Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Les langues de la prière en islam |Les Cahiers de l’Islam

La diffusion de l’islam dans les différents pays de l’Amérique latine, qui n’est pas spectaculaire mais constante, est le produit à la fois de migrations de personnes musulmanes (soit venant de pays dits arabo-musulmans soit de pays non musulmans comme la France ou les États-Unis) et de conversions, avec un taux de conversion sensiblement supérieur à ce qu’il est dans les pays européens. L’implantation de cette religion de ce côté de l’Atlantique se traduit visiblement par la constitution de lieux de cultes, salles de prière et mosquées, qui allient en général de façon substantielle salle de prière et lieu d’enseignement que ce soit du côté sunnite (incluant les diverses obédiences soufis) ou du côté chiite, comprenant en particulier des cours de langue. En effet la maîtrise minimale de l’arabe est présentée comme une condition sine qua non de la conversion, qui passe par la récitation avec compréhension de la profession de foi, dite shahâda, et le fait que celle-ci doit être prononcée en arabe est une affirmation non questionnée.

Non questionnée  non plus, du moins en Amérique latine, y compris par des musulmans qui sont très loin de l’orthodoxie (il y a par exemple des musulmanes converties  qui défendent le féminisme islamique et le droit à l’avortement) ou des musulmans victimes de racisme (soupçonnés, en tant qu’indigènes, d’être incapables de devenir de vrais musulmans, selon le témoignage d’Aymaras en Bolivie ou de musulmanes latinos au Costa Rica) est l’affirmation que  la prière obligatoire performée  cinq fois par jour dans le sunnisme et de façon communautaire le vendredi, doive être en arabe coranique, quel que soit le degré de compréhension  de cette « langue » ; il convient de mettre des guillemets, car l’arabe coranique n‘est pas une langue en tant que telle mais l’idiome singulier dans lequel est écrit le Coran – une langue dite « claire » pour un texte qui est souvent à la limite de l’incompréhensible.… Lire la suite de Les langues de la prière en islam, Sylvie Taussig, Les Cahiers de l’Islam, 08.9.19

Les manuscrits de philosophie arabe au croisement des civilisations |The Conversation

Contrairement à ce qui s’est passé en Occident chrétien, la diffusion des textes en terre d’Islam eut pour vecteur principal le livre manuscrit jusqu’au XIXe siècle, bien après l’invention de l’imprimerie. Cela vaut notamment pour la philosophie de langue arabe, dont l’importance et la situation au croisement de plusieurs civilisations sont généralement reconnues. Les chercheurs sont ainsi mis au défi de répondre à de nombreuses questions, comme : déterrer des ouvrages de philosophie inconnus enfouis dans cette masse de documents ; dessiner, grâce aux copies manuscrites qui ont véhiculé les ouvrages de philosophie, la carte géographique de leur diffusion dans les différentes régions du monde musulman et d’Occident.

Teymour Morel, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) and Jawdath Jabbour, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

 

Première page (à gauche) du Commentaire moyen d’Averroès au Livre de la Démonstration (Seconds analytiques) ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 292v-293r.

Le programme de recherche PhASIF (« Le patrimoine manuscrit philosophique arabe et syriaque en Île-de-France et ailleurs : Trésors à découvrir et circuits de diffusion »), labellisé Domaine d’Intérêt Majeur par la Région Île-de-France et que dirige Maroun Aouad, a pour objectif de répondre à ces questions grâce à des analyses méthodiques consignées dans la base de données ABJAD. Ici, nous voulons illustrer, à partir de l’exemple du manuscrit 5842 de la Bibliothèque de manuscrits de Manisa, en Turquie, la façon dont l’analyse méthodique d’un manuscrit peut être révélatrice de relations civilisationnelles d’une grande complexité (mondes arabe, grec, ottoman, perse et latin).

Ce manuscrit est un ensemble de deux pièces, c’est-à-dire de deux manuscrits à l’origine distincts, et rassemble treize textes philosophiques en arabe. Certains ont déjà été signalés par la recherche moderne. Mais l’étude approfondie de ce manuscrit en tant qu’ensemble déterminé a permis de mettre à jour d’autres textes fort importants qu’il comprend, ainsi que de mieux apprécier sa place dans l’histoire de la pensée orientale moderne.

Un texte ottoman de logique de tradition aristotélicienne

La première pièce, non datée, remonte au XVIIIe siècle et est de provenance ottomane. Elle présente la Traduction du Commentaire très lumineux sur la logique dont la composition fut achevée en 1722 par le philosophe ottoman Asʿad al-Yânyawî (m. 1730-1). Il s’agit plus précisément d’une traduction paraphrastique du commentaire à la Logique d’Aristote réalisé en latin par Ioannes Cottunius (m. 1657), professeur de philosophie à l’université de Padoue.

Premières pages de la Traduction du Commentaire très lumineux sur la logique (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 1v-2r). Author provided

Né au sein d’une famille musulmane de Jannina, en Grèce, et venu s’établir à Istanbul à la fin du XVIIe siècle, al-Yânyawî maîtrise, comme beaucoup de lettrés ottomans de son temps, le turc, l’arabe et le persan. Chose beaucoup plus rare cependant, il connaît également le grec et le latin et enseigne à la madrasa d’Eyüp Sultan les sciences religieuses mais aussi la philosophie.

Encouragé par l’important mouvement de traduction et de vulgarisation patronné par le grand vizir Ibrâhîm Pâshâ, au temps du sultan Ahmad III, al-Yânyawî a cherché à fournir de nouvelles fondations à la philosophie arabo-islamique en retournant à l’œuvre d’Aristote, mais, cette fois-ci, à partir des sources grecques et latines. Son étude de ces textes est d’abord menée en grec avec l’aide d’un sujet grec de l’Empire ottoman versé en philosophie. Il entame ensuite la traduction des traités logiques d’Aristote, puis celle de sa Physique par le biais des commentaires de Cottunius.

Ce projet s’accompagne d’une critique des traductions médiévales arabes des ouvrages de philosophie grecque, ainsi que des philosophes arabo-musulmans qu’il accuse d’avoir déformé la pensée d’Aristote, notamment al-Fârâbî (m. env. 950) et Avicenne (m. 1037). Seul Averroès (m. 1198), qu’il qualifie de « second maître » après Aristote, trouve grâce à ses yeux.

Le projet même d’al-Yânyawî rappelle celui du philosophe de Cordoue, l’un des plus importants commentateurs d’Aristote. Cette importance accordée à Averroès conduit à réévaluer l’impact de son œuvre en Orient, alors que l’on a longtemps considéré que son influence y avait été marginale, contrairement à l’impact qui fut le sien dans le monde latin.

Un recueil persan de textes philosophiques gréco-arabes

La seconde pièce du manuscrit est en revanche d’origine iranienne. Sa copie fut achevée à Ispahan en 1687-8 par un copiste nommé Muhammad Walî b. Marhamat Shâh al-Bardaʿî. Elle présente 12 textes tous liés à la philosophie grecque :

  • Les Commentaires moyens (paraphrases) d’Averroès aux Catégories, au De l’interprétation, aux Premiers et aux Seconds analytiques d’Aristote (fol. 181v-333r).
  • Les Lectures choisies tirées du divin Platon (Multaqatât Aflâtûn al-ilâhî) (fol. 334v-349r), recueil de sentences sur des sujets divers (épistémologie, physique, cosmologie, théorie de l’âme et de l’intellect, métaphysique, éthique, etc.).
  • Trois citations supplémentaires attribuées à Platon et à Pythagore (f. 349r).
  • Les traductions arabes du traité De l’intellect (fol. 349v-350v) et des Principes du tout (fol. 350v-353v) du célèbre exégète grec d’Aristote, Alexandre d’Aphrodise (fin du IIe siècle-début du IIIe siècle).
Premières pages des Principes du tout d’Alexandre d’Aphrodise (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 350v-351r). Author provided
  • Les Maximes d’Aristote, écrites par lui sur un feuillet (sahîfa) et enseignées par Alexandre (fol. 353v-355r) sont un extrait de l’anthologie persane rassemblée par le philosophe Miskawayh (m. 1030) sous l’intitulé la Science éternelle puis traduite en arabe. Les deux textes qui le constituent portent sur l’intellect et les passions. Cet ensemble connut une circulation autonome, puisqu’il est attesté seul dans plusieurs autres manuscrits. Que le manuscrit de Manisa associe la copie de ces Maximes à celle des deux œuvres précédentes d’Alexandre d’Aphrodise et ne qualifie pas Alexandre de « roi », comme c’est le cas dans la plupart des autres copies de ce texte, montrent que, pour une partie de la tradition, ce texte est à attribuer à l’exégète. La doctrine sur l’intellect professée dans les Maximes y est certainement pour quelque chose.
Premières pages des Maximes d’Aristote, écrites par lui sur un feuillet (sahîfa) et enseignées par Alexandre (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 353v-354r). Author provided
  • Les deux textes qui suivent sont également liés à l’étude de l’âme et de l’intellect dans les sources grecques. Il s’agit de la traduction arabe du Libellus de anima du Pseudo-Grégoire de Nysse (fol. 355r-357r), attribué par les Arabes à Aristote, ainsi que de la recension incomplète du De l’intellect d’al-Fârâbî (fol. 357r-360v).
  • Le dernier texte du recueil est un traité de métaphysique fréquemment attribué à al-Fârâbî, les Annotations (al-Taʿlîqât) (fol. 361r-368r).

L’organisation de la copie de la seconde pièce du manuscrit dénote une certaine unité. D’une part, tous ses textes se rapportent directement ou indirectement à la philosophie grecque. D’autre part, en rassemblant des textes qui se rattachent à presque tous les domaines philosophiques (logique, cosmologie, métaphysique, psychologie, noétique et éthique), cette pièce présente un véritable panorama des disciplines philosophiques aux fondements du développement de la philosophie en Iran safavide. La présence de textes d’Averroès dans cet ensemble est cependant la caractéristique la plus intéressante de ce manuscrit. Ces textes permettent de lier, du moins doctrinalement, les deux pièces du manuscrit. Leur présence témoigne également, encore une fois, de la réalité de la diffusion de l’œuvre du philosophe de Cordoue en Orient.

Un témoin des transferts intellectuels irano-turcs

L’étude de ce manuscrit doit cependant aller au-delà de celle des textes qu’il contient. Le manuscrit actuel étant un assemblage d’une pièce d’origine ottomane et d’un recueil persan, comment reconstituer son parcours et comprendre sa place au sein de l’Empire ottoman ?

L’Iran safavide et l’Empire ottoman ont entretenu au cours de leur histoire des relations hautement conflictuelles. Malgré cela, l’importance des transferts de savoir et du déplacement de manuscrits de l’Iran à l’Empire ottoman est un phénomène qui se révèle de plus en plus à la recherche moderne. La présence de la deuxième pièce de ce manuscrit en Turquie s’explique par ces transferts.

La deuxième étape de la circulation de ces deux pièces peut être lue à travers les marques de propriété qu’il présente. Ces dernières révèlent que le manuscrit en question avait soulevé l’intérêt d’au moins deux personnalités liées de près au développement de la pensée ottomane aux XVIIIe-XIXe siècles.

Marque de possession de Muftîzâde (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 181r). Author provided

Le manuscrit se trouva d’abord dans la bibliothèque de l’érudit ottoman Muftîzâde Muhammad Amîn Efendi (m. 1797), qui enseigna à Istanbul et dont l’étendue du savoir – de la littérature aux sciences religieuses, en passant par la philosophie et les sciences – lui valut le surnom de « bibliothèque humaine ». Muftîzâde aurait, selon certaines sources, maîtrisé le grec et le latin. Il est notamment connu pour avoir été le maître en sciences rationnelles du savant ottoman Gelenbevî (m. 1791) qui est à l’origine de développements importants en histoire de la logique.

Puis il se retrouva entre les mains du médecin Mustafâ Bahjat Efendi (m. 1834). Chef des médecins impériaux, Mustafâ Bahjat est associé aux efforts de modernisation de la médecine dans l’Empire ottoman. Bien que tourné vers la médecine occidentale, il est connu pour avoir été un grand collectionneur et lecteur de textes philosophiques arabes.

Marque et cachet de possession de Mustafâ Bahjat (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 1r). Author provided

Enfin, c’est Karaosmanoğlu Eyyûb Ağa qui en devint propriétaire. Membre d’une importante famille de notables d’Anatolie occidentale et gouverneur du sandjak (district) d’Aydın, il fonda, en 1831-2, la Bibliothèque Çaşnigîr à Manisa dont est issu le manuscrit sous sa forme actuelle.

Ce dernier possesseur représente ainsi le terme le plus avancé pour le rassemblement de ces deux pièces. Il est cependant possible que celles-ci aient été réunies à un moment précédent, peut-être même dès le XVIIIe siècle.

Cachet de possession de Karaosmanoğlu Eyyûb Ağa (ms. Manisa Yazma Eser Kütüphanesi 5842, fol. 1r). Author provided

Quelle que fût la date de l’assemblage des deux pièces, celui-ci ne semble pas relever du hasard. On peut même se demander si la forme qu’il prit n’est pas liée au projet de refondation philosophique d’al-Yânyawî. La présence des Commentaires moyens d’Averroès à la Logique d’Aristote a très bien pu motiver la lecture jointe des deux parties du manuscrit. De manière plus générale, les deux pièces du manuscrit incarnent une certaine volonté de retour aux sources philosophiques gréco-arabes, retour que le projet d’al-Yânyawî appelait de ses vœux. Ainsi, par son contenu et son histoire, le manuscrit de Manisa se situe au carrefour de plusieurs civilisations et régions. Il témoigne de la réalité de l’interculturalité et des mouvements de transfert de savoir au sein du monde arabo-islamique, qu’il s’agisse des mouvements de traduction du grec, persan ou latin vers l’arabe ou du transfert de savoir d’Andalousie en Orient puis au sein du Proche-Orient lui-même.


La Région Ile-de-France finance des projets de recherche relevant de Domaines d’intérêt majeur et s’engage à travers le dispositif Paris Région Phd pour le développement du doctorat et de la formation par la recherche en cofinançant 100 contrats doctoraux d’ici 2022. Pour en savoir plus, visitez iledefrance.fr/education-recherche.

Teymour Morel, Postdoctorant en Histoire de la philosophie en langue arabe, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) and Jawdath Jabbour, Post-doctorant dans le programme de recherche « Le patrimoine manuscrit philosophique arabe et syriaque en Île-de-France et ailleurs (PhASIF) », labellisé Domaine d’Intérêt Majeur par la Région Île-de-France, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

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Sénégal : de Karim Wade à Khalifa Sall, quand les confréries musulmanes
se posent en médiatrices

| Par

Au lendemain de la libération de Khalifa Sall et du rapprochement affiché entre Macky Sall et Abdoulaye Wade, nombre de commentateurs soulignent l'importance des médiations menées par les responsables religieux, notamment confrériques. Le politologue Papa Fara Diallo revient sur les principaux faits d'armes de ces acteurs incontournables de la vie politique sénégalaise.

À peine libéré de la prison de Rebeuss, après deux ans et demi passés derrière les barreaux pour escroquerie aux deniers publics, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, quittait Dakar, au milieu de la nuit, pour se rendre à Tivaouane, la ville saint de la confrérie tidiane – à laquelle il appartient.

Une visite qui ne surprend pas dans le contexte sénégalais, où les confréries jouent un rôle qui dépasse de loin le seul périmètre spirituel. En politique, les chefs religieux ont ainsi joué régulièrement les médiateurs entre le pouvoir et les différentes composantes de l’opposition.

L’intervention du huitième khalife général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, aurait d’ailleurs conduit à la grâce accordée le 29 septembre à Khalifa Sall et à deux de ses coaccusés par le président Macky Sall. C’est du moins ce qu’estime Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Saint-Louis), qui voit dans ces actions de médiation une manière, pour les leaders religieux, de conserver leur pouvoir symbolique.

Jeune Afrique : Macky Sall a pris tout le monde de court en graciant Khalifa Sall, dimanche 29 septembre. Pourquoi a-t-il pris le risque de laisser l’opposition se restructurer en vue des prochaines élections locales et législatives ?

Papa Fara Diallo : On peut émettre trois hypothèses. D’abord, il est possible que Macky Sall ait pris cette décision parce qu’il n’a pas trouvé de dauphin potentiel au sein de son propre camp. Sa logique serait donc très différente de ce qu’elle pouvait être à la veille de la présidentielle, puisqu’en 2024 lui-même n’est pas censé être candidat.

La seconde – la moins probable selon moi -, c’est que le président veut donner des gages de bonne volonté afin d’apaiser le climat politique et de sortir par la grande porte au terme de son second mandat.

La troisième hypothèse consiste à dire que la pression du khalife général des mourides, lors de l’inauguration de la mosquée Massalikoul Jinaan, à Dakar, a été telle que le président ne pouvait pas refuser d’accéder à sa demande.

N’oublions pas que Khalifa Sall a été condamné aux côtés de Yaya Bodian et Mbaye Touré. Or ce dernier est très proche du khalife général de Touba, qui était d’ailleurs allé lui rendre visite en prison. Il est donc possible que son rôle, lors d’une journée chargée de symboles, ait été décisif.

Au Sénégal, jusqu’où remonte ce lien très fort entre les pouvoirs religieux et politique ?

À la crise du 7 décembre 1962 entre le président Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia, qui se partageaient la tête de l’exécutif. Dans un pays composé à 95 % de musulmans, c’est pourtant Senghor, le catholique, qui a bénéficié du soutien des quatre principales confréries, ce qui lui a permis de rester au pouvoir pendant 20 ans.

Il avait mis en place un contrat social tripartite composé des religieux, des disciples citoyens et de l’État central. L’État a donné aux confréries le moyen d’accéder à de nombreuses ressources – octroi de terres agricoles, recrutement de dignitaires… En retour, les khalifes généraux faisaient appel au soutien de leurs disciples à travers les ndiguël, les consignes de vote.

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Le jour de sa sortie de prison, le fils du khalife général des mourides était présent à la résidence de Madické Niang,
où le fils de l'ancien président s'est rendu pour le rencontrer avant de s'envoler pour le Qatar. © DR

 

Le dernier ndiguël électoral remonte au règne d’Abdou Diouf. Les « médiations » dans le champ politique sont-elles un moyen pour les confréries de conserver leur influence sur la vie politique sénégalaise ?

Bien sûr. À partir de la vague de démocratisation des années 1990, une jeunesse urbaine faisant une distinction nette entre vie privée et vie de citoyen a commencé à émerger. Certes, les ndiguël ne sont plus opératoires, mais les confréries n’ont rien perdu de leur pouvoir symbolique.

Chaque personne qui cherche à entrer en politique ou à présenter sa candidature doit faire le tour des confréries. Avec cette fonction légitimatrice quasi mystique, celles-ci conservent un rôle décisif dans la vie politique.

Il arrive aussi que cela s’étende aux conflits sociaux…

Au début du mandat de Macky Sall, entre 2012 et 2013, les syndicats étaient engagés dans un bras de fer avec le gouvernement. Ils se sont alors rapprochés des chefs religieux pour obtenir gain de cause. Le khalife général des tidianes les a reçus et a joué un rôle décisif qui a, en partie, permis de dénouer cette crise.

Quel rôle ont-ils joué lors des campagnes électorales, qui correspondent à des moments de tension politique exacerbées ?

Après les élections locales de 1996, qui correspondaient à un moment très tendu de la vie politique sénégalaise, les khalifes généraux s’étaient exprimés publiquement à la télévision pour demander à ce que le président intervienne. Abdou Diouf avait alors décidé de faire revoter les citoyens dans les circonscriptions les plus litigieuses.

Et en 1998, il créait l’Observatoire national des élections (Onel), dirigé à l’époque par le général Niang.

Les médiations politiques sensibles ne sont pas pour autant l’apanage des confréries…

À l’issue des présidentielles et législatives de 1988, extrêmement chaotiques et contestées par l’opposition, le président Abdou Diouf avait convoqué une table ronde nationale, confiée au juge Kéba Mbaye et à un professeur de droit. Celle-ci a permis d’adopter à l’unanimité un nouveau code électoral, lequel a mené le pays à sa toute première alternance, en 2000.

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Le jour de sa sortie de prison, le fils du khalife général des mourides était présent à la résidence de Madické Niang,
où le fils de l'ancien président s'est rendu pour le rencontrer avant de s'envoler pour le Qatar. © DR

 

Le khalife général des mourides a eu à jouer un rôle important dans la libération de Karim Wade

Abdoulaye Wade avait été critiqué après sa première élection, en 2000, lorsqu’il était allé se prosterner devant Serigne Saliou Mbacké à Touba. Cet acte lui a-t-il été bénéfique ?

Le président Wade n’a jamais caché son appartenance indéfectible à la confrérie mouride. C’est à Touba qu’il a réservé son premier déplacement après son élection. Il a forcément joué de cette proximité pour que son fils puisse être gracié et libéré, en 2016, puisqu’il n’y avait plus de voie de recours légal possible.

Le khalife général des mourides a eu à jouer un rôle important dans la libération de Karim Wade. D’ailleurs, le jour de sa sortie, le fils du khalife était présent à la résidence de Madické Niang, où le fils de l’ancien président s’est rendu exprès pour le voir avant de quitter Dakar pour le Qatar.

Pourtant, Abdoulaye Wade n’a pas toujours bénéficié du soutien de la communauté mouride…

Lors de l’élection présidentielle de 1993, qui a généré un climat délétère dans le pays, Abdoulaye Wade et d’autres membres de l’opposition avaient été emprisonnés à l’issue de la proclamation des résultats. C’était une manière pour le pouvoir d’empêcher une mobilisation massive de la jeunesse.

Le front social était alors en ébullition. Une bonne partie de la société civile et certains religieux sont sortis dans les rues. Serigne Moustapha Sy, un dignitaire des moustarchidines, liés aux tidiane, avait été mis en prison pendant plus d’un an suite à une manifestation.

Les mourides, eux, étaient beaucoup plus en phase avec le gouvernement. C’est quand il est devenu président de la République, en 2000, que cette allégeance mouride est devenue favorable à Abdoulaye Wade.

Avant son élection, il n’avait jamais remporté d’élection à Touba. Ce n’est qu’après 2000, et même après sa défaite en 2012, qu’il a gagné de l’influence en pays mouride. Certes, il entretient une relation d’affinité avec la confrérie. Mais elle ne lui a été bénéfique qu’une fois qu’il a pu financer des projets pour la région de Touba. Il connaissait les rouages du système de clientélisme initialement mis en place par Léopold Sédar Senghor pour obtenir le soutien des autres confréries. Il n’a fait que perpétuer cette tradition.

Aujourd’hui, un leader politique pourrait-il se passer des confréries ?

Ousmane Sonko [arrivé troisième de la présidentielle] affiche un discours et un style novateurs, lui qui affirme vouloir faire la politique différemment. Il a toutefois fait le tour des confréries avant d’annoncer sa candidature à la présidentielle. Et lorsque les travaux de la mosquée Massalikoul Jinaan ont été achevés et que le khalife général des mourides est arrivé à Dakar en vue de l’inauguration, il a été l’un des premiers à lui rendre visite. C’est bien la preuve qu’aujourd’hui encore, quelle que soit la volonté de rupture affichée par les hommes politiques, ils restent conscients du poids sociologique et symbolique des confréries.

OSCE : le respect de la liberté de religion un test
de «la santé d’une démocratie» | ZENIT – Français

 

Intervention de Mgr Wachowski à Varsovie

« Dans le contexte actuel de sociétés multiculturelles, le respect de la liberté de religion est l’un des facteurs fondamentaux permettant d’évaluer la santé d’une démocratie donnée comme un véritable foyer pour tous », affirme Mgr Miroslaw S. Wachowski, responsable de la mission du Saint-Siège à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Il est intervenu à la séance du travail sur les libertés fondamentales et, plus particulièrement, sur la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction tenue à Varsovie (Pologne), le 19 septembre 2019.

« La liberté de religion, a déclaré Mgr Wachowski, est comme un baromètre qui indique avec précision le véritable niveau de liberté dans une société. » Notre délégation, a-t-il dit en citant les paroles de Mgr Gallagher, secrétaire aux relations avec les États, a « le devoir d’insister sur la centralité de la liberté de religion ou de conviction, non pas parce qu’elle ignore d’autres libertés, mais parce que la liberté de religion ou de conviction est le test ultime pour le respect de tous les autres droits de l’homme et libertés fondamentales ».

« La liberté de religion ou de conviction englobe non seulement le droit de manifester sa religion ou sa conviction, aux niveaux individuel et collectif, par le biais du culte, de l’enseignement, de la pratique et de l’observance », a-t-il ajouté, mais aussi les droits « de suivre sa conscience en matière religieuse et de vivre de manière cohérente en manifestant ses convictions en public, sans être obligé de les cacher ». « Toutes les restrictions à la liberté de religion entraînent un affaiblissement de la société », a déclaré aussi le responsable de la mission du Saint-Siège.

L’enregistrement des communautés religieuses

« Ma délégation, a dit Mgr Wachowski, accueille … avec satisfaction les directives sur la personnalité juridique des communautés religieuses ou de conviction, qui constituent un document de référence » pour les personnes « qui participent à la rédaction, à la révision et à l’application de la législation pertinente ».

Il a cependant invité à surveiller « la mise en place de mécanismes d’enregistrement des communautés religieuses » : les États-membres de l’OSCE, a-t-il dit, « devraient veiller à ce que ces mécanismes ne deviennent pas en eux-mêmes une violation de la liberté de religion ou de conviction ».

« La conséquence concrète d’un manque de compréhension de la liberté de religion ou de conviction », a expliqué le responsable de la mission du Saint-Siège, est « la présence toujours croissante d’une approche réductionniste ». « Ce phénomène inquiétant cherche à limiter la liberté de religion ou de conviction », a-t-il affirmé.

Reconnaître les communautés religieuses comme des sujets

« Une société qui accorde la liberté de religion ou de conviction est une société qui libère à son profit le potentiel d’un engagement actif et constructif », a aussi souligné Mgr Wachowski. Cela permet « aux communautés religieuses de contribuer activement au débat démocratique et à la promotion d’une culture commune des droits de l’homme ».

« Valoriser la société civile signifie accepter sa nature multiforme, a-t-il conclu : pour chaque religion, cela signifie reconnaître la liberté des autres religions, ainsi que celle des hommes et des femmes qui ne reconnaissent pas le transcendant ; pour la société, cela implique de reconnaître les communautés religieuses comme des sujets participant, avec tous les droits, à la construction de cette même société. »

Source : OSCE : le respect de la liberté de religion un test de «la santé d’une démocratie» – ZENIT – Francais, , 25.09.19.

OSCE : la discrimination religieuse, «une préoccupation commune»
ZENIT – Français

 

Mgr Grech invite à la mise en oeuvre du document de Bâle

« Le point de départ de toute réponse à l’intolérance et à la discrimination fondée sur la religion devrait être la reconnaissance du fait que ces défis sont une préoccupation commune », a déclaré Mgr Joseph Grech, conseiller de la Mission permanente du Saint-Siège auprès des organisations internationales à Vienne (Autriche): « le problème doit être reconnu et traité par l’ensemble de nos sociétés », a-t-il ajouté.

Mgr Grech est intervenu, le 24 septembre 2019, à la séance de travail sur la tolérance et non-discrimination, y compris la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination de la réunion sur la mise en œuvre de la dimension humaine (HDIM 2019) qui se tient à Varsovie (Pologne), du 16 au 27 septembre.

Prévenir et combattre l’intolérance religieuse

« Aucune partie de la région de l’OSCE – de Vancouver à Vladivostok – n’est à l’abri d’actes d’intolérance et de discrimination, y compris de crimes de haine contre les chrétiens et les membres d’autres religions », a déclaré Mgr Grech. « Les chrétiens, a-t-il rappelé, sont visés à la fois dans les pays où ils sont minoritaires et dans lesquels ils représentent la majorité. Par conséquent, toutes les attaques doivent faire l’objet d’une attention égale, qu’elles soient dirigées contre le groupe majoritaire ou minoritaire, en évitant toute approche partielle ou sélective. »

Le conseiller de la Mission permanente du Saint-Siège a déclaré que les « efforts pour prévenir et combattre l’intolérance religieuse et la non-discrimination » ne devraient pas « être séparés des engagements pris de longue date par l’OSCE en matière de liberté de religion ou de conviction ».

Cependant, a-t-il noté, « les éléments de la législation antidiscriminatoire de certains États participants semblent aller à l’encontre des engagements pertinents de l’OSCE, car ils ne prennent pas en compte et ne garantissent pas l’autonomie des communautés chrétiennes, les empêchant de s’organiser et d’agir de manière indépendante ».

Il a plaidé pour une reconnaissance du rôle positif des religions dans la société. Mgr Grech a souligné un autre « fait » «particulièrement préoccupant » : « dans toute la région de l’OSCE, une ligne de démarcation nette semble avoir été tracée entre croyance religieuse et pratique religieuse ». « La fausse idée, a-t-il dit, selon laquelle les religions ont un impact négatif et représentent une menace pour le bien-être de nos sociétés se développe. »

Il a souligné l’importance du dialogue social: « Conformément à nos engagements, a-t-il rappelé, l’OSCE et ses États participants devraient engager des consultations avec les communautés religieuses et promouvoir la participation de ces communautés au dialogue public. » Les États participants, a poursuivi Mgr Grech, sont « invités à accueillir et à encourager les représentants des communautés religieuses à donner leur point de vue – fondé sur les convictions morales découlant de leur foi – de la vie quotidienne ».

Les négociations de Bâle

Enfin, Mgr Grech a souhaité « rappeler l’une des lacunes flagrantes » dans le travail des membres de l’OSCE, à savoir « la tâche encore incomplète de Bâle ». Il s’agit de la déclaration n ° 8/14, dans laquelle les ministres des Affaires étrangères de l’OSCE ont exprimé leur accord sur le fait que les États participants devraient « élaborer des déclarations du Conseil ministériel sur le renforcement des efforts de lutte contre l’intolérance et la discrimination, notamment à l’égard des musulmans, des chrétiens et des membres d’autres religions», a expliqué Mgr Grech.

« Nous regrettons, a-t-il dit, que les négociations des quatre dernières années aient été infructueuses et parfois très inutiles. » Cependant « des progrès lents – mais indéniables – ont été accomplis » pour ce qui est de « sensibiliser le public à la question ».

« Le Saint-Siège, a conclu Mgr Grech, reste donc confiant sur le fait qu’il sera possible – plus tôt que plus tard – de parvenir à un consensus sur les Déclarations du Conseil ministériel visant à renforcer les efforts de lutte contre l’intolérance et la discrimination, notamment à l’encontre des musulmans, des chrétiens et des membres d’autres religions, afin de mettre en oeuvre la décision prise et articulée à Bâle. »

Source : OSCE : la discrimination religieuse, «une préoccupation commune» – ZENIT – Francais, , 26.09.19.