Pour la deuxième session de la Convention sur la fin de vie, les 185 citoyennes et citoyens tirés au sort avaient rendez-vous, vendredi 16 décembre, avec six représentants des cultes. À la sortie, les avis étaient partagés.
Qu’ont à dire les religions sur la fin de vie ? C’est la question qui a ouvert, vendredi 16 décembre, en début d’après-midi, la deuxième session de la Convention citoyenne sur la fin de vie qui réunit, jusqu’en mars 2023, 185 citoyennes et citoyens tirés au sort au palais d’Iéna, siège du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Entendre le message des « grandes » religions présentes en France a-t-il fait débat au sein du comité de gouvernance, organisateur de cette première phase des travaux ? « Aucun », réplique Claire Thoury, sa présidente. « Pour que les participants s’approprient le sujet de la fin de vie, il faut au préalable poser le cadre légal, institutionnel mais aussi philosophique dans lequel s’inscrit la discussion. Il nous a paru nécessaire de le faire assez tôt car les religions occupent une place évidente dans le débat. Nous aurons également l’occasion, plus tard, d’entendre des courants de spiritualité laïques », précise-t-elle.
Pour l’heure, les six représentants des cultes chrétiens - catholique, protestant et orthodoxe -, du judaïsme, de l’islam et du bouddhisme ont pris place sur l’avant-scène de l’hémicycle pour répondre à la question posée. « Qui commence ? », lance l’animateur. « Je vais laisser la parole à Mgr Ulrich », lâche, facétieux, Haïm Korsia, le grand rabbin de France. « Il fait toujours ça. Cela lui permet de réfléchir », rétorque, du tac au tac, l’archevêque de Paris en s’emparant de bonne grâce du micro tendu.
La connivence entre ces hommes est évidente – « l’absence de femmes en dit long », souligne en aparté le sociologue Michel Wieviorka, venu en observateur. Elle n’empêche pas une certaine gravité de ton.
« Nous croyons que l’interdit de tuer est un signe fort »
« Nous croyons que la vie est un don, un cadeau pour nous-mêmes et pour les autres. Nous croyons que Celui qui donne la vie la maintient, que la mort est un événement de la vie, pas un point final. Nous comprenons que ce passage puisse faire peur, mais nous disons, dans la foi, qu’il nous ouvre à une vie nouvelle, transformée, à la vie de ressuscité », commence Mgr Ulrich. « Nous croyons que l’interdit de tuer est un signe fort qui permet de vivre en paix avec les autres. Nous croyons que le devoir de fraternité est une chance. Que pouvoir compter sur des proches, des amis, des accompagnants, des soignants est très important », conclut-il sous les applaudissements.
Chems-Eddine Hafiz, recteur de la grande mosquée de Paris ; Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France ; Mgr Marc Alric, auxiliaire de l’archevêché orthodoxe roumain d’Europe occidentale ; Antony Boussemart, président de l’Union bouddhiste de France ; et Haïm Korsia : chacun avec ses mots et à quelques nuances près – plus significatives pour le bouddhisme – rappellera les grands « principes ». Dieu comme origine de tout, la mort comme un temps de la vie, la dignité intrinsèque de tout homme, la finitude de la condition humaine qui lui donne sens, la compassion fraternelle due aux plus vulnérables.
Des citoyens curieux et difficiles à convaincre
Mais cette heure d’exposé n’a pas épuisé la curiosité des participants. Dans les travées, les questions fusent. « Si la loi évolue, la respecterez-vous sans influencer vos fidèles ? Continuerez-vous à les accompagner s’ils demandent l’euthanasie ou le suicide assisté ? », interroge un citoyen. « À quoi sert de parler de dignité et de liberté de conscience si on ne respecte pas le choix de chacun ? », questionne une citoyenne. « Si notre vie est relation, qu’en est-il des malades qui n’ont plus de contact avec les autres ? », s’inquiète un troisième.
À la pause-café, quarante-cinq minutes plus tard, Monique, 65 ans, venue de Lille, et Claude, 74 ans, de Brunoy, en région parisienne, restent dubitatifs. « Je les ai écoutés, sagement, mais ils ne m’ont pas convaincue. Si quelqu’un est au bout du rouleau, qu’il n’y a plus de traitement possible et qu’il demande à en finir, il faut l’accepter », lâche Monique. « Eux disent que c’est Dieu qui choisit. Moi, je crois que c’est à l’homme de choisir », ajoute Claude qui se dit « proche, mais pas militant » de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).
Dialogue de sourds ? La discussion formalisée qui se poursuit par petits groupes montre que les avis sont partagés. À la table du groupe 4, Véronique admet avoir été « positivement étonnée » par l’insistance mise sur le respect de la personne. Michel, lui, trouve que les orateurs ont fait preuve d’une « humanité remarquable et (d’) une absence totale de dogmatisme », ce qui l’a surpris agréablement. « J’ai trouvé le message très beau, très touchant, très positif alors que je m’attendais à quelque chose de tranché et de catégorique », reconnaît lui aussi Mathieu.
« La croyance, c’est quelque chose de personnel. Les religions doivent s’en tenir à cela », nuance Didier. « Ce qu’ils disent, c’est bien beau, mais qu’est-ce qu’on fait devant la personne qui souffre sans pouvoir être soulagée. Le problème reste entier », ajoute Fadel.
Mais à chaque jour suffit sa peine. Samedi 17 décembre, à 9 heures, les mêmes ont rendez-vous avec 25 professionnels de santé – médecins, infirmières, aides-soignants de toutes spécialités confondues – pour trois heures ininterrompues de rencontres et de discussions.