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Crise au Nigeria: Muhammadu Buhari sort de son silence

                                Le président nigérian Muhammadu Buhari lors d'une allocution télévisée, le 22 octobre 2020.
                               
                                   Le président nigérian Muhammadu Buhari lors d'une allocution télévisée, le 22 octobre 2020.
 Nigeria Presidency/Handout via REUTERS
Texte par :RFISuivre
3 mn

Le président nigérian Muhamadou Buhari a fini par s'exprimer ce jeudi 22 octobre sur la crise qui s'installe dans son pays. Il n'a cependant rien dit sur la répression de la contestation. 

Avec notre correspondante à Abuja, Liza Fabbian

Le président Muhammadu Buhari réitère ses promesses de réformes et regrette que celles-ci n’aient pas été prises plus au sérieux par les Nigérians qui réclament toujours des actes concrets : « J’ai été très clair sur le fait que la dissolution de la brigade SARS s’inscrit dans notre engagement à mettre en œuvre une réforme étendue de la police. Malheureusement, la vitesse à laquelle cette décision a été prise, semble avoir été assimilée à de la faiblesse. »

Mais le chef de l’État nigérian a aussi adressé une mise en garde aux manifestants : « Je demande aux protestataires de résister à la tentation d’être utilisés par des éléments subversifs, pour causer le chaos et mettre à mal notre jeune démocratie. Agir de la sorte sera considéré comme une tentative pour sapper la sécurité nationale et l’ordre légal. Ceci ne sera pas toléré. »

Pas un mot sur la répression

Même ton ferme en direction de la communauté internationale, qui a vivement dénoncé la répression des manifestation ces derniers jours. « Nous vous remercions, mais attendez d’avoir tous les éléments en main avant de prendre position et de faire des déclarations hâtives », rappelle le président.

À lire aussi : Nigeria: après un «mardi sanglant», les violences se poursuivent à Lagos

Ce jeudi a d'ailleurs encore été très tendu à Lagos et dans l'ensemble du pays. Des bandes en colère étaient encore présentes dans les rues de la mégalopole où des quartiers entiers ont été mis à sac. Les casseurs ont notamment attaqué la prison d'Ikoyi, en plein cœur d'un quartier riche de la ville. Les autorités ont annoncé ce soir qu'aucun détenu ne s'était évadé. Elles ont par ailleurs indiqué que des casernes de pompiers, des ambulances, des banques et 100 bus ont été incendiés ces derniers jours.

Des commissariats ont également été attaqués ce jeudi à Ibadan, où deux policiers ont été brûlés vifs, selon les informations rapportées par la presse nigériane.

Burkina Faso: 13 candidats en lice pour la présidentielle de novembre

                             Au Burkina Faso, la liste des candidats à la présidentielle a été arrêtée (illustration : bureau de vote, à Ouagadougou, au Burkina Faso, municipales de mai 2015).
                             Au Burkina Faso, la liste des candidats à la présidentielle a été arrêtée (illustration : bureau de vote, à Ouagadougou, au Burkina Faso, municipales de mai 2015). AHMED OUOBA / AFP
Texte par :RFISuivre
2 mn

Au Burkina Faso, le Conseil constitutionnel a publié, ce jeudi soir 22 octobre, la liste définitive des candidats pour la présidentielle du 22 novembre prochain. Treize prétendants sont en lice dont une femme. Parmi eux, l’actuel président Roch Marc Christian Kaboré, mais aussi Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition ou encore Yacouba Isaac Zida, ex-Premier ministre de la transition, en exil au Canada.

Avec notre correspondant à OuagadougouYaya Boudani

Parmi les candidats à la présidentielle, il y a les poids lourds de la scène politique burkinabè. Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel président, est candidat à sa propre succession. Zéphirin Diabré est arrivé deuxième en 2015. Tahirou Barry et Ablassé Ouedraogo étaient également de la partie en 2015. Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès, l’ex-parti au pouvoir et Gilbert Noel Ouédraogo de l’ADF/RDA sont également en lice. Ils avaient été exclus en 2015 pour avoir soutenu le projet de modification de la constitution voulu par Blaise Compaoré.

Une seule femme candidate

Kadré Desiré Ouedraogo, ancien président de la commission de la Cédéao et Yacouba Isaac Zida, ex-Premier ministre sous la transition, en exil au Canada depuis 2016, seront aussi sur la ligne du départ.

Parmi les nouveaux: maître Farama Ambroise, le professeur Abdoulaye Soma, Do Pascal Sessouma, journaliste de formation, et le candidat indépendant Aimé Tassembedo. La seule femme parmi les 13 candidats s’appelle Yeli Kam Monique.

Harouna Kindo, du Mouvement des intellectuels pour le développement, qui figurait sur la liste provisoire, a été recalé pour non-paiement de la caution 25 millions de francs.

Sortie de crise : la RDC, le Sénégal et la Côte d’Ivoire
se relèveront plus vite que le Congo

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Mis à jour le 22 octobre 2020 à 17h28
Niamey (Niger)

Niamey (Niger) © Djibo Tagaza pour JA


Selon le FMI, l’Afrique subsaharienne pourrait accuser un déficit de l’ordre de 290 milliards de dollars sur la période 2020-2023. Mais tous les pays ne seront pas logés à la même enseigne.

La situation sanitaire de l’Afrique subsaharienne relativement meilleure face au coronavirus que celle des autres parties du monde ne lui épargnera pas une crise économique et sociale de grande ampleur, comme l’annoncent « les Perspectives » publiées le 22 octobre par le Fonds monétaire international (FMI), et intitulées « Vers une reprise difficile ».

« L’économie de la région subira une contraction de 3 % en 2020 selon les projections, soit les pires perspectives jamais établies », a déclaré Abebe Aemro Sélassié, directeur du département Afrique du Fonds. Les pays les plus touchées sont ceux qui sont tributaires du tourisme ainsi que les exportateurs de matières premières.

La reprise devrait s’amorcer en 2021 et la croissance atteindrait alors +3,1 %. Insuffisant pour permettre aux gouvernements de mener de front la lutte contre la pandémie et la relance de leur économie, car c’est l’argent qui manque le plus du fait de recettes en berne et de dépenses sanitaires en hausse.

Besoin d’une aide financière extérieure supplémentaire

Le rapport note que, « en l’absence d’une aide financière extérieure supplémentaire considérable, de nombreux pays peineront à préserver la stabilité macroéconomique et à répondre aux besoins essentiels de la population ».

Le FMI a bien apporté 17 milliards de dollars et les banques multilatérales des dizaines de milliards aux pays les plus en difficulté mais, souligne Abebe Aemro Selassie, «  l’Afrique subsaharienne pourrait accuser un déficit de l’ordre de 290 milliards de dollars sur la période 2020-2023 ».

Les statistiques actualisées cet automne par le Fonds confirme que l’Afrique est extrêmement diverse. Les cinq pays qui connaîtront cette année les plus fortes chutes de leur produit intérieur brut de la région sont Maurice (-14,2%), les Seychelles (-13,8 %), le Zimbabwe (-10,4 %), le Botswana (-9,6 %) et l’Afrique du sud (-8 %).

Une croissance au moins symbolique

En revanche, sept pays dont l’économie est plus diversifiée afficheront une croissance au moins symbolique, ce qui est une performance dans la conjoncture actuelle : le Sud-Soudan (+4,1 %), le Bénin et le Rwanda (+2 %), l’Éthiopie et la Tanzanie (+1,9 %) et la Côte d’Ivoire (+1,8 %).

Croissance et dette publique en 2020 (en pourcentage du PIB) :

Croissance et dette publique en 2020

En 2021, huit pays pourraient espérer renouer avec une croissance supérieure à 5 %: Maurice (+ 9,9 %), le Bostwana (+ 8,7 %), le Niger (+ 6,9 %), la Guinée (+ 6,6 %), le Rwanda (+ 6,3 %), la Côte d’Ivoire (+6,2 %), le Tchad (+6,1 %), la Gambie (+ 6 %), l’Érythrée (+ 5,7 %), le Sénégal (+5,2 %) et le Bénin (+ 5 %).

Deux seulement seraient toujours en récession, l’année prochaine : le Sud-Soudan (-2,3 %) et la République du Congo (-0,8 %).

Croissance et dette publique en 2021 (en pourcentage du PIB) :

Croissance et dette publique en 2021

Déficits en hausse

L’hyperinflation fera souffrir tout particulièrement les populations du Zimbabwe (+622,8 % en 2020), du Sud Soudan (+27,1%), d’Angola (+21%), d’Éthiopie (+20,2%).

Les déficits budgétaires atteindront des niveaux dangereux au Ghana (-16,4 % du produit intérieur brut), aux Seychelles (-15,5 %), en Afrique du Sud (-14 %), à Maurice (-11,7 %) et au Cap-Vert (-11,3 %).

La dette publique atteindra des sommets en Érythrée (185,8 % du PIB), au Cap Vert (136,8 %), au Mozambique (121,3 %), en Angola (120,3 %) et en Zambie (120 %).

Le CFA comme rempart contre l’inflation

Deux conclusions se dégagent de cette forêt de statistiques. La première est que l’Union économique ouest-africaine (UEMOA) est la zone qui résiste le mieux.

Elle devrait placer cinq de ses États membres parmi les douze pays qui ne connaîtront pas de récession cette année et six parmi les onze qui renoueront avec une reprise vigoureuse en 2021.

Deuxième conclusion : l’inflation est mieux maîtrisée dans les pays qui ont en partage le franc CFA.

Pour s’en convaincre, il suffit de comparer l’évolution annuelle des prix à la consommation au Nigeria (+12,9 % en 2020) avec celle de ses deux voisins appartenant à deux zones franc différentes, le Bénin (+2,5 %) et le Cameroun (+2,8 %).

L’écart des hausses des prix à la consommation est comparable entre deux pays séparés par un fleuve et un régime de changes, la République démocratique du Congo (+11,5%) et la République du Congo (+2,5%).


Problèmes en Afrique subsaharienne

Entre la démission d'Ibrahim Boubakar Keïta, la candidature du Guinéen Alpha Condé pour un troisième mandat et le peu de réaction qu'a suscité le texte de l'Internationale socialiste en soutien à IBK juste après le putsch qui a frappé le Mali cet été, les membres de l'Internationale socialiste s'interrogent sur l'action de leur institution : peut-elle encore défendre les valeurs qui la fondent ? Sait-elle encore influencer la politique menée par ses membres ? Je vous invite à observer comment le rôle joué par l'Internationale socialiste a évolué ces dernières années en Afrique.  

 
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Internationale socialiste en Afrique : c’est la chute finale…
Par Mathieu Olivier

Avec la démission du Malien Ibrahim Boubacar Keïta, l’organisation fondée en 1951 a perdu l’un de ses illustres représentants en Afrique francophone. Le symbole d’un déclin qui semble inexorable.

L’or. Le marbre. Le millier de lustres en cristal. Tout, au cœur de l’Emirates Palace d’Abou Dhabi, est fait pour couper le souffle et écraser le visiteur sous le poids de la magnificence. L’endroit est orgueilleux, à l’image des Émirats arabes unis. Sous la coupole d’une quarantaine de mètres de diamètre qui surplombe le grand hall se croisent touristes, princes et hommes d’affaires. Quelques déracinés aussi.

En ce mois de septembre, un ancien roi d’Espagne y occupe une suite de luxe de 280 mètres carrés, avec jacuzzi et majordome. Juan Carlos Ier a abdiqué en 2014 et s’ennuie ferme, mais il a préféré quitter son royaume, où un scandale de 200 millions de dollars le poursuit. À 82 ans, l’ex-monarque est visé par une enquête judiciaire pour corruption. Il n’en rêve pas moins de rentrer chez lui.

Non loin, un autre client du palace, de sept ans son cadet, prend son mal en patience. Rien ne les rapproche, hormis une chose : lui aussi a abdiqué – c’était le 18 août dernier. Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) se repose désormais, tout en suivant un protocole de soins. Entouré de ses proches, l’ancien président malien a momentanément laissé derrière lui son pays et les militaires qui ont obtenu sa chute.

IBK l’a affirmé à la télévision publique : s’il a rendu les armes, c’est pour « qu’aucun sang ne soit versé ». Le regard plongé dans les immensités marines du Golfe, pense-t-il également à ceux qui l’ont trahi ? En privé, il regrette d’avoir été abandonné par le président français, Emmanuel Macron. Ses mots sont plus durs envers l’ancien socialiste Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères. Quant à ses pairs africains, ils n’ont eu aucun mal à accepter son sort et il en est conscient.

Certes, ses voisins de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ont entamé un bras-de-fer avec les putschistes, poussant à l’instauration d’une transition présidée par un civil. La Cedeao a même obtenu sa libération et son évacuation sanitaire vers ce palace du Golfe. Mais ne fallait-il pas attendre davantage des « camarades » Alpha Condé, Mahamadou Issoufou et Roch Marc Christian Kaboré ? Au lendemain du putsch du 18 août, ces trois présidents, membres comme lui de l’Internationale socialiste (IS), n’auraient-ils pas pu faire plus ?

Le 19 août, l’organisation a bien publié un communiqué réclamant le retour au pouvoir du camarade IBK : « Il est impératif que les dirigeants démocratiquement élus puissent reprendre leurs fonctions. » L’Internationale y affirmait que son secrétaire général, le Chilien Luis Ayala, et le président de son comité Afrique, le Malien Bokary Treta, suivaient de près la situation et n’accepteraient « jamais le renversement par la force des résultats du scrutin démocratique ». Mais le texte est passé inaperçu. « L’IS a fait le minimum syndical », déplore l'un de ses anciens hauts dirigeants africains.

"Impuissance générale"

« Qui a lu ce communiqué ? Si l’Internationale avait pu avoir une quelconque influence sur la situation au Mali et sur l’action d’IBK depuis des années, cela se saurait », glisse un ancien vice-président de l’organisation. À l’en croire, l’impuissance est générale. « En Guinée, le fait qu’Alpha Condé brigue un troisième mandat est contraire à nos valeurs. Mais, en dehors de l’initiative personnelle du président Issoufou, qui a pris position contre les troisièmes mandats, qu’a fait l’IS ? »

Un autre dirigeant s’interroge : « Nous ne sommes pas capables de nous faire entendre quand un de nos membres, en l’occurrence IBK, est renversé. Nous ne sommes pas davantage capables d’influencer un camarade, notamment Alpha Condé. Donc à quoi servons-nous ? » À cette question, notre premier interlocuteur répond : « À rien. L’Internationale n’existe plus, faute d’avoir su se renouveler. »

« Le passé est glorieux, se souvient le socialiste tchadien Saleh Kebzabo. Mais il n’y a pas eu les changements et les débats idéologiques nécessaires, et les grosses pointures ont disparu. » « Chez les Africains francophones, l’influence de l’Internationale ne fait que diminuer. Kaboré, au Burkina, a peu ou prou le même bilan qu’IBK. Il ne reste que Mahamadou Issoufou et Mohamed Bazoum au Niger qui pourraient peut-être porter le flambeau », analyse un ancien vice-président. Symbole de cette lente disparition : le comité Afrique de l’Internationale, censé tenir une rencontre annuelle, ne s’est pas réuni depuis décembre 2017. À l’époque, la Guinée avait annoncé vouloir recevoir la prochaine réunion. Alpha Condé n’a plus donné suite.

Tout a-t-il basculé en 2012 ?

Pour l’Internationale, déjà affaiblie par les Printemps arabes (lire encadré) et par la crise ivoirienne (le cas de Laurent Gbagbo l’a profondément divisée), tout a-t-il basculé en 2012 ? Cette année-là, à la fin du mois d’août, le monde socialiste a pourtant de quoi se réjouir. François Hollande et le Parti socialiste viennent de conquérir le pouvoir à Paris. Les camarades africains se réjouissent, espérant profiter des faveurs d’un « ami » à l’Élysée. Pour ceux qui ont fait leurs classes d’opposants en France, comme Alpha Condé et IBK, il y a de quoi avoir le sourire. Toutes ces années passées à fréquenter les réseaux du parti de la Rose n’auront pas été vaines.

Le socialiste centrafricain Martin Ziguélé se souvient de ses fréquents voyages à Paris. Dès les premières heures du quinquennat Hollande, plusieurs camarades ont particulièrement la cote : Thomas Mélonio, conseiller Afrique du président et ex-Monsieur Afrique du PS (après l’incontournable Guy Labertit, lire encadré), Harlem Désir et son directeur de cabinet, Maurice Braud, Jean-Yves Le Drian et ses collaborateurs, Cédric Lewandowski et Franck Paris. « Il y avait un réseau, mais on est restés sur notre faim », se remémore Martin Ziguélé. « On a vu la Françafrique, mais pas l’Internationale », tranche un ancien vice-président.

« Hollande s’est servi des réseaux socialistes comme d’un carnet d’adresses, mais l’Internationale, en tant qu’institution, n’a pas bénéficié de son élection. Elle a même explosé », ajoute cette dernière source. Le 30 août 2012, alors que s’ouvre le congrès de l’IS au Cap, en Afrique du Sud, Ségolène Royal, vice-présidente de l’organisation, représente le PS français. « Ségo » est un animal politique blessé. Elle vient d’être battue aux législatives dans son fief de Charente-Maritime, par un dissident du PS, Olivier Falorni. C’est au Cap qu’elle espère se relancer. Mais rien ne se passe comme prévu.

Les vrais patrons

À l’IS, les vrais patrons de l’organisation se nomment Geórgios Papandréou, ancien Premier ministre grec, président de l’IS depuis 2005 (il a succédé à António Guterres, actuel patron de l’ONU), et Luis Ayala, socialiste chilien et secrétaire général depuis 1989. Ce dernier a eu tout le temps d’assurer ses contacts – et ses réélections – en s’appuyant sur les partis socialistes d’Amérique du Sud, qui sont grâce à lui les plus nombreux à avoir adhéré à l’organisation.

Il dispose également de bons réseaux au Ghana, grâce au Congrès démocratique national de John Dramani Mahama, et au sein des partis de libération du Mozambique et d’Angola des présidents Filipe Nyusi et João Lourenço. « Avec l’Afrique australe et les Sud-Américains, Luis Ayala est quasiment imbattable », calcule un camarade africain. « Il s’est assuré une sorte de présidence à vie », dénonce un autre. Alors que se clôt le congrès de l’IS le 1er septembre 2012 au Cap, le Chilien triomphe une nouvelle fois. « Ségo » et les Européens, pourtant locomotives historiques de l’organisation, ont échoué à le mettre en minorité.

Excédés, les socio-démocrates allemands prennent une décision : ne plus participer activement – et diminuer leur contribution financière – à l’Internationale socialiste de Luis Ayala, qu’ils considèrent comme une mascarade. Le 22 mai 2013, ils fondent l’Alliance progressiste (AP), un « réseau mondial des partis progressistes ». Officiellement complémentaire de l’IS, l’AP, dont le siège est installé à Berlin, apparaît comme une concurrente directe. Papandréou et Ayala en boudent la cérémonie de lancement, regrettant « que la direction des membres allemands veuille diviser le mouvement mondial des forces progressistes au lieu de les unifier et de les renforcer ».

Nouvelle version allemande

Depuis, l’AP a pris de l’ampleur. La plupart des partis de l’Internationale, sans pour autant déserter la vieille maison, ont adhéré à la nouvelle version allemande. Le Front social démocratique (SDF) camerounais divise ainsi ses forces : son vice-président, Joshua Osih, se rend aux réunions de l’Alliance, tandis que Chantal Kambiwa s’active au sein de l’IS comme vice-présidente. Le PS sénégalais avait quant à lui réussi à placer Ousmane Tanor Dieng (décédé en juillet 2019) à la vice-présidence de l’IS et au bureau de l’AP dès la fondation de cette dernière.

Le Parti pour la démocratie et le progrès (PDP, du Burkina Faso), le NDC ghanéen, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), l’Union socialiste des forces populaires (USFP, Maroc), le Rassemblement des forces démocratiques (RFD, Mauritanie), le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) en RD Congo, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR, Tchad) ou Ettakatol en Tunisie… Tous ont adhéré à l’AP sans quitter l’IS, du moins pour le moment.

« Les Allemands et leurs alliés suédois mettent le paquet », explique un Africain qui a choisi Berlin. Billets d’avion, hébergement, voire per diem… « Ils veulent tuer l’Internationale socialiste de Luis Ayala », ajoute notre source. Mais le Chilien s’accroche. À Carthagène, en Colombie, lors du dernier congrès de l’IS en 2017, une pétition a circulé à l’initiative de partis européens appelant à sortir de l’impasse et à se rapprocher des progressistes. « Cela a mis Ayala hors de lui », se souvient un participant.

Mais à Carthagène, le Chilien a une nouvelle fois été réélu, son seul challenger, le Sud-Africain Welile Nhlapo, s’étant retiré à la dernière minute. « La candidature était mal ficelée et l’Afrique n’a pas un leadership assez fort pour faire gagner un candidat », déplore Saleh Kebzabo. « On manque de poids lourds. L’Angola ou le Mozambique sont derrière Ayala et l’Afrique du Sud et l’Algérie sont de plus en plus effacées », détaille un ancien vice-président. Le Front de libération nationale (FLN) algérien a en effet déserté l’IS avant de s’en faire exclure à la fin de l’année 2019.

Traversée du désert

« L’IS vit une traversée du désert, y compris sur le plan idéologique. Luis Ayala ne cherche qu’à se maintenir et à profiter de l’agacement des Européens et de l’affaiblissement de la France, qui n’a pas été en mesure de rapprocher les deux camps », résume un cadre africain. « L’affaiblissement de l’IS, c’est d’abord un problème de gouvernance, explique Martin Ziguélé. Tant que Luis Ayala ne prendra pas sa retraite, les progressistes ne reviendront pas. Se maintenir aussi longtemps, c’est une honte pour un socialiste. »

L’Afrique francophone peut-elle jouer un rôle ? « Il est temps de remettre les idées au cœur du mouvement. Et c’est aux Africains de le faire, en sortant d’un socialisme européanocentré. Où peut-on mieux lutter contre les inégalités et pour un meilleur rapport entre l’homme et son environnement que sur le continent, là où le capitalisme effréné fait le plus de mal ? » insiste un socialiste d’Afrique centrale. « Nous voulons être plus présents et nous pouvons sans doute profiter de la tendance multilatérale de l’IS », affirme encore Ziguélé.

Un nom revient régulièrement : celui du Nigérien Mahamadou Issoufou, lequel quittera le pouvoir en février 2021. « Il est déjà président honoraire et peut aspirer à prendre la présidence ou le secrétariat général, estime Saleh Kebzabo. C’est notre dernière carte si l’on veut faire survivre le mouvement et réunir les courants autour de nos idées. »

Mais Zaki [« le lion », en haoussa] souhaitera-t-il plonger dans le panier de crabes et scander, poing levé comme au temps de la splendeur du mouvement ouvrier, « Travailleurs, groupons-nous enfin ? »

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