Sally Azar a été ordonnée pasteure dans l’Église évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre sainte, le 22 janvier à Jérusalem. La Palestinienne de 26 ans se prépare à rencontrer des résistances.
Sa main se porte à son cou pour réajuster son col romain. « Je ne pensais pas le porter tous les jours, mais j’ai compris que c’était important que les gens le voient. Je dois encore m’adapter », reconnaît-elle dans un sourire.
À 26 ans, Sally Azar vient d’être ordonnée pasteure dans l’Église évangélique luthérienne de Terre sainte et de Jordanie : une première. Le 22 janvier à Jérusalem, la cérémonie, après ses huit ans d’études de théologie entre le Liban et l’Allemagne, était présidée par… son père, l’évêque Sani Ibrahim Azar.
Cette première détonne sur cette terre où le christianisme se vit dans le respect de traditions parfois millénaires, et dans une société arabe où la place de la femme n’est pas aussi questionnée que dans les pays occidentaux.
Sur les traces de son père
Née et élevée à Jérusalem, Sally Azar a passé une grande partie de son enfance derrière les pierres blanches de l’église luthérienne du Rédempteur dans la Vieille Ville. Son père y a servi trente ans comme pasteur. « Elle adorait aider son père. Tout le monde disait qu’elle deviendrait pasteur », s’amuse Georgette, une de ses amies d’enfance. « C’était une manière de passer du temps avec mon père. Il m’a énormément inspirée. La théologie a fini par devenir une évidence », sourit pudiquement Sally Azar.
Les Églises issues de la Réforme sont historiquement plus ouvertes à promouvoir des femmes. En Occident, elles ont accès aux charges pastorales et épiscopales depuis le XXe siècle. L’Église luthérienne de Terre sainte a accepté les ordinations de femme lors d’un synode il y a dix-sept ans. « Je n’ai jamais pensé être la première », témoigne Sally Azar. Désormais, cinq femmes ont été ordonnées au Moyen-Orient depuis la première en 2017 : trois au Liban, une en Syrie et désormais une en Terre sainte.
Des résistances
Mais le cas de Sally Azar n’est ni compris ni accepté par tous. Lors de son ordination, les chaises réservées aux représentants des autres Églises chrétiennes sont restées vides. Seul le Patriarcat latin de Jérusalem s’est fait représenter. « Les Églises orientales y sont totalement opposées », souffle le représentant en question, le père Nikodemus Schnabel, bénédictin allemand et vicaire patriarcal.
Même résistance du côté des fidèles. « On sait que les hommes et les femmes sont égaux, mais c’est la culture arabe ici. Une période d’adaptation va être nécessaire », glisse Daoud Nassar, l’un des 2 500 membres de la communauté luthérienne de Terre sainte.
Sally Azar, dont le ministère se répartira entre la communauté luthérienne anglophone de Jérusalem, et celle, arabophone de Beit Sahour (Territoires palestiniens), sait que les critiques frontales vont arriver. Mathild Sabbagh, pasteure en Syrie et ancienne camarade d’études, l’a prévenue, notamment sur la violence des réseaux sociaux. « C’est exactement pour ça que j’ai choisi de revenir en Terre sainte, explique la nouvelle pasteure, déterminée. Je veux ouvrir un chemin pour l’équité entre les hommes et les femmes dans l’Église et encourager les jeunes femmes à se lancer dans des études de théologie. »
Présente à Jérusalem pour l’ordination, la révérende Susan Johnson a ouvert une voie, il y a seize ans en devenant la première femme à prendre la tête de l’Église évangélique luthérienne du Canada. « L’important, c’est qu’elle soit Sally, conseille-t-elle. Et connaissant son tempérament, je ne me fais pas de soucis. »