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[Tribune] Coronavirus : l’Afrique peut sortir gagnante, à condition de trouver sa voie

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Consultant en communication politique, ancien conseiller de Laurent Gbagbo

Une femme reçoit des denrées alimentaires, à Dakar, le 28 avril.

Face aux discours alarmistes ou condescendants envers nos initiatives dans cette crise sanitaire, l’Afrique doit être unie et solidaire. Notre continent peut profiter du Covid-19 pour se réinventer et concevoir ses propres solutions politiques, économiques et médicales.

Depuis l’apparition en Égypte, le 17 février, du premier cas africain enregistré, la propagation du virus semble plutôt contenue. Au 28 avril 2020, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), on enregistrait en Afrique un total de 33 329 cas dans 52 pays sur 55 (pour 1 470 décès), sur une population d’environ 1,2 milliard d’habitants. Déconnectés des réalités socio-économiques voire culturelles de leurs pays, de nombreux gouvernants africains ont pourtant décidé de faire « comme les autres ».

Plusieurs États ont étrangement opté pour le confinement total ou partiel. C’est une mesure sanitaire qui risque d’accentuer la précarité parmi les populations fragiles, en particulier celles travaillant, si nombreuses, dans le secteur informel. Cette disposition, qui n’a pas fait ses preuves sanitaires, est destructrice pour nos économies, bien plus que pour celles des pays développés.

En Amérique du Nord ou en Europe, les métiers, notamment dans le service, sont plus digitalisés, et la protection sociale demeure la norme pour assurer et aider les individus devant les risques majeurs de l’existence (chômage, maladie, vieillesse, famille). Grâce à la multiplicité des canaux médiatiques et à la qualité des réseaux de télécommunications, l’information circule plus facilement.

Entre le Covid-19 et la faim

Que dire aux commerçants des marchés de Johannesburg, Casablanca, Dakar ou d’Abidjan, dont le salaire journalier constitue le gagne-pain ? Comment expliquer à nos concitoyens de Conakry, Freetown ou Kinshasa, que le nouveau coronavirus, bien moins mortel que la malaria ou qu’Ebola, doit les obliger à rester chez eux ? Respecter les gestes barrières, oui, se prémunir de grosses manifestations, peut-être ; mais rester chez soi, avec le risque de provoquer des désastres économiques, familiaux, psychologiques, certainement pas !

Comment peut-on survivre à un confinement lorsqu’on dépend de son travail quotidien pour manger ? Les gouvernements ont certes mis en œuvre des mesures d’accompagnement (suspension des taxes, redevances municipales, suspension des factures d’électricité et d’eau, couloirs humanitaires, réduction du prix du carburant…) mais il est désormais question pour l’Afrique de nouveaux paradigmes et non de mimétisme ou de pansements.

Madagascar et le remède naturel

Si certains dirigeants africains semblent attentistes dans la situation pandémique actuelle, d’autres, en revanche, tirent leur épingle du jeu et affirment un leadership continental dans la lutte contre le virus. À Madagascar, le président Andry Rajoelina a proposé une solution sanitaire nationale : le Covid-Organics, un remède à base de plantes médicinales locales capable de prévenir et de guérir les patients malades du Covid-19.

Le chef de l’État malgache ne craint pas d’être attaqué par l’OMS, les lobbys pharmaceutiques occidentaux ou encore les « observateurs » avisés d’ici et d’ailleurs. Ces oracles qui annoncent la catastrophe, la famine ou la révolte à nous autres Africains. Les présidents Macky Sall (Sénégal), Félix Tshisekedi (RDC) ou encore Umaro Sissoco Embaló (Guinée-Bissau) ont cru en cette réponse africaine et ont très vite exprimé leur soutien ainsi que leur volonté de recevoir des échantillons.

Est-ce le début d’une affirmation de la capacité des Africains à traiter eux-mêmes leurs propres problèmes ? Espérons-le. En attendant, Andry Rajoelina a déconfiné son pays, conscient que ce n’était pas la solution. Le Covid-Organics est distribué gratuitement dans les rues et les écoles malgaches. À date, l’on dénombre une petite centaine de malades et zéro décès sur la Grande-Île.

Bâtir sa souveraineté industrielle

Au-delà d’une réponse commune sanitaire, les États doivent aussi bâtir leur souveraineté et leur propre croissance économique. La crise du Covid-19 va inévitablement impacter les relations internationales et remodeler les contours d’une mondialisation plus vertueuse. Elle contraint l’Afrique à se réinventer afin de donner une impulsion décisive à son développement économique et industriel. À défaut, le continent risque un nouveau décrochage.

Il faut intensifier les échanges intra-africains. Aujourd’hui, 15 % du commerce se fait au sein du continent contre plus de 55 % en Asie et 70 % dans l’Union européenne, selon la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), basée à Addis-Abeba. Pour favoriser les échanges commerciaux entre nos « pays frères », des communautés économiques régionales ont été lancée au cours des cinq précédentes décennies. Ce désir d’intégration s’est récemment traduit par la mise en œuvre de l’Accord de Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). La Zlecaf est entrée en vigueur le 30 mai 2019. Au total, 54 sur les 55 États membres ont déjà signé cet accord et 27 parmi eux l’ont ratifié.

La crise du Covid-19 a été un révélateur de la sous-industrialisation de l’Afrique et de sa dépendance économique, financière et logistique vis-à-vis de l’Occident et de la Chine. Toutefois, elle représente une opportunité pour les décideurs africains d’engager une véritable réflexion sur la possibilité de mutualiser leurs ressources économiques, financières, techniques et intellectuelles. Ces réformes devant aboutir, sous l’égide de la Zlecaf et du secteur privé, à un programme audacieux porté par des investissements dans l’industrie.

On éviterait ainsi de s’infliger une humiliation en recevant des respirateurs artificiels, des combinaisons de protection, des écrans faciaux, des thermomètres, des kits de prélèvement, des gants et des médicaments de donateurs chinois ou européens.

 
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Le Sénégal face à la problématique du Covid-19 en milieu carcéral

La prison de Rebeuss à Dakar (image d'illustration)
La prison de Rebeuss à Dakar (image d'illustration) G. thibault/RFI

Dans le contexte de propagation du Covid-19, la situation est particulièrement sensible dans les prisons, en raison de la forte promiscuité. L’observateur national des lieux de privation de libertés souligne qu’aucun cas n’a été confirmé à ce jour en détention, mais met en garde contre « une bombe à retardement ». 

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

2036 détenus sur un total d’environ 10 000 ont déjà été graciés par le président Macky Sall au début du mois, dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Des personnes condamnées à de courtes peines, ou en fin de détention. 

Mais pour Josette Lopez Ndiaye, observateur national des lieux de privation de liberté, il faut aller plus loin. « Nous trouvons que ce n'est pas assez. Toutes les maisons d'arrêt, les établissement pénitentiaires sont surpeuplés. On a noté qu'il y avait des taux d'occupation supérieur à 120%, voire 150%. Il suffit que le petit virus entre dans un centre de détention pour que ce soit une bombe pour la société. » 

Tous les nouveaux prisonniers sous mandat de dépôt sont placés en quarantaine à la prison du Cap Manuel à Dakar, qui a été vidée pour leur faire de la place. Autre conséquence : les visites sont suspendues dans les prisons : les familles ne peuvent donc plus apporter de nourriture. 

L’observateur fait plusieurs recommandations. « On a dit qu'il fallait des communications téléphoniques gratuites. Ces gens, qui sont dans le désarroi, ont besoin de rester en contact avec leur famille. Qu'il y ait plus de savon et lave-main partout. SI on ne s'occupe pas de la population carcérale, c'est un gros risque pour nous. Je pense qu'il va falloir que l’Etat voit ça de plus près. »

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Concernant le cas d’Hissène Habré, l’ancien président tchadien considéré comme « vulnérable », et qui a bénéficié d’une autorisation de sortie de 60 jours, l’observateur estime que la mesure remplit toutes les conditions prévues par la loi.

Le dernier bilan du ministère de la Santé sur le front du Covid-19 : le pays enregistre à ce jour 736 cas positifs, dont 442 sous traitement, 9 décès. Les autorités sanitaires le reconnaissent : le pays est « dans une phase ascendante ». 

 
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Côte d’Ivoire : comment Alassane Ouattara a repris en main la lutte contre le Covid-19

| Par Jeune Afrique
Le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le 8 avril 2020.© LONACI

En début de semaine, le chef de l’État ivoirien a exigé que les commandes en lien avec le coronavirus soient centralisées par le Conseil national de sécurité, qu’il préside.

Selon nos informations, Alassane Ouattara s’est agacé des lenteurs dans l’exécution de son plan de lutte contre l’épidémie de coronavirus, alors qu’un budget total de 95,8 milliards de F CFA (environ 145 millions d’euros) a été alloué à ce combat. Attendus le 20 avril, plusieurs millions de masques commandés en Chine ne sont toujours pas arrivés, et les centres de dépistage et de diagnostic ne sont pas encore fonctionnels, alors que le nombre de personnes infectées continue d’augmenter, tout comme celui des décès.

Audit des fonds spéciaux de soutien

Le chef de l’État ivoirien a fermement ordonné aux différents ministères (Défense, Intérieur, Santé…) de transférer immédiatement tous les contrats et commandes liés au Covid-19 au Conseil national de sécurité (CNS), dont le siège se situe à la présidence.

Fidèle Sarassoro, le directeur de cabinet d’Alassane Ouattara, qui est aussi secrétaire exécutif du CNS, gère désormais la riposte. Et le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, chapeaute l’aspect opérationnel de cette stratégie.

Le président ivoirien a par ailleurs assuré que les quatre fonds spéciaux de soutien (solidarité, grandes, petites et moyennes entreprises, secteur informel) créés à la mi-avril pour accompagner l’économie feront périodiquement l’objet d’un audit méticuleux. Ces fonds, dotés d’un budget global de 520 milliards de F CFA, ont été placés sous la responsabilité d’Adama Coulibaly, le ministre de l’Économie et des Finances.

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Sommet virtuel de la Cédéao: les Etats membres font front commun face au Covid-19

Le dernier sommet de la Cédéao avait eu lieu à Abuja au Nigeria le 21 décembre 2019.
Le dernier sommet de la Cédéao avait eu lieu à Abuja au Nigeria le 21 décembre 2019. Kola SULAIMON / AFP

Riposte sanitaire commune, appel aux banques centrales pour soutenir les PME mais aussi le secteur informel... Les 15 chefs d'Etat et de gouvernement réunis pour ce premier sommet virtuel de la Cédéao ont choisi de mettre sous le tapis les tensions et les crispations pour faire front commun contre le coronavirus. 

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Avec notre correspondant à Abuja, Moïse Gomis

En décembre 2019, le dernier sommet des chefs d'Etat de la Cédéao à Abuja s'était conclu sur des sourires de façade. En coulisses, de nmbreuses rancœurs étaient pourtant vives : le recentrage unilatéral du Nigeria sur ses frontières au grand dépit de ses voisins, la colère froide des pays hors zone FCFA autour de  la monnaie unique ouest africaine face au projet défendu par la Côte d'Ivoire mais aussi le feuilleton électoral en Guinée-Bissau.

Finalement, l'urgence posée par le Covid-19 a resserré les liens et les rangs au sein de la Cédéao. En choisissant de privilégier des réponses communautaires, les 15 chefs d'Etat et de Gouvernement ont choisi le langage de la raison et l'unité comme rempart à une crise sanitaire dont les répercussions économiques et sociales sont déjà très fortes dans la zone.

Plein de questions restent en suspens, notamment celles sur moyens financiers nécessaires pour juguler la récession en ligne de mire pour les pays de la Cédéao, si le monde reste confiné et surtout si le coronavirus continue sa propagation en Afrique.

Mais à un mois et quelques jours des 45 ans de leur communauté, les quinze retrouvent les fondamentaux de la Cédéao : un pour tous et tous pour un.

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