance au moins d’une partie de ses pairs. Reste à voir si ce sera le cas de tous les militaires du pays… La nomination de son gouvernement nous permettra d’en savoir davantage », constate, dubitative, Caroline Roussy, chercheuse à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et responsable du programme Afrique.

La question de la tournure de son futur gouvernement reste incertaine. « Certaines personnes semblent se résigner à une république islamique et à une réconciliation avec de possibles terroristes locaux, souligne la chercheuse. Certains avancent la possibilité d’une guerre. Une grande confusion plane sur le pays. »

Tournée diplomatique

Tout juste nommé à la tête du Mali, Assimi Goïta s’est rendu ce week-end à Accra, au Ghana, pour rencontrer ses homologues africains lors d’un sommet exceptionnel de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) consacré… au Mali.

Quelques heures avant d’être nommé à la tête de l’État, il déclarait avoir choisi « entre la stabilité du Mali et le chaos (…), la stabilité, car il s’agit de l’intérêt supérieur de la nation. Nous n’avons pas d’autre agenda caché ».

 

[Édito] Deux ou trois choses que je sais de BBY, par François Soudan

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Mis à jour le 25 mai 2021 à 12h29



Par  François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Hommage à Béchir Ben Yahmed, par Glez
Hommage à Béchir Ben Yahmed, par Glez © Glez

Entré à Jeune Afrique il y a quatre décennies, le directeur de la rédaction rend hommage à Béchir Ben Yahmed, décédé le 3 mai.

Ce n’est pas Béchir Ben Yahmed qui m’a recruté à Jeune Afrique, mais un grand journaliste méconnu à l’écriture ciselée, disparu il y a deux ans, alors titulaire du poste que j’occupe encore aujourd’hui : Philippe Gaillard. Je n’ai été reçu par BBY que six mois plus tard, dans son vaste bureau en rez-de-jardin de l’avenue des Ternes. L’entretien de fin de stage fut bref : avec un salaire mensuel de 2 500 francs, il m’offrait le droit de plonger dans la piscine en me précisant qu’il ne fallait pas compter sur une bouée de sauvetage en cas de noyade.

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POUR LUI, J’ÉTAIS DANS LE RÊVE ALORS QUE LUI ÉTAIT DANS LA VIE »

Ainsi débutèrent quatre décennies à ses côtés, qui ont fait ma carrière de journaliste, et, au-delà, ce que je suis devenu. J’avais 25 ans, la barbe et les cheveux longs, je militais au PSU de Michel Rocard et j’avais en poche une carte de la CGT, ce qui effrayait certains cadres de l’entreprise mais faisait sourire BBY, pour qui j’étais dans le rêve alors que lui était dans la vie.

L’exemple d’un chef

À l’époque, on entrait à JA comme on entre en religion : avec foi, passion et patriotisme. L’hebdomadaire se bouclant le lundi soir, les week-ends n’existaient pas, les jours de récupération encore moins, et nous étions quelques-uns à profiter de nos courtes vacances pour sillonner le monde à nos frais sur d’improbables compagnies aériennes et en rapporter des reportages, juste pour le plaisir de les écrire et de les signer. L’exemple d’un chef sans cesse à la tâche, à la fois journaliste, patron de presse et fondateur, donc triplement légitime, faisait que nous acceptions ses incessantes exigences comme autant d’évidences. Nous lui devions tout, et il avait l’élégance de reconnaître auprès de certains d’entre nous qu’il nous devait beaucoup.

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LONGTEMPS INTELLECTUELLE, MON ADMIRATION S’EST PEU À PEU MUÉE EN AFFECTION »

Contrairement à ce qu’a pu dire à son sujet une demi-cohorte de nains – il s’en trouve toujours, dont le seul talent est de tremper leur plume barbouillée de mélasse dans le fiel de l’aigreur et de la jalousie –, Béchir Ben Yahmed a toujours placé la liberté d’opinion au-dessus des intérêts commerciaux de son Groupe. L’auteur de ces lignes peut en témoigner, lui qui, un an après avoir été embauché, avait valu à Jeune Afrique un procès en diffamation et la perte d’un gros contrat de publicité : « Décidément, vous me coûtez cher », m’avait dit BBY.

Celui que ses détracteurs se plaisent à décrire m’aurait indiqué la porte de sortie, pas lui. Une fois, une seule, Si Béchir m’a demandé de retirer l’un de mes éditoriaux, que je m’apprêtais à publier. C’était à propos de la Tunisie de Ben Ali, quelques mois avant la chute de ce dernier : je m’y montrais très critique et il ne jugeait pas opportun de formuler ce type de jugement – qu’il partageait pourtant – à ce moment-là. Il y mit les formes et je l’acceptai.

Républicain dans l’âme

J’ai toujours admiré Béchir Ben Yahmed. Une admiration qui ne fut ni béate, ni naïve, ni servile, mais qui se fondait sur la capacité qui était la sienne de comprendre et de prévoir, de se mettre à la place de l’autre, d’introduire toujours le facteur temps, de lutter contre sa propre subjectivité. Longtemps intellectuelle tant sa culture générale était impressionnante, cette admiration s’est peu à peu muée en affection et, la pudeur étant l’une de nos caractéristiques communes, je crois, bien qu’il ne s’en soit ouvert, que cette affection était réciproque.

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CAMEROUN, MAROC, CÔTE D’IVOIRE… NOS DIFFÉRENDS NE FURENT PAS RARES »

Ce lien n’a pas empêché nos différends : ils ne furent pas rares, jamais fondamentaux. Sur le Cameroun lors du bras de fer sanglant qui opposa Paul Biya à son prédécesseur Ahmadou Ahidjo, sur la guerre entre l’Irak de Saddam Hussein et l’Iran de Khomeyni, sur le degré de viabilité des bantoustans de l’apartheid, sur le génocide des Tutsis du Rwanda, à propos de Yasser Arafat, de Robert Mugabe, de Laurent Gbagbo ou d’Ibrahim Boubacar Keïta, nous fûmes souvent en désaccord sans qu’à aucun moment BBY ne m’ait empêché, au retour de mission, d’écrire ce qu’il me semblait bon d’écrire.

Nos échanges sur le Maroc ont été animés, parfois passionnés. Ce républicain dans l’âme, dont la conscience politique s’est forgée dans les luttes pour les indépendances tunisienne et algérienne, n’a jamais adhéré aux codes de la monarchie, surtout quand elle s’incarnait en la personne du roi Hassan II, avec qui il entretenait des rapports difficiles.

Subtilité et finesse

Ses amitiés se situaient à gauche de l’échiquier politique marocain : Abderrahim Bouabid, Abderrahmane Youssoufi, l’inamovible ambassadeur du Maroc à Paris Youssef Bel Abbès constituant à cet égard une exception. Le baisemain, les heures d’attente et tout ce protocole auquel il reprochait à ses amis Michel Jobert et Jean Daniel de se plier trop aisément, très peu pour lui.

Certes, d’un roi l’autre, de Hassan II à Mohammed VI, son regard a changé. Driss Basri, ce grand vizir que lui et moi ne supportions guère, est parti, et BBY n’avait aucune gêne à reconnaître que le royaume avait changé – en mieux. Mais ce fond de réticence et d’incompréhension vis-à-vis de ce qu’on appelait le Makhzen ne s’est jamais dissipé tout à fait. Ce qui ne rend que plus méritoire la position qu’il s’est imposée de prendre dès 1975 – alors que JA était largement diffusé en Algérie et fréquemment saisi au Maroc – en faveur de la marocanité du Sahara occidental. Quitte à ce que les intérêts commerciaux du Groupe en souffrent, BBY a toujours pensé et écrit que le Maghreb n’avait pas besoin d’un État de plus.

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SA GRANDE INTELLIGENCE DU MONDE M’A FORMÉ, INSTRUIT, ÉLEVÉ »

Béchir Ben Yahmed et moi n’avons pas non plus toujours été en phase à propos de la Côte d’Ivoire. Lors de la crise électorale de 2010-2011, ma sensibilité me rapprochait de Laurent Gbagbo, que je connaissais assez bien, alors que lui soutenait sans s’en cacher Alassane Ouattara, son ami de quarante ans. Mais à aucun moment il n’est intervenu pour tenter d’infléchir ma ligne rédactionnelle, y compris lorsque j’ai publié et commenté les résultats de sondages donnant (à tort) le président sortant vainqueur au second tour.

Lorsque nous en avons parlé quelques mois plus tard, BBY m’a confié qu’Alassane Ouattara, lui non plus, ne lui en avait pas fait reproche, alors qu’il aurait certes pu se plaindre de voir le journal de son ami pronostiquer ainsi sa défaite. Tous deux savaient faire la part des choses, avec cette subtilité et cette finesse qui distinguent certains hommes des autres.

C’est peu dire que Béchir Ben Yahmed m’a fait grandir. Sa grande intelligence du monde m’a formé, instruit, élevé, et je ne lui serai jamais assez reconnaissant d’avoir été mon mentor en journalisme, comme Jean Lacouture le fut en écriture.

De l’indépendance du Zimbabwe au gazage des Kurdes d’Halabja, que JA révéla au monde, de la première biographie en français de Nelson Mandela aux maquis angolais de Savimbi, de la Marche verte à la chute de Bourguiba, en passant par nos entretiens matinaux, rue d’Auteuil, où il me confiait son admiration pour l’exceptionnelle rationalité d’un Deng Xiaoping ou d’un Lee Kuan Yew, modèles asiatiques hélas induplicables selon lui sur le continent africain, beaucoup des souvenirs marquants de ma carrière doivent leur existence à cet Africain capital. Là où il s’en est allé aux premières heures du lundi 3 mai, c’est un peu de mon ADN qu’il a emporté avec lui.

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Les funérailles auront lieu le 2 juin à 14h00 en l’église de Bry-sur-Marne

 

Togo : comment Faure Gnassingbé gère les frustrations au sein de son parti

| Par - à Lomé
Portrait de Faure Gnassingbé, le 1er novembre 2019.
Portrait de Faure Gnassingbé, le 1er novembre 2019. © Emmanuel Pita/Présidence Togolaise

Fondé sur les cendres de l’ancien parti unique créé par Gnassingbé Eyadema, l’Unir tient aujourd’hui toutes les manettes du pouvoir. Neuf ans après sa création, la formation est parvenue à se forger une image de renouveau, tout en faisant taire les dissensions internes.

Presque une décennie, cela vaut bien une messe. L’Union pour la République (Unir), le parti de Faure Gnassingbé, a fêté, le 14 avril dernier, son neuvième anniversaire en célébrant une action de grâce à l’église Notre-Dame-de-la Rédemption-Bé-Klikamé, à Lomé, à la suite de laquelle cadres et militants se sont retrouvés en petits comité, pandémie oblige.

Un peu plus d’un an après la réélection dès le premier tour de Faure Gnassingbé pour un quatrième mandat à la tête du pays, l’Unir détient tous les leviers du pouvoir. Ses principaux cadres n’ont d’ailleurs pas manqué de se féliciter d’avoir remporté de manière écrasante la totalité des élections depuis que le défunt Rassemblement du peuple togolais (RPT) a fait sa mue pour devenir l’Unir, en 2012.

Nostalgie des anciens

Pour Aklesso Atcholi, le secrétaire exécutif du parti présidentiel, « chaque élection n’est qu’un nouveau départ, un appel à de nouvelles actions. » Et qu’importe si, des législatives de 2013 et 2018 aux présidentielles de 2015 et 2020, ces scrutins ont été marqués soit par le boycott d’une partie de l’opposition, soit par une contestation des résultats. « À travers ses résultats impressionnants sur la scène politique togolaise, Unir n’a eu de cesse de confirmer la justesse de la vision qui a conduit à sa création », assure Florence Yawa Kouigan, secrétaire exécutive adjointe du parti, qui est aussi la maire de la commune d’Ogou.

Né sur les cendres du RPT, fondé en 1969 par Gnassingbé Eyadema, l’Unir revendique d’avoir su, outre les caciques de l’ancien parti unique, attirer à lui de nouveaux adhérents, y compris en allant puiser dans les rangs de l’opposition. Mais la coexistence n’a pas toujours été pacifique, loin de là.

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L’ENTERREMENT DU PARTI FUT DÉPLAISANT

« Ce n’est pas facile d’abandonner une maison dans laquelle on a vécu plusieurs dizaines d’années », concède un des anciens hauts responsables du RPT, aujourd’hui âgé d’une soixantaine d’années. « L’enterrement du parti fut déplaisant », assure même cet ancien cacique du parti qui a, depuis, pris ses distances. Ce cadre de la vieille école, qui préfère aujourd’hui conserver l’anonymat, a été écarté à l’heure de la composition des listes pour les législatives de 2018. En guise de consolation, le candidat éconduit à la députation a tout de même été placé sur une liste lors des communales de 2019, ce qui ne l’empêche pas de ruminer son amertume.

Frustrations

« Il y a eu des difficultés à s’entendre sur des pratiques, des méthodes de gouvernance du parti », concède ainsi un jeune cadre récemment entré au sein de la formation. Directeur d’une société privée, ce technocrate qui dit avoir été séduit par une promesse de « vent nouveau » au sein de la formation assure cependant que « cette diversité fait la richesse du parti ».

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CHACUN GÈRE SA COLÈRE EN SILENCE »

Une diversité qu’il est cependant interdit de laisser voir à l’extérieur du parti. Si débat d’opinion ou discussions sur la ligne politique il doit y avoir, cela ne peut se faire qu’en interne, et derrière des portes closes. Aucun des cadres du parti que Jeune Afrique a sollicités, y compris au sein du conseil des sages du parti, qui rassemble pourtant les plus aguerris des cadres de l’Unir pour lesquels la vie politique est plus à conjuguer au passé qu’au futur, n’a accepté d’être nommément cité. C’est que, souligne l’un de ses dirigeants, bien qu’il y ait « une certaine dynamique démocratique », « la discipline a toujours le dernier mot, même si ce n’est plus un dogme absolu, comme ce fut le cas au sein du défunt RPT ».

Les frustrations qui peuvent naître ici et là, les luttes d’influences entre personnalités en quête de postes à responsabilité, se gèrent donc en interne. Et discrètement. « Chacun gère sa colère en silence, et on se remet en route pour le combat commun », reconnaît un cadre.

Conservatismes

C’est que, lorsqu’une décision est prise, elle vient « d’en haut ». Y compris, et surtout, lorsqu’il s’agit d’écarter de vieux routiers de la politique au profit de jeunes pousses. « Il y a toujours des conservatismes, mais la création de Unir a donné une autre image à Faure Gnassingbé. La jeune génération y a vu un pas supplémentaire pour tourner la page du lourd passé du RPT », estime Senyéebia Yawo Kakpo, enseignant-chercheur en sciences juridiques et politiques à l’université de Kara.

Un changement de visage auquel ne croit cependant pas l’opposition, qui avait réclamé la dissolution du RPT lors de la conférence nationale souveraine, en 1991, et qui estime que la création de l’Unir n’aura été qu’un écran de fumée.

Et si les différentes composantes de l’opposition sont désormais à couteaux tirés, toutes se retrouvent pour dénoncer le « régime RPT-Unir ». « Ceux qui combattent l’Alliance nationale pour le changement (ANC) au lieu du RPT/ UNIR se trompent de lutte. Quand l’ANC serait anéantie, la dictature aura-t-elle disparu ? », a ainsi récemment lancé Jean-Pierre Fabre, engagé dans un bras de fer à distance avec Agbéyomé Kodjo, candidat malheureux à la dernière présidentielle qui se revendique toujours comme le « président élu ». « Le seul adversaire de l’ANC, est et demeure le RPT-Unir, qui devrait être la cible des véritables forces démocratiques », a encore martelé Fabre. Une doléance qui trouve pour l’heure peu d’écho pour unifier l’opposition.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)