Vu au Sud - Vu du Sud
Politique au Tchad
Tchad: les propositions pour la réforme de la Constitution
Au Tchad, un avant-projet de modification de la Constitution est en cours de préparation. Ce texte s’inscrit dans le cadre d’une annonce de campagne du président Idriss Déby. L'ébauche du projet propose des modifications qui attendent d'être validées. Cependant, pour l'opposition, l'urgence n'est pas la modification de la Constitution.
L'ébauche de ce que sera la prochaine Constitution du Tchad indique qu’à partir de 2021, le chef de l’Etat sera élu pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois. Les sénateurs, députés et conseillers municipaux auront un mandat de six ans.
La carte administrative du pays est aussi revue. Il n’y aura plus de régions, ni de départements mais des provinces et des communes avec des compétences élargies. En combien de provinces sera découpé le Tchad ? La question est restée en suspens et ce sera peut-être le haut comité chargé de valider le travail du comité technique qui fera les arbitrages, d’ici la fin de l’année. Si non, ce sera au forum - qui aura lieu l’année prochaine - de décider.
La réforme pas urgente
L’opposition qui faisait, hier, sa rentrée politique, a estimé que vu la situation actuelle du Tchad, l’urgence n’est pas une réforme des institutions.
« Ce forum est un alibi. C’est pour éviter les guerres fratricides à répétition et jeter les bases d’une gestion saine et équitable du pays que le Fonac a proposé, à Idriss Déby Itno, l’organisation d’un dialogue inclusif, seul susceptible de créer les conditions d’une bonne gouvernance basée sur la justice sociale », a appelé Mahamat-Ahmad Alhabo, coordonnateur du Front de l'opposition nouvelle pour l'alternance et le changement (Fonac).
Une demande du Fonac à laquelle la majorité répond, invariablement, que le sujet n’est pas à l’ordre du jour.
Problèmes d'écoles au Mali
Mali: inquiétude grandissante
dans les «Collèges Horizons» proches de Gülen
© AFP/Louis Gouliamaki
Au Mali, la tension est toujours vive à Bamako entre l'encadrement des établissements privés « Collèges Horizons », très proches de l'opposant et imam turc Fethullah Gülen, et la fondation Maarif créée, par le gouvernement turc, pour reprendre, avec l'appui décisif du gouvernement malien, le réseau d'établissements. Des huissiers agissant au nom de la fondation Maarif, se sont rendus, samedi 30 septembre, dans les trois établissements de Bamako.
Devant des militaires dont certains sont armés, un huissier ordonne à un menuisier de défoncer les portes et de changer les serrures des salles de classe et des locaux de la direction d’un des « Collèges Horizon » de Bamako.
Sur les lieux, des ressortissants turcs, membres de l’encadrement de l’établissement, réagissent.
« Un huissier est venu ici. Je ne sais pas s’il a le droit de faire cela car il venu ici sans aucun papier, sans nous parler d’aucune décision. Maintenant, ils essaient de changer toutes les clés des bureaux où il y a des choses importantes », témoigne-t-il, interloqué.
Face à cette situation, l’inquiétude est également vive chez les parents d’élèves
« Est-ce que c’est normal que des problèmes politiques en Turquie se prolongent sur le sol malien ? », demande l’un d’eux.
« Qu’est-ce que l’Etat malien pense de nos enfants, de l’avenir de nos enfants ? Mais pour le moment, qu’on laisse nos enfants étudier dans la quiétude ! Il y a 3 200 enfants. Leur avenir est hypothéqué », s’inquiète cette mère d’élève.
D’autres parents d’élèves craignent aussi qu’une bataille judiciaire vienne perturber la rentrée des classes.
Comment développer l'agriculture africaine ?
Mamadou Biteye (Fondation Rockefeller) : « Il n’existe pas de raccourci pour développer l’agriculture africaine »
Les fondations Rockefeller et Bill & Melinda Gates ainsi que l'Agence des États Unis pour le développement (USAID) ont lancé un partenariat stratégique pour la transformation de l'agriculture en Afrique subsaharienne. Cette initiative, dotée d'une enveloppe de 280 millions de dollars, vise à doper les revenus d'au moins 30 millions de petits exploitants et améliorer la sécurité alimentaire dans onze pays.
Le Sénégalais Mamadou Biteye dirige le bureau Afrique de la Fondation Rockefeller. Il explique à Jeune Afrique les enjeux de ce « new deal » pour l’agriculture africaine.
Mamadou Biteye : Je dois avant tout préciser qu’au sein de la Fondation Rockefeller, nous sommes contents et confiants dans ce partenariat avec l’USAID, la Fondation Bill & Melinda Gates et l’Alliance pour la révolution verte en Afrique (Agra). Nous espérons établir un nouveau modèle de coopération pour la transformation de l’agriculture africaine.
Au cours de ses cent ans d’existence, la Fondation a toujours appris à travailler en partenariat. Pour repousser les barrières en Afrique, il est indispensable de changer la façon d’intervenir et de privilégier l’efficacité. Nos deux fondations, à l’origine de la naissance de l’Agra en 2006, avaient vu juste. Après onze ans d’existence, nous avons vu l’impact que cette institution a eu aussi bien en termes d’innovation, d’amélioration de la l’organisation du monde paysan que d’accès au financement et aux intrants agricoles.
Nous nous trouvons à un tournant décisif pour que l’agriculture devienne le secteur de la croissance africaine ; il nous faut plus d’engagement. Raison pour laquelle il nous faut mettre en synergie nos connaissances et nos ressources pour avoir le plus d’impact.
Comment allez-vous utiliser ces ressources?
Le financement mobilisé – 280 millions de dollars – va soutenir la nouvelle stratégie de l’Agra dans onze pays du continent : Kenya, Burkina Faso, Mali, Ghana, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Éthiopie, Nigeria, Malawi et Mozambique. Notre ambition est d’atteindre au moins 30 millions de petits exploitants familiaux à travers l’intégration de la chaîne de valeurs.
Nous voulons ainsi nous positionner comme une institution technique de développement qui favorise la résilience des producteurs africains face au changement climatique. Cela dit, je dois préciser que le partenariat sera rejoint par d’autres institutions et bailleurs de fonds tels que l’Agence française de développement.
La Fondation Rockefeller plaide pour des systèmes innovants en vue de réduire les pertes post-récolte. En quoi cela est-il un moyen d’améliorer les revenus des producteurs, notamment des exploitants familiaux?
Vous pointez là un problème essentiel resté pendant longtemps aux oubliettes. En 2015, les pertes mondiales de récoltes ont atteint l’équivalent du bénéfice cumulé du top 5 des fortunes mondiales. Vous voyez donc que ce sont des milliards de dollars perdus chaque année. Et en Afrique, le constat est encore plus amer. Par an, les petits producteurs perdent jusqu’à 15% de leurs revenus à cause des pertes post-récolte. Proportionnellement, c’est 20 % pour les céréales et 40 % pour les tubercules et les fruits et légumes.
Or l’essentiel des investissements agricoles sont orientés vers la production. Il est donc extrêmement important de traiter cette question. C’est pourquoi nous allons investir 130 millions de dollars pour asseoir un modèle efficace en vue de réduire ces pertes post-récolte et in fine générer un impact économique positif pour les petits exploitants.
Quel bilan vous est-il possible de dresser de la mise en oeuvre des engagements pris par les États?
Je constate que beaucoup d’efforts ont été consentis en faveur de l’agriculture africaine. Il y a eu des gains de productivité, et le Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique) appuie les pays via son plan de développement agricole. Ceci étant, nous sommes encore loin du compte, et il est urgent pour les pays de respecter de manière soutenue l’engagement de Maputo de consacrer 10% des budgets nationaux à l’agriculture. Il n’existe pas de raccourci pour développer l’agriculture. L’Inde a réussi le pari de l’autosuffisance alimentaire en allouant au moins de 15 % de la dépense publique au secteur agricole.
Où en est le franc CFA ?
Franc CFA : contre la servitude monétaire
L'économiste togolais, Kako Nubukpo, réagit aux débats qui entourent les actions anti-Franc CFA du Franco-Béninois, Kemi Seba.
La plainte déposée au Sénégal contre Kemi Seba par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest [BCEAO] s’inscrit dans une volonté manifeste de porter sur le terrain de la légalité formelle, pour ne pas dire du légalisme, un débat qui concerne d’abord et avant tout la légitimité. Une façon commode de refuser le débat de fond concernant l’avenir du franc CFA en focalisant l’attention sur le fait que l’activiste a brûlé en public un billet de 5 000 F CFA [7,60 euros].
« La monnaie est un fait social total », affirmait Marcel Mauss, l’un des plus grands penseurs du XXe siècle. Elle revêt une dimension économique, politique, sociale, sociétale et religieuse. Elle est, à cet égard, au cœur de la vie démocratique, et son fonctionnement doit faire l’objet d’un contrôle citoyen. On ne peut donc que se féliciter du fait que les habitants de la zone franc, qui ne sont pas spécialistes des arcanes complexes de la gestion monétaire, s’intéressent de plus en plus à la question du CFA, comme en témoigne la frénésie observée sur les réseaux sociaux à ce propos depuis plusieurs mois.
Une question de légitimité et d’intérêt
L’enjeu, ici, est de réinvestir la question de la souveraineté. Est-il normal qu’à l’heure actuelle les États de la zone franc déposent la moitié de leurs réserves de change dans un compte d’opération logé auprès du Trésor français, alors que ces États ont accordé aux deux principales banques centrales de la zone, la BCEAO et la Beac [Banque des États de l’Afrique centrale], leur indépendance de jure et de facto ? De même, on peut légitimement se poser la question de l’intérêt, pour ces banques centrales, de faire fabriquer leurs billets exclusivement en France, au bénéfice de l’industrie monétique hexagonale et en se privant de la maîtrise du processus de fabrication de leur propre monnaie.
De manière plus fondamentale, on peut s’étonner de ce paradoxe : quinze ans après la disparition du franc français, qui a laissé place à l’euro, la zone franc subsiste encore, apparaissant ainsi comme un des derniers avatars de la colonisation menée par l’Hexagone en Afrique. D’un point de vue strictement juridique, il serait d’ailleurs utile de se demander si l’invocation par la France du principe de subsidiarité – pour maintenir l’arrangement monétaire qui la lie aux États africains en vertu du traité de Maastricht, signé en 1992 – est d’une incontestable légalité et d’analyser les contours des responsabilités que prennent, de fait, les autres États membres de la zone euro, dont la monnaie constitue l’arrimage du franc CFA.
La conspiration du silence
Le procès de Kemi Seba a été la pire façon, pour la BCEAO, de répondre aux critiques sur la gestion du franc CFA, car la banque a cédé à la tentation de pointer une victime expiatoire d’autant plus acceptable que certaines de ses prises de position sur des sujets autres que celui qui nous préoccupe ici peuvent être sujettes à caution. Cette façon brutale et sans nuance de vouloir faire taire des personnes au motif qu’elles ne s’inscriraient pas dans la servitude monétaire volontaire qui caractérise le fonctionnement de la zone franc ne saurait empêcher le débat – salutaire – relatif à l’avenir du franc CFA de se tenir.
Ce n’est pas Kemi Seba qu’il aurait fallu arrêter, mais bien la conspiration du silence qui a longtemps prévalu autour de cet enjeu. Qu’on songe aux dénégations rituelles des ministres français des Finances à propos de la responsabilité – pourtant évidente – de la France dans cette dépendance monétaire, à la politique de l’autruche adoptée par les chefs d’État africains, dont la crainte d’aborder la question est d’autant plus forte que leur légitimité est de plus en plus contestée face à une jeunesse impatiente et désœuvrée.
À la BCEAO de sortir des rails sur lesquels elle s’est engagée pour effectuer un véritable effort de réarmement intellectuel qui renforcerait la démocratie la plus élémentaire, laquelle implique de rendre compte aux populations. La politique du bouc émissaire est une illusion qui ne saurait valoir sauf-conduit face à la réalité. À bon entendeur…
Rentrée parlementaire au Sénégal
Sénégal: rentrée parlementaire
sans l’opposant Khalifa Sall toujours en prison
© AFP PHOTO SEYLLOU
Au Sénégal, c’est la rentrée parlementaire pour les députés élus aux législatives du 30 juillet dernier. L'hémicycle est largement dominé par la mouvance présidentielle avec 125 sièges sur 165. L'opposition, elle, va tenter de se faire entendre malgré l'absence de deux ténors : l’ancien président Abdoulaye Wade et le maire de Dakar, Khalifa Sall toujours en prison. Les travaux de cette nouvelle Assemblée ont pris du retard, ce jeudi matin, et en attendant, ce sont les partisans et les sympathisants de Khalifa Sall qui se font entendre.
A l’extérieur de l’Assemblée, les forces de l’ordre ont eu des difficultés à contenir la foule. Des sympathisants de Khalifa Sall qui demandaient la libération de leur chef. Dans les travées de l’Assemblée, Madické Niang, cadre du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade, dénonce lui aussi cette absence : « C’est un grand absent et je regrette son absence. Je pense que la réponse du peuple sénégalais, en élisant Khalifa Sall comme député, est une réponse que le pouvoir, ainsi que la justice, doit prendre en compte ».
Khalifa Sall ne siégera donc pas pour sur cette séance d’ouverture qui sera présidée par le doyen Abdoulaye Makhtar Diop, qui est aussi le grand serigne de Dakar et qui fait partie de la coalition au pouvoir : « En fait, le problème ne se pose pas en termes de Khalifa Sall, le problème se pose en termes de présence des députés ».
Aïssata Tall Sall, elle aussi membre de l’opposition a été un temps avocate de Khalifa Sall, au début de sa détention. Elle estime que la justice aurait dû prendre ses responsabilités pour lui permettre d’être à l’Assemblée nationale : « Les juges auraient dû le laisser venir siéger et accomplir son mandat de député, le mettre sous contrôle judiciaire. C’était bien possible, mais il faut l’intelligence et la générosité pour le faire comprendre ».
Cette séance d’ouverture de l’Assemblée nationale, sans Khalifa Sall, a donc débuté avec plus de deux heures de retard.