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Mali : affrontements dans la région de Kidal entre les signataires de l’accord de paix

Par Jeune Afrique avec AFP
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Des affrontements armés entre la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) et les groupes armés pro-gouvernementaux réunis au sein de la "Plateforme" ont fait au moins trois morts jeudi au sud d'Aguelhok, dans la région de Kidal. Une nouvelle violation du cessez-le-feu par ces deux signataires de l'accord de paix de juin 2015 qui a été aussitôt condamnée par la Mission de l'ONU au Mali (Minusma).

Deux groupes signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ont à nouveau violé le cessez-le-feu au Mali. Selon une source de sécurité étrangère citée par l’AFP sous le couvert de l’anonymat , au moins trois personnes ont été tuées jeudi 6 juillet dans des affrontements entre la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

Une deuxième source proche de la CMA a affirmé à l’AFP que c’est un groupe « dont la Plateforme s’est désolidarisée qui a attaqué une position de la CMA, et la CMA a riposté, tuant plusieurs personnes parmi les assaillants ». Dans un communiqué publié le jour même, la Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a condamné « les violations continues et accrues du cessez-le-feu par les deux mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali ».

Des affrontements qui décrédibilisent l’accord de paix

« Ces agissements de la part des mouvements sont d’autant plus condamnables qu’ils font fi de tous les appels que nous n’avons pas cessé de lancer à leurs dirigeants de faire preuve de sagesse et d’agir avec responsabilité », a déclaré le représentant spécial du Secrétaire général des Nations-Unies au Mali et chef de la Minusma, Mahamat Saleh Annadif, cité dans le communiqué.

« Il s’agit de violations de l’accord de paix et des résolutions du Conseil sécurité », a-t-il encore souligné. Selon la Minusma, ces violations pourraient, si elles persistent, affecter « la mise en œuvre de l’accord de paix » et profiter au terrorisme. « Elles risquent également de saper la confiance des Maliennes et Maliens et de la communauté internationale toute entière en la bonne foi des mouvements signataires en tant que partenaires sérieux et crédibles dans la quête du Mali pour une paix durable », s’est inquiété Mahamat Saleh Annadif.

Des tensions persistantes dans le Nord Mali

Le 20 juin 2015, la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) paraphait l’ « accord d’Alger », à Bamako. Sur le papier, il s’agissait d’une victoire pour le pays, en guerre depuis 2012 contre des groupes terroristes et rebelles. Mais deux ans plus tard, les tensions ont rattrapé le Nord Mali et la région de Kidal est toujours le théâtre d’affrontements armés.

Révision constitutionnelle au Mali: le président IBK va devoir revoir sa copie

Le président malien Ibrahim Boubakar Keïta lors du G5 Sahel au palais présidentiel à Bamako, le 2 juillet 2017.
© REUTERS/Luc Gnago
 

Face à la mobilisation de l'opposition et de la société civile malienne, le projet de référendum constitutionnel, prévu le 9 juillet, avait été reporté. L'opposition a demandé à la Cour constitutionnelle de rendre un avis sur, selon elle, l'inconstitutionnalité de ce projet, arguant notamment que le référendum ne peut se tenir dans le nord du pays. Sur ce point, la Cour ne lui a pas donné raison mercredi 5 juillet. Mais elle demande néanmoins au président Ibrahim Boubacar Keïta de revoir sa copie, principalement sur des imprécisions. Le texte doit donc repasser devant l'Assemblée nationale.

La Cour confirme que le projet de révision constitutionnelle est conforme à la Constitution de 1992, donc il n'y a pas de victoire pour l'opposition. Le secrétaire général du RPM, le parti du président, Baber Gano, est serein : pas question pour le président Ibrahim Boubacar Keïta de retirer le projet.

« Aujourd’hui, le Mali n’est pas un territoire occupé par des étrangers ; il n’y a aucune force étrangère présente au Mali, insiste-t-il. Donc, l’article 118 n’est pas argument pouvant empêcher le référendum. Il n’y a aucune force étrangère présente sur le territoire national. Au contraire, l’accord est en début d’exécution, sa mise en œuvre a permis au gouvernement du Mali de mettre les autorités intérimaires. Donc, l’arrêt de la Cour confirme que le projet de révision constitutionnelle proposé par le président de la République est conforme à la Constitution du 27 février 1992, donc il n’y a pas de victoire pour l’opposition. »

 

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle reconnaît une insécurité résiduelle dans le nord du Mali, mais ne reconnaît pas qu'il est porté atteinte à l'intégrité du territoire. En clair, le référendum sur le projet de nouvelle Constitution peut se tenir dans le septentrion malien.

« Nous n'allons pas baisser les bras »

IBK doit cependant revoir sa copie et la présenter à nouveau devant les députés, mais sur des imprécisions ou des détails techniques, par exemple le mandat des futurs sénateurs. Ils sont deux tiers à être élus au suffrage indirect pour cinq années renouvelables, mais nulle mention de la durée du mandat de ceux désignés par la présidence, soit le tiers du Sénat. Un oubli fâcheux en quelque sorte.

Le patron de l'opposition à l'Assemblée nationale, Soumaïla Cissé n'est pas étonné par l'avis rendu par la Cour constitutionnelle. « L’arrêt de la Cour ne m’étonne pas pour deux raisons, explique-t-il : la première, c’est la visite de la présidente de la Cour constitutionnelle chez le président de la République le jour de la fête de Korité, comme pour prendre des instructions, la deuxième chose c’est que le président a déjà affirmé au cours de la rencontre du G5 que le référendum aura bien lieu. C’est-à-dire qu’il connaissait le résultat et il a même proposé des dates le 23 ou le 30 juillet prochain. »

Mais l'opposition devrait se réunir dans les prochains jours. « Nous allons nous battre et nous n’allons pas baisser les bras », assure Soumaïla Cissé, qui considère que ce projet ne consolide en rien la paix dans le Nord. Mais fera d'IBK un super président, aux pouvoirs accrus.

 

 

Niger: l'armée tue 14 civils pris pour des jihadistes

Des Nigériens au bord de la rivière Yobé, connue sous le nom de Komadougou, près de Diffa, le 20 juin 2016.
© ISSOUF SANOGO / AFP
 

14 civils ont été tués mercredi 5 juillet par des militaires nigériens dans un village situé à la frontière entre le Niger et le Nigeria non loin du lac Tchad, une zone sensible où sévit Boko Haram. Les victimes, toutes des réfugiés, auraient été prises pour des jihadistes. Que sait-on de ce qui semble être une bavure de l'armée nigérienne ?

Selon le secrétaire général du gouvernorat de Diffa, Yahaya Godi, il faut compter parmi les victimes douze Nigérians et deux Nigériens. Ces quatorze personnes, venues semer du poivron sur les rives de la rivière Komadougou, qui sert de frontière entre le Niger et le Nigeria dans cette zone et qui traverse le petit village d'Abadam, ont été prises pour cible par une patrouille de la gendarmerie d'une commune de Bosso.

Les militaires ont pris le groupe pour des éléments de Boko Haram. Selon des sources sécuritaires, les autorités régionales de Diffa ont exploité des renseignements faisant état d'un regroupement de Boko Haram dans la partie nigérienne du village d'Abadam, à cheval entre le Niger et le Nigeria. C'est ainsi que deux détachements des Forces de défense et de sécurité ont été dépêchés sur les lieux, et ce sont les gendarmes qui sont arrivés les premiers dans le village. Ayant aperçu les gendarmes et pris de panique, les paysans qui se reposaient sous des arbres ont pris la fuite en direction de la partie nigériane du village. Les gendarmes ont alors ouvert le feu.

 

La frontière le long de la Komadougou est déclarée zone rouge, interdite aux populations, tout comme les îles du lac Tchad, qui avaient été vidées de leur population il y a deux ans. Des habitants qui avaient été envoyés dans des camps de déplacés où ils sont toujours. C'est d'ailleurs dans un village qui jouxte l'un de ces camps, Kabalewa, qu'un attentat-suicide avait fait deux morts la semaine dernière.

A quelques kilomètres de là, à Ngalewa, neuf personnes ont été tuées et 37 kidnappées dimanche dans une attaque de Boko Haram. L'armée est donc sur les dents. Mais dans une zone aride où la nourriture manque, les populations font ce qu'elles peuvent pour semer ou récolter dès que possible.

Abadam, c'est d'ailleurs un village qui avait déjà payé le prix fort. Il y a deux ans, 36 personnes y avaient été tuées dans un bombardement de l'aviation nigériane qui avait pris une cérémonie dans une mosquée pour un rassemblement d'éléments de Boko Haram.

Selon le ministère de la Défense, une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances exactes de la mort des réfugiés. A Diffa, Bosso et Toumour, des voix se sont élevées pour dénoncer cette bavure, mais en attendant les résultats de l'enquête, l'état d'urgence est toujours en vigueur et les forces de sécurité toujours en alerte.

 

      Le nom de domaine internet «.africa»

      est désormais disponible

Des visiteurs au Africa Web Festival d'Abidjan, en novembre 2016.
© ISSOUF SANOGO / AFP
 

L'extension «.africa» est accessible au grand public depuis mardi 4 juillet 2017. Lancé en marge du sommet de l'Union africaine à Addis-Abeba, ce nom de domaine internet voit le jour 32 ans après l'extension «.com». Sur un continent de plus en plus connecté, le lancement de cette extension africaine est loin d'être anecdotique.

« Le .africa nous permettra de raconter notre propre histoire. » C’est dans ces termes que la présidente de la Commission de l'Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, affirmait en mars dernier le soutien de l’UA à la création d’un nom de domaine continental.

L’extension .africa débarque enfin après quatre ans de gestation. Et pour l’entrepreneur marocain Hamza Aboulfeth, membre du comité de création de l’extension, c’est avant tout une belle vitrine pour le continent.

 
 
 

« C'est quand même une extension qui va couvrir tout un continent, que ce soit dans le domaine de l'assurance, que ce soit dans le domaine des banques, etc. Donc, moi en tant que professionnel, je peux vous dire que ce nom de domaine, il vaut de l'or », explique-t-il.

Des économies en perspective pour les acteurs du web africain

L'un des points forts de cet outil, c'est son prix. Compter 18 dollars pour rattacher l’extension .africa à l'adresse d'un site web, alors qu’il faut débourser une fortune dans certains pays pour les extensions locales.

« Par exemple, la Namibie : 2 000 dollars. Au Burkina Faso, c'est assez élevé, c'est dans les 200 dollars. Donc, forcément, le .africa aujourd'hui, ça reviendrait toujours moins cher », s'enthousiasme Hamza Aboulfeth.

Le succès du nouveau domaine internet ferait aussi du bien aux caisses de l’Union africaine. Les revenus tirés du .africa contribueront à financer la Commission de l’organisation continentale africaine.

 

 

L’Économiste du Faso : le « zaï », la pratique qui a stoppé le désert

Par Jeune Afrique
 
 

À 184 km de Ouagadougou (capitale du Burkina Faso), au Nord, s’étend sur 25 hectares la forêt de « Gourga ». Même en pleine saison sèche (mai 2017 NDLR), la végétation de cette partie de la région du Nord impressionne et attise la curiosité. Une forêt dans une zone réputée aride. Un article du journal burkinabè L’Économiste du Faso :

Confrontée depuis quelques décennies à une baisse constante de la pluviométrie, couplée d’une forte pression démographique, la région du Nord du pays subit une dégradation progressive de l’environnement et une régression des rendements agricoles.

Selon les données de l’Observatoire national de l’environnement et du développement durable (ONEDD), en juin 2011, la région constituait l’une des trois zones où la dégradation des sols était la plus forte, avec un indice de 3,1 sur 5, et le rythme de dégradation des terres est élevé.

Notons que, toujours selon l’ONEDD, en juin 2013, 74,1% des 273.828 km² de superficie que compte le pays sont des terres affectées par la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse.

 Comment cette zone peut-elle abriter une forêt ?

 L’œuvre est de Yacouba Sawadogo, 80 ans, connu comme « l’homme qui arrêta le désert ». Pour cette tâche herculéenne, il a trouvé une idée innovante : le «zaï». D’où lui est venue cette technique ? Pour M. Sawadogo, c’est en apprenant de la terre.

« À la fin des années 1960, des prédicateurs ont annoncé que nous ferions face à une sécheresse sans pareille dans notre localité. Face à ce malheur annoncé, j’ai décidé de laisser tomber mon commerce de pièces détachées afin de me mettre à l’agriculture. Afin de comprendre comment la nature se régénère, j’ai mis deux ans à sillonner les terres de mon village, souvent à pied, souvent à cheval ».

C’est au bout de ces deux ans de « communion » avec la terre que lui est venue l’idée du « zaï », une technique qui consiste à préparer le sol en saison sèche. Pour ce faire, il y creuse de petits trous, les remplit de débris organiques. Ces débris à leur tour attirent les termites, naturellement présentes dans cet environnement.

En s’installant dans les petites cavités, les termites creusent des galeries, ce qui permet de retenir l’eau de pluie lors de la saison des pluies. Il ne reste plus qu’à semer les graines.

Le coup de poker devient un véritable coup de maître

Mais l’innovation ne s’arrête pas là. Au fil des saisons, Yacouba Sawadogo est passé maître dans la technique du zaï. C’est désormais de la matière organique composée de compost ou de fumier associé à des tiges de mil concassé qu’il met dans ses petits trous. En plus des graines pour son champ, il y ajoute des graines d’arbres.

Le coup de poker devient un véritable coup de maître. La petite expérience de Yacouba se transforme peu à peu. En bordures de son champ s’érige désormais une forêt. Elle s’étend entre 25 et 27 hectares, selon des estimations GPS. Celle-ci attire de nombreux oiseaux qui rapportent à leur tour de nouvelles graines et contribuent à la diversification faunique.

C’est ainsi qu’on y retrouve des espèces végétales locales courantes. « J’ai entrepris de semer des graines d’arbres qui avaient disparu de la région. Des experts viennent de la capitale afin d’étudier ces arbres aujourd’hui présents », annonce avec fierté Yacouba Sawadogo.

Les animaux ne sont pas en reste. Au fil de la promenade dans cette forêt, on remarque des petits canaris déposés çà et là. Il s’agit en fait d’abreuvoirs pour oiseaux, rongeurs, reptiles et autres lièvres que la forêt abrite. Un véritable écosystème au milieu de cet espace aride.

La forêt de Gourga menacée

 Afin de pérenniser cet acquis, M.Sawadogo décide de partager sa technique autour de lui. Ainsi est créé dans son village natal, à Gourga (4km à l’Ouest de Ouahigouya), une mini-foire « marché zaï ».

Une manifestation qui a connu la présence de producteurs venus des quatre coins du pays. Y sont présentées des variétés et des outils adaptés au zaï, et des échanges sont organisés sur des thématiques et des innovations en matière de production agricole, mais aussi sylvo-pastorale. Une initiative qui a abouti à la création de « l’Association des groupements Zaï pour le développement du Sahel ».

Cependant une menace plane sur cette réserve. « Aujourd’hui, je lance un cri du cœur aux autorités de ce pays. Le lotissement est en train de détruire cet écosystème », déplore M. Sawadogo.

Depuis quelques années, la ville a rejoint le village de Gourga et l’urbanisation a atteint la forêt. Des parcelles à usage d’habitation ont été découpées à l’intérieur de la forêt et les travaux de construction de certaines ont débutées.

Une calamité, selon l’innovateur qui espère être entendu des autorités.

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La pratique du zaï

 La culture par zaï permet de concentrer l’eau et le compost dans des petits trous creusés à cet effet. Ces trous sont creusés à la daba pendant la saison sèche. Entre 30 et 40 cm de diamètre pour 10-15 de profondeur, répartis en quinconce tous les 80 cm sur le périmètre souhaité.

Cette technique permet de récupérer le sable et les matières organiques transportés par l’harmattan (vent chaud d’Afrique de l’Ouest) dans les trous.

L’astuce consiste à déposer deux poignées de résidus de matières organiques séchées au soleil dans chaque micro-bassin juste avant ou dès les premières pluies. Ces dernières vont attirer les termites qui creusent des galeries jusqu’à la surface et permettre ainsi l’infiltration de l’eau et la formation de poches d’eau en profondeur.

Le paysan recouvre le tout d’un peu de terre afin que les matières organiques ne soient pas emportées par le ruissellement dès les premières pluies importantes. En même temps, plusieurs graines sont semées dans chaque poquet.