Vu au Sud - Vu du Sud

Côte d'Ivoire: Moïse Lida Kouassi
se défend à son procès

L'ancien ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi, après son extradition du Togo, le 6 juin 2012, à Abidjan.
© AFP PHOTO / IVORIAN GOVERNMENT PRESS/ HANDOUT
 

Selon l'acte d'accusation, en février 2012, la Direction de la surveillance du territoire (DST) était saisie d'un projet de déstabilisation du régime du président Ouattara par des officiers de l'armée en exil au Ghana. Lida Kouassi, comparaît en même temps que trois militaires : le colonel Katé Gnatoa, le sergent Durand Brou et l'élève officier Zadi Gbaka, accusés de « complot contre l'autorité de l'Etat ».

Après avoir longuement fait état de ses qualités d'enseignant, d'universitaire, de vice-président du FPI, d'ex-ministre de la Défense devant le président de la Cour d'assises, Moïse Lida Kouassi a légèrement ironisé en soulignant que malgré ses connaissances d'homme d'Etat et en dépit de ses compétences d'ex-ministre des Armées, il n'avait aucune « qualité en tant qu'expert en coup d'Etat ».

C'est pourtant pour complot contre l'autorité de l'Etat qu'il comparait avec trois militaires depuis lundi à la Cour d'assises d'Abidjan. L'accusation le soupçonne d'avoir pis part en 2012, alors qu'il était en exil au Ghana et au Togo, à une plateforme visant à déstabiliser la présidence d'Alassane Ouattara.

 

S'il ne nie pas avoir rencontré certains membres de cette plateforme, il précise que, très vite, il a pris ses distances avec celle-ci. Pourquoi a-t-on alors retrouvé a son domicile togolais des documents écrits en rapport avec ce complot (CD, des carnets de notes critiquant le régime d'Alassane Ouattara) ?

A cela, Lida Kouassi, réputé pour être l'un des plus fervents défenseurs de Laurent Gbagbo, répond que d'une part, la DST a joué aux tortionnaires lors de ses interrogatoires et s'est arrangée avec ses déclarations, et que d'autre part
ce n'est pas parce que l'on réprouve un pouvoir et qu'on l'écrit qu'on devient nécessairement un potentiel putschiste.

Ch

Mali: une journée ville morte suivie à Tombouctou
contre l'insécurité

Vue de Tombouctou, au Mali. (Photo d'illustration)
© Peter Langer/Getty Images
 

Au Mali, à l'appel de la société civile, Tombouctou observe une journée ville morte, ce mercredi 17 janvier. Les boutiques, les banques ou encore les administrations sont fermées.

L'opération ville morte à Tombouctou, lancée pour dénoncer l'enclavement de la ville était, semble-t-il suivie, ce mercredi 17 janvier. Depuis la fin des liaisons fluviales en raison de la décrue du fleuve Niger, la ville est tributaire des routes. Mais le problème est que ces routes sont infestées de bandits et les braquages de véhicules sont quasiment systématiques.

« Les bateaux qui assuraient la navigation entre Tombouctou et Mopti sont arrêtés. Donc, il n’y a plus de bateaux. Alors que c’est par les bateaux que les populations se déplaçaient récemment. Les routes ne sont pas sécurisées. Donc la route qui relie Tombouctou à Mopti est infestée de bandits. Nous sommes bloqués. Dans un rayon de 100 kilomètres nous ne pouvons pas sortir sans être braqués. Aujourd’hui, si tu n’as pas d’avion tu ne peux pas sortir de Tombouctou sans être braqué », dénonce Baba Moulaye, président du Cadre de concertation et d'action pour la sécurité à Tombouctou.

 

« Ça pose des problèmes pour l’approvisionnement de la ville. Donc, nous avons interpellé le gouvernement pour qu’il prenne des dispositions pour que nous puissions vaquer librement à nos affaires. Nous demandons aux autorités de donner plus de moyens, plus d’hommes pour assurer notre sécurité, gendarmes, militaires, tout ce qui manque, il faut le faire. Nous ne sommes pas satisfaits de ce qui est dit, parce qu’on ne nous a pas dit concrètement ce qu’on va faire. Parce que, tout ce qui se dit à haut niveau ne se répète pas chez nous, en bas. Pour que je sente que ça change, il faut que je puisse prendre une voiture, aller à Mopti et revenir sans être inquiété. Mais cela ne se passe pas », conclut-il.

Togo: pouvoir et opposition
se mobilisent

Lomé, le 5 octobre 2017. La coalition des quatorze partis de l'opposition manifeste dans les rues depuis cinq mois (image d'illustration).
© MATTEO FRASCHINI KOFFI / AFP
 

Les positions sont bien tranchées, tous les protagonistes parlent de dialogue, mais restent campés sur leurs positions. Le gouvernement, le parti au pouvoir et ses militants vont plus loin, il faut avoir recours au référendum, ce qui n'est du goût de l'opposition. Ce samedi, de part et d'autre, on a mobilisé à travers le pays pour tenter de montrer qui peut compter sur le peuple.

A Tsévié, Atakpamé, Sotouboua, Tchamba, Kara et Dapaong, le parti au pouvoir a mis les moyens pour montrer que le peuple ne s'arrêtait pas qu'à Lomé. A Tsévié notamment, chef-lieu de la région maritime, pas très loin de la capitale, nous avons vu les militants, ils sont  sortis de tous les hameaux.

L'unique message pour cette marche, dite « de la paix » : siffler la fin de la récréation et exhorter Faure Gnassingbé à aller à l'essentiel. Emmanuel Kodzo Adedze, vice-président de l'Union pour la République dans la région maritime (Unir), a les mots pour le dire : « Nous disons que, aujourd’hui, la logique voudrait qu’on aille au référendum. Nous, militantes et militants des grands partis unis, nous disons au président de la République, allons au référendum pour que l’essentiel soit conservé pour le pays. »

 

Une discussion préalable au référendum

La coalition des quatorze partis de l'opposition manifeste dans les rues depuis cinq mois. Elle appelle aux réformes constitutionnelles et de façon consensuelle, elle n'entend pas aller à un référendum sans une discussion préalable, Jean-Pierre Fabre, chef de file de l’opposition : « On va voir dans les jours qui vont venir s’ils feront le référendum, ou si nous, nous surestimons parce que nous pensons que nous ferons en sorte qu’il n’y ait pas de référendum. On verra s’ils atteindront leurs objectifs. »

De part et d'autre, les positions restent bien tranchées. Le pouvoir gagne du temps, la coalition de l'opposition se dit toujours mobilisée pour répondre du tac au tac. A Kara, ville natale du président, les choses ne sont pas allées jusqu'au bout : les militants ont été dispersés quand certains se sont mis à réclamer la libération de Kpatcha Gnassingbé (accusé d'avoir fomenté un coup d'Etat en avril 2009 contre son demi-frère, le président Faure Gnassingbé), incarcéré pour atteinte à la sûreté de l'Etat.

 

Un article paru dans le journal "La Croix" du 10 janvier 2018
Au Burkina Faso,

la famille élargie
est une richesse

La communauté familiale constitue une sphère de solidarité. Elle offre un socle sur lequel construire la société.

Une partie de la famille Bikienga, dans la cour familiale, à Ouagadougou.
ZOOM 


Une partie de la famille Bikienga, dans la cour familiale, à Ouagadougou. / Erwan Rogard pour La Croix.


Ce matin-là, au réveil, une brume sèche enveloppe Ouagadougou. Dans les rues en damiers de la capitale du Burkina Faso, des cohortes de petites motos se faufilent entre les files de voitures. Alignés le long des rues en terre battue et sans trottoir, qu’on appelle ici les « six-mètres » – par opposition aux axes goudronnés –, les magasins se succèdent, surmontés d’enseignes rétro, souvent en français. « Quincaillerie »« Vente d’amortisseurs« Élégance couture »… Des bâtiments un peu déglingués avec leurs vitrines d’un autre âge, ouvertes sur l’extérieur, constellent l’espace urbain d’articles en tout genre.

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Du coup, on remarque à peine ces portails métalliques aux couleurs défraîchies, entrebâillés de temps à autre pour laisser passer un ou deux enfants, cartable au dos, suivis d’un adulte enfourchant son deux-roues. Derrière de hauts murs, à l’abri des regards et du vacarme de la chaussée, se niche une cour familiale bordée de petites maisons basses, en banco (briques rouges), coiffées d’un toit rudimentaire.

Au milieu de la cour, à même le sol, des récipients finissent de sécher au soleil, des seaux, des bassines remplies d’eau savonneuse témoignent d’une vaisselle récente. Dans un coin, un transat et un canapé invitent à faire une sieste ombragée. Quelques poules, une chèvre en liberté, qui serviront, en cas de besoin, de monnaie d’échange sur le marché. Sur une même parcelle vivent en commun plusieurs générations d’une famille élargie bien au-delà de ses liens biologiques : la communauté.

Dans la société africaine traditionnelle, le groupe l’emporte sur l’individu. Chaque membre de la famille a le devoir de le sécuriser. Chacun tient une place fondamentale et complémentaire, chacun joue sa partition au sein de la maison commune. « La communauté autour d’une même natte, d’une même table est la première richesse du pays. Elle est une force à valoriser pour créer des projets durables », affirme Simon Nacoulma. Cet entrepreneur social, sociologue de formation, a pris appui sur cette énergie collective pour créer à Cissin, un quartier pauvre de Ouagadougou, une bibliothèque (lire l’article p. 14), une maison de la femme, un centre de santé, etc.

Au sein de la famille, l’union fait la force. Ainsi, dans les campagnes, tous les membres du foyer participent à la construction de la case. L’homme monte les murs, l’enfant porte l’eau, la femme prépare les repas… À la fin, ils soulèvent de terre, tous ensemble, le toit de chaume et le posent sur les briques, dans un même mouvement solidaire.

Cela étant, complémentarité ne signifie pas égalité. La place des anciens est au sommet de la pyramide, selon une vision ascendante de l’honneur. Plus on est âgé, plus on a de la valeur. Le « vieux » est le pilier de la famille, son historien aussi, celui qui va transmettre les us et coutumes, les interdits. Il est le garant de la cohésion familiale. En accordant sa confiance aux membres de la communauté, l’ancêtre donne à chacun la motivation, le propulse en avant. « En cela, il est l’architecte de la famille », analyse le sociologue.

Dans la cour familiale, c’est l’esprit de partage et d’entraide qui domine. Ainsi, dans l’ethnie des Mossis, la belle-mère suit la grossesse de sa belle-fille, l’aide à accoucher, s’occupe du bébé pour que la jeune maman puisse se reposer ou aller faire ses courses. Les petits-enfants s’attachent peu à peu aux grands-parents qui tiennent un vrai rôle éducatif. Ce qui conduit parfois les parents à renoncer à déménager !

L’amour familial est lui aussi partagé. De fait, l’enfant appartient à toute la communauté. « Chez les Mossis, il est de bon ton que les parents biologiques n’éduquent pas leurs propres enfants après un certain âge », témoigne Simon Nacoulma. La mission revient alors à l’oncle, qui a autorité sur son neveu ou sa nièce. Cette forme d’échange (« je te confie mon enfant et tu me confies le tien ») renforce l’esprit de communauté familiale. On estime aussi que les liens d’autorité, moins chargés affectivement, sont de nature à mieux guider le jeune. Ainsi, le garçon ou la fille se confie d’abord à son oncle, qu’il ou elle appelle « papa ». Et c’est encore l’autre « père » qui prend les grandes décisions concernant le mariage de l’enfant de son frère.

Certains liens de parenté peuvent être imaginaires, à portée symbolique, et se transmettent de génération en génération. Les « parentés à plaisanterie » sont des pratiques répandues en Afrique de l’Ouest. Ainsi, une grand-mère peut prétendre que son petit-fils est son « mari ». Un jeune homme joue à traiter son oncle maternel en « rival », comme si son épouse était aussi « la sienne ». Sous couvert de moqueries, de blagues et de fous rires, ce mécanisme social permet de faire passer un message, de faciliter le dialogue, d’apaiser d’éventuelles tensions au sein de la famille ou entre différentes ethnies.

Si un fils peut exprimer le souhait d’aller vivre chez son oncle, il peut aussi y être envoyé sur décision parentale, en raison, par exemple, de ses mauvaises fréquentations. Une fois que le gamin « bandit » se sera assagi, il pourra retourner chez lui. De façon générale, le « confiage » est une pratique très répandue au Burkina Faso. « Qui n’a pas de maman n’a pas cherché », dit le dicton africain. Pour des raisons pratiques, on confie son enfant à un autre foyer ou à des amis qui deviendront, de facto, membres de la communauté.

Dans le village d’Oumarou ­Traoré, il n’y avait pas de collège. « À l’âge de 13 ans, je suis parti dans une autre ville à 17 km de chez moi, raconte-t-il, le regard embué. J’ai vécu, de la classe de sixième à la seconde, dans une autre famille, qui avait neuf enfants. Je retournais chez moi seulement pendant les vacances. Mes parents d’adoption ne recevaient aucune rétribution. Une fois, je leur ai apporté un sac de maïs. J’ai gardé des liens d’amitié avec mon tuteur, mes frères et mes cousins. On se rend des services. Si un jour l’un d’entre eux demande à me confier l’un de ses enfants, je l’accueillerai avec joie. »

France Lebreton (à Ouagadougou)

 

Tchad: le gouvernement recule sur une baisse des salaires des travailleurs

La place de la Nation, dans le centre de Ndjamena.
© Wikimedia Commons
 

Au Tchad, le gouvernement marque le pas dans son projet de réduire les salaires des fonctionnaires. Confronté à une crise financière, le gouvernement, qui a réduit de moitié les indemnités des fonctionnaires, voulait réduire sur une proportion allant de 5 à 45% les salaires des travailleurs. Mais, face à la bronca, il a décidé de suspendre son projet, le temps de négociations.

Quelques jours après une première rencontre au ministère des Finances qui n’a abouti à rien, c’est au tour du Premier ministre Albert Pahimi Padacké de convoquer le Comité national du dialogue social (CNDS) parce que la situation persiste : « Cette situation persiste, ce qui demande de notre part et réciproquement, un dialogue de tous les instants, parce qu’il s’agit en effet de notre pays ».

Ensuite, patronat, syndicats et gouvernement s’enferment, mais sans parvenir à faire évoluer la situation, selon le président du Conseil national du dialogue social, Ali Abbas Seitchi : « Le Premier ministre nous a demandé, au comité technique, de travailler en profondeur et dans le meilleur délai, lui faire une proposition idoine. Si on a une autre variante qui permet au gouvernement d’obtenir les 30 milliards d’économies, en attendant, le statu quo est maintenu, c’est-à-dire le décret 187 continue de courir ».

 

C’est dire qu’il n’y aura pas d’abattements de salaires en attendant la suite du dialogue. Mais pour le président de l’Union des syndicats du Tchad, Michel Barka, le gouvernement sait où faire des économies : « Les solutions sont dans ce qui se passe aux impôts, à la douane, comme vous savez, le pillage que les gens font sur les recettes de l’Etat ».

Selon les informations de RFI, malgré la suspension des abattements, les fonctionnaires du public auront des surprises en découvrant leur fiche de paie à la fin du mois de janvier.