" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. "(Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)
NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :
En vivant proches des pauvres, partageant leur vie. Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée. Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun. Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.
Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.
Surpêche en Afrique de l'Ouest
Surpêche en Afrique de l’Ouest : la véritable ampleur du pillage des Européens et des Asiatiques
Piller les ressources de poissons sauvages pour nourrir les poissons d’élevage : tel est le paradoxe dont est victime l’Afrique de l’Ouest, dont les richesses halieutiques sont surexploitées par les Européens et les Asiatiques. Quelle est l’ampleur de cette prédation ? Réponse en infographies.
Comment mieux saisir un sujet complexe que grâce à la datavisualisation ? En 2020-2021, chaque semaine, Jeune Afrique vous a proposé une infographie sur l’un des grands enjeux du moment. Souveraineté économique, problèmes sécuritaires, batailles politiques… Cette semaine, nous vous invitons à replonger dans ces décryptages exclusifs. Aujourd’hui, le pillage des ressources halieutiques aux larges des côtes africaines, ravagées par la surpêche.
La surconsommation des pays du Nord provoque souvent des situations paradoxales. Après avoir pillé leurs propres ressources halieutiques, les Européens et les Asiatiques sont d’abord allés pêcher un peu plus loin, puis jusqu’à l’autre bout du monde. Puis ils se sont tournés vers l’aquaculture et la pisciculture, l’élevage industriel de poissons et de crustacés. Sauf que ce mode de production, qui domine désormais le marché mondial, est très souvent critiqué pour la pollution qu’il engendre. Créé pour pallier l’épuisement des ressources induit par la surpêche, il est en outre paradoxalement particulièrement vorace et participe à vider les océans des petits poissons sauvages. Pêchés en masse, ceux-ci sont transformés en farine et en huile, qui servent de base à l’alimentation d’animaux d’élevage et de compagnie…
Il faut « nourrir le monstre », pour reprendre le titre du rapport de Greenpeace et Changing Markets Foundation publié le 1er juin, quitte à déséquilibrer les écosystèmes locaux et à fragiliser la sécurité alimentaire des populations ouest-africaines. Chaque année, un demi-million de tonnes de petits poissons frais – des sardinelles et des bongas qui auraient pu nourrir 33 millions de personnes – sont ainsi pêchés au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest pour être transformés en nourriture destinée aux saumons de Norvège, aux truites de Chine ou aux cochons de France.
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UN BUSINESS FLORISSANT, MAIS DESTRUCTEUR ET OPAQUE
Réputées jusqu’à présent très poissonneuses, et peu surveillées, les eaux du Sénégal, de la Gambie et de la Mauritanie sont devenues les nouveaux « hubs » du marché mondial de farine et d’huile de poisson. En moins de dix ans, une trentaine d’usines de transformation ont ouvert leurs portes dans les trois pays. Au-delà du désastre écologique que cela représente pour la région, ce business prive surtout les populations côtières de leurs sources de revenus et de leurs ressources en protéines animales principales.
Un business florissant, mais destructeur et opaque, dont Jeune Afrique vous propose de comprendre les rouages et de mesurer l’ampleur en infographies.
Athlètes bien payés ?
Jeux olympiques : médailles d’argent et argent de poche
11 août 2021 à 16h20 |
Par Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Combien gagnent les athlètes olympiques médaillés ? Dans différents pays, les débats font rage…
Énorme machinerie médiatique au budget gargantuesque, les Jeux olympiques tentaient-ils de se mettre à l’abri des vices du sport business en réservant leurs compétitions, jusqu’en 1981, aux purs amateurs ? Pour le rénovateur des olympiades de l’ère moderne, Pierre de Coubertin, l’important était « moins d’y gagner que d’y prendre part ». Ne venaient qu’ensuite, et sans doute dans l’ordre, l’enivrement patriotique et le rassasiement pécuniaire. Les JO d’été et la Coupe du monde de football se disputant désormais la palme des compétitions sportives les plus regardées dans le monde, les athlètes ont beau jeu de réclamer leur part financière du gâteau…
Une règle a le mérite d’être claire : le Comité international olympique ne verse pas de prix en argent aux médaillés. Libre à chaque pays de fixer la prime d’un athlète en fonction de sa médaille. La république de Singapour serait la plus généreuse : en 2016, le nageur Joseph Schooling obtenait 650 000 euros pour une médaille d’or en 100 mètres papillon, soit environ 4 millions de francs CFA par mètre nagé. Vingt fois plus qu’un gagnant de l’équipe américaine qui remporterait, lui, 37 500 dollars pour ses efforts.
« Package » ivoirien
Certaines présidences –notamment africaines comme la Côte d’Ivoire– aiment élaborer une sorte de « package », qui peut associer aux primes une villa ou une décoration d’officier de l’Ordre national. D’autres nations ajoutent des assurances maladie, l’accès à des installations médicales de premier plan, ou une aide aux frais de scolarité.
Sur le continent africain, où 13 pays ont remporté cette année 37 médailles, le débat sur ces gratifications ne manquent jamais d’inonder les réseaux sociaux. Quelques millions de francs CFA sont-ils à la hauteur du rayonnement obtenu par une victoire en mondovision ? À l’inverse, ces sommes ne seraient-elles pas mieux employées à la construction d’un dispensaire ? La disproportion entre les gains annuels d’un perchiste et ceux d’un pratiquant du sport roi, le football, est-elle tolérable ?
Le cas Zango
C’est en héros que rentrait, ce dimanche, Hugues Fabrice Zango à Ouagadougou. Le médaillé de bronze du triple saut empoche neuf millions de francs CFA des autorités publiques : un million comme prime de qualification aux JO, un autre pour l’accession en finale, deux pour la médaille de bronze, et une prime spéciale de cinq millions pour avoir offert au Burkina Faso la toute première médaille olympique du pays. Une somme d’environ 14 000 euros que certains twittos jugent en-deçà de la dimension historique de la performance…
Certes, comme tant d’autres sportifs de tant d’autres compétitions, les olympiens peuvent compter sur d’autres sources de revenus pour monétiser leurs talents, comme les parrainages du secteur privé, les prix de tournois nationaux et internationaux, les allocations et bourses de formation de leurs associations sportives nationales, et même parfois des financements participatifs via des plateformes de crowdfunding. Mais tous ne sont pas suffisamment encadrés pour organiser au mieux la dimension lucrative de leur carrière. Une carrière qui, de surcroît, se révèlera plus courte que la plupart des autres professions…
Il faut aider le Tchad
« Pourquoi il faut aider le soldat Déby », par François Soudan
10 août 2021 à 10h44 |
Mis à jour le 10 août 2021 à 17h46
Par François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
En cent jours, une bonne partie du couvercle de fer qui verrouillait la vie politique tchadienne à la fin du règne d’Idriss Déby Itno a été levé par son fils. Mais Mahamat Idriss Déby a plus que jamais besoin de soutien pour financer le dialogue national et les élections.
« Nous ferons capituler l’hydre terroriste » : les Tchadiens s’étaient à peine habitués à voir le président du Conseil militaire de transition Mahamat Idriss Déby apparaître en boubou plutôt qu’en « battle dress » que le voici de nouveau contraint de revêtir sa tenue de général quatre étoiles et d’adopter le vocabulaire martial de son père. Le polype malin aux inépuisables capacités de régénération, c’est Boko Haram, la nébuleuse terroriste nigériane, dont une katiba relevant probablement de la fraction pro-Daech d’Abou Mosab al Barnaoui a de nouveau frappé le 4 août avec une extrême violence dans le secteur Nord du Lac Tchad, tuant 26 soldats.
En mars 2020, une attaque similaire et plus meurtrière encore, dans le même secteur lacustre parsemé d’îlots flottants et de végétation semi-immergée, avait déclenché l’opération « Colère de Bohama » menée par le maréchal défunt dans un climat de consensus national. Dix huit mois plus tard, rien ou presque n’a changé. Dirigée désormais par un jeune homme de 37 ans, l’armée tchadienne continue de se battre pratiquement seule sur le front du bassin du Lac Tchad, tout en faisant face à la résurgence d’une autre hydre : les groupes rebelles, mués en mercenaires au service des milices libyennes et poussés au retour, AK-47 entre les dents.
Quasi pugilat
L’embuscade sanglante du 4 août sur l’île de Tchoukou Telia aura-t-elle des conséquences quant au processus de transition en cours quelque 200 kilomètres plus au Sud, à N’Djamena ? « Non, répond à JA le Premier Ministre Albert Pahimi Padacké. Les Tchadiens ont confiance dans les capacités de leur armée. Ce qui pose problème, c’est le financement de notre feuille de route. » De quoi s’agit-il ? L’objectif visé, on le sait, est d’organiser fin 2021 – début 2022 un vaste « Dialogue national inclusif », un peu à l’image de la Conférence Nationale de 1993, censé revisiter les fondamentaux de l’État tchadien et déboucher vers octobre de l’année prochaine sur une élection présidentielle qui marquera la fin de la période de transition ouverte le 21 avril, au lendemain de la mort au combat d’Idriss Déby Itno.
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IL SERAIT HAUTEMENT SOUHAITABLE QUE LA CLASSE POLITIQUE TCHADIENNE FASSE PREUVE D’ESPRIT DE RESPONSABILITÉ
Pour ce faire, un comité préparatoire a été mis en place fin juillet. Il a jusqu’à fin octobre pour rendre sa copie et notamment « établir la liste consensuelle des participants » au Dialogue, lesquels pourraient avoisiner le millier (ils étaient 1200 en 1993). Problème : à l’heure où ces lignes sont écrites, ce comité préparatoire de 75 membres ne s’était toujours pas réuni, faute d’accord sur sa propre composition, les quelque 220 partis politiques que compte le pays (chiffre passablement surréaliste) s’entre-déchirant autour des quinze sièges à eux réservés.
« S’ils ne parviennent pas à s’entendre, on va devoir trancher » soupire le très expérimenté Acheikh Ibn Oumar, ancien chef de groupe politico-militaire nommé il y a trois mois au poste-clé de ministre d’État à la Réconciliation et au Dialogue. Sauf à paver la voie à une prolongation indéfinie de la transition militaire – hypothèse dont personne ne veut, y compris, à l’entendre, le président Déby lui-même. Il serait donc hautement souhaitable que la classe politique tchadienne dans son ensemble – y compris sa frange la plus contestatrice – fasse preuve d’esprit de responsabilité. À en juger par les multiples pulsions scissipares qui la traversent et les scènes de quasi pugilat qui ont émaillé la mise en place du comité préparatoire, ce n’est pas gagné.
« Pas un seul franc CFA ! »
Dans sa première (et jusqu’ici unique) interview, accordée à Jeune Afrique il y a deux mois, Mahamat Idriss Déby avait clairement posé les conditions d’une transition réussie dans les délais : « La première est que nous soyons capables de nous entendre pour avancer au rythme prévu. La seconde est que nos partenaires nous aident à financer le dialogue et les élections. » On l’a vu : le consensus inter-tchadien n’est pas encore au rendez-vous. Mais après tout, est-ce là le revers de la médaille du jeu démocratique et le point d’équilibre n’est pas inatteignable, pour peu que chacun ait conscience des enjeux.
Quant au financement du processus, c’est une autre affaire. Si les 90 millions de dollars promis par la Banque mondiale en 2020 pour aider l’État à faire face à la multiplicité des urgences sociales aggravées par la pandémie de Covid-19 ont enfin été débloqués, sur le budget de un milliard et demi de dollars (840 milliards de F CFA) nécessaire selon le gouvernement pour mener à son terme la période de transition, l’apport des partenaires au développement est pour l’instant voisin de zéro.
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CES FAMEUSES GARANTIES DÉMOCRATIQUES, MAHAMAT IDRISS DÉBY ESTIME LES AVOIR DONNÉES
« Hormis une petite poignée d’experts de la Francophonie et du Pnud, rien et surtout pas un seul franc CFA ! » s’inquiète le Premier Ministre. Si tous ses interlocuteurs se disent intéressés et désireux d’aider le Tchad, leurs promesses demeurent vagues et comme pour justifier leur inertie, chaque jour apporte son lot de nouvelles conditionnalités, ce qui a le don d’agacer Albert Pahimi Padacké : « Comment peut-on exiger une transition de dix huit mois si on ne nous en donne pas les moyens ? Qu’attendent les bailleurs pour organiser une table ronde sur le financement du processus ? ».
« Aidez-moi à vous aider »
Ces fameuses garanties démocratiques, Mahamat Idriss Déby estime les avoir données, une appréciation partagée par la plupart des chancelleries qui comptent à N’Djamena. Dans un clip vidéo diffusé le 20 juillet, trois mois après sa prise de pouvoir, le service de communication de la Présidence les énumère : libération des détenus d’opinion, légalisation du parti des Transformateurs, levée des restrictions sur les manifestations pacifiques, retour de l’opposant Yaya Dillo, réhabilitation du rôle de la Primature, création d’un ministère d’État chargé de la réconciliation nationale, élaboration d’une feuille de route pour le Dialogue, reprise du recensement des militaires et instauration d’une rotation des responsables des corps de défense tous les trois ans, etc…
En cent jours, une bonne partie du couvercle de fer qui verrouillait la vie politique tchadienne à la fin du règne du maréchal a été levée et, sauf à être aveuglé par le délit de patronyme, c’est à son fils qu’en revient le crédit. À cet égard, les quelques mots ambigus prononcés par le président du Comité militaire de transition à la fin de son interview à JA – quand, interrogé sur son éventuelle candidature et après avoir précisé que « les membres du CMT ne se présenteront pas à l’élection une fois leur mission accomplie », il ajoutait qu’« il faut laisser à Dieu la part qui lui revient, Dieu décide de tout, du destin comme du pouvoir » – doivent être pris pour ce qu’ils sont. Un moyen de pression sur la classe politique tchadienne et la communauté des bailleurs de fonds pour que chacun prenne ses responsabilités, plutôt qu’une volonté de se dégager une marge de manœuvre personnelle afin de ne pas insulter l’avenir. En d’autres termes : « aidez-moi à vous aider ».
Anti-terrorisme au Burkina
Burkina Faso: premières audiences pour le pôle antiterroriste
Au Burkina Faso, c’est la première audience du pôle antiterroriste. Dix dossiers concernant des faits de terrorisme seront examinés par les juges. Pour la première journée, deux dossiers étaient à l’ordre du jour. L’un concernait deux burkinabè accusés d’avoir commis des attaques contre la Minusma et les forces armées maliennes dans le nord du Mali.
De notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani
Créé depuis 2017, ce sont les premières audiences du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes du terrorisme. Pour la première audience, les deux prévenus sont des burkinabè soupçonnés d’avoir rejoint les camps de formation du groupe Ansar Dineau Mali. Ils sont inculpés pour des faits d’association de malfaiteurs en lien avec le terrorisme, d’attentat contre la Minusma, de dégradation de biens publics, détention illégale d’armes à feu.
L’un est soupçonné d’avoir participé à plusieurs attaques contre les forces maliennes et la Minusma. Le prévenu s’était fait établir un faux document d’identité qui lui permettait de voyager en tant que ressortissant malien.
L’autre était membre de la police islamique de Ansar Dine à Tombouctou. Considéré comme une cellule dormante, il était en contact avec ses anciens compagnons. Pendant leur interpellation deux grenades ont été retrouvées en leur possession. Le procès a été reporté car leurs avocats n’étaient pas présents.
Formations spécialisées
Ce sont les premières audiences du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes du terrorisme au Burkina Faso. Les membres de ce pôle sont chargés d’enquêter, de poursuivre, d’instruire et de juger toutes les infractions liées au terrorisme et son financement. Ils ont tous bénéficié de formations spécialisées, chacun dans leurs domaines. Ils examineront dix dossiers jusqu’au 13 aout prochain.
Après avoir saisi plusieurs avoirs dans le pays, la justice tente d’obtenir l’extradition des ex-caciques de l’ère Bouteflika en fuite et, surtout, la restitution des fonds et des propriétés qu’ils ont amassés à l’étranger.
Mercredi 11 juin, aéroport Simon-Bolivar, Caracas. El Wafi Ould Abbès débarque incognito de Dubaï sans se douter que le Venezuela, dont il possède la nationalité grâce à sa mère, sera sa dernière destination avant un probable retour forcé en Algérie.
Arrivé au point de contrôle de la police, le fils de Djamel Ould Abbès, ex-secrétaire général du FLN aujourd’hui en prison, est cueilli par Interpol, qui procède à son arrestation sur la base d’un mandat d’arrêt international émis contre lui en janvier 2020 par un juge algérien.
Initialement en fuite aux Émirat arabes unis, El Wafi Ould Abbès a été condamné en décembre 2020 par un tribunal d’Alger à vingt ans de réclusion par contumace pour « blanchiment d’argent », « abus de fonction » et « infraction à la législation et à la règlementation des changes et des mouvements de capitaux de et vers l’étranger » dans le cadre d’une affaire impliquant son frère et son père, à l’époque où ce dernier dirigeait le ministère de la Solidarité nationale.
Près de deux mois après son interpellation, celui qui fait également l’objet d’une condamnation pour agression contre une femme attend une éventuelle extradition vers Alger, où il pourrait rejoindre son père en prison.
Interpelé en mars dernier sur la base d’un mandat d’arrêt international, Ould Kaddour est poursuivi dans le cadre de trois affaires de corruption présumée en tant que patron de la Sonatrach et que directeur de BRC-Brown & Root Condor, une coentreprise de Sonatrach et Kellogg Brown & Root dissoute en 2007. Celle-ci est soupçonnée par les magistrats de la Cour suprême d’une vaste opération de surfacturation de projets confiés par Sonatrach et le ministère algérien de la Défense, de 2001 à 2005, pour un montant total de 2,1 milliards de dollars.
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DES VÉHICULES, DES TERRAINS, DES HABITATIONS AINSI QUE DES BATEAUX DE PLAISANCE SONT FRAPPÉS D’UNE DÉCISION DE SAISIE OU DE CONFISCATION
Moumen Ould Kaddour n’est pas un petit poisson comme l’est le fils de Djamel Ould Abbès. Son extradition vers Alger est un vrai coup d’éclat de la justice dans le cadre de la lutte anticorruption. Plus de deux ans après son lancement, en mai 2019, dans la foulée de la chute du président Bouteflika, la grande opération « Mani pulite » contre les hommes d’affaires et les responsables politiques de l’ancien régime en est à sa deuxième phase.
La première a pris fin avec la condamnation définitive à de lourdes peines de prison d’une dizaine d’oligarques, de deux ex-chefs de gouvernement, ainsi que de plusieurs ministres dans des dossiers de corruption, de blanchiment d’argent et de détournement de deniers publics.
Cette première phase s’est aussi soldée par la saisie ou la récupération de biens et avoirs appartenant à ces personnes condamnées. C’est ainsi que 39 milliards de dinars (environ 247 millions d’euros) ont fait l’objet d’une décision de confiscation. Des véhicules, des terrains, des habitations, ainsi que des bateaux de plaisance en ont également été frappés.
Le jugement définitif de ceux qui sont communément désignés comme les membres de la Issaba (bande mafieuse) ouvre ainsi la voie à une autre opération, autrement plus délicate et complexe. Et, pour tout dire, hypothétique. En l’occurrence, la récupération des biens et des avoirs détenus à l’étranger par les personnalités de l’ancien régime.
Vaste programme. Où se cachent donc ces fortunes et ces trésors détournés ? Qui les détient ? Et comment la justice algérienne compte-t-elle s’y prendre pour tenter de les identifier dans l’espoir de pouvoir un jour les récupérer ?
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LE DÉPART DE ZEGHMATI N’EST PAS DE NATURE À REMETTRE EN QUESTION L’OPÉRATION DE RESTITUTION DES BIENS SITUÉS À L’ÉTRANGER
En juin, le procureur près le pôle pénal économique et financier d’Alger s’est livré à une opération de communication qui donne un aperçu des démarches initiées par les autorités concernant cette traque des fuyards et cette chasse aux trésors cachés. Pour bien appuyer cette volonté, les responsables insistent sur la nécessité d’une coopération et d’une entraide internationales, ainsi que sur l’impératif de respecter et d’exécuter les conventions judiciaires signées entre l’Algérie et ses partenaires étrangers.
21 mandats d’arrêt
« Les avoirs détournés doivent être restitués sans conditions et dans le plein respect des droits souverains des États », a déclaré en janvier 2021 Belkacem Zeghmati, ce ministre de la Justice qui aura été au cœur de la lutte contre la corruption dès sa nomination en août 2019 jusqu’à son éviction en juillet au profit d’Abderrachid Tabi, premier président de la Cour suprême depuis juin 2019.
Le départ de Zeghmati n’est pas de nature à remettre en question l’opération de restitution des biens situés à l’étranger. « J’attends le feu vert de la justice, qui n’a encore statué ni sur les dossiers ni sur les montants pillés, affirmait le président Tebboune en janvier 2020. Une fois que le verdict sera rendu, nous récupérerons cet argent […]. Nous allons mettre en place des outils juridiques, en collaboration avec des avocats algériens ou étrangers, mais également activer des conventions et des accords conclus avec les pays étrangers. »
Au cours des deux dernières années, vingt et un mandats d’arrêt internationaux avec demande d’extradition ont été délivrés par des juges algériens à l’encontre d’individus faisant l’objet de poursuites pénales aussi bien au sein de tribunaux que de la Cour suprême. Pas moins de 53 commissions rogatoires internationales ont été envoyées en France, en Suisse, au Luxembourg, aux États-Unis, en Belgique, en Irlande, au Canada, en Chine, en Espagne, au Panama, aux Émirats arabes unis, en Italie et en Grande-Bretagne.
Objectif : obtenir des informations des autorités judiciaires et bancaires desdits pays où des fonds ont été transférés et des biens acquis, grâce notamment à un système de surfacturation atteignant un montant total estimé à plus de 100 milliards de dollars au cours des vingt dernières années.
Selon Abdelmadjid Tebboune, qui s’exprimait en juin sur la chaîne Al-Jazira à propos de la présidence de Bouteflika, l’Algérie a investi plus de 1 000 milliards de dollars, dont 30 % ont été détournés à travers des surfacturations. Le procureur près le pôle d’Alger ne précise pas l’identité des personnes recherchées tandis qu’Interpol, fidèle à sa politique de confidentialité, se refuse à communiquer le moindre détail sur ceux qui sont visés par les fameuses notices rouges.
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CHAKIB KHELIL A FAIT MONTRE D’UNE GRANDE PUGNACITÉ POUR CONTRECARRER LES DÉMARCHES JUDICIAIRES ENGAGÉES CONTRE LUI
Est également concerné par ces mandats Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’Énergie, en fuite aux États-Unis depuis avril 2019. Poursuivi dans le cadre des scandales de corruption touchant Sonatrach, l’ex-protégé de Bouteflika a pu obtenir en 2016 l’annulation de son mandat d’arrêt, émis en août 2013, grâce à la complicité de Saïd Bouteflika et de Tayeb Louh, ancien ministre de la Justice, aujourd’hui en prison et en attente de jugement.
L’épouse de Khelil, ainsi que leurs deux enfants, Sina et Khaldoun, sont également recherchés dans le cadre de la même affaire. Le défi de la justice et de la diplomatie algériennes est de réussir à obtenir leur extradition des États-Unis.
Sans garantie de succès, dans la mesure où l’ami d’enfance de Bouteflika est déterminé à vendre cher sa peau en recourant aux services de cabinets d’avocats aguerris. Par le passé, Chakib Khelil a fait montre d’une grande pugnacité pour contrecarrer les démarches judiciaires engagées contre lui, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.
Le refuge libanais
Pour s’opposer à une demande d’entraide formulée en 2013 en Suisse afin d’obtenir les documents relatifs aux cinq comptes bancaires qu’il détenait avec son épouse, Khelil s’est attaché les services de Patrick Hunziker, connu pour être l’avocat des puissants, et notamment de la famille de l’ancien dictateur du Nigeria, Sani Abacha. C’est également lui qui avait défendu Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fédération internationale de football association (Fifa) entre 2007 et 2015, poursuivi dans le procès suisse du Fifagate, un vaste scandale de corruption.
Outre Chakib Khelil, Abdesselam Bouchouareb, ex-ministre de l’Industrie, et l’une des éminences grises de l’ancien clan présidentiel, figure aussi sur la liste des personnes visées par un mandat. En exil à l’étranger bien avant la disgrâce de Bouteflika, Bouchouareb a été condamné par contumace à de lourdes peines de prison dans des affaires de corruption. Toute la difficulté pour la justice algérienne est de le localiser. Selon plusieurs sources, cet ancien protégé de Saïd Bouteflika aurait trouvé refuge au Liban, l’un des rares pays avec lesquels l’Algérie n’est pas liée par des accords de coopération judiciaire
Acquitté en décembre 2020 par la justice italienne, qui l’avait condamné en 2018 à cinq ans de prison pour versement de pots-de-vin et corruption internationale dans l’affaire des contrats liant une firme italienne à Sonatrach, Farid Bedjaoui, qui détient les nationalités algérienne, libanaise, française et canadienne, fait aussi l’objet d’un mandat d’arrêt émis par Alger. Mais le cas de cet homme d’affaires, sur lequel enquêtent également les Canadiens et les Français, est encore plus complexe que celui de Khelil et de Bouchouareb.
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PARMI LES AVOIRS DE BEDJAOUI, DES TABLEAUX DE MIRO, DALI OU WARHOL, UNE VILLA À RAMATUELLE, UN YACHT…
Réfugié aux Émirats depuis une dizaine d’années, Bedjaoui dispose d’une fortune colossale qui lui permet de s’entourer d’avocats particulièrement réputés. L’acquittement obtenu par ses conseillers en Italie en est la preuve. Le cas de Farid Bedjaoui est d’autant plus ardu qu’il n’a jamais fait l’objet en Algérie d’un jugement définitif qui permettrait d’engager des actions pour tenter de récupérer les biens qu’il a amassés à l’étranger.
Et c’est peu dire que sa fortune est substantielle. Bien sûr, certains de ses avoirs ont déjà fait l’objet de décisions de saisie à titre conservatoire, notamment deux appartements à Paris, des toiles de grands maîtres tels que Miro, Dali ou Warhol, une villa à Ramatuelle, dans le sud de la France, et un yacht de 43 mètres acquis pour 6,1 millions d’euros.
Ce neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, également visé par des poursuites judiciaires dans le scandale de l’autoroute Est-Ouest, possède aussi trois appartements à New York d’une valeur totale de 50 millions de dollars sur lesquels la police américaine a mené une enquête. De même que la police du Canada, qui a saisi à titre conservatoire de nombreux biens de celui-ci dans ce pays, où il a vécu.
Mais mettre la main sur ces biens représente presque une mission impossible pour la justice algérienne. Le scandale des Panama Papers a révélé toute l’ingéniosité de Bedjaoui pour créer des sociétés écrans, des entreprises avec des prête-noms, et dissimuler des mouvements bancaires importants via une myriade de comptes anonymes.
Neuilly-sur-Seine, Monaco, Saint-Tropez
Deux autres dossiers semblent plus faciles à traiter. Le premier concerne l’homme d’affaires Mourad Oulmi, définitivement condamné à dix ans de prison dans le cadre d’un dossier de montage et d’importation de véhicules. À l’époque où ils roulaient en carrosse, Oulmi et son frère Khider avaient acquis des appartements à Neuilly-sur-Seine, en France, et des villas à Monaco et Saint-Tropez pour près de 30 millions d’euros.
Presque tous les biens de la famille Oulmi sont enregistrés sous les noms de Mourad Oulmi, de son épouse et de son frère. Pas de faux-nez, pas de prête-nom, pas de tiers. Ce qui pourrait faciliter le travail des juges et des enquêteurs algériens et de leurs homologues français dans le cadre de la convention d’entraide judiciaire qui lie les deux pays depuis 2016.
Le deuxième dossier est celui de l’ancien homme d’affaires Ali Haddad, qui purge une peine de douze ans de prison au pénitencier de Tazoult, dans l’est de l’Algérie. L’hôtel que cet homme du sérail, jadis puissant et influent, avait acheté à Barcelone intéresse la justice algérienne.
C’est en 2012 que Haddad a décidé d’acquérir ce palace cinq étoiles pour 68 millions d’euros. Interrogé sur cet achat lors de son jugement, Haddad a expliqué l’avoir payé 55 millions de dollars grâce à des prêts de banques espagnoles et à un ami généreux qui lui a avancé 5 millions d’euros.
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ALGER POURRAIT SE HEURTER AUX MÊMES OBSTACLES QUE TUNIS
Devant les juges, il a nié avoir eu recours à des transferts de devises de l’Algérie vers l’Espagne. Difficile de croire que des banques espagnoles aient accepté d’avancer une telle somme à ce chef d’entreprise alors que la vente de cet hôtel où sont descendus Cary Grant, Sophia Loren, Madonna ou encore Salvador Dalí, a connu plusieurs péripéties financières.
Un dossier bien ficelé par des juges algériens pourrait faire aboutir une demande de saisie, une revente et une éventuelle récupération des fonds. Mais une telle procédure, même solidement constituée et engagée avec des cabinets chevronnés, prendrait des années.
L’Algérie suit ainsi l’exemple de la Tunisie voisine, partie elle aussi à la recherche de la fortune supposée colossale du clan Ben Ali et de sa belle-famille, les Trabelsi. À la chute du président tunisien en 2011, les autorités suisses ont décidé de bloquer à titre préventif et à la demande de Tunis 56 millions d’euros appartenant à l’ancienne famille présidentielle.
À l’époque, on a beaucoup spéculé sur le montant de la fortune de celui qui était resté vingt-trois ans au pouvoir et de ses proches, allant jusqu’à leur prêter un trésor de 9 milliards de dollars entreposés dans les coffres forts suisses. La commission tunisienne des confiscations l’avait, elle, évalué à 13 milliards de dollars.
Dix ans plus tard, la Tunisie n’a pu récupérer que 4 millions de dollars de la Suisse. Alger pourrait se heurter aux mêmes obstacles que Tunis, même si les autorités suisses se sont déclarées prêtes à coopérer avec l’Algérie sur la question de la restitution des biens mal acquis. Encore faut-il que la justice algérienne présente des dossiers étayés de preuves et documents. Et il faut croire qu’en la matière, les juges algériens manquent cruellement d’expérience et d’expertise.
39 milliards de dinars (environ 247 millions d’euros)
678 000 euros
4 693 véhicules
6 bateaux de plaisance
214 lots de terrain
119 logements et 21 immeubles
Abderrachid Tebbi, traqueur en chef
Peu connu du grand public, ce magistrat qui a remplacé le 8 juillet Belkacem Zeghmati a fait une grande partie de sa carrière au département de la Justice ainsi qu’au cœur de plusieurs cabinets ministériels. Originaire de Msila, à 250 km au sud d’Alger, Abderrachid Tebbi est un énarque d’Alger, promotion 1983. Il est aussi diplômé de l’ENA au Québec.
Procureur et avocat général près divers tribunaux aux quatre coins du pays, il a été chef de cabinet du gouvernement Ahmed Benbitour entre 1999 et 2000, puis chef de cabinet du ministère des Moudjahidine (anciens combattants), avant d’occuper plusieurs fonctions au sein de l’Assemblée nationale de 2002 à 2016. La carrière de ce père de six enfants connaît un nouveau tournant en juin 2019 avec sa nomination comme président de la Cour suprême.
Son arrivée à la tête de la plus haute juridiction algérienne coïncide avec le début de la vaste compagne anti-corruption lancée contre les anciens hommes d’affaires et responsables politiques du régime. Dans l’enceinte de cette institution dont le siège est situé sur les hauteurs d’Alger ont ainsi défilé les deux ex-Premiers ministres Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, ainsi qu’une vingtaine de ministres, qui purgent aujourd’hui de lourdes peines de prison pour des affaires de corruption. Comme son prédécesseur, Tebbi aura donc été au centre de la lutte contre la corruption et il connaît sur le bout des doigts ces dossiers et affaires qu’il a la lourde charge de suivre.