La brusque envolée des prix des produits alimentaires de base fait courir un risque de défaut aux clients des banques du continent qui pourraient être à leur tour ébranlées. Mais la situation peut aussi, à bien des égards, leur profiter. Décryptage.
En Algérie, tout a commencé avec l’huile, après la flambée des cours à l’international entre les mois d’octobre et novembre 2021 (+ 9,6 %). Puis la hausse des prix du sucre – dont le pays est le premier importateur en Afrique – a achevé de cristalliser les tensions. Du côté des ménages, comme de celui des entreprises, l’incidence sur le pouvoir d’achat et donc sur la consommation s’est fait rapidement ressentir.
Au cœur de la chaîne de valeur, les établissements bancaires. Détenteurs des comptes des particuliers, TPE, PME et grands groupes, ils seront tout autant ébranlés par le risque de défaut de leurs clients que dynamisés par l’opportunité d’accroître leurs revenus (plus de crédits octroyés, plus d’avances accordées…).
Mais, dans les faits, dans un pays comme l’Algérie où les produits de base sont subventionnés depuis six décennies, le schéma n’est pas aussi simple. Et ce, même si la loi de finances pour 2022 devait sonner le glas pour la subvention de ce type de marchandises qui pèsent sur les réserves de devises du pays. L’inflation galopante, qui a atteint le record historique de +9,2 % en octobre dernier, le contexte macroéconomique difficile depuis le début de la pandémie de Covid-19 et l’incertitude – aggravée ces dernières années – autour des revenus tirés du pétrole, ne jouent pas en faveur de ce grand importateur de matières premières alimentaires.
L’effet pervers des taxes
Sur la place d’Alger, le secteur bancaire scrute particulièrement le comportement des géants du négoce, dont – sans le nommer – Cevital. Rien que pour le sucre, que le groupe d’Issad Rebrab importe, raffine sur place, avant de le réexporter ou le vendre localement, la pression est forte. « Une nouvelle TVA de 9 % a été instaurée sur ce produit, ce qui entraîne, pour un groupe soumis aux droits de douane et à la TVA pour ses importations, et exonéré de TVA à l’export, une forte pression sur sa trésorerie », explique un banquier algérien qui souhaite préserver son anonymat. En effet, l’entreprise décaisse de la TVA sur ses importations, sans en collecter par ailleurs (ou trop peu) sur ses ventes.
LE RISQUE DE DÉFAUT N’EST PAS D’ACTUALITÉ, ILS DISPOSENT D’UNE TRÉSORERIE ENCORE CONFORTABLE
Toutefois, pour l’heure, la situation n’inquiète pas encore les banques pour ce type de grands opérateurs économiques. « Le risque de défaut n’est pas d’actualité, ils disposent d’une trésorerie encore confortable courant sur huit à dix mois pour supporter le différentiel de prix », poursuit notre financier. Quant à la tentation d’augmenter les taux d’intérêts en compensation des difficultés conjoncturels de leurs clients : « Ce n’est pas au programme, et nous n’avons aucun intérêt à risquer de les perdre. »
Des portefeuilles pouvant se dégrader
Plus au sud, en Afrique de l’Ouest, la brusque montée des prix des céréales notamment (blé, maïs) entraîne de longues séances de gymnastique entre les différentes lignes de crédit et de dépôt des clients des banques. Au Sénégal, les céréales représentent les deuxièmes denrées les plus importées, derrière les hydrocarbures. En Côte d’Ivoire, elles arrivent en troisième position. Outre « les perturbations des circuits de production induites par la pandémie », la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) pointe dans son dernier rapport annuel la baisse de la production céréalière notée ces dernières années.
« Le renchérissement des produits alimentaires a été noté principalement pour les céréales locales au Burkina, au Mali et au Niger, les légumes frais ainsi que les tubercules et plantains dans la plupart des pays », souligne l’institution ouest-africaine. À la fin de septembre 2021, les produits alimentaires et boissons représentaient 3,4 points de pourcentage de l’inflation constatée dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa, +4,3 % en glissement annuel), contre 1,8 point en décembre 2020 et 2,6 point en août.
NOUS AVONS ENTIÈREMENT CONFIANCE EN NOS CLIENTS, MAIS LA VIGILANCE RESTE DE MISE
Pour les Agriculteurs, les minotiers, les grands et petits négociants, tout comme le consommateur final, la forte hausse des prix de ces produits alimentaires peut être lourde de conséquences. « Elle agit comme un multiplicateur de pauvreté », expliquait en avril 2021 Chris Nikoi, le directeur régional du Programme alimentaire mondial (PAM) pour l’Afrique de l’Ouest. Selon les données de la BCEAO, le commerce de gros représentait, à la fin 2020, le premier portefeuille de risques bancaires dans la zone Uemoa, avec 25,2 % des crédits recensés à la Centrale des risques, devant les services fournis à la collectivité (20,3 %), les industries manufacturières (14,5 %), les transports et les communications (11,5 %), les bâtiments et les travaux publics (11,3 %).
Et des clients « pauvres », aucune banque n’a intérêt à en avoir. « Nous avons entièrement confiance en nos clients, mais la vigilance reste de mise car une hausse prolongée pourrait à terme dégrader le portefeuille des banques de façon générale », décrit Alexandre N’Dri, directeur central d’exploitation, chez NSIA Banque Côte d’Ivoire.
Comme ailleurs sur le continent où l’inflation des commodités agroalimentaires se fait durement sentir, les importateurs et les grossistes de produits locaux, qui ont bénéficié de mesures de soutien de leur activité depuis le début de la crise sanitaire, sont particulièrement surveillés. « Du fait de la baisse de la demande, ils pourraient connaître des difficultés ou des retards d’écoulement sur le marché », poursuit le banquier ivoirien. Pour les établissements de crédit locaux, l’heure est donc au déploiement de solutions (délais de remboursement, produits de couverture, rééchelonnement). Un service qui n’est pas gratuit mais qui reste mesuré.
Que dire de Wagner au Mali ?
Wagner au Mali : enquête exclusive sur les mercenaires de Poutine
Depuis plusieurs mois, les hommes de Wagner ont pris pied au Mali. Comment leur présence s’est-elle décidée ? Combien sont-ils et où sont-ils déployés ? Comment se financent-ils ? Jeune Afrique lève le voile sur le théâtre d’ombres de Moscou à Bamako.
Chacun a veillé à apporter ses dossiers. Emmanuel Macron, costume noir et cravate assortie, a disposé sous sa main gauche une chemise de la même couleur. Le président français a pris soin de préparer de quoi prendre quelques notes. L’ancien ministre de l’Économie a été à bonne école : plusieurs de ses aînés au gouvernement lui ont naguère appris qu’un bon politicien ne se déplaçait jamais sans quelques papiers sous le bras. Question de crédibilité. À quelques mètres de là, de l’autre côté d’une table longue de cinq mètres, Vladimir Poutine l’observe. Habillé d’un bleu marin qui tranche sur les teintes crème du salon des représentations du Kremlin, les coudes écartés, le chef de l’État russe a planté ses talons dans le sol. La posture évoque la nonchalance, l’assurance et l’expérience.
Durant cinq heures, ce 7 février, les deux adversaires évoquent la sécurité en Europe de l’Est et la crise qui touche l’Ukraine, menacée d’invasion par la Russie. Mais le Mali est aussi au menu des discussions. Depuis plusieurs mois, Paris dénonce l’implication croissante du groupe Wagner à Bamako, tandis que Moscou se borne à nier tout lien avec ces mercenaires. Emmanuel Macron n’est pas dupe. Il a à sa disposition les informations de ses services de renseignement prouvant la connexion entre le groupe et Evgueni Prigojine, un familier de celui qui se trouve aujourd’hui face à lui, de l’autre côté de l’immense table.
Le président français le sait, cette arrivée des mercenaires au Mali qui a précipité le retrait de Barkhane s’est faite avec l’aval du Kremlin. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Emmanuel Macron dénonce cette relation. Il l’a fait voici quelques mois au sujet d’un autre pays africain, la Centrafrique, et son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, l’a lui aussi répété.
Il en faut plus pour déstabiliser Vladimir Poutine. Ce dernier se sait découvert mais protégé. Le groupe Wagner n’a aucune existence légale en Russie, où les sociétés militaires privées sont interdites. Et personne n’a jamais pu mettre la main sur un ordre direct du Kremlin aux mercenaires. Alors le président russe nie. Ce 7 février, la partie de poker menteur continue.
Ivan Maslov, numéro un à Bamako
Une autre manche s’était déjà jouée à Bamako, le 22 novembre. Cette fois, Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères malien, est aux commandes. À domicile, il a convoqué les ambassadeurs africains accrédités dans son pays pour échanger sur la brouille diplomatique avec la Cedeao, qui s’apprête à alourdir les sanctions infligées au Mali. Le chef de la diplomatie espère calmer le jeu. Il affirme que le président Assimi Goïta et son gouvernement sont prêts au dialogue et réfute toute ingérence extérieure. Pour Bamako, comme pour Moscou, Wagner n’existe pas et les informations selon lesquelles un accord a déjà été passé relèvent de la propagande et d’un acharnement contre le Mali.
Depuis de longs mois, s’appuyant sur un sentiment anti-français en plein essor et diffusant les discours anticoloniaux du politologue Aleksandr Dugin ou de l’oligarque Konstantinos Malofeev, Moscou et Evgueni Prigojine ont pourtant bien avancé leurs pions en territoire malien. Grâce à son groupe de médias Patriot, à l’association Afric ou à la Fondation russe pour la défense des valeurs nationales, l’homme d’affaires a accordé soutiens et financements à plusieurs figures de la société civile. Adama Ben Diarra, président de l’association Yerewolo, en a notamment profité. Dès janvier 2019, Yerewolo affirmait avoir déposé une pétition de huit millions de signatures à l’ambassade de Russie – où le diplomate Igor Gromyko et sa « cellule d’influence » la suivent de près – pour appeler Moscou à « faire un contrepoids à la Minusma et à Barkhane ».
Ce 22 novembre donc, loin du ministère des Affaires étrangères, un homme est déjà à pied d’œuvre. Il se nomme Ivan Aleksandrovitch Maslov. Cet ancien sous-officier des forces spéciales (les fameuses « spetsnaz ») de la marine russe n’a pas encore quarante ans. Né le 11 juillet 1982 à Arkhangelsk, sur les rives glacées de la baie de la Dvina, dans le nord de la Russie, il a débarqué au Mali dans le courant de l’année 2021. Très discrètement. L’homme ne peut guère se permettre d’être trop aisément identifié : à Bamako, il a été chargé par Evgueni Prigojine, le financier de Wagner, et Dmitri Utkin, numéro deux et chef opérationnel du groupe, de prendre la tête des futures unités de mercenaires.
Un général malien à la manœuvre
Les services de renseignement occidentaux ont classé ce personnage d’apparence joviale, qui partage volontiers photos de famille et contenus liés aux services de renseignement militaire russe (le fameux GRU) sur ses réseaux sociaux, numéro un dans l’organigramme de Wagner au Mali. À ses côtés, à Bamako, il dispose de deux bras droits, qui l’assistent pour préparer le déploiement du groupe et de ses troupes. Sa devise : « Je préfère être détesté pour ce que je suis plutôt qu’aimé pour ce que je ne suis pas. »
Détesté ou non, Ivan Maslov est en tout cas accueilli en terres maliennes par une figure de haut rang, un officier considéré comme le promoteur le plus zélé de Wagner au sein de l’armée : le colonel Alou Boï Diarra, chef d’état-major de l’Armée de l’air, promu général en janvier dernier.
Avant de jouer les entremetteurs pour les équipes de Prigojine, ce pilote expérimenté, un temps aux manettes du seul Casa C295 de l’armée malienne, a longtemps cultivé une certaine proximité avec la France. Formé en partie à Salon-de-Provence, il aurait aussi été, selon l’une de nos sources, un « correspondant » des services de renseignement français.
Puis viendra le temps des désillusions. L’humiliation de l’armée malienne en 2012, l’arrivée des soldats français qui, de sauveteurs, se transforment progressivement en occupants. Ce militaire au sentiment nationaliste exacerbé le vit mal. Il ne supporte plus l’état de déliquescence de son pays et de son institution. Malin, opportuniste, il se rallie aux meneurs du putsch contre Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en 2020, puis parvient à se faire une place au sein de la junte.
SADIO CAMARA ET ALOU BOÏ DIARRA ONT PLANIFIÉ ET ORGANISÉ LE DÉPLOIEMENT DE WAGNER
L’officier se rapproche notamment de Sadio Camara, le russophile ministre de la Défense, décrit par beaucoup comme le véritable homme fort du pays. Formé en Russie, ce colonel de la puissante Garde nationale, le cou souvent ceint d’un chèche beige, est le principal artisan du rapprochement entre Moscou et Bamako. Ces derniers mois, ceux qui patientaient dans son antichambre climatisée voyaient souvent Alou Boï Diarra sortir de son bureau. Durant leurs rendez-vous, derrière la porte matelassée, nul doute qu’il a souvent été question de coopération avec les Russes.
« Sadio Camara et Alou Boï Diarra ont planifié et organisé le déploiement de Wagner au Mali. Le premier en a été le penseur, le second l’exécutant », assure une source française haut placée. Courant 2021, Sadio Camara effectue plusieurs allers-retours en Russie, y compris en juin et en août. Certaines sources assurent que le colonel Diarra était parfois du voyage. Objectif de ces missions : ficeler un accord entre Wagner et les autorités de transition maliennes.
Ballet aérien dans le ciel de Bamako
À la fin de l’année 2021, à mesure que le fossé se creuse entre les autorités françaises et maliennes, Wagner tisse sa toile sur les terres de Soundiata Keïta. À la manœuvre, encore et toujours : Ivan Aleksandrovitch Maslov. En concertation avec Alou Boï Diarra, l’ancien spetsnaz poursuit ses repérages, organise et planifie l’arrivée des premiers contingents de mercenaires. Selon nos informations, il en réfère directement à son patron, le magnat Evgueni Prigojine, lequel a déjà suivi les opérations africaines de ses hommes en Libye, au Soudan, en Centrafrique ou encore au Mozambique. Dans les derniers jours du mois de novembre, accompagné du chef d’état-major de l’armée de l’air, Maslov se rend notamment à Nara, dans la région de Koulikoro, à Sikasso et à Mondoro, près de la frontière nigérienne.
À l’approche de la Saint-Sylvestre, les premiers mercenaires de Wagner débarquent à l’aéroport de Bamako. Leur nombre ne cessera de croître au fil du mois de janvier. Jusqu’à atteindre, d’après des estimations des services de renseignement français, environ 800 hommes début février – avec pour objectif un millier d’ici la fin du mois. Impossible de connaître précisément leur nationalité, mais la majorité d’entre eux seraient russes ou originaires d’Europe de l’Est et du Caucase. La plupart de ces combattants ont été acheminés au Mali depuis la Libye et la Syrie à bord d’Iliouchine de l’Armée de l’air russe. Ces dernières semaines, ces avions de transport ont multiplié les rotations entre l’aéroport de Bamako et les autres théâtres où opère Wagner.
Beaucoup de ces vols sont passés sous les radars, mais certains ont pu être recensés. Le ballet des Iliouchine II-76, mais aussi des Tupolev-154, un avion-cargo plus massif, se déploie des environs de Moscou à Bamako en passant par la Syrie, la Libye et, parfois, le Soudan. Ainsi, le 18 décembre, l’avion Tu-154 immatriculé RA-85042 s’est envolé à 22h17 de l’aéroport de Chkalovsky, situé à une trentaine de kilomètres au nord-est de Moscou et régulièrement utilisé par l’armée russe. Il s’est dirigé vers la Syrie puis l’Égypte, où il s’est posé dans les environs de la ville méditerranéenne d’Alexandrie. L’appareil a ensuite effectué une rotation en Libye, entre Syrte et Misrata… Avant de se poser à Bamako le 19 décembre, à 22h08.
Un aéroport sous pavillon russe ?
L’aéronef n’y passera qu’un peu plus de cinq heures. À 3h25 du matin, il reprenait la direction de la Syrie puis de la Russie, où il se posait dans la soirée à Chkalovsky. Il est loin d’être le seul à effectuer le voyage. De multiples allers-retours sont en effet organisés par les 223e et 224e unités de vol de l’armée de l’air russe, des entités hybrides public-privé qui assurent le déploiement militaire de la Russie et de ses partenaires privés. Celle-ci dispose d’une flotte d’avions-cargos Tupolev, Antonov ou encore de près de vingt Iliouchine II-76, appréciés pour le transport de troupes. Le 28 janvier dernier, un autre Tupolev (RA-85041) a ainsi une nouvelle fois atterri à Bamako, en provenance de Chkalovsky et après des étapes à Lattaquié, base militaire russe en Syrie, Khartoum – où le groupe Wagner entretient une présence depuis plusieurs années – et Benghazi, en Libye.
ILS SE POSENT, DÉCHARGENT ET REPARTENT. C’EST PRESQUE DEVENU UNE ROUTINE
Ce genre de circuit, les observateurs de l’aéroport de Bamako ont appris à le connaître. « Ils se posent, déchargent et repartent. C’est presque devenu une routine », explique une source sécuritaire. Une fois sur le tarmac, la plupart des mercenaires rejoignent la base construite par Wagner sur le versant sud-est de la piste d’atterrissage. Avec sa vingtaine de tentes et baraquements, celle-ci constitue une sorte de base arrière logistique de l’organisation dans le pays. À l’autre bout de la piste, un autre bâtiment, à l’abri des regards, sert également aux activités du groupe Wagner : le pavillon présidentiel de l’aéroport.
Construit par des entreprises chinoises, il avait été inauguré par IBK pour le sommet Afrique-France qui s’était tenu à Bamako en 2017. Officiellement, les autorités de transition continuent à s’en servir mais, depuis le mois de décembre et l’apparition de gardes armés barrant sa route d’accès, le doute s’épaissit sur ce qui se passe vraiment entre ses murs.
Loin du tumulte du bâtiment principal de l’aéroport, les passagers peuvent y pénétrer sans être vus. Le bâtiment, décrit comme « immense » par un de ses anciens habitués, dispose de grandes salles, de salons, de sanitaires, de cuisines et même d’appartements privés tout équipés. Bref, de quoi héberger sans problème des invités de marque tels que des responsables de Wagner et une partie de leur matériel. « Les Russes sont parfois accueillis en zone présidentielle », confirme une source sécuritaire malienne, sans plus de précisions.
Exactions et tortures
Une fois à Bamako, les mercenaires sont envoyés vers leurs théâtres d’opération, par voie terrestre ou aérienne. Quelques hélicoptères russes de transport de troupes ont notamment été acheminés de Centrafrique au Mali courant janvier. Selon une source à Bangui, les allers-retours sont réguliers depuis le mois de novembre entre le camp banguissois de Kassaï et le Mali. Aleksander Maltsev, commandant des mercenaires basés à Bria, en Centrafrique, a notamment été dépêché au Mali à la fin du mois d’octobre pour travailler avec Ivan Aleksandrovitch Maslov sur le déploiement des troupes en territoire malien.
Début février, environ 200 éléments de Wagner étaient présents sur la base de Bamako, 150 à Sikasso et 150 autres à Tombouctou où – ironie de l’Histoire – ils ont pris leurs quartiers dans l’ancienne enceinte française. Fin janvier, ils ont commencé à patrouiller aux alentours de la « ville aux 333 saints », mais sans y engager encore de combats avec les groupes jihadistes. Ils ont aussi démarré la formation des Forces armées maliennes (Famas) à Diabali, dans la région de Ségou.
Surtout, les mercenaires ont commencé à passer à l’action dans le centre du pays. Près de 300 d’entre eux sont ainsi répartis entre Mopti et un poste avancé situé à Sofara, d’où ils mènent leurs missions de sécurisation – dont certaines sous couvert de l’opération Keletigui, déclenchée en décembre par l’armée malienne. Sur le terrain, les combattants de Wagner et les Famas forment des unités conjointes. La plupart du temps, elles sont composées d’une cinquantaine d’hommes de chaque bord. Parmi les unités maliennes déployées avec Wagner se trouve notamment le Bataillon autonome des forces spéciales (BAFS), dont est issu un certain… Assimi Goïta. Quant au matériel, les membres de Wagner disposent de leur propre armement, de moyens d’interception de communications et de drones d’observation, mais ils se déplacent souvent à bord des Typhoon ou autres blindés des Famas pour rester (relativement) discrets.
LEUR COMPORTEMENT VIOLENT AURAIT TENDANCE À DÉSINHIBER DES MILITAIRES MALIENS SOUVENT POINTÉS DU DOIGT POUR LEURS ABUS
À la fin du mois de janvier, plusieurs opérations impliquant des mercenaires ont été recensées par les services français. Dans le cercle de Niono et à Diabali, mais essentiellement dans les zones de Sofara, Bandiagara et Bankass. Ils y procèdent à des patrouilles de repérage, et sont parfois dotés d’un appui aérien – des hélicoptères, donc, mais aussi de petits avions. Au sol, ils traquent les membres des groupes jihadistes ou ceux qu’ils suspectent d’en être.
Selon plusieurs sources sécuritaires, leurs méthodes sont « brutales » et « expéditives ». « Ces gens ne font pas dans la dentelle. Ils prennent des civils au hasard et les torturent, parfois avec de l’outillage, pour qu’ils parlent », assure l’une de nos sources. Une fois un campement ou un groupe jihadiste identifié, les mercenaires décident d’envoyer des Famas ou d’intervenir eux-même, n’hésitant alors pas à ouvrir le feu.
Sacs mortuaires
D’après plusieurs sources, leur présence et leur comportement violent auraient également tendance à désinhiber davantage encore des militaires maliens souvent pointés du doigt pour leurs abus contre les populations. Comme en Centrafrique, plusieurs accusations d’exactions contre des civils commencent à émerger depuis l’arrivée des combattants de Wagner au Mali. Différents exemples peuvent être cités. Le 28 janvier, près de Tonou, dans le cercle de Koro, un véhicule des Famas a sauté sur un engin explosif improvisé (les fameux IED, en anglais) alors que des éléments de Wagner patrouillaient dans le secteur. Une expédition punitive a alors été menée dans le village avoisinant et plusieurs personnes y ont été tuées. Autre cas, cette fois près de Sofara, dans le village de Balaguira, rattaché à la commune de Timniri. Entre le 26 et le 29 janvier, des incidents y ont eu lieu et une dizaine de civils auraient été exécutés.
Quid des pertes côté Wagner ? Difficile d’en donner une estimation précise. Plusieurs de leurs hommes ont été blessés dans des combats ou après le passage de leurs convois sur des IED. Certaines sources évoquent également des morts, sur la foi de sacs mortuaires aperçus dans des hélicoptères allant de Mopti-Sévaré à Bamako. Mais, bien évidemment, aucune annonce officielle n’a été faite. Les décès au sein du groupe sont traités dans la plus grande discrétion, les sociétés d’Evgueni Prigojine se chargeant de dédommager d’une faible somme les familles des disparus. Une manière, également, d’acheter le silence des intéressés et d’entretenir le mythe de toute-puissance des mercenaires.
ILS ESSAIENT DE PRENDRE EN MAIN LA CONDUITE DES OPÉRATIONS. CELA CRISPE LES OFFICIERS MALIENS
Quelques semaines après l’arrivée des premiers contingents de Wagner au Mali, des dissensions, voire des tensions, sont également déjà perceptibles entre les Famas et leurs nouveaux alliés au sein des unités conjointes. Mercenaires et militaires n’ont pas les mêmes modes d’action. Les seconds, qui jugent leurs partenaires peu compétents, ont tendance à prendre de plus en plus d’autonomie. Les premiers, eux, n’apprécient guère de recevoir des ordres, parfois secs, de ces étrangers qui ne connaissent rien à leur pays.
Un sentiment qui émerge aussi dans les états-majors à Bamako, où des instructeurs de Wagner commencent à arriver. « Ils essaient de prendre en main la conduite des opérations. Évidemment, cela crispe les officiers maliens », constate une source sécuritaire. Outre les différents corps de l’armée, des membres du groupe travaillent aussi avec les forces de sécurité intérieures que sont la police et la garde nationale.
Pour quelques millions de dollars
Quel est le prix du déploiement de ces mercenaires sur le territoire malien ? Ce secret n’est pour le moment connu que de Sadio Camara, Alou Boï Diarra et d’Ivan Aleksandrovitch Maslov. Comme en Centrafrique, l’objectif serait toutefois de leur permettre de se rémunérer en accédant au secteur extractif du pays. Dès le mois d’août 2021, Sergueï Laktionov, géologue au service de Wagner, débarque à Bamako avec l’un de ses subordonnés, prénommé Evgueni. Ce professionnel reconnu de 54 ans n’est pas un inconnu des renseignements occidentaux.
Il est en réalité l’un des collaborateurs d’Andreï Mandel, qui a déjà présidé aux destinées minières de Wagner au Soudan et en Centrafrique. Mandel lui-même, patron de la société M-Invest (société satellite de la galaxie Wagner) au Soudan, a d’ailleurs effectué un séjour à Bamako à la fin du mois de novembre 2021, afin de surveiller, comme en Centrafrique, les intérêts de Wagner dans le domaine minier.
Après avoir sillonné la Centrafrique, Sergueï Laktionov s’est envolé pour le Mali afin d’en parcourir le centre et le sud à la recherche de potentiel minier – notamment en or et en magnésium – pouvant intéresser ses employeurs. Il a également effectué au minimum une deuxième rotation malienne, fin novembre, en même temps qu’Ivan Maslov. Selon nos informations, les deux hommes ont travaillé de concert à la création d’une société minière de droit malien baptisée Alpha Development en passant par des prête-noms. Celle-ci n’a pas encore été formellement enregistrée mais devrait à l’avenir porter les intérêts de Wagner dans le secteur extractif. Plusieurs régions seraient visées, en particulier celles de Kayes et de Sikasso.
Des soupçons ont également vu le jour récemment autour de permis miniers accordés dans la zone de Bakolobi à des entreprises contrôlées par des proches du ministre des Mines, Lamine Seydou Traoré, lequel est un intime de son collègue de la Défense, Sadio Camara.
Concessions minières
Des concessions ont-elles déjà été accordées à Alpha Development ou à une autre société malienne liée au groupe Wagner ? Malgré les suspicions, rien ne permet encore d’affirmer qu’un contrat a été formellement signé. À en croire des responsables américains, le gouvernement malien paierait environ dix millions de dollars par mois les services de Wagner. Selon nos informations, Bamako a notamment effectué en janvier au moins un virement d’un montant de 1,5 million d’euros, prélevé sur le budget national. Contactés, des membres du gouvernement malien n’ont pas souhaité faire de commentaires.
Peu importe le coût. Pour les autorités de transition, il faut désormais montrer qu’elles ont eu raison de mettre les Français à la porte et de faire appel à Wagner. D’où leur volonté d’afficher rapidement un bilan de la coopération avec leur nouveau partenaire dans le centre du pays. Quitte, comme le craint une source diplomatique, « à aligner les cadavres », jihadistes ou non, pour montrer que les résultats sont là. Ou à gonfler les bilans des opérations militaires en cours, comme plusieurs observateurs le suspectent. Quelle est la suite de la stratégie ? Nul ne le sait précisément. Mais d’aucuns estiment que le nombre de mercenaires va continuer à croître dans les semaines à venir.
Dans l’esprit de certains membres de la junte, et notamment de Sadio Camara, la tentation de déployer ces alliés dans le Nord est réelle. Avec, pour objectif ultime, la reconquête de Kidal, dont la prise par les ex-rebelles touaregs n’a jamais été digérée. En plus de Tombouctou, où leurs hommes sont déjà présents, des responsables de Wagner se seraient aussi rendus à Gao pour y effectuer des repérages début janvier. Si les contingents français et européens sont sur le départ, les Casques bleus de la Minusma, principalement présents dans le Nord, restent, eux, sur ce terrain miné. Pour l’instant, aucun accrochage n’a eu lieu avec les troupes de Wagner. Mais des cadres onusiens le redoutent et s’inquiètent de cette cohabitation.
LE BURKINA FASO ET LE NIGER, PROCHAINES CIBLES DE WAGNER ?
Quant aux Français et à Emmanuel Macron, ils craignent désormais un phénomène de contagion. Après avoir sous-estimé celle-ci quand Wagner prenait pied en Centrafrique, puis après avoir pensé, à tort, qu’une répétition du scénario centrafricain était peu probable au Mali, ils ont désormais les yeux braqués sur le Burkina Faso et le Niger, cibles toutes désignées des ambitions wagnériennes et où le sentiment anti-français est déjà bien présent.
Comme naguère les dirigeants soviétiques s’inquiétaient d’un effet domino renversant les unes après les autres les républiques sœurs d’Europe de l’Est, les Occidentaux et leurs alliés surveillent aujourd’hui un autre risque de réplique en Afrique de l’Ouest. Interrogé récemment par Jeune Afrique sur l’arrivée de Wagner à Bamako, le président nigérien avait estimé que celle-ci n’était « pas la solution ».
Nouveau président Burkina
Le lieutenant-colonel Damiba investi président du Burkina Faso
Publié le : Modifié le :
Le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, chef de la junte militaire qui a renversé le président du Burkina Faso en janvier, se prépare à prêter serment à la tête de l'État lors d'une cérémonie à Ouagadougou, Burkina Faso, le 16 février 2022.via REUTERS - Burkina Faso Presidency Press Se
Suite au coup d’État du 24 janvier dernier, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba est désormais officiellement président du Burkina Faso. Il a été investi, ce mercredi 16 février, à Ouagadougou par le Conseil constitutionnel.
Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani
Jusqu'ici président du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration du Burkina Faso (MPSR) et chef de la junte au pouvoir, il est désormais aux commandes jusqu’à la fin de la période de transition qui n’est pas encore déterminée. Lors de son investiture, le tout-nouveau président a tenu à préciser qu'il n'agit pas dans une logique révolutionnaire, mais qu'il s'agit d'une transformation positive profonde.
En tenue « terre du Burkina », la tenue de combat des forces armées burkinabè, béret rouge sur la tête, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a levé la main droite et prononcé la formule de serment : « Je jure devant le peuple burkinabè et sur mon honneur de respecter et de faire respecter et de défendre la Constitution, l’acte fondamental et les lois, et de tout mettre en œuvre pour garantir la justice à tous les Burkinabè ».
Par ce serment, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba s’engage à faire valoir le droit et la justice sur toute autre forme de gouvernance, a rappelé le doyen des juges du Conseil constitutionnel. Le Conseil l’a aussitôt installé dans ses fonctions de président du Burkina Faso, chef de l’État. La durée de son mandat sera déterminée par la charte de la transition, selon le président du Conseil constitutionnel.
« Nous avons pris l'engagement de faire en sorte que le processus en cours dans notre pays soit le plus inclusif possible afin de prendre en compte les aspirations profondes de notre peuple. C'est dans cette dynamique qu'a été installée la commission technique d'élaboration du projet de textes et de l'agenda de la Transition qui a déjà commencé ses travaux et qui devrait indiquer le chemin à suivre pour un retour à un ordre constitutionnel accepté de tous », a déclaré le désormais président.
La lutte contre l'insécurité reste la priorité
Devant des invités triés sur le volet et composés de chefs militaires, représentants d’institutions, de corps diplomatiques, coutumiers et religieux, le président Paul-Henri Damiba a fait savoir que l’œuvre de refondation portée par le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) ne s’inscrit pas dans une logique révolutionnaire, mais elle est plutôt un projet de transformation positive profonde qui placera au centre de toutes les actions la valeur d’intégrité.
« Nous allons procéder à une dépolitisation systématique, méthodique et progressive de l'administration publique. Seuls doivent prévaloir les compétences techniques et la probité. De même, la lutte contre la corruption doit prendre une nouvelle dynamique. Il faudra en effet que tous les dossiers de crimes économiques, trop longtemps restés dans les tiroirs, soient examinés au plus vite. »
Au-delà de la lutte contre l’insécurité qui reste la priorité, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba a souligné que la dépolitisation de l’administration publique, la lutte contre la corruption, et notamment les dossiers de crimes économiques trop longtemps restés dans les tiroirs, doivent être réexaminés.
Il a également prévenu que tous ceux qui tenteront de faire obstruction au processus assumeront les conséquences de leurs actes. Enfin, sur le plan diplomatique de la coopération, le lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba a souligné que le Burkina Faso réitère sa disponibilité à travailler en toute souveraineté, et ce avec tous les partenaires, dans le respect mutuel.
Le président Paul-Henri Damiba a terminé son discours sans la devise chère au capitaine Thomas Sankara, « la Patrie ou la mort, nous vaincrons ».
Sénégal : concert de Burna Boy, un festival de désinvolture
Mis à jour le 14 février 2022 à 18:36
Par Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Prévu le 25 décembre dernier, puis le 1er janvier, puis le 12 février, le concert dakarois de Burna Boy a finalement eu lieu le 13 février, après de longues heures de retard. Les Sénégalais ont de quoi être blasés…
Une star sans caprice, est-ce vraiment une star ? Et le plaisir d’en rencontrer une n’est-il pas décuplé, lorsque l’heure H a joué les prolongations ? Toute patience a tout de même des limites, surtout quand les excuses floues virent à la mystification. La promo du dernier concert dakarois de la star nigériane Burna Boy aurait-elle dû mettre la puce à l’oreille des fans ? Des affiches et sites de réservation de tickets du spectacle du 12 février annonçaient la date, les tarifs – minimum 10 000 francs CFA – et le lieu – l’esplanade du musée des Civilisations noires –, mais pas… l’heure.
Panne de jet
C’est finalement le 13 février à 2h45 du matin que le chanteur s’est produit. Certes, un proverbe ouest-africain enseigne que « C’est celui a dormi qui sait qu’il y a de la bière de mil d’hier ». Mais ce n’est pas qu’un retard de quelques heures qu’avait accusé le musicien. Initialement prévu le 24 décembre 2021, son concert avait été reporté au 1er janvier « Inch’allah si Dieu le veut », selon les organisateurs locaux évoquant alors « quelques problèmes techniques » non précisés.
Une présumée panne d’avion, selon certaines sources. Une star sans jet privé ne serait-elle que l’ombre d’elle-même ? Dieu n’aura pas voulu non plus du premier jour de l’an et c’est ce 12 février, au matin, que les journalistes accrédités étaient finalement convoqués à l’aéroport pour accueillir la star.
A 9 heures, point de chanteur ; pas plus à midi ; pas davantage de Burna Boy sur la scène au basculement de samedi à dimanche, le jet n’ayant pas encore achevé son atterrissage. C’est donc à trois heures moins le quart du matin que les plus chevronnés des spectateurs, certains présents depuis 19 heures, verront le chanteur monter sur scène. Celui-ci quittera finalement le Sénégal sans contact avec la presse…
Le mépris
Ce sont des mélomanes africains échaudés qui finissent par craindre l’eau froide des mépris de stars. Le 9 décembre 2017, c’est l’Ivoirien DJ Arafat qui refusait de monter sur scène à la Place du souvenir africain de Dakar, jugeant le public insuffisant.
BOOBA CRÉERA LA POLÉMIQUE EN REPOUSSANT BRUTALEMENT UN JEUNE FAN
Quelques mois plus tôt, ce sont des propos et des gestes du rappeur français d’origine sénégalaise Booba qui avait choqué à Dakar. « B2o » avait accusé une heure et demie de retard à son rendez-vous avec la presse, avant d’enclencher la machine à clashs qui fait sa réputation, qualifiant la scène hip hop sénégalaise de trop « peu connue », « comme le rap polonais », pour justifier une collaboration. À un concert qui suivra sur la place du monument de la Renaissance africaine, Booba créera la polémique en repoussant brutalement un jeune fan…
Booba, DJ Arafat ou Burna Boy ont-ils la même désinvolture, lorsqu’ils doivent « prester » dans une grande capitale occidentale ? En France, le premier ne se gêne pas pour critiquer les autres rappeurs, pas seulement sénégalais ni polonais. Quant à feu « Arafat », il traînait des casseroles en Europe, comme un concert retardé et inachevé dans la fameuse salle parisienne du Bataclan. Coupé-décalé décalé et loupé…
Attaque petit séminaire Fada
Attaque du petit séminaire de Bougui au Burkina : L’évêque de Fada N’gourma sur les lieux
Le petit séminaire Saint Kisito de Bougui, situé à une dizaine de kilomètres de Fada N’Gourma, province de Gourma, dans la région de l’Est a été attaqué dans la nuit du 10 au 11 février 2022 par des hommes armés non identifiés (HANI). Il n’y a heureusement pas eu de pertes en vies humaines. En revanche on enregistre beaucoup de dégâts matériels : deux dortoirs ont été brûlés ainsi qu’une salle de classe. Le véhicule d’un prêtre formateur a également été emporté et un autre saccagé.
Après s’être dispersés dans un premier temps, tous les pensionnaires et leurs encadreurs ont été retrouvés mais auraient besoin d’un soutien psychologique. « Nous avons la position de tous les formateurs. L’incident a occasionné la dispersion de bon nombre de séminaristes », a indiqué le vicaire général du diocèse, abbé Théophile Tindano à ses confrères.
Des dortoirs calcinés
Joint au téléphone par lefaso.net ce vendredi 11 février 2022 aux environs de 10 h, une source confirme les faits. Selon son témoignage, c’est autour de 22h la nuit dernière que les HANI sont entrés dans l’enceinte du séminaire par le côté du second cycle. Une fois sur place, ils se sont dirigés vers le réfectoire des élèves. Pris de panique, certains se sont réfugiés dans la nature et d’autres dans des salles de classe.
Les hommes armés ont arrêté un Abbé, formateur du séminaire, et lui ont intimé l’ordre de leur donner la clé du pick-up. Mais ce dernier ne les avait pas. Il ne détenait que les clés de deux motos en plus de celle de sa propre voiture. Mais les assaillants exigeaient la clé du pick-up. Finalement, c’est la voiture du prêtre qui sera emportée.
Une salle de classe brûlée
Deux semaines de congés pour s’oxygéner
« Tout le monde répond à l’appel, prêtres formateurs et séminaristes. Pour le moment, une opération d’évacuation des séminaristes vers la paroisse de Fada serait en cours », a rapporté notre source.
Informé du drame, Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada, s’est rendu sur les lieux pour constater les dégâts et remonter le moral des enfants. Après s’être longuement entretenu avec eux, il leur a donné deux semaines de congés. Pour lui, ce temps va leur permettre de s’oxygéner et de pouvoir poursuivre un peu plus sereinement les études. C’est dans cette logique qu’il a invité les vocandis à l’ouverture d’esprit afin de pouvoir évacuer la psychose. « Si quelqu’un vous demande ce qui s’est passé, dites tout ce que vous avez vu », leur a-t-il conseillé. Il a aussi demandé aux parents d’élèves d’être à l’écoute de leurs enfants, a relaté notre source.
Une vue du petit séminaire Saint Kisito de Bougui
Le petit séminaire Saint Kisito de Bougui, ouvert en 2003 par le diocèse de Fada N’Gourma, serait aujourd’hui à la recherche de locaux en ville pour y emménager, en attendant des jours meilleurs. Selon la même source, « Il va falloir déménager tout le séminaire, trouver des dortoirs et des salles de classe en ville pour terminer l’année. Des séminaristes et des prêtres ont besoin de soutien psychologique ».
Dofinitta Augustin Khan
Lefaso.net
Attaque du petit séminaire de Bougui : Le cardinal Philippe Ouédraogo demande aux nouvelles autorités d’agir conformément à leur rêve
A l’occasion du 30e anniversaire de la journée mondiale des malades, le cardinal Phillipe Ouédraogo, archevêque de Ouagadougou a rendu visite aux patients de l’hôpital Paul VI de Ouagadougou. Interrogé sur l’attaque survenue au petit séminaire saint Kisito de Bougui, dans la nuit du 10 février 2022, il dit avoir échangé avec Mgr Pierre Claver Malgo, évêque de Fada la nuit dernière « Hier nuit j’ai parlé avec l’évêque de Fada N’gourma au téléphone sur ce drame, nous étions tous désemparés et surpris »
Que faut-il au Burkina Faso ? S’interroge-t-il avant d’affirmer que la patrie des hommes intègres est en quête de réconciliation, de justice, de paix mais pas de violence ni de tuerie. Il a béni Dieu pour avoir épargné la vie de ces enfants en quête de leur vocation « Dieu merci, nous n’avons pas enregistré de victime mais seulement des dégâts matériels. »
Pour finir, il a demandé aux nouvelles autorités d’agir conformément à leur rêve, celui de pacifier le Burkina Faso. « Nous souhaitons que les nouvelles autorités puissent restaurer l’intégrité territoriale et de redonner au peuple burkinabé toute sa confiance et toute son espérance pour un meilleur vivre ensemble » a-t-il conclu.