Le président guinéen a fermé, sans explication officielle, les frontières de son pays avec le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone. En voici les raisons.
Lors de l’audience qu’il a accordée, le 1er octobre au Palais Sékhoutouréya, à une délégation conjointe de la Cedeao, de l’Union africaine et de l’ONU en visite à Conakry pour s’enquérir des conditions de la tenue de l’élection présidentielle du 18 octobre, le chef de l’État guinéen Alpha Condé s’est expliqué sur les raisons qui l’ont poussé à ordonner le 27 septembre la fermeture des frontières avec trois des six voisins du pays : le Sénégal, la Guinée-Bissau et la Sierra Leone.
Répondant à une question des ministres des Affaires étrangères burkinabè Alpha Barry et ghanéen Shirley Ayorkor Botchway, Alpha Condé a mis en avant des motifs d’ordre sécuritaire : selon ses informations, a-t-il avancé, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló et le vice-président sierra-léonais Mohamed Juldeh Jalloh manœuvreraient pour introduire en Guinée des populations recrutées sur une base communautaire, afin de perturber les opérations électorales « avant, pendant et après le scrutin ».
Reste le cas du Sénégal, où réside la plus importante diaspora guinéenne, laquelle ne devrait pas pouvoir voter pour des raisons techniques officiellement, la présence des électeurs sur le fichier électoral devant être validée par un kit d’enrôlement, dispositif qui n’existe pour l’instant qu’en Guinée.
Même si le poids électoral des Guinéens de l’étranger est marginal (1 % des électeurs potentiels) et même si la diaspora située au Sénégal ne sera sans doute pas la seule à être exclue du scrutin (celles d’Europe et des Amériques pourraient également l’être pour des motifs liés à la pandémie de Covid-19), le fait que des ressortissants proches de l’opposition puissent être tentés de rentrer en Guinée pour prêter main forte aux partisans de Cellou Dalein Diallo inquiète manifestement les autorités de Conakry. Afin d’empêcher ce que son entourage qualifie d’ « infiltrations mal intentionnées », Alpha Condé dit avoir proposé au président Macky Sall la mise en place de patrouilles mixtes à la frontière commune entre leurs deux pays. Sans suite pour l’instant.
FMI et dettes africaines
Dettes africaines : le FMI cherche la parade contre les fonds vautours
L’institution prône une restructuration préventive des dettes des pays les plus pauvres. Mais la multiplicité des créanciers et des formes de prêt risque de compliquer la tâche.
En raison de la crise sanitaire et de la mise à l’arrêt des économies, l’endettement – déjà considérablement plus élevé qu’il y a dix ans – fera cette année un bond de 10 % par rapport au produit intérieur brut (PIB) dans les pays en développement et de 7 % dans les pays à bas revenus, anticipe le FMI.
Certains risquent de ne pas parvenir à faire face à leurs obligations de paiement et de remboursement et de faire « défaut », à l’image de la Zambie, à qui ses créanciers ont refusé le 30 septembre d’accorder un délai de paiement.
Pour éviter que cet épisode soit le premier d’une longue série, l’institution, dans un rapport sur l’urgence de « la réforme de l’architecture de la dette internationale » parue le 1er octobre, prône une « restructuration préventive » de ces dettes.
Un « filet protecteur » fragilisé
Si la vitesse d’exécution, la transparence et le traitement égal de tous les créanciers sont les trois conditions que l’institution met à une bonne restructuration, le FMI s’inquiète de la difficulté d’atteindre ces objectifs.
Une clause d’action collective a été mise en place en 2014 dans la plupart des nouveaux contrats de prêts souverains pour permettre à une majorité qualifiée de détenteurs d’obligations d’imposer une restructuration de la dette à tous les créanciers et de maintenir ainsi la confiance des marchés.
Ce dispositif doit permettre d’éviter que des « fonds vautours » ne profitent de la situation pour obtenir des tribunaux plus que les autres créanciers, comme ce qui a pu se passer en Zambie ou en République du Congo dans les années 1990 et 2000. Mais ce filet protecteur est fragilisé par l’augmentation constante du nombre des créanciers et la multiplication des formes de prêts.
Prêts commerciaux, emprunts gagés sur la production pétrolière…
Les investisseurs privés sont aujourd’hui plus nombreux que les prêteurs publics. La majorité des créanciers n’appartient pas au Club de Paris où se tiennent les négociations entre États créanciers et débiteurs et n’en applique pas les règles. Ainsi, si l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) mise en place suite à la pandémie par le G20 et le FMI – dont le FMI demande la prolongation pour toute l’année 2021 – n’a pas trouvé d’écho auprès des prêteurs privés.
En outre, les obligations et autres emprunts bilatéraux ou multilatéraux traditionnels ne sont qu’une part de la dette globale : certains prêts sont dits « commerciaux », alors que dans le cas de certains prêts émanant de sociétés publiques chinoises, ils ont toutes les caractéristiques de prêts « souverains » ; d’autres accordés par des traders s’appuient sur des collatéraux, par exemple sur la production pétrolière ou minière, et leurs détails ne sont pas publiés, ce qui complique leur restructuration.
Des obstacles qui ne doivent pas faire oublier que le Tchad en 2018 et le Mozambique en 2019 ont réussi à boucler cet exercice.
Discussions multilatérales début octobre
Le document du FMI, qui doit servir de base aux discussions qui auront se tiendront durant les assemblées d’automne (virtuelles) du Fonds et de la Banque mondiale, du 8 au 11 octobre, incite les créanciers à s’inspirer des bonnes pratiques du Club de Paris.
Dans un texte d’accompagnement du rapport, Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, demande que « le moratoire sur le service de la dette soit prolongé en 2021 », craignant dans le cas contraire que ses bénéficiaires actuels ne soient « forcés de recourir à des mesures d’austérité pour assurer la reprise du service de leur dette, aggravant ainsi les souffrances sociales déjà causées par la crise ».
Le FMI se dit prêt, avec la Banque mondiale, à accompagner les pays bénéficiaires d’une restructuration pour qu’ils réforment leur gouvernance et leur économie et ne se trouvent pas pris à nouveau au piège à la prochaine crise mondiale.
Ouattara-Bédié 3
[Série] Ouattara-Bédié, acte III : le dernier duel
« Ouattara-Bédié : le dernier combat » (3/3) – Rivaux depuis trente ans, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié s’affrontent une dernière fois pour la magistrature suprême. Au risque de réveiller les vieux démons.
Henri Konan Bédié est réveillé de sa sieste en plein après-midi. « Monsieur le président, c’est urgent. Il s’agit du Premier ministre. » « Oui je sais, il a été hospitalisé », répond Bédié. « Non, il est décédé. » Choqué, l’ancien chef de l’État en laisse presque tomber son cigare. Nous sommes le 8 juillet 2020. Amadou Gon Coulibaly, dauphin désigné d’Alassane Ouattara, vient de rendre l’âme.
Dans les heures qui suivent, Bédié prend son téléphone pour présenter ses condoléances à Alassane Ouattara. Trois tentatives, aucune réponse. Le chef de l’État est meurtri, il n’en dormira pas pendant trois jours. « Il ne voulait pas prendre au téléphone ceux qui n’avaient pas arrêté de critiquer Gon ou n’avaient pas cru en lui. Et Bédié, dont Ouattara n’a pas toléré certains propos, en fait partie », confie un ami du chef de l’État.
La mort du Premier ministre rebat les cartes. Alassane Ouattara comptait peser de tout son poids pour permettre son élection. En cas de victoire, il pensait demeurer président du RHDP tout en continuant à orienter discrètement la politique du gouvernement, et cela, seul son « ami de trente ans » le lui aurait permis.
Revanche sur l’Histoire
En 2017 déjà, il avait confié en privé qu’il pourrait briguer un troisième mandat dans deux cas de figure : si la santé de son Premier ministre ne permettait pas à ce dernier de concourir et si Henri Konan Bédié se portait candidat. Or, après avoir longtemps caché son jeu, l’ancien président s’est dévoilé lors de l’un de ses derniers tête-à-tête avec Ouattara, en avril 2018, et il ne pouvait ignorer que, ce faisant, il prenait le risque de relancer Ouattara dans la course. Ironie du sort, c’est le président lui-même qui, en faisant sauter le verrou constitutionnel de la limite d’âge, a offert à Bédié cette opportunité inespérée de prendre une revanche sur l’Histoire.
La suppression de la limite d’âge, Henri Konan Bédié l’avait demandée dès les accords de Marcoussis en 2003, mais c’est l’entourage de Ouattara, et notamment Amadou Gon Coulibaly, qui l’a remise au goût du jour à l’occasion du vote de la nouvelle Constitution à la fin de 2016. C’est un fait : Bédié paraît autant obnubilé par son souhait de ramener son parti au pouvoir que par le désir de décrédibiliser son adversaire. « Il considère qu’on lui a transmis le pays en héritage et qu’il l’a perdu, raconte un homme d’affaires proche du PDCI. Il doit montrer à ses parents akans qu’il s’est battu jusqu’au bout pour tenter de le récupérer. »
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BÉDIÉ EST CONVAINCU QUE LES DÉS SONT PIPÉS
Il s’est attelé à poser les bases d’une alliance avec l’ancien président Laurent Gbagbo et avec Guillaume Soro, l’ex-président de l’Assemblée nationale, en exil à Paris. Une manœuvre essentielle pour rassembler au-delà des fiefs traditionnels du PDCI et pour compenser la défection de plusieurs grands barons du parti qui étaient à même de mobiliser les militants mais qui ont préféré rejoindre le RHDP.
Mais ce jeu d’alliance, en plus d’être un pied de nez à l’histoire, va-t-il se transformer en piège ? Depuis le rejet de leur candidature par le Conseil constitutionnel, ni Gbagbo ni Soro ne semblent plus vouloir entendre parler d’élection le 31 octobre. « Bédié n’a d’autre choix que d’accompagner le reste de l’opposition, résume l’un de ses proches. S’il va à l’élection sans leur accord, il n’aura pas leur voix. Mais s’il appelle au boycott, il prend le risque d’être mis hors-jeu. » « Peu importe la configuration, analyse un autre cadre du PDCI : depuis la décision du Conseil constitutionnel, Bédié est convaincu que les dés sont pipés et que, s’il se présente dans ces conditions, il ne pourra pas gagner. »
Ouattara est, lui aussi, déterminé, persuadé que le front commun contre sa candidature ne tiendra pas et qu’il sera en mesure d’étouffer toute contestation. Après la mort de Gon Coulibaly, il ne lui a fallu que quelques jours pour reconsidérer son engagement de ne pas se représenter. « À ses yeux, ne pas l’être aurait ouvert un boulevard à Bédié. C’était inconcevable », raconte un de ses proches.
Quid de l’après-élection ?
Si le chef de l’État ivoirien s’attendait que la légalité de sa candidature soit remise en question, il goûte peu les réserves émises par la communauté internationale et s’énerve d’être comparé à Alpha Condé ou à Paul Biya. Si, poussé par la France et quelques chefs d’État africains, il a accepté de libérer des proches de Guillaume Soro, il ne semble pas prêt à faire des concessions majeures avant un scrutin qu’il n’entend pas reporter.
Bédié, compte tenu de son âge, va devoir se ménager et limiter ses apparitions sur le terrain ? Qu’à cela ne tienne : Ouattara prévoit de mener une intense campagne, de s’appuyer sur une organisation et une ingénierie électorale qui ont fait leurs preuves en 2010, ainsi que sur des moyens financiers colossaux.
Le scrutin pourra-t-il se tenir à bonne date ? Quid de l’après-élection ? De la sous-région à l’Élysée, on redoute un retour de la violence, dix ans après la fin de la crise postélectorale. D’autant que la contestation de la candidature du chef de l’État réveille les vieux démons d’un pays qui n’a pas surmonté l’un des fils conducteurs de la relation entre Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié : celui de la nationalité. Qui est ivoirien et qui peut le devenir ? Un débat qui traverse toujours la société ivoirienne, que la classe politique n’a jamais réellement osé trancher et qui permet aujourd’hui à chaque camp de mobiliser ses partisans autour de deux sentiments très humains : la peur et la frustration.
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Ce bulletin trimestriel des Pères Blancs de France publiera bientôt son dernier numéro, fin décembre 2020. Dans ce numéro de notre lettre, vous trouverez quatre articles pris sur ce bulletin de septembre.