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Côte d’Ivoire : au cœur des retrouvailles très politiques entre Bédié et Gbagbo

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 13 juillet 2021 à 17h55
Henriette et Henri Konan Bédié (à gauche), et Laurent Gbagbo et Nady Bamba, le 10 juillet à Daoukro.
Henriette et Henri Konan Bédié (à gauche), et Laurent Gbagbo et Nady Bamba, le 10 juillet à Daoukro. © ISSOUF SANOGO/AFP

Laurent Gbagbo a séjourné dans la propriété de Henri Konan Bédié, à Daoukro, les 10 et 11 juillet. Une visite qui a permis de consolider leur nouvelle alliance.

Le 10 juillet, Laurent Gbagbo est arrivé à Daoukro, dans le centre du pays, accompagné d’une forte délégation de près d’une centaine de personnes. Lui et sa seconde épouse, Nady Bamba, ont passé la nuit dans une des villas de la propriété de Henri Konan Bédié (HKB), affichant ainsi leur nouvelle proximité et leur relation de confiance.

Stratégie commune

Du côté du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le comité d’organisation a été confié à des proches de HKB, dont son beau-fils, Adam-Kolia Traoré, président du conseil régional de l’Iffou et Akoto Kouassi Olivier, député de Daoukro. Isabelle Bédié, la fille de l’ancien président, a aussi fait le déplacement pour l’occasion.

Laurent Gbagbo était accompagné de son premier cercle au sein du Front populaire ivoirien (FPI). Le secrétaire général Assoa Adou, la responsable des femmes Marie-Odette Lorougnon, le vice-président chargé de la mobilisation Damana Pickass étaient ainsi présents, tout comme Justin Koné Katinan, le porte-parole de Gbagbo, le professeur Hubert Oulayel’ancien ambassadeur Boubacar Koné ainsi que des députés.

Dans la soirée du 10 juillet, les anciens présidents ont dîné, accompagnés de leurs épouses Henriette Konan Bédié et Nady Bamba. Selon nos informations, les deux hommes ont ensuite eu un tête-à-tête au cours duquel ils ont peaufiné leur stratégie commune. Ils souhaitent créer un rapport de force suffisamment influent pour peser sur le processus de réconciliation engagé par le président Alassane Ouattara.

Le lendemain, un déjeuner a rassemblé tous les convives. Dans l’après-midi, Henri Konan Bédié a ensuite fait visiter sa plantation à son hôte. Cette rencontre, hautement politique, a surtout permis de consolider leur alliance, qui avait déjà donné lieu à des candidatures communes lors des dernières élections législatives. La délégation du FPI est rentrée à Abidjan dans la soirée.

Climat : quand le Sénégal et le Ghana déculpabilisent la Suisse

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Damien Glez

Par le biais de projets de protection de l’environnement sur leur territoire, le Ghana et le Sénégal vont contribuer à compenser les émissions de CO2 de la Confédération helvétique.

On connaissait la technique du « frère du Sud, je récupère quelques unes de tes matières premières à potentiel énergétique, je teste chez toi les procédures polluantes, je produis et consomme chez moi les joules et les watts et éventuellement, je te renvoie quelques déchets ». Depuis la prise de conscience, activiste et politicienne, du réchauffement climatique et du droit des peuples à ne pas inhaler la pollution des autres, le Sud peut aider le Nord, de façon inédite, à se déresponsabiliser d’une émission de gaz à effets de serre difficile à réduire drastiquement.

Même « portraitisée » sous la forme de montagnes suroxygénées censément pourvoyeuses d’air pur, la Suisse enclavée et industrialisée aura du mal à respecter son engagement de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre avant 2030, promesse faite dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. C’est là, au milieu de cette grande foire du droit à polluer qu’entrent en jeu les pays moins industrialisés…

Accord compensatoire

Le 20 octobre dernier, la Suisse signait, avec le Pérou, un accord compensatoire présenté comme le « premier accord de ce genre au niveau mondial ». Le pollueur invétéré demande à ce que son émission de CO2 en partie incompressible soit jugée au regard de la baisse d’émissions de gaz à effet de serre qu’il aura permis dans d’autres pays. Une sorte d’autorisation à polluer obtenue chez les meilleurs élèves de la vertu énergétique.

Après l’Amérique latine, c’est en Afrique que la Suisse exporte sa formule magique. En novembre, c’est avec Accra que Berne signait un accord qui devait lui permettre de compenser une partie de sa pollution domestique par des projets climatiques menées au Ghana.

Au programme : plusieurs centaines de milliers d’installations solaires de nature à favoriser la réduction des quantités de bois et de charbon de bois utilisés comme combustibles, du nombre de lampes à kérosène, de bougies à paraffine et autres groupes électrogènes diesel.

Cynisme ?

Du 5 au 9 juillet, la conseillère fédérale suisse Simonetta Sommaruga visite le Ghana, mais aussi le Sénégal, avec qui un accord bilatéral de protection du climat a également été signé, prévoyant notamment la promotion de la méthanisation des exploitations agricoles sénégalaises.

Le principe du « sois vertueux pour que je me permette de l’être moins » pourrait paraître cynique, voire injuste. Mais, cette fois, l’échange de bons procédés est cordial et civilisé. Bien sûr, l’Afrique subsaharienne caniculaire continuera de souffrir de la tendance mondiale au réchauffement climatique induit des comportements du Nord. Mais la Suisse n’est ni dans le top ten des pays les plus pollueurs en volume, ni dans le top ten des nations les plus pollueuses par habitant. Et un air local moins chargé de CO2, dans un Ghana ou un Sénégal moins déforesté, c’est toujours ça. En attendant de faire mieux…

 
 

Côte d’Ivoire : avec le groupe français Duval, l’Église catholique se met à l’immobilier

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Mis à jour le 03 juillet 2021 à 16h50
Le quartier du Plateau à Abidjan, en Côte d’Ivoire.
Le quartier du Plateau à Abidjan, en Côte d'Ivoire. © Nabil Zorkot

 

Accompagné par Proparco et Société générale, le groupe français va réaliser un complexe de 60 millions d’euros pour le diocèse d’Abidjan.

Éric Duval, le fondateur et président du groupe immobilier français du même nom, a conclu le 30 juin dans la capitale économique ivoirienne un contrat avec le diocèse d’Abidjan pour la réalisation d’un complexe d’une superficie de plus de 22 000 m².

Une transaction facilitée par la foi catholique d’Éric Duval, qui a plusieurs fois rencontré le pape François. Par ailleurs, ce dernier l’a nommé en 2015 ambassadeur d’une fondation pontificale consacrée à l’éducation, à savoir la Fondation Gravissimum educationis.

Le complexe immobilier, prévu au cœur du Plateau, le quartier administratif et des affaires d’Abidjan, sera composé d’une résidence hôtelière de la marque de location saisonnière et de vacances Odalys (une filiale de Duval) comptant 130 chambres, d’un supermarché, de bureaux et de restaurants.

Le contrat, d’une valeur de 60 millions d’euros, est financé à 35% sur fonds propres par Duval – soit 21 millions d’euros -, et à 65% – environ 39 millions d’euros – par des prêts accordés par Proparco, le bras financier dédié au secteur privé de l’Agence française de développement (AFD), et des banques, dont la filiale locale de la Société générale.

Depuis le démarrage de son aventure ivoirienne, sa dixième implantation sur le continent, Éric Duval se fait accompagner par Proparco qui, déjà en 2018, avait financé la rénovation d’une tour du Plateau pour 15,5 millions d’euros.



Eric Duval est le président du groupe Duval. © Gilles ROLLE/REA

Quête d’autonomie financière

Le projet baptisé « Notre Père » a été piloté par le conseil des affaires économiques du diocèse d’Abidjan. Ce dernier est chapeauté par Jean-Pierre Kutwa, l’archevêque métropolitain de la capitale économique ivoirienne. Localement, c’est Nicolas Moreau, le directeur pays de Duval qui a suivi le dossier. Le banquier Hubert de Saint Jean, fondateur de la banque d’affaires de Saint Jean & Associés et ancien DG de la Société générale Côte d’Ivoire, a conseillé l’Église.

Cette dernière percevra des loyers durant la période du bail emphytéotique (45 ans), au terme duquel elle retrouvera la propriété des complexes. Les recettes du projet permettront la poursuite de l’évangélisation par la formation des prêtres notamment.

Les finances de l’Église, alimentées principalement par les quêtes et dons, ont pâti de la crise sanitaire mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19.

Depuis plusieurs années, l’Église catholique ivoirienne est à la recherche de plus l’autonomie financière, conformément à une exhortation du pape Jean Paul II lors du premier synode des évêques africains en 1994.

La Côte d’Ivoire est en retard dans ce domaine comparé à d’autres pays africains.  En Ouganda, par exemple, l’Église possède une banque dénommée Centenary Bank, qui compte plus de 2 500 employés et environ 73 agences.

L’archevêque d’Abidjan, qui veut diversifier les investisseurs engagés dans la mise en valeur du patrimoine foncier de l’Église, est courtisé par Bouygues sur un autre projet immobilier au Plateau ainsi que par les Britanniques du fonds d’investissements Actis et les Marocains de Addoha.

Burkina: des milliers de manifestants dans la rue pour dénoncer l'insécurité

Au Burkina Faso, des milliers de manifestants dénoncent l’insécurité dans le pays, le 3 juillet 2021.
Au Burkina Faso, des milliers de manifestants dénoncent l’insécurité dans le pays, le 3 juillet 2021. © Yaya Boudani / RFI

Au Burkina Faso, des milliers de manifestants ont défilé dans les rues de la capitale pour dénoncer l’insécurité dans le pays. À l’appel des partis de l’opposition et de certaines organisations de la société civile, les manifestants ont réclamé des mesures fortes pour freiner les attaques attribuées aux groupes jihadistes.

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

Des milliers de personnes, hommes, femmes, jeunes ou personnes âgées de toutes les souches sociales ont ainsi répondu à l’appel des partis de l’opposition et des organisations de la société civile et on défilé dans les rues de Ouagadougou. L’on pouvait lire sur les pancartes et banderoles : « Y-a-t-il un président au Burkina Faso ? », « Sauvons notre pays » ou encore « Stop au massacre ». C’est au pas de course que les manifestants ont bouclé le circuit prévu en moins d’une heure.

Appel à l’organisation d'états généraux de la sécurité

Dans son message adressé aux manifestants, Eddie Komboïgo, chef de file de l’opposition, a rappelé que les populations ont décidé de manifester pour protester contre l’aggravation de la situation sécuritaire dans le pays. Il a réclamé, dans l’urgence, du matériel adéquat pour les forces de défense et de sécurité.

Le chef de l’opposition appelle à l’organisation des états généraux de la sécurité. Eddie Komboïgo et ses camarades se disent disponibles à y participer. Il s’interroge également sur l’utilité de la présence de forces étrangères au Burkina Faso si ces dernières ne sont pas capables de mettre leur matériel de surveillance à la disposition de l’armée burkinabè. Un manifestant a d’ailleurs tenté de brûler un drapeau français mais il en a été empêché. Le drapeau a été finalement remis aux forces de sécurité. 

Une partie des manifestants souhaite la libération des militaires en prison depuis le procès du coup d’État de 2015. Parmi eux figure le général Gilbert Dienderé, l’homme qui était au cœur du système sécuritaire quand Blaise Compaoré dirigeait le pays. 

►À lire aussi: Au Burkina Faso, l'opposition suspend sa participation au dialogue politique

Recettes pétrolières : le Tchad perd 1 million d’euros par jour

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Mis à jour le 02 juillet 2021 à 11h08
Grâce aux revenus du pétrole, le Tchad a multiplié les projets d’infrastructures dans le pays. Pas nécessairement à bon escient.
Grâce aux revenus du pétrole, le Tchad a multiplié les projets d'infrastructures dans le pays. Pas nécessairement à bon escient. © Réussite

Face à la pandémie, le gouvernement a allégé la fiscalité, engendrant un important manque à gagner pour le Trésor public, déjà exsangue.

« Malgré la hausse de volume des exportations et le cours du Brent, les recettes pétrolières diminuent par rapport au premier trimestre 2020 », a indiqué l’Observatoire tchadien des finances publiques dans une note sur le service pétrolier publiée le 29 juin.

Les recettes pétrolières ont diminué de -68,4 % entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021  –passant de 102 milliards de F CFA (156 millions d’euros) à 32,2 milliards de F CA (49 millions d’euros). Cela représente un manque à gagner d’environ 107 millions d’euros sur trois mois, soit 1,2 million d’euros par jour en moyenne, pour l’État tchadien durant cette période.

Par ailleurs, rappelle l’Observatoire, qui dépend du ministère des Finances et du Budget, le cours moyen du Brent était de 60,82 dollars au premier trimestre 2021 contre 50,43 dollars un an plus tôt, soit une progression de +20,6%.

Allégements fiscaux

La baisse des recettes est la conséquence des allégements fiscaux décrétés par N’Djamena pour soutenir l’économie en réponse à la crise du Covid-19. « Cette diminution est en lien avec la baisse de l’impôt sur les sociétés causée par la crise sanitaire mondiale en début de l’année 2020, malgré la hausse de volume des exportations et du cours de Brent », ajoute l’observatoire.

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LES RECETTES TIRÉES DES IMPÔTS SUR LES SOCIÉTÉS PÉTROLIÈRES ONT BAISSÉ DE – 46 %

L’État a ainsi réduit de moitié plusieurs prélèvements pour six mois en avril 2020 et prolongé ces mesures d’un semestre supplémentaire en octobre.

Dans le détail, les recettes tirées des impôts sur les sociétés pétrolières ont baissé de – 46 % à 22 milliards de F CFA, tandis que la redevance sur la production et le dividende (52 milliards de F CFA au premier trimestre 2020) n’a pas été perçue au titre des trois premiers mois de cette année.

Par ailleurs, en dépit du manque à gagner lié aux exonérations fiscales, le gouvernement doit rembourser sa dette auprès de la société minière et de négoce Glencore – qui représente près d’un tiers de ses encours extérieurs.

Selon les chiffres de l’Observatoire tchadien des finances publiques, les créances dues par N’Djamena au trader basé en Suisse ont atteint 32 millions de dollars au premier trimestre 2021, dont 25 millions de dollars de principal et 7 millions de dollars d’intérêts.

Rembourser la dette

Le gouvernement table toutefois sur une hausse des encaissements sur l’ensemble de l’année, avec 346 milliards de F CFA de recettes pétrolières attendues pour 2021, provenant à moitié des versements des compagnies et à moitié des ventes directes à l’export.

N’Djamena parie également sur un rebond des impôts sur les bénéfices à 141 milliards de F CFA sur l’ensemble de l’année, ils avaient reculé de moitié sur un an à seulement 22 milliards au premier trimestre 2021.

Ces nouvelles entrées d’argent frais seront d’autant plus nécessaires qu’en plus des incitations fiscales, le gouvernement a dû sortir le chéquier pour soutenir l’économie pendant la pandémie.

Feu le président Idriss Déby Itno avait annoncé l’an dernier le paiement d’une partie des arriérées dus aux entreprises privées (110 milliards de F CFA sur les 1 000 milliards estimés), ainsi que la création d’un fonds pour faciliter l’octroi aux jeunes de prêts bancaires garantis par l’État à hauteur de 70 % (30 milliards de F CFA).

Pour réduire la pression sur sa trésorerie et relancer l’économie, le Tchad a demandé la restructuration de sa dette dans le cadre de l’initiative « cadre commun » mise en place entre le Club de Paris et le G20.

Par ailleurs, en janvier, le FMI et N’Djamena ont conclu un accord dans le cadre de la Facilité élargie de crédit et du Mécanisme élargi de crédit portant sur 560 millions de dollars sur quatre ans.