« Diversité : une hypocrisie française » (3/7). Dominée par les thèses de l’extrême droite, la campagne présidentielle n’aborde l’Afrique que sous l’angle de l’obsessionnelle question migratoire. Tour d’horizon des quelques rares propositions des principaux candidats en matière de relations avec le continent.
DANS CE DOSSIER
Même si le président sortant, Emmanuel Macron, n’est toujours pas officiellement candidat à sa réélection, la liste des principaux prétendants est enfin à peu près connue des électeurs français, qui voteront le 10 avril pour le premier tour. La désignation tardive de certains candidats s’est accompagnée d’un relatif retard dans l’élaboration des programmes, qui pour certains ne sont guère diserts en matière de politique étrangère.
Quant à l’Afrique, elle n’y est souvent abordée que sous le prisme des migrations et de façon caricaturale. Le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, se distingue avec des propositions plus nombreuses et visiblement plus travaillées. Il faut dire qu’il a été le premier à se lancer dans la campagne, personne au sein de son camp ne lui disputant l’honneur de porter les couleurs des Insoumis. Le point sur les propositions des principaux candidats, par ordre alphabétique.
Anne Hidalgo (Parti socialiste) : la fin du paternalisme
« Nous cesserons de faire des quotas de visas un moyen de pression diplomatique, mais organiserons notre politique de manière à ne pas vider les pays de leurs talents », explique la sénatrice socialiste Hélène Conway-Mouret. La diaspora est un atout pour la politique française de développement, pouvant apporter des compétences qui manquent localement. « La Françafrique, c’est l’attitude paternaliste d’un passé révolu, et non la présence de bases militaires françaises qui sont là à la demande des États. L’armée n’a pas grand-chose à voir avec ce qui s’est passé au Tchad. »
Yannick Jadot (Europe Écologie Les Verts) : tout est dans le climat
Le programme de l’écologiste fait du climat le « pivot d’une solidarité nationale renouvelée ». Membre de son équipe, Anne Joubert explique : « Le climat touche les Africains les plus précaires, amenant paupérisation, déplacements et conflits. Il faut faire évoluer l’aide au développement vers un partenariat solidaire proche du terrain, associant populations locales et diasporas, collectivités locales et PME. » La « déprésidentialisation » de la politique africaine est au programme, ainsi que la remise à plat des accords de défense et de l’accueil des réfugiés.
Marine Le Pen (Rassemblement national) : pour une Union francophone
Prenant la défense de la langue française, la candidate nationaliste a donné, le 2 février, le la de sa politique africaine : « À la réforme radicale de la politique d’immigration, nous devons adjoindre une politique de co-développement et de respect avec l’Afrique francophone. » Son outil en serait une Organisation internationale de la francophonie transformée en Union francophone dotée d’un organe arbitral, d’une banque de développement et d’une agence de promotion de l’industrialisation. Refondation macronienne et « politique de repentance » sont des pages à tourner.
Emmanuel Macron (La République en marche) : relancer la refondation
Emmanuel Macron, lors du sommet Afrique-France, à Montpellier le 8 octobre 2021. © GUILLAUME HORCAJUELO/EPA/MAXPPP
Un second mandat ne sera pas de trop au sortant pour s’extirper des sables mouvants sahéliens et asseoir durablement la « refondation des relations Afrique-France » qu’il a impulsée. Dirigée vers la jeunesse et la société civile, privilégiant les secteurs dynamiques et les défis communs, elle vise à « la conversion des regards » par, notamment, un travail mémoriel engagé et la mobilisation des diasporas. À l’Élysée, on rappelle deux grands projets à réaliser : celui d’un fonds d’innovation pour la démocratie et l’édification d’une Maison des mondes africains.
Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) : tout revoir
« La francophonie peut être un instrument de notre libération. » L’insoumis renvoie à Thomas Sankara dans son programme encyclopédique où il propose de « revoir les relations entre la France et l’Afrique », purgée de la « vision affairiste et militariste » : cessation de « tout soutien politique, militaire et financier aux dictateurs en Afrique », annulations des dettes « odieuses », augmentation et réforme des APD, pleine souveraineté monétaire des zones F CFA, révision des accords de défense, calendrier de retrait du Sahel.
Valérie Pécresse (Les Républicains) : diplomatie migratoire
Sur le site web de la candidate gaulliste, le seul onglet à évoquer la politique étrangère appelle à « mettre fin à l’immigration incontrôlée ». Si lors de son premier discours, elle a dénoncé le « grand remplacement » et les « Français de papier », on retient surtout qu’elle les a évoqués. Il faut aller sur le site des Républicains pour en trouver davantage : tout l’effort diplomatique, de codéveloppement et de coopération tend vers un seul but, « fixer la jeunesse africaine en Afrique ».
Eric Zemmour (Reconquête !) : la grande « remigration »
Le pourfendeur du « grand remplacement » a trouvé son conseiller Afrique en la personne de Bernard Lugan, ex-Action française et partisan de l’apartheid, dont les enseignements sont influents dans l’armée française, courtisée à Abidjan, à Noël dernier, par le candidat.
Au-delà de son programme radical de suppression de l’immigration et de contrôle total de l’islam, sa vision de l’Afrique a choqué lorsqu’il a affirmé « tous les trafiquants de crack sont Sénégalais » ou quand il s’est plaint de la pénurie de masques : « On est quoi là ? Le Gabon ? » Mais l’homme disposerait d’un réseau efficace sur le continent.
« Diversité, une hypocrisie française » :
• Lundi 28 février : « Nous n’avons pas choisi la France par masochisme », l’entretien croisé d’Élisabeth Moreno et Kofi Yamgnane
• Mardi 1er mars : [Décryptage] Égalité, fraternité, racisme : la France, République des paradoxes
• Mercredi 2 mars : Présidentielle française : où se cache l’Afrique dans les programmes des candidats ?
• Jeudi 3 mars : [Infographie] Immigration : les clichés à l’épreuve des faits
• Vendredi 4 mars : Dans les grandes écoles, un plafond de verre à peine fissuré
• Samedi 5 mars : Maboula Soumahoro : « Il ne suffit pas de se déclarer universaliste »
• Dimanche 6 mars : [Reportage] Retour aux sources avec les « repats » d’Afrique de l’Ouest