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Force du G5 Sahel: la France confrontée aux réticences des Etats-Unis à l'ONU

Les pays du G5 Sahel.
© Wikimedia commons/LeGrandJardin
 

Paris espérait pouvoir voter rapidement une résolution pour donner un soutien politique et juridique à l'envoi d'une force antijihadiste de 5000 hommes au Mali, dite du G5 Sahel. C'était sans compter l'opposition des Américains et des Britanniques qui reconnaissent l'importance de lutter contre le terrorisme au Sahel, mais refusent pour l'instant de mettre la main au portefeuille. Paris a proposé un nouveau texte vendredi 9 juin, qui précise les groupes terroristes visés par cette force et reconnus par l'ONU. Les négociations continuent en coulisse. La France espère toujours un vote en début de semaine prochaine.

Avec notre correspondante à New York, Marie Bourreau

Pour une fois, les rapports de force sont inversés au Conseil de sécurité. Les Chinois, les Russes, les membres africains et européens soutiennent le texte porté par Paris. Mais ce sont les Américains et leurs alliés britanniques qui refusent le principe d'une résolution.

Argument officiel : une simple déclaration du Conseil de sécurité suffirait, selon eux, à donner un soutien politique à cette nouvelle force antiterroriste au Sahel. Officieusement, ils ne veulent surtout pas se retrouver contraints à payer pour le déploiement d'une force africaine qui viendrait soutenir la Minusma et l'opération Barkhane en se concentrant sur la lutte antiterroriste transfrontalière.

Paris savait que cette question serait épineuse dans un contexte de réduction drastique des coûts des opérations de maintien de la paix. La question a donc été contournée en demandant au secrétaire général de revenir sous 60 jours au Conseil de sécurité avec des recommandations pour un soutien des Nations unies à cette force du G5 Sahel.

Paris met aussi la pression sur ses alliés anglo-saxons en rappelant que l'Amisom, force africaine luttant contre les shebabs en Somalie, doit être renouvelée début juillet et qu'elle coûte 600 millions de dollars par an.

Côte d'Ivoire: trois cadres du FPI condamnés à 30 mois de prison

Le palais de justice d'Abidjan en Côte d'Ivoire.
© SIA KAMBOU / AFP
 

Le tribunal d'Abidjan a condamné vendredi 26 mai à 30 mois de prison, trois cadres du parti de l'ex-président Laurent Gbagbo dont deux sont incarcérés depuis deux ans. Sébastien Dano Djedjé, ancien ministre, Justin Koua et Nestor Dali, deux responsables de la jeunesse pro-Gbagbo, ont été déclarés coupables de « discrédit sur une décision de justice et atteinte à l'ordre public ». Ces prévenus avaient été arrêtés en mai 2015 pour avoir participé à une réunion de « frondeurs » du parti FPI, qui connait un schisme entre militants modérés et ultras, la justice jugeant que la légitimité du parti revient à celui dirigé par Pascal Affi N'Guessan.

Condamnés à 30 mois de prison alors qu'ils en ont déjà purgé 24 en préventive, deux des trois hommes sont donc retournés en cellule. Car si le tribunal les a blanchis des chefs de violence et voies de faits sur les forces de l'ordre et de rébellion, il retient malgré tout contre eux la charge de discrédit sur une décision de justice et trouble à l’ordre public, ce qui scandalise Me Blédé, l’avocat de la défense.

« On ne sait pas sur quoi porte le discrédit, s’emporte-t-il. Qu’est ce qu’ils ont dit concrètement qui sera constitutif du discrédit d’une décision de justice ? Rien n’a été démontré et aujourd’hui on les condamne. Nous pensons que c’est scandaleux. »

« Je trouve que c’est une mauvaise décision qui a été faite pour rendre service au pouvoir politique parce qu’il faut justifier la raison pour laquelle ils sont restés en détention pendant eux ans », affirme de son côté Rodrigue Dadje, avocat des trois prévenus. Et d'ajouter :

« Sinon, en réalité, pour qu’il y ait discrédit d’une décision de justice, il faut qu’il y ait une décision contre laquelle vous être partis, or il n’y a jamais eu de décision qui interdisait le 3e congrès extraordinaire du FPI, donc il n’y a jamais eu de discrédit. Pour moi, c’est une mauvaise décision, mais qui a été rendue juste pour couvrir la détention. »

La défense a d'ores et déjà indiqué qu'elle ferait appel. Impossible de connaitre l'avis du procureur qui s'est esquivé derrière un cordon de policiers extrêmement zélé avec la presse.

 

Mali: Kayes se languit du retour de ses trains de voyageurs

Carte postale de la gare de Kayes datant de quand la ville était capitale du Soudan français (jusqu'à 1899).
© Wikimedia Commons
 

La ville de Kayes, dans l'ouest du Mali, était jadis surnommée la cité du rail, connue du Mali jusqu'au Sénégal grâce à son train de marchandises et de voyageurs qui reliait les deux capitales. Depuis des années, le train marche au ralenti.

Des locomotives poussiéreuses s'entassent dans la gare de dépôt de Kayes. Pas besoin de les réparer, le trafic est de toute façon au ralenti depuis des années. En cause, la déliquescence des voies de chemin de fer. Mais dans la région de Kayes – enclavée – le train était parfois l'unique moyen de quitter le village.

« Chez nous aujourd’hui, nous avons des malades qui ne sont pas en mesure de rejoindre Bamako pour les soins parce qu’il n’y a pas de train. C’est la seule manière de rejoindre Bamako et de revenir », insiste Amadou Diallo, vice-président du collectif Sauvons les rails.

L'âge d'or de la cité du rail

Bakoro Coulibaly est un ancien cheminot, 40 ans de service. Il a débuté en 1974 et se souvient de l'âge d'or du rail. Aujourd’hui encore il prend le thé à quelques pas de la gare. « A l’époque on avait le train dans tous les sens : les trains de voyageurs, les trains de marchandises, il n’y avait aucun problème. Les fruits frais, les céréales arrivaient de partout. Mais aujourd’hui, la ville de Kayes souffre », regrette-t-il.

Si le chemin de fer malien se meurt, c'est parce que les investissements à réaliser pour réhabiliter les voies sont colossaux : plus d'un milliard d'euros pour l'ensemble de la ligne qui relie Dakar à Bamako. L'Etat ne veut pour l'instant pas mettre la main à la poche.

 

Infographie – Quels sont les pays qui profitent le plus des contrats privés de la Banque africaine de développement ?

 

À l'occasion de la rencontre annuelle de la Banque africaine de développement (BAD), qui se tient du 22 au 26 mai à Ahmedabad, en Inde, l'institution multilatérale africaine a publié la listes des contrats privés financés par elle depuis 2012. L'analyse des données fait ressortir la prédominance du Maroc comme destination de ces financements et la domination des entreprises chinoises dans l'obtention des appels d'offres.

12 milliards de dollars. C’est le total des contrats privés passés par la Banque africaine de développement (BAD) entre 2012 et 2017, d’après les données rendues publiques par l’institution financière panafricaine à l’occasion de son assemblée générale, qui se tient en Inde du 22 au 25 mai.

Premier enseignement d’un fichier excel de 12 000 lignes : le royaume chérifien a capté 13,6% des financements privés de l’institution multilatérale entre 2012 et 2017, soit le double du Kenya, deuxième destination de ces financements. Les entreprises du pays ont largement profité de cette aubaine, recevant près de 3/4 des financements privés de la BAD au Maroc.

De fait, la banque multilatérale semble privilégier les entreprises locales pour réaliser les projets qu’elle finance. Ainsi, sur la même période, les entreprises kényanes ont capté plus d’un quart des financements privés de la BAD au Kenya. Idem pour les entreprises tanzaniennes.

Quant aux entreprises chinoises, elles bénéficient largement des appels d’offres de la BAD. Entre 2012 et 2017, elles ont captés 20% des financements privés de l’institution internationale. Dans le détail, 86% de ces financements concernent des projets dans les pays anglophones.

Retrouvez dans les infographies ci-dessous les principaux enseignements qui ressortent de la liste des contrats privés financés par la BAD entre 2012 et 2015 :

Pour visualiser les chiffres, cliquer sur ce lien :    5 ans d’activité de la BAD

 

Mais oui, le Burkina bouge !

par

Alain Faujas est spécialisé en macro-économie (mondiale et tous pays) ainsi qu'en politique intérieure française.

 

Les habitants du Soum, qui redoutent plus que jamais le terrorisme islamique, tout comme les chômeurs de Bobo-Dioulasso, qui ne comprennent pas pourquoi ils ne trouvent pas de travail dans la capitale économique du pays, s’impatientent de ne pas voir d’amélioration dans leur quotidien. Et pourtant, le Burkina Faso bouge, et l’année 2017 est appelée à le confirmer.


* Rock Kabore peut-il changer le Burkina ?  http://www.jeuneafrique.com/mag/433541/politique/burkina-faso-roch-kabore-changer-burkina/

* Paul Kaba Thieba, la force tranquille du gouvernement burkinabè   http://www.jeuneafrique.com/mag/433547/politique/paul-kaba-thieba-force-tranquille-gouvernement-burkinabe/

Une nouvelle Constitution soigneusement peaufinée devrait combler les « tombeurs » de Blaise Compaoré en matière de contre-pouvoirs et de garanties pour de futures alternances pacifiques. Une vigoureuse reprise de l’activité économique commence à être perceptible. Le FMI classe, cette année, le Faso à la sixième place des économies qui seront les plus dynamiques du continent, ex aequo avec le Rwanda. Les augures de Washington jugent même cette croissance assez robuste pour se prolonger au-delà de 2020.

L’État dispose de rentrées fiscales et douanières de plus en plus importantes et pérennes grâce aux progrès des textes réglementaires et au recours au numérique. Le projet de création d’une Caisse des dépôts et consignations laisse espérer que l’épargne et les fonds de retraite des Burkinabè seront bientôt mobilisés en toute sécurité pour financer, par exemple, l’amélioration de l’université et de la formation technique.

Les mines produisent de plus en plus d’onces d’or. Les coupures de courant devraient être moins pénalisantes, à Bobo-Dioulasso avec la mise en eau du barrage hydroélectrique de Samendéni en juin, et à Ouagadougou avec l’entrée en service de la centrale solaire de Zagtouli en septembre.

Les start-up et les entreprises innovantes germent dans tous les secteurs. La capitale se restructure avec le concours des urbanistes du Grand Lyon et l’appui financier de l’Agence française de développement (AFD). Il lui faut être en mesure d’accueillir plus convenablement la vague des 100 000 ruraux qui la rejoignent chaque année et qui, faute de ce volontarisme de la municipalité, risqueraient de s’entasser en périphérie dans des bidonvilles sans eau ni électricité.

Pas de sécheresse ni de pandémie à l’horizon. Les relations avec la Côte d’Ivoire reviennent progressivement à la normale. Les bailleurs de fonds et les ONG ne tarissent pas d’éloges sur un pays qui pourrait bien être l’un des rares à réussir son « printemps », parce que sa culture le porte à une rigueur et à un goût du travail peu communs.

En février et en mars, le succès des 104 films de la sélection officielle du Fespaco a fait un peu oublier les attentats de 2016 aux hôteliers ouagalais, qui ont rempli leurs établissements. « Le problème, soupire l’un d’eux, c’est que, hormis les grands événements tels que le Fespaco, l’activité demeure trop calme et que ce n’est pas la foule ! »

« Trop calme », « trop lent », « trop peu » résume la perception dominante de la situation au pays des Hommes intègres. Et pourtant, celui-ci connaît un exceptionnel « alignement des planètes » en faveur d’un vrai décollage économique et social. Qui l’emportera, de l’impatience populaire ou d’une croissance enfin partagée ?