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Croissance durable : le Bénin décroche 500 millions d’euros dans une opération inédite

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Mis à jour le 16 juillet 2021 à 13h21
Romuald Wadagni, Ministre de l’Economie et des Finances du Bénin.

Romuald Wadagni, Ministre de l'Economie et des Finances du Bénin. © Charles Placide pour JA

Selon les informations de Jeune Afrique, une centaine d’investisseurs ont été séduits par la double promesse de répondre aux Objectifs du développement durable (ODD) et aux exigences de rentabilité. C’est une première sur ce créneau pour un pays africain.

Quatre « piliers » adressant dix-sept objectifs de développement durable, à travers pas moins de 49 cibles prioritaires et 80 indicateurs de suivi…  Au bout d’un considérable travail de « planification stratégique et d’établissement d’indices statistiques clairs », le Bénin a pu proposer à la mi-juillet aux investisseurs un nouvel eurobond aux contours inédits en Afrique.

Pour la première opération réalisée par un État africain sur ce marché des obligations internationales dédiées aux Objectifs du développement durable, l’équipe du Bénin, conduite par le ministre des Finances Romuald Wadagni, a pu convaincre plus de 100 investisseurs de participer à la mobilisation des fonds.

Cotonou a ainsi obtenu 500 millions d’euros pour une maturité de 14 ans au taux de 4,9 %. À titre de comparaison, le groupe bancaire panafricain Ecobank a dû consentir en juin un coupon de 8,75 % pour convaincre les investisseurs se souscrire à sa dette – certes subordonnée – jugée conforme aux normes de développement durable.

Qualité de la signature

Pour l’emprunt du Bénin, la demande a atteint trois fois le montant sollicité par Cotonou. « C’est le résultat du travail préparatoire qui a été mené, de la qualité reconnue de la signature du Bénin et de la vision et de l’ambition du chef de l’État, le président Patrice Talon », explique Romuald Wadagni, qui selon son entourage a consacré près de trois jours non-stop ces derniers temps à répondre aux questions des investisseurs en visio-conférence.

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LA PLUPART DES PAYS S’ÉLOIGNENT DES ODD, AVEC LE RISQUE D’ACCROITRE LA FRACTURE SOCIALE

« Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut relancer nos économies dans le sens d’une croissance durable, conforme aux ODD. Or la plupart des pays s’éloignent de ces objectifs, avec le risque d’accroitre la fracture sociale. Il est important de réfléchir et de mobiliser les moyens nécessaires pour les atteindre », insiste Romuald Wadagni.

« Nous avons réussi à obtenir un taux de crédit beaucoup plus bas que nombre d’autres économies dans la région. Le Bénin est le premier pays en Afrique et l’un des tous premiers au niveau mondial à avoir réussi ce pari. Au moment où l’on parle de relance de l’économie, le Bénin démontre que la finance de marché peut avoir un côté social », ajoute le dirigeant béninois.

Croissance durable

Si la possibilité existe depuis plusieurs années maintenant de solliciter les investisseurs intéressés par les impératifs du développement durable, l’émission d’obligations internationales correspondant à leurs exigences est un tâche plus difficile.

L’une des différences fondamentales entre ces obligations et les emprunts traditionnels est que « le produit des premières doit être utilisé spécifiquement pour financer des projets » dédiés et que l’émetteur doit « être transparent quant à l’utilisation des recettes », explique une note de l’équipe gestion d’actifs du géant français AXA.

Pour l’exécutif béninois, cet emprunt confirme l’ingéniosité mise à solliciter les meilleurs mécanismes possibles pour financer les ambitions de croissance du pays, mais également la volonté ferme du gouvernement d’atteindre les ODD et de poursuivre l’agenda 2030 des Nations-Unies.

Aussi, le Bénin a noué à la mi-juillet un partenariat avec le Réseau de solutions pour le développement durable des Nations unies pour « le suivi et à l’évaluation des progrès et des efforts accomplis par le gouvernement béninois afin d’atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) ».


JAD20200929-ASS-BENIN-ITW-PATRICE-TALON-3 © Chantiers en cours de réalisation à Cotonou (Bénin), en septembre 2020.
© Brice Dansou pour JA

Parallèlement, si Cotonou a pu s’appuyer sur ses partenaires bancaires – généralement Rothschild & Cie, Société générale, Natixis et Citi pour ses eurobonds -, le gouvernement a accepté de faire évaluer son emprunt par le spécialiste Vigeo Eiris (filiale depuis 2019 de l’agence de notation Moody’s). Pour ce dernier, le cadre général d’émission de ces obligations est à la fois aligné sur les quatre composantes des Principes des emprunts verts et des Principes des emprunts sociaux de l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA). Il est aussi « conforme aux meilleures pratiques » identifiées par Vigeo Eiris.

Prospérité et soutien aux populations

Dans le détail, sur la seule période 2021-2025, Cotonou prévoit de consacrer pas moins de 18 milliards d’euros au financement des quatre piliers des ODD identifiés. La majorité de ces fonds iront au volet « prospérité », couvrant l’accélération économique, qu’il s’agisse de l’accès à « une électricité fiable, à faible intensité en carbone et abordable », au maillage du pays en infrastructures physiques comme digitales et au soutien à l’emploi des jeunes, des femmes et des entrepreneurs ruraux.

Le deuxième volet de ce programme, environ 4,3 milliards d’euros, ira à des projets liés au pilier « population » (social), qui vont de l’agriculture à l’accès à l’eau, au logement, à l’éducation et à la santé. Environ 316 millions d’euros seront consacrés aux projets environnementaux (conservation, biodiversité…) et de gouvernance (« paix et partenariat »), dont la promotion des sites historiques et éducatifs, pour 215 millions d’euros.

Dans leur message aux investisseurs, les équipes de Romuald Wadagni n’ont pas manqué de rappeler que malgré la crise du Covid-19, le Bénin est dans le top 3 des pays avec le meilleur taux de croissance en Afrique subsaharienne en 2020 (environ 3,8 %), avec un rebond à 6 % attendu en 2021 et une moyenne de 6,4% sur la période 2022-2026, pointant sa résilience ces dernières années « tant face à la récession au Nigeria en 2016, qu’à la crise sanitaire ou à la fermeture de la frontière l’an dernier, avec le géant ouest-africain ».

Pour sa part, l’agence Moody’s a confirmé la note (B1) attribuée au Bénin, « soutenue par sa résilience économique, avec des perspectives de croissance robustes renforcées par les réformes structurelles en cours », pointant un assainissement budgétaire historique et les améliorations de la structure de la dette du pays.

Niger: un camp d'entraînement pour les forces spéciales

(illustration) Niger: soldats de l'opération Barkhane sur la base de Madama.
(illustration) Niger: soldats de l'opération Barkhane sur la base de Madama. RFI/Olivier Fourt

Le Niger est désormais doté d'un camp d'entraînement pour ses forces spéciales. Inauguré mercredi matin, il se situe à Tillia, dans la région de Tahoua, dans le Sud-Ouest du pays, vers la frontière malienne. Financé en partie par l'ambassade allemande, ce centre s'inscrit dans la stratégie globale de montée en puissance des forces spéciales au Sahel. 

Ce camp est installé dans une zone désertique, très isolée, près de la frontière malienne. C'est dans ce département de Tillia qu'au mois de mars dernier, une attaque sur plusieurs villages avait fait plus de 130 victimes civiles. « Face à l'insécurité grandissante, les forces armées nigériennes doivent s'adapter perpétuellement aux exigences sécuritaires », a déclaré le ministre de la Défense, Alkassoum Indatou. 

D'après une source sécuritaire, le Niger dispose aujourd'hui de 5 000 soldats d'élite. L'objectif est de parvenir à 7 000 forces spéciales d'ici 2023, soit 12 bataillons de 550 hommes. Le Niger s'inscrit dans une stratégie qui se développe partout au Sahel. Récemment, le Burkina Faso a également mis en place une unité de forces spéciales au sein de son armée. 

L'ennemi est mobile, le terrain difficile, les voies de communication en mauvais état... De petites unités d'élite apporteraient donc plus de résultats que les forces conventionnelles. C'est en tout cas le discours porté par la France, notamment depuis l'annonce de la fin de l'opération Barkhane au Mali, annoncée par le le président Macron en juin.

► À lire aussi : au Sahel, la France veut changer de cadre et de stratégie dans la lutte contre le terrorisme

La task force Takouba, ce groupement de forces spéciales européennes, doit lui assurer une porte de sortie : le président Macron avait alors indiqué qu'il souhaitait désormais donner la priorité à la lutte contre les jihadistes par les forces spéciales. Ces soldats d'élite seront épaulés, par les commandos européens de la force Takouba déjà présents au Sahel, mais aussi par les forces spéciales des armées partenaires. 

Aujourd'hui le Niger se met donc au diapason. Niamey a pris une place centrale dans la nouvelle stratégie française, puisque le commandement des opérations conjointes de Takouba et des forces du G5-Sahel y sera bientôt installé.

 À lire aussi : G5 Sahel: un premier sommet depuis l'annonce de la fin progressive de Barkhane 

Côte d’Ivoire : Ouattara, Gbagbo, Bictogo, Soro… Les vérités d’Amadou Soumahoro

| Par - à Abidjan
Mis à jour le 13 juillet 2021 à 12h27
Alassane Ouattara et Amadou Soumahoro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, à Abidjan le 1er avril 2019.
Alassane Ouattara et Amadou Soumahoro, le président de l'Assemblée nationale ivoirienne,
à Abidjan le 1er avril 2019. © REUTERS/Thierry Gouegnon

Des équilibres entre majorité et opposition au sein de l’Assemblée nationale qu’il préside au retour de l’ancien président en passant par les relations entre les caciques de la majorité présidentielle, Amadou Soumahoro se pose en premier partisan du chef de l’État, Alassane Ouattara.

Il a le sourire large, Amadou Soumahoro, lorsqu’il nous reçoit dans son bureau de l’Assemblée nationale, à la décoration aussi sobre et classique que la nouvelle posture qu’entend adopter son propriétaire. Ancien tenant de l’aile « dure » du Rassemblement des Républicains (RDR, d’Alassane Ouattara), il tient désormais un discours aux antipodes de ceux qui étaient les siens lorsqu’il faisait figure de « faucon » du camps présidentiel. Réélu fin mars à la tête de l’Assemblée nationale, où il avait déjà succédé à Guillaume Soro, Amadou Soumahoro se veut désormais un homme de dialogue et de réconciliation. Parfaitement dans la ligne au sein de la majorité présidentielle.

L’homme n’en manie pas moins l’ironie mordante. « Vous vous souvenez, il y a encore quelques semaines, la rumeur m’avait tué ! », lâche-t-il dans un grand sourire à peine la porte franchie. De fait, l’état de santé de ce ténor de la scène politique ivoirienne a fait l’objet de nombreuses spéculations dans les semaines ayant suivi sa réélection. « Vous le voyez, je vais très bien ! », assure celui qui vient d’être reconduit à la présidence de l’Assemblée des parlementaires francophones (APF), ponctuant à nouveau sa phrase d’un sourire rassurant.

Mais dès qu’il s’agit d’aborder les questions politiques, du retour de Laurent Gbagbo à la situation de Guillaume Soro, des bisbilles internes à la majorité présidentielle à son propre rôle à la présidence de l’Assemblée nationale, plus question de plaisanter : Amadou Soumahoro livre ses vérités, en pesant chaque mot.


Amadou Soumahoro, dans son bureau de l’Assemblée nationale. © DR : Assemblée nationale ivoirienne

Jeune Afrique : Quelles sont vos relations avec Adama Bictogo, qui se présente volontiers comme le « numéro deux » de l’Assemblée nationale, à l’image d’une sorte de « premier vice-président » ?

Amadou Soumahoro : Aucun texte ne consacre un tel poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale. Il a existé sous l’ancienne Constitution. Mais ce poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale a été supprimé.

Vous avez dû le constater, la dernière séance inaugurale qui a vu ma réélection à la tête de l’institution avait un seul point à son ordre du jour : l’élection du président de l’Assemblée nationale.

Au-delà de tout ceci, je puis vous assurer que mon jeune frère Adama Bictogo n’a jamais laissé germer une telle idée dans son esprit. Il a de tout temps été respectueux des textes de la République.

Avez-vous le sentiment qu’il se verrait bien à votre place, au perchoir ?  

Non, pas du tout. Je crois que vous n’avez pas compris le sens réel des propos de mon jeune frère.


Adama Bictogo, le « vice-président » de l’Assemblée nationale, accueille une délégation de parlementaires français
conduite par le député Patrice Anato, le 26 mai 2021. © DR / Patrice Anato

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LE RETOUR DE LAURENT GBAGBO EST LA MATÉRIALISATION DE LA VOLONTÉ ET DES ENGAGEMENTS D’ALASSANE OUATTARA

Laurent Gbagbo, après avoir été définitivement acquitté par la Cour pénale internationale, est de retour en Côte d’Ivoire. Est-il le bienvenu ? 

Le président Alassane Ouattara est un homme de paix et de rassemblement. Le retour de l’ancien chef de l’État Laurent Gbagbo est la matérialisation de la volonté et des engagements d’Alassane Ouattara.

Il y a eu des rencontres entre le gouvernement et les partisans de Laurent Gbagbo au sein du comité qui a organisé son accueil. Lorsque l’on n’est pas dans les dispositions d’accueillir quelqu’un, on n’en discute pas à un aussi haut niveau, celui du gouvernement. Le président Ouattara a même autorisé l’accès au pavillon présidentiel lors de son arrivée.

Quel regard portez-vous sur la situation de votre prédécesseur à la tête de l’Assemblée, Guillaume Soro, qui vit aujourd’hui en exil et a été condamné à perpétuité pour « atteinte à la sûreté de l’État » ? 

L’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire a tourné cette page depuis le 7 mars 2019. Je n’en pense rien.

Les Ivoiriens veulent la paix afin d’assurer à leur pays la quiétude sociale et la stabilité économique. Alassane Ouattara, qui en est le premier garant, a inscrit son pays dans un processus de réconciliation vraie et durable. Ayez confiance en la volonté du chef de l’État de faire de son pays un havre de paix et de fraternité.

L’opposition affirmait être sous-représentée au sein du bureau de l’Assemblée nationale lorsque vous avez été élu à sa présidence, en 2019. La donne a-t-elle changé depuis votre réélection ?

J’ai été réélu à la tête de l’Assemblée nationale avec près de 70% des voix. Cela veut dire qu’il y a au moins 30% des sièges occupés par l’opposition. Dans les différents organes de l’Assemblée nationale, l’opposition est représentée. Le RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix) est majoritaire et la règle démocratique exige que nous soyons majoritaires dans les instances de décision.

Vous avez maintes fois évoqué la question de la représentation des femmes. Pourtant, l’Assemblée nationale que vous présidez est passée de 29 élues à 34 après les dernières élections législatives. Le changement n’est-il pas trop lent ? 

En la matière, la Côte d’Ivoire a posé assez de gestes forts en termes de législation, que ce soit dans le domaine du code de la famille comme dans la représentativité des femmes dans les assemblées élues. Au sein de l’Assemblée nationale, une part belle est faite aux femmes à travers le « Caucus des femmes parlementaires ».

En outre, au sein du bureau, les femmes figurent en qualité et en nombre important. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les onze vice-présidences que compte notre institution, trois sont occupées par des femmes. Il y a six femmes sur douze aux postes de secrétaires et, mieux encore, sur les trois questeurs, deux sont des femmes…..

Alors, c’est vrai que nous avons enregistré seulement cinq femmes députées de plus comparé à la précédente législature, mais nous aurions souhaité en avoir plus. Des lois sont faites pour promouvoir les femmes aux postes électifs, mais je crois qu’il leur revient de s’approprier ces mesures afin de prendre toute leur place.

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AVEC LE PRÉSIDENT ALASSANE OUATTARA, LA DÉMOCRATIE SE PORTE BIEN

Cinq ans après la création du Sénat et l’instauration du bicaméralisme en Côte d’Ivoire, quel bilan en tirez-vous ?  

Cela a été l’un des axes forts de la réforme constitutionnelle de 2016. L’instauration d’une chambre haute et d’une chambre basse au Parlement est une expérience exaltante pour notre jeune démocratie. Elles forment une complémentarité parfaite qui constitue, pour le pouvoir exécutif, un levier important dans ses prises de décision. Des textes sont partis de l’Assemblée nationale vers le Sénat et ces textes nous sont revenus avec des amendements pertinents.

Le double niveau de lecture des textes est un gage supplémentaire que les lois votées sont bonnes. Et cela est une preuve qu’avec le président Alassane Ouattara, la démocratie se porte bien.

Comment gérez-vous les jeux de pouvoir et la répartition des portefeuilles ? Certains choix ne laissent-ils pas planer une ambiguïté ?

Tout se passe très bien sous la conduite avisée du président Alassane Ouattara, qui a un sens fin de la politique. Et n’occultez jamais de votre grille d’analyse le fait primordial qui est qu’il guidé par un seul intérêt : la paix et la cohésion dans notre pays.

Que pensez-vous de l’attitude de la députée ivoirienne Mariam Traoré, qui s’est retrouvée impliquée dans une bagarre lors d’une session du Parlement panafricain, début juin en Afrique du Sud ?

Les bagarres lors de débats parlementaires sont légions. Elles sont d’ailleurs parfois plus vives au sein de Parlements de pays dits démocratiquement très avancés. C’est, malheureusement, l’apanage des Parlements partout et sur tous les continents. Il faut avoir ce contexte en tête lorsque l’on évoque ces événements. Je n’ai pas encore entendu Mariam Traoré sur la question, mais il faut retenir qu’elle est une députée libre. Elle a ses convictions et elle les a défendues du mieux qu’elle pouvait.

Vous venez d’être reconduit à la tête de l’APF. Quel bilan, tirez-vous de votre précédent mandat ? 

Après ces deux années passées à la tête de l’APF, dans un contexte marqué par la crise sanitaire de la Covid-19, on peut sans ambages affirmer que le bilan est positif. L’APF, dans son rôle de vigie de la démocratie, a été présente partout où cette fonction l’a appelée. Par des actions d’interpellations, de soutien, de félicitations ou de compassion, elle est restée présente aux côtés de ses membres, pour s’assurer de la tenue de leurs engagements en matière de démocratie et de gouvernance.

Nous avons fait évoluer la démarche de l’APF vis-à-vis des pays dont les Parlements ont été présentés comme vivant des situations de déficit démocratique. Au lieu de les sanctionner systématiquement, nous avons guidé l’APF vers une position d’assistance et d’accompagnement, qui a l’avantage de conduire les parties au rapprochement et d’apaiser les tensions. Ce fut le cas du Bénin et du Mali, où l’APF a effectué des missions de bons offices.

Évidemment, l’action de l’APF en matière de démocratisation de l’accès de toutes les populations aux vaccins contre la Covid-19 reste majeure, dans ce contexte de pandémie. On n’oubliera pas non plus les actions de soutien lors de catastrophes, comme ce fut le cas après l’explosion dans le port de Beyrouth : l’APF a mobilisé les associations de meuniers de France pour fournir du blé aux populations sinistrées.

Le Nigeria face au défi séparatiste

Un portrait du leader indépendantiste Nnamdi Kanu au mur d'une maison d'Umuahia, l'une des régions séparatiste pro-Biafra, en 2019 (image d'illustration).
Un portrait du leader indépendantiste Nnamdi Kanu au mur d'une maison d'Umuahia, l'une des régions séparatiste pro-Biafra, en 2019 (image d'illustration). AFP - CRISTINA ALDEHUELA

En ciblant les deux leaders prônant un État séparatiste dans le sud du Nigeria, Nnamdi Kanu et Sunday Igboho, les autorités ont voulu reprendre la main dans la région. Les deux hommes sont accusés d’attiser des velléités sécessionnistes. Mais la réponse sécuritaire, jugée « excessive », risque de produire l’effet inverse. 

Près d’un mois après, l’arrestation de Nnamdi Kanu continue de soulever des interrogations. Le 27 juin dernier, le dirigeant séparatiste biafrais était appréhendé et renvoyé de force dans la capitale Abuja, dans des circonstances encore inexpliquées à ce jour. Le mystère demeure entier sur le lieu de son interpellation, même si nos sources pointent le doigt vers le Kenya.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du militant Sunday Igboho, engagé pour la création d’une nation « Yoruba », de subir un raid de la police en pleine nuit. Pour Olufemi Vaughan, professeur à Amherst College aux États-Unis, ces deux épisodes confirment la politique gouvernementale de « criminalisation de la dissidence ».

« On assiste à une tendance croissante des autorités à privilégier des réponses sécuritaires, parfois extra-judiciaires, pour réprimer toute forme de velléité sécessionniste », déclare-t-il à RFI. Symbole de cette dérive, un tweet du président Muhammadu Buhari, posté le 2 juin dernier, dans lequel il avait promis de « punir » les groupes pro-Biafra accusés de multiplier des attaques contre les institutions gouvernementales et les forces de sécurité. Le message a été supprimé par Twitter pour incitation à la haine raciale.

Les luttes se poursuivent 

« Plus le gouvernement devient autoritaire, plus ça va provoquer les réactions violentes de l’opposition et rendre cette dernière plus forte, retentissante et légitime », ajoute Olufemi Vaughan. Malgré l’arrestation de son leader, le mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob) a promis de poursuivre « son combat pour la liberté ».

 

Les groupes biafrais ne sont pas les seuls à réclamer l’indépendance. Au sud-ouest du Nigeria, dans les terres des Yoruba, le deuxième groupe ethnique le plus important du pays, les appels sécessionnistes se font également entendre. Dimanche dernier, Gani Adams, un représentant militaire issu de ce groupe, a déclaré qu’« un État Yoruba était encore possible ». Des propos qui ont accompagné, il y a deux semaines, des manifestations dans ce sens à Lagos, la plus grande ville du Nigeria.

Soufflant sur les braises

« Tous les jeunes dans ce pays en ont marre », affirme à RFI le comrade Igboayaka O Igboayaka, président du Conseil de la jeunesse Ohanaeze Ndigbo, un groupe de défense des intérêts des Igbo, les chrétiens du Sud-Est. « Sous les yeux de toute une génération, de notre génération, il y a le même ressort qui a conduit au Nigeria à la guerre civile du Biafra: et c’est l’injustice » explique-t-il. Il en veut pour preuve un projet de loi prévoyant de partager 30% des revenus du pétrole générés au Sud avec les États du Nord. « C’est du vol en plein jour ! Les États du Nord ne produisent pas de pétrole, pourquoi doivent-ils alors profiter de nos revenus ? Si les Yoruba appellent aussi à la sécession, c’est qu’ils subissent les mêmes abus et injustices que nous. »

Phénomène de marginalisation

Interrogé par RFI sur ces appels à la sécession, David Umahi, le président du Forum des gouverneurs du Sud-Est du Nigeria, et également gouverneur de l’État d’Ebonyi, s’est refusé à tout commentaire… tout comme ses homologues des États d’Imo, Enugu, Anambra et Abia. Mais dans une vidéo publiée en mai dernier, il insistait sur le fait que le Sud-Est « ne veut pas de guerre », tout en reconnaissant le besoin de davantage de justice sociale.

Pour Olufemi Vaughan, cette revendication, c’est le nerf de la guerre. « Au Nigeria, le sentiment dominant est que le gouvernement de Muhammadu Buhari ne représente que les intérêts des Haoussa-Fulani (Peuls) dans le Nord », explique-t-il. « Ce sentiment de marginalisation est aggravé par l’arrivée des bergers peuls, qui revendiquent des terres dans des régions qui ne leur appartiennent pas », renchérit le professeur.

« L’administration actuelle ne fait pratiquement rien pour résoudre ce problème. Au contraire, la perception générale est qu’elle est complaisante et que, d’une certaine manière, elle encourage les phénomènes de marginalisation. Et quand ce sentiment surgit, cela crée davantage d’insécurité, ce qui se traduit par la résurgence de revendications de sécession », ajoute-t-il.

Vers un débat sur le fédéralisme

Le Nigeria a déjà été confronté au danger sécessionniste, comme en témoigne le conflit du Biafra en 1967. Cette nouvelle vague est à prendre au sérieux, estime Olufemi Vaughan, mais pour lui le mouvement n’ira pas plus loin : « Juste parce qu’il y a de groupes bruyants qui appellent à la sécession, cela ne signifie pas pour autant que toute personne qui se trouve dans le même groupe ethnique est prêt à se joindre aux revendications séparatistes. »

Selon le professeur, la menace sécessionniste est également atténuée par le phénomène de la mixité sociale : « Il y a des Yoruba présents partout au Nigeria, et il en est de même pour les Igbo. » Et de conclure : « Les Yoruba réclament, tout comme les Biafra, les Igbo et les ethnies du delta du Niger, une plus grande représentation dans la gestion de leur propre gouvernement, ils demandent plus d’inclusion, ils revendiquent finalement une restructuration fondamentale du pays dans le sens d’un véritable fédéralisme. »

Olufemi Vaughan, professeur à Amherst College aux États-Unis

Niger-Algérie : Bazoum à Alger pour parler de l’après-Barkhane

| Par 
Mis à jour le 14 juillet 2021 à 11h37
Mohamed Bazoum à son arrivée à Alger, le lundi 12 juillet 2021.
Mohamed Bazoum à son arrivée à Alger, le lundi 12 juillet 2021. © DR / Présidence du Niger.

Mohamed Bazoum a rencontré son homologue Abdelmadjid Tebboune dans un contexte de redéfinition du dispositif de lutte contre le jihadisme dans le Sahel. 

Après Paris, Alger, où Mohamed Bazoum est arrivé pour parler avant tout de sécurité. Prévue initialement les 9 et 10 mai dernier, cette visite du chef de l’État nigérien avait été reportée de plusieurs semaines. Les questions de coopération sécuritaire dans la région du Sahel figuraient déjà à l’ordre du jour, mais les annonces du président Emmanuel Macron sur la redéfinition de la stratégie militaire française dans la région ont changé la donne.

Mohamed Bazoum a atterri à l’aéroport Houari-Boumédiène, ce lundi 13 juillet, où Salah Goudjil, le président du Conseil de la nation, l’a accueilli avec Ramtane Lamamra, qui a tout récemment repris les rênes du ministère algérien des Affaires étrangères.

Aux côtés du président nigérien, une forte délégation au sein de laquelle figurent notamment son ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, de la Défense, Alkassoum Indatou, de l’Action humanitaire et de la Gestion des catastrophes, Lawan Magagi, et du Pétrole, Sani Issoufou.

« Construire un leadership »

Bazoum arrive à Alger alors que Paris a annoncé, le 9 juillet, son intention de transférer le commandement opérationnel des forces françaises à Niamey, la capitale nigérienne devenant également la base de la task-force européenne Takuba. De quoi lui permettre d’endosser le costume de « nouveau boss du Sahel », rôle qu’assumait auparavant le Tchadien Idriss Déby Itno.

« Il est évident qu’il y a une volonté de la part de Bazoum de construire un leadership autour de lui, glisse une source proche de la présidence nigérienne. Et cela ne va pas être très compliqué, puisqu’il y a un vide dans la région depuis la disparition d’Idriss Déby Itno. Il est clair que l’instabilité chronique au Mali et au Burkina ouvre la voie à une montée en puissance de Bazoum. »

À Alger, le président nigérien a retrouvé Ramtane Lamamra, avec lequel le courant passe bien selon notre interlocuteur. « Ils ont une excellentes relations, qu’ils ont forgées lorsque Bazoum était ministre des Affaires étrangères », assure-t-il, ajoutant que cette proximité « va faciliter la coopération et les négociations entre les deux pays ».

Ramtane Lamamra, qui a retrouvé son fauteuil de chef de la diplomatie le 9 juillet dernier, incarne le nouveau virage que le président Tebboune veut donner à la politique étrangère de son pays.

Des troupes algériennes au Niger et au Mali ?

Le chef de l’État algérien pourrait remettre en cause l’opposition traditionnelle d’Alger à envisager une intervention militaire au Sahel. Comme l’a révélé Jeune Afrique, à la mi-juin, le chef d’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, était à Paris pour une mission « secrète » : discuter avec la France du rôle que pourrait tenir l’Algérie dans l’après-Barkhane.

La perspective de voir des bottes algériennes fouler les sables du Mali ou du Niger relève d’autant moins de la politique fiction que, depuis la réforme constitutionnelle de novembre 2020, des troupes peuvent être envoyées à l’étranger sur proposition du chef de l’État, si le Parlement donne son aval. « La doctrine algérienne a évolué. Cette question de l’intervention extérieure n’est plus un interdit aujourd’hui », estime notre source nigérienne.

Après s’être recueilli devant le monument des Martyrs de la guerre de libération, ce mardi, Mohamed Bazoum a été reçu par son homologue algérien, mais rien n’a filtré de l’échange entre les deux hommes, qui devaient évoquer « les relations bilatérales entre l’Algérie et le Niger et les moyens de les renforcer au mieux des intérêts des deux peuples amis », selon les termes utilisés par la présidence algérienne en amont de la rencontre.

Tourner la page

Alger et Niamey semble en tout état de cause décidés à tourner la page des tensions qui ont pu surgir entre eux ces dernières années. Les propos de l’ancien président nigérien, Mahamadou Issoufou, accusant Alger d’entretenir des liens troubles avec les terroristes agissant dans le Sahel, n’avaient certes pas aidé.

« Le statut de Kidal est une menace pour la sécurité intérieure du Niger. Nous constatons, avec beaucoup de regrets, que des mouvements signataires des accords de paix d’Alger ont une position ambigüe et sont de connivence avec les terroristes. Nous ne pouvons plus l’admettre », avait-il dénoncé en septembre 2019. Issoufou se montrait particulièrement critique envers les accords de paix d’Alger de 2015, qu’il considérait comme dangereux pour l’unité nationale du Mali tant ils prévoient de larges prérogatives aux institutions locales, mais c’est un discours que Mohamed Bazoum semble prêt à tempérer.

D’autant plus qu’il n’a pas caché ses préventions à l’égard des nouvelles autorités de Bamako, et du colonel Goïta en particulier. « Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front où ils devraient être et que des colonels deviennent des ministres et des chefs d’État, a-t-il notamment déclaré lors de la conférence de presse commune avec Emmanuel Macron, le 9 juillet. Qui va faire la guerre à leur place ? » Sans doute le chef de l’État nigérien espère-t-il aujourd’hui convaincre Tebboune d’apporter une part de la réponse à la question qu’il a posé à Paris.