Pour parvenir à un dialogue entre pouvoir et opposition et sortir le pays de la crise, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé se sont une nouvelle fois rencontrés le 5 mars, précisant un peu plus leurs méthodes.
Deux rencontres en l’espace d’une semaine. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et Soumaïla Cissé se sont une nouvelle fois entretenus, le 5 mars à Koulouba, après leur tête-à-tête du 26 février. Arrivé à 21 heures dans un bureau du palais présidentiel, le chef de file de l’opposition n’en est ressorti que deux heures plus tard. Au centre des discussions : « décrisper » le climat politique du pays, à quelques mois des réformes politiques et constitutionnelles prévues.
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« La rencontre s’est déroulée dans une atmosphère très cordiale. À la fin de leur entretien, le président a raccompagné Soumaïla Cissé jusqu’à la porte », a indiqué à Jeune Afrique un membre de l’entourage du président, sous couvert d’anonymat.
Nous sommes convaincus qu’il faut un dialogue élargi à l’ensemble des forces vives du pays
Répartition des tâches
Comme lors de leur première rencontre, Soumaïla Cissé et IBK ont essentiellement parlé du Mali, de leurs préoccupations et des défis du pays. « Nous avons revisité les hypothèses que nous avions faites » le 26 février, a déclaré le chef de file de l’opposition dans une vidéo postée sur les réseaux en ligne de son parti, l’Union pour la république et la démocratie (URD). « Nous avons essayé de trouver un mode opératoire pour pouvoir avancer, je crois que c’est le plus difficile. Nous sommes convaincus qu’il faut un dialogue élargi à l’ensemble des forces vives du pays », a-t-il ajouté.
Pour cela, les deux hommes se sont visiblement partagés la tâche. IBK, qui a déjà rencontré il y a quelques jours l’ancien Premier ministre Soumana Sacko, va continuer à rencontrer les chefs de partis politiques et anciens Premiers ministres. Soumaïla Cissé, quant à lui, s’est déjà entretenu avec les anciens chefs d’État Moussa Traoré et Dioncounda Traoré, et a eu « un échange téléphonique très long » avec Amadou Toumani Touré (ATT). Le 6 mars, il rencontrait également l’ancien président Alpha Oumar Konaré. « Toutes ces rencontres se font en tête-à-tête, cela veut dire qu’il est question de décisions importantes en vue de mener les réformes politiques et constitutionnelles », analyse Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS).
Dans l’opposition comme la majorité, le temps est plutôt aux réjouissances au vu de cette « nouvelle dynamique » politique. « Nous nous réjouissons. Cette crise politique était en réalité due à la gestion peu rationnelle des acteurs dans ce dossier, et il faut la rationaliser pour le Mali », a estimé Sambi Touré, secrétaire à l’information du Rassemblement pour le Mali (RPM) d’IBK.
Vers un remaniement ?
Dans la capitale, une partie de la presse malienne et les réseaux sociaux a déjà commencé à évoquer un remaniement ministériel avec une ouverture à l’opposition. Ces derniers parlent également d’un changement de Premier ministre, dont le départ de l’actuel, Soumeylou Boubèye Maïga, a été demandé par des leaders religieux lors d’un grand rassemblement le 10 février à Bamako. « Il y a des défis importants et il faut les circonscrire le plus rapidement possible, a indiqué Soumaïla Cissé. Cela passera certainement par le choix d’une personnalité qui va pouvoir aider à orienter les équipes pour pouvoir se parler franchement, afin que nous nous sentions tous concernés par les difficultés qui essuient le pays aujourd’hui ».
Quelle que soit la personnalité choisie par le président, nous la soutiendrons
La majorité présidentielle ne voit aucun inconvénient à cela. « C’est le président de la République qui définit le profil de son Premier ministre et c’est à lui de juger s’il est nécessaire de changer ou non son chef de gouvernement. Qelle que soit la personnalité choisie par le président, nous la soutiendrons », assure Sambi Touré.
L’objectif des deux hommes politiques est la réussite des réformes politiques et institutionnelles, alors que selon le projet de calendrier électoral du gouvernement, les législatives couplées au référendum sont prévues pour le 9 juin.
Deux plans possibles
Dans les prochaines semaines, voire les mois, la dynamique de décrispation du climat politique pourrait conduire à l’une de ces deux hypothèses. « On peut s’attendre à un gouvernement d’union nationale qui est en réalité un partage de gâteau et qui va apaiser les esprits à court terme, mais sur le long terme la population risque d’être confortée à cette idée que les hommes politiques s’occupent en réalité d’eux-mêmes, explique Baba Dakono, chercheur à l’ISS. La deuxième hypothèse, serait la mise en place d’un cadre de concertation ouvert à tous les acteurs, y compris la société civile. C’est la meilleure option car ce cadre est moins coûteux pour l’État et il permettra de trouver rapidement un consensus sur les réformes politiques institutionnelles ».
Une chose est sûre, les Maliens, déjà éprouvés par plusieurs années de crise sécuritaire, désirent un climat politique apaisé pour que les solutions trouvées puissent être « partagées et acceptées par tous ». Soumaïla Cissé et IBK ont de nouveau prévu de se rencontrer le 6 mars au soir « pour mettre en commun l’ensemble des informations pour un mode opératoire qui peut fonctionner à la satisfaction de tout le monde », a affirmé Soumaila Cissé dans son message vidéo.