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Mali : les routes, pomme de discorde entre le Nord et le Sud

| Par - à Bamako

En essayant de contenter les jeunes protestataires de Kati, qui avaient coupé la route reliant Bamako à Dakar pour exiger la réfection des voies, le Premier ministre Boubou Cissé a déclenché l'ire des populations dans le Nord, où les manifestations se multiplient avec des revendications similaires, de Tombouctou à Ménaka en passant par Gao.

À Bamako, les autorités aiment à répéter que « tout est urgent ». Un leitmotiv qu’avait sans doute en tête le Premier ministre Boubou Cissé lors de sa tournée dans le sud-ouest du pays. Le 26 août dernier, devant les jeunes de Kati qui bloquaient la route Bamako-Dakar, à 15 km de la capitale malienne, pour protester contre l’état déplorable de cet axe majeur passant également par Kayes, le Premier ministre a promis de demander à la société Satom d’intervenir au plus vite sur les 150 kilomètres reliant Kati à Didéni, plus au nord.

Pour ce faire, Boubou Cissé avait alors expliqué son intention de demander à l’entreprise de faire venir ses équipes auparavant à pied d’œuvre dans le nord du pays, sur le chantier de la route reliant Léré à Tombouctou qui devait reprendre sous peu.

Il n’en fallait pas plus pour déclencher la colère dans le Nord, où la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre et où les manifestations se multiplient. Malgré la montée de la grogne sur les réseaux sociaux, la primature n’a pas démenti l’information. Dans la région de Tombouctou, la colère a fini par exploser après la publication le 2 septembre de photographies montrant des jeunes de Kati posant fièrement aux côtés des machines de chantier venues pour la reprise des travaux de la route Kati-Didiéni.

La promesse à Kati provoque la colère à Tombouctou

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Le Premier ministre malien Boubou Cissé à Kati, le 1er septembre 2019. © DR / Primature Mali

 

Routes barricadées, pneus brûlés… regroupés au sein d’un collectif, des jeunes de Tombouctou multiplient depuis les manifestations et gestes de colère, avec un slogan : « Tombouctou réclame ses droits ». Au centre des revendications du collectif, la reprise immédiate des travaux de la route Goma-Koura/Tombouctou, sur l’axe Léré-Tombouctou, stoppés depuis 2017 suite à une attaque terroriste ciblant la société Satom. Depuis le 5 septembre, des manifestants ont même investi l’aéroport de la ville et stoppé le trafic aérien.

« Nous demandons la reprise des travaux Goma-Kora/Tombouctou dans les plus brefs délais, parce que le rôle d’un État sérieux, c’est de faire en sorte que l’insécurité dans les régions du nord ne freine pas le développement. L’État en a les moyens, même s’il faut attribuer les travaux à une société nationale. Au lieu de cela, il décide de rediriger les moyens dédiés à la route de Tombouctou au profit des routes des régions du sud ! », s’insurge Alhadj Mahamane Gassama, porte-parole du collectif.

« Le Premier ministre a tenu des propos insultants à l’égard de la population de Tombouctou », juge-t-il, affirmant même que « les fonds destinés à la reprise des travaux Léré-Tombouctou ont été transférés pour la route Kati-Didiéni. »

« On se pose beaucoup des questions. D’autant plus que le Premier ministre a fait cette déclaration au moment où nous intervenons, justement, pour que les travaux de la route Tombouctou-Léré puissent enfin redémarrer », déplore en écho Boubacar Ould Hamadi, président du Conseil régional de Tombouctou.

Sit-in à Ménaka

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Manifestation à Ménaka, le lundi 9 septembre 2019. © DR

 

La région de Tombouctou n’est pas la seule où la promesse de Boubou Cissé aux jeunes de Kati a créer la polémique. « Les jeunes de Tombouctou nous ont contaminé », glisse Mohamed Ag Souleymane, membre du Conseil régional de la jeunesse de Ménaka, qui organisait ce lundi 9 septembre un sit-in dans cette ville proche de la frontière avec le Niger. « Depuis l’indépendance du Mali, en 1960, nous n’avons jamais vu une route goudronné dans notre ville. Nos vieux parents ne savent même pas à quoi ressemble une route goudronnée ! », tempête le jeune homme.

Campé au milieu des tentes dressées pour l’occasion sur la place de l’Indépendance, il l’affirme avec force : « Nous comptons rester ici le temps qu’il faudra pour que le gouvernement réponde à nos revendications ». Parmi les doléances transmises par les manifestants au gouverneur de la région : le retour de la sécurité, l’équipement et le renforcement du centre de santé de la ville, mais aussi la construction de la route reliant Menaka à Ansogo, qui permet de rejoindre Gao.

Boubou Cissé attendu à Gao

Dans la région de Gao, où Boubou Cissé est attendu mi-septembre, il est aussi attendu de pied ferme. « Nous demandons au Premier ministre de venir à Gao par la route, comme il l’avait fait pour Kayes. Comme ça, il comprendra nos souffrances. S’il vient par avion, une grande partie de la jeunesse de Gao a décidé de boucler la route qui quitte l’aéroport pour la ville », prévient Issa Boncana, président de l’association de la jeunesse de Gao.

Le déficit en infrastructures routières oblige les habitants de Gao à de larges détours pour rejoindre la capitale. « Pour aller à Bamako, nous sommes obligés d’aller au Niger, puis de traverser le Burkina Faso avant de rentrer au Mali par la région de Sikasso, avant d’arriver enfin », explique Issa Boncano. « Nous sommes fatigués par le trajet, mais aussi par les tracasseries sur les routes. Car, si en territoire nigérien il n’y a pas de problème majeur, au Burkina Faso, nous sommes obligés de payer 1 000 FCFA à chacun des 16 postes de contrôles que nous traversons dans ce pays avant de rentrer au Mali », détaille-t-il.

Le Premier ministre a tenu ce dimanche une réunion sur le cas Tombouctou, à la veille de son départ pour Paris, où il effectue une visite de travail du 9 au 12 septembre. Pour l’heure, rien n’a filtré.

Burkina Faso: deux attaques ensanglantent
la région du Centre-Nord

Des opérations de ratissage sont en cours entre les localités de Guendbila et Barsalogho, selon le gouvernement. (Image d'illustration)
© ISSOUF SANOGO / AFP

Vingt-neuf personnes ont été tuées, dimanche 8 septembre, au nord du Burkina Faso dans deux attaques. Un camion de transport a sauté sur une mine artisanale faisant une quinzaine de morts et des hommes armés ont attaqué un convoi de vivres destinés aux personnes déplacées interne de Kelbo.

Les deux attaques ont eu lieu dans la région du Centre-Nord. Un camion de transport de marchandises, dans lequel se trouvaient également des passagers, a sauté sur un engin explosif improvisé. L’attaque s’est déroulée aux environs de 12h, selon une source sécuritaire, entre les localités de Guendbila et Barsalogho.

Le camion a été complètement détruit, selon des témoins. Parmi les victimes figurent des femmes et enfants. Des renforts militaires ont été déployés sur place et des opérations de ratissage sont en cours, selon le gouvernement.

La deuxième attaque a visé un convoi de vivres destinés aux populations de Kelbo et environnants, toujours la région du Centre-Nord. Les vivres étaient sous escorte des forces de défense et de sécurité jusqu’à la commune de Dablo. « Face au mauvais état de la route, le contenu du camion a été transféré sur les tricycles pour leur destination finale », explique une source sécuritaire. Ce sont ces tricycles qui ont été attaqués par des individus armés non identifiés entre Dablo et Kelbo.

Pas de revendication

Il n'y a pour l'instant aucune revendication. Selon le gouvernement, cette attaque a été perpétrée par des terroristes. Et elle a fait plusieurs morts parmi les conducteurs de tricycles et d’importants dégâts matériels. Après l’attaque, les assaillants ont emporté une partie des vivresqui appartenaient au Programme alimentaire mondial (PAM), selon une source sécuritaire.

Le gouvernement invite les transporteurs à se conformer aux consignes de sécurité et s’assurer de la praticabilité des voies par une collaboration avec les forces de défense et de sécurité avant d’emprunter les routes.

Cette attaque confirme une fois de plus le pouvoir de nuisance des groupes terroristes au Burkina Faso.  Les attaques sont fréquentes dans cette province, ainsi qu’à l'est et au nord du pays. Les civils ont payé un lourd tribut ce dimanche, mais ils ne sont évidemment pas les seuls visés. Dimanche toujours, quatre militaires ont été blessés dans une embuscade, dans la province du Loroum, tout au Nord. Et ce alors que les autorités ont lancé d'importants efforts de sécurisation.

 

Burkina: un parti politique pour soutenir la candidature de Kadré D. Ouedraogo

Une novuelle formation politique a décidé de soutenir la candidature de Kadré Desiré Ouedraogo pour 2020 (image d'archive)
© AFP PHOTO / SEYLLOU

Depuis l’annonce de sa candidature et les dissensions que cela a engendré au sein du CDP, l’ex-parti au pouvoir, les sympathisants de Kadré Desiré Ouedaogo ont décidé de mettre sur pied un nouveau parti politique en vue de la prochaine présidentielle.

Selon le président de cette formation politique, la naissance de ce parti traduit le souhait de l’ex-président de la commission de la Cédéao, dès l’annonce de sa candidature en février 2019, de bénéficier du soutien de tous les Burkinabè, au-delà des clivages politiques ou associatifs.

Car c’est une coalition d’associations et d’un parti politique qui a donné naissance à cette nouvelle formation politique. Et les responsables ne le cachent pas. Le mouvement « Agir ensemble pour le Burkina » a été mis en place pour soutenir la candidature de Kadré Desiré Ouedraogo à la présidentielle de 2020.

« Son invite principale a été de trouver une forme organisationnelle la plus adaptée et la mieux élaborée pour le soutenir davantage dans la conquête du pouvoir », a expliqué selon Aboubacar Diallo, le président de ce parti.

« Il y aura donc aussi une coalition d’associations, d’organisations de la société civile. Donc c’est sur la plateforme du mouvement associatif qui le soutient et sur la plateforme de la coalition du parti politique qui le soutient, c’est sur ces deux aspects qu’il va travailler. Nous, en tant que parti, nous avons choisi notre candidat. »

Les responsables de ce nouveau parti se rangent du côté de l’opposition politique. Pour eux il est hors de question de s’allier au pouvoir dont la gestion du pays est loin de satisfaire les Burkinabè selon Aboubacar Diallo.

« Nous nous réclamons de l’opposition. La responsabilité aujourd’hui du MPP [Le Mouvement du progrès pour le peuple, parti au pouvoir] face à la dégradation de la situation, elle est claire, elle est nette. Nous ne voyons pas de perspective d’amélioration de la bonne gouvernance dans ce pays, par le MPP. »

Les militants de ce nouveau parti assurent que leur attachement à Kadré Desiré Ouedraogo n’est ni « honorifique », encore moins « messianique »

 

Côte d’Ivoire : Saf Cacao, une débâcle qui laisse des traces

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La liquidation du numéro un des négociants ivoiriens en cacao continue de faire des vagues.

Un an après la liquidation forcée de Saf Cacao, numéro un des négociants ivoiriens avec des achats de plus de 200 000 tonnes, pour défaut de paiement, les effets continuent de se faire sentir sur le secteur. Classée dans le top 5 après les géants Cargill, Olam, ou Barry Callebaut, l’entreprise a été démembrée.

La filière Choco Ivoire a été cédée au Conseil du café-cacao (CCC), le gendarme de la filière, et la Société agricole du café-cacao (SACC) a repris Cipexi et SAF Cacao contre un chèque de 165 milliards de F CFA (252 millions d’euros). Les créanciers ont été obligés d’accepter une décote de leurs dettes. Résultat, les banques qui cumulaient une importante créance sur la société ne veulent plus financer les négociants ivoiriens. Plusieurs d’entre eux ont dû en conséquence réduire les volumes de fèves récupérés par les multinationales.

Côte d’Ivoire: opération contre les «gnambros», racketteurs de taxis et bus

Des taxis stationnés dans une rue d'Abidjan (illustration).
© Guillaume Mignot / Flickr / CC

En Côte d’Ivoire, la gendarmerie, sur ordre du préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi, s’est lancée, jeudi, dans une vaste opération contre les « gnambros », ces gros bras qui rackettent les chauffeurs de taxis et de minibus. Près de 300 personnes ont été arrêtées.

Cette fois-ci, l’opération se limitait à Yopougon mais les autres communes ne seront pas épargnées.

Les « gnambros », littéralement « gros bras » en langue nouchi, sont dans le collimateur du préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi. Ils tiennent un périmètre dans les gares ou même dans des gares improvisées où ils chargent les passagers dans les taxis ou les gbaka, les minibus. En échange, ils prennent quelques dizaines de francs par passagers.  A l’origine, ces gnambros travaillaient généralement pour le compte des syndicats de transports mais l’activité s’est criminalisée pour devenir un racket pur et simple.

Ce jeudi, à 6h00, plus de 200 gendarmes ont ainsi déferlé sur les gares de Yopougon pour contrôler tous les gnambros présumés. Démantèlement de gares anarchiques, saisies, arrestations… près de 300 personnes ont été interpellées.

« Il n’y a que l’Etat de Côte d’Ivoire qui peut récolter des impôts, assurer la sécurité ou imposer des règles de circulation dans une localité. Aucun individu ne peut se substituer à l’Etat », martèle le préfet. « Il est inadmissible que certains citoyens transforment des territoires en zones de non droit », ajoute-t-il.

Ce coup de filet est à mettre en parallèle avec le meurtre, le 25 août dernier, d’un gendarme à Yopougon. Le jeune homme, Tiekou Anderson, avait tenté de s’interposer lors d’une altercation entre un gnambro et un chauffeur. Dans la bagarre, il avait été poignardé, puis abattu à bout portant avec son arme de service.

L’affaire avait suscité une vague d’émoi à Abidjan et trois personnes avaient été arrêtées.

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