Entre volontarisme résiliant et menaces décuplées, entre coronavirus et terrorisme, le Mali prévoit d’assurer, dimanche la continuité de sa vie démocratique. Doit-il justifier la tenue de son scrutin législatif par les exemples français ou guinéen ?
Le miracle n’a pas eu lieu, vive le miracle ! Jusqu’à l’annonce, le 25 mars, de deux premiers cas de contamination de coronavirus, le Mali cerné de pandémie rêvait d’une exception nationale et réitérait sereinement l’appel aux urnes pour ce 29 mars. Officiellement infecté à une centaine d’heures de l’ouverture des bureaux de vote, le pays devait-il maintenir le scrutin législatif ? Sans doute trop commode, l’argument du « pourquoi pas nous ? » convoque tout de même les exemples français et guinéen…
Comparaison est-elle raison ? En Europe, entre crainte du Covid-19 et frayeur d’un vide constitutionnel, la très légaliste République française a tenu à organiser, le 15 mars dernier, le premier tour de ses élections municipales. Un choix qui sera instantanément mis à l’index, Paris se barricadant, en off, derrière l’aval de médecins et la pression présumée de l’opposition. Personne ne pouvait reprocher à Emmanuel Macron – dont le parti ne disposait d’aucun maire étiqueté tel quel – de miser sur cette très africaine « prime au sortant ».
Peut-on reprocher à Ibrahim Boubakar Keïta l’argument du rendez-vous impérieux ? « Oui », si l’on considère que les législatives maliennes ont été plusieurs fois reportées depuis octobre 2018. « Non », puisqu’elles l’ont déjà été…
Si c’est justement en brandissant l’exemple français que les autorités guinéennes ont justifié la tenue effective des élections législatives et référendaires, le 22 mars, la Guinée n’est ni la France ni le Mali. Hâter le référendum constitutionnel, soupçonné par l’opposition d’avoir pour finalité le maintien au pouvoir d’Alpha Condé au-delà de son second mandat, revenait à couper l’herbe sous le pied de la révolte.
Mais les grains de sable dans la politique guinéenne ne sont pas identiques à ceux qui grippent le fonctionnement républicain du Mali depuis 2012. Au Covid-19, aux bras de fer politiques et aux tensions intercommunautaires s’ajoutent, au pays de Soundiata Keïta, la menace d’attaques jihadistes et le rocambolesque enlèvement du chef de l’opposition, Soumaïla Cissé.
Justement, pour les partisans du maintien du scrutin malien, les attaques terroristes contredisent moins les élections qu’elles ne les justifient. Le premier tour des législatives est considéré comme une part déterminante de l’effort politique qui accompagne l’action militaire.
L’équation électorale malienne à plusieurs inconnues est incontestablement un coup de poker politique dont l’avenir proche dira s’il fut irresponsable ou visionnaire. Le déroulement de la journée dominicale et l’évolution de la pandémie de coronavirus – avec 1_ cas confirmés au 28 mars – diront s’il est opportun d’évoquer un second tour de scrutin le 19 avril. Le Mali retient son souffle, en pleine période de déficience respiratoire…