Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Libanais, Américains, Chinois… Qui détient les terres en Afrique ?

| Par 
Mis à jour le 09 août 2021 à 11h58


Depuis vingt ans, plus de 35 millions d’hectares de terres africaines ont été cédés à des capitaux étrangers. Qui sont-ils ? Où investissent-ils ? Qu’y produisent-ils ? Réponses en infographies.

Comment mieux saisir un sujet complexe que grâce à la datavisualisation ? En 2020-2021, chaque semaine, Jeune Afrique vous a proposé une infographie sur l’un des grands enjeux du moment. Souveraineté économique, problèmes sécuritaires, batailles politiques… Cette semaine, nous vous invitons à replonger dans ces décryptages exclusifs. Aujourd’hui, une enquête sur ces étrangers qui détiennent des terres africaines.

L’Afrique est la région du monde la plus ciblée par les transactions foncières à grande échelle, selon la base de données publique Land Matrix. Depuis 2000, de nombreux investisseurs chinois, émiratis, libanais, américains et européens ont acquis en concessions plusieurs dizaines de millions d’hectares de terres arables africaines – un peu plus que la superficie de la Côte d’Ivoire.

Ces investissements, dont le pic survient peu après la crise alimentaire de 2008, sont souvent perçus par les pays hôtes comme un levier pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, développer, industrialiser leur agriculture et diminuer la pauvreté.

En principe, ils s’accompagnent de recettes fiscales significatives – cependant difficilement quantifiables, car les accords de concessions ne sont pas rendus publics – et de créations d’emplois nationaux. Cette obligation est mentionnée dans 15 % des contrats signés sur le continent selon l’ONG Land Matrix.

Un impact très variable

Dix ans après la vague, l’impact de ces investissements est très variable. Nombre d’entre eux ont été rentables et se sont accompagnés d’engagements positifs auprès des communautés (offre de pâturages, formations, transfert de savoir faire, possibilités de travail permanent et décent etc.).

Néanmoins, la faiblesse du droit foncier et les choix politiques d’autres pays ont facilité des acquisitions à grande échelle, ce qui a conduit, dans certains cas, les exploitants locaux à quitter leurs terres entraînant plus de cinquante conflits, selon le recensement de l’ONG.
Ces concessions, signées pour une durée moyenne de trente ans, peuvent également avoir des conséquences sur l’environnement : de l’usure des sols à long terme – quand les cultures sont intensives – à la déforestation massive, notamment dans le Bassin du Congo.

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Fleurs, sorgho, soja et agro-carburants… Au moins 800 contrats ont été signés sur le continent depuis 2000 dont une centaine a été abandonné depuis. À cela s’ajoutent 91 contrats en cours de négociation. Dans 92 % des cas, les transactions foncières ont été réalisées par des entreprises privées et plus de la moitié des projets sont destinés en partie ou totalement à l’exportation.

 

Si la carte ne s’affiche pas cliquez ici

 

Parmi la centaine de projets abandonnés, plus de la moitié concerne les biocarburants et notamment ceux à base de jatropha. Ce petit arbuste qui pousse dans les sols pauvres et secs et dont les graines sont faciles à transformer en gazole a été présenté dans les années 2010 comme un futur or vert donnant naissance à d’immenses projets, notamment à Madagascar et en Éthiopie.

Les rendements de cet agro-carburant se sont finalement révélés en-deçà des espérances conduisant à la faillite de nombreux projets.

Les forêts aux mains de conglomérats asiatiques 

Avec 15,7 millions d’hectares concernés – dont la moitié se trouve en RDC – l’exploitation forestière est le premier pôle d’investissement en Afrique. Elle s’organise encore très largement sous le régime des concessions dont les actifs sont passés des historiques exploitants européens aux conglomérats asiatiques et principalement chinois. Le bois africain est désormais majoritairement exporté en Asie.

L’arrivée de ces entreprises asiatiques fait craindre une intensification de la déforestation en Afrique centrale, dans le cas où elles reproduiraient le scénario déjà opéré en Asie du Sud-Est, où les forêts ont été surexploitées, sans respecter les normes légales, puis les espaces dégradés transformés en plantation de palmiers à huile ou d’arbres à croissance rapide.

Protéger les terres

Depuis la flambée de 2008, de nombreux pays ont décidé de réformer leurs lois pour mieux protéger les terres et les communautés locales, à l’image de l’Éthiopie en 2013 ou du Ghana en 2019. Le Gabon, immense exploitant de grumes, a annoncé en 2018 que tous les investissements forestiers devraient désormais être certifiés pour 2022, afin de réduire plus drastiquement le taux de déforestation.

D’autres initiatives sont également à l’étude pour mettre en valeur des forêts africaines, à l’image du partenariat entre le Banque africaine de développement (BAD) et les Fonds d’investissements climatiques (CIF).

Les partenaires proposent un modèle gestion alternatif et durable de la foresterie commerciale conciliant croissance économique conservation de l’environnement. En 2016, la BAD a par exemple approuvé un total de 24 millions de dollars pour un projet de partenariat public-privé pour le reboisement des réserves forestières dégradées au Ghana.

Toutes les données sont issues de Landmatrix.org. Elles comprennent, depuis 2000, l’achat ou la location de terres de 200 hectares ou plus par des capitaux transnationaux à destination de la production agricole, de l’exploitation forestière, du commerce de carbone, de l’industrie ou encore pour la conservation ou le tourisme.

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Bonjour, 


« C’est l’été, et la vie est facile », chantait Ella Fitzerald dans son célèbre « Summertime ».
Du côté des droits humains, malheureusement, pas de trêve estivale. Nous continuons, à vos côtés, les combats,
les actions et la mobilisation. 


Mais l’été est l’occasion d’un bilan de mi-parcours.
Des militantes libérées de prison, des criminels de guerre condamnés, la peine de mort en recul,
la fraternité qui l’emporte…

Autant de raisons de nous réjouir !

 

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2021 a déjà apporté de très belles victoires pour nos droits MAIS beaucoup de combats restent encore à mener.
Vous aussi, donnez-nous les moyens de remporter encore plus de victoires 

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Bel été et MERCI pour votre mobilisation !

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Burkina Faso: donner une seconde vie aux sacs plastiques pour protéger l'environnement

Souvent abandonnés et jetés dans la nature, les sacs plastiques sont un fléau pour l'environnement.
Souvent abandonnés et jetés dans la nature, les sacs plastiques sont un fléau pour l'environnement. AFP PHOTO / FRED DUFOUR

Au Burkina Faso, le pays fait face à la prolifération des déchets plastiques, qui polluent l’atmosphère et tuent des dizaines d’animaux chaque année. Malgré une loi interdisant leur importation, les sacs plastiques continuent d’être utilisés partout dans toutes les villes. Pour lutter contre cette pollution, plusieurs associations se sont lancées dans des processus de transformation de ces déchets. Le kilogramme est racheté à 50 ou 75 FCFA aux femmes qui font les collectes sur des décharges publiques.  

Nous sommes à la décharge publique de Saaba, à la périphérie est de la capitale. Lucie Kantiono et ses camarades collectent et classent les déchets plastiques, pour les revendre 75 FCFA le kilogramme à l’association « Mère des sachets ». « Par jour nous pouvons avoir dix kilos ou trois kilos, comme ça. Avec l'argent on paye la nourriture des enfants, mais aussi les frais d'école ou le médecin en cas de maladie », dit-elle.

Une fois collectés, les déchets plastiques sont utilisés pour la confection de pavés, ou ils sont revendus à d’autres entreprises. « Nous broyons les plastiques pour les revendre. Mais les sachets, on les utilise pour fabriquer des pavés, des tables-bancs. Il y a aussi une partie que l'on envoie à l'extérieur. Avant on pouvait estimer à plus de cinquante tonnes par an », explique Jean Didier Pakotogo, le vice-président de l’association.

Récupérer et transformer

La récupération et la transformation des déchets, c’est le créneau de l’association Bayir Malguere à Gourcy, dans la région du Nord. Chaque année cette association collecte environ 650 tonnes de déchets dont 250 tonnes de plastiques. « Tout ce qui est matière organique est transformé en compost. Tout ce qui est verre et bouteilles est transformé en poudre, soit pour faire des pots de fleurs ou des pavés de luxe. Ensuite, tout ce qui concerne les sachets en plastique, nous les transformons en pavés, en tables-bancs, en chaises ou en dalles », indique Saada Guiro, le vice-président de l’ABMZ. Avec plus de 400 tonnes de déchets plastiques par an, l’ABMZ confectionne des tables-bancs pour les écoles, des chaises et des panneaux de signalisation routière. « Chaque table-banc est revendue trente-cinq à quarante mille Francs CFA environ. Il faut environ cinquante kilos de sachets en plastique pour faire une table-banc », ajoute-t-il.

Un lycée agricole a acquis des dizaines de tables-bancs confectionnés suite à la transformation des déchets plastiques. Evariste Zongo, est le promoteur de ce lycée situé à une quinzaine de kilomètres de la capitale. « Trente-cinq mille francs, c'est un bon prix pour moi. Un travail comme ça permet aussi de protéger l'environnement et de créer des emplois », explique-t-il.

Pour les responsables de ces associations, la lutte contre la prolifération des déchets plastiques doit passer également par leur transformation, ce qui pourrait créer des milliers d'emplois.

Pourquoi les Africains doivent devenir machiavéliques – par François Soudan

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Mis à jour le 02 août 2021 à 10h24
 
 

Par  François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Dans le nouveau stade olympique de 60 000 places de la Côte d’Ivoire, à Ebimpe, à l’extérieur d’Abidjan, le 3 octobre 2020, en prévision de la Coupe d’Afrique des nations 2023.
Dans le nouveau stade olympique de 60 000 places de la Côte d'Ivoire, à Ebimpe, à l'extérieur d'Abidjan, le 3 octobre 2020,
en prévision de la Coupe d'Afrique des nations 2023. © ISSOUF SANOGO/AFP

Si la Chine et la Russie venaient à s’entendre pour faire face à l’Occident, les cartes s’en trouveraient totalement bouleversées sur le continent.

Dans un monde où les lyncheurs du numérique chassent en meute et où l’anonymat libère le pire de l’espèce humaine, au point de contraindre nombre de leaders apeurés à se muer en followers, je ne saurais trop recommander à ceux qui nous dirigent de lire (ou de relire) Machiavel. Au palmarès des termes employés à contresens, celui de machiavélisme occupe le haut du classement, avec celui de cynisme, dont la signification originelle, toute de sagesse et de liberté, est l’exact contraire de ce qu’elle recouvre aujourd’hui.

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UN VŒU : QUE LES DIRIGEANTS AFRICAINS DEVIENNENT MACHIAVÉLIENS !

Nicolas Machiavel était un réaliste et un penseur politique hors pair, et ce qu’il nous dit dans Le Prince mérite d’être gravé au frontispice de tous les palais présidentiels : « Les princes déchus sont ceux qui, durant le calme, ne se sont point inquiétés de la tempête. » En d’autres termes, explique le philosophe Roger-Pol Droit, « si le prince doit n’avoir qu’une vertu, c’est celle de savoir anticiper. Lorsqu’on prévoit le mal de loin, ce qui n’est donné qu’aux hommes doués d’une grande sagacité, on le guérit bientôt ; mais lorsque, par défaut de lumière, on n’a su le voir que lorsqu’il frappe tous les yeux, la cure se trouve impossible ». Et il n’y a plus rien à faire.

Combien, parmi nos chefs, sont capables de distinguer les signaux faibles et d’agir en conséquence avant que vienne la tempête ? Un vœu : que les dirigeants africains deviennent machiavéliens !

Sans limites

Ce n’est pas chez le théoricien italien du XVIe siècle que Xi Jinping, le plus puissant des successeurs de Mao, puise son inspiration, mais chez un général et stratège bien plus ancien, Sun Tzu, dont le célébrissime Art de la guerre enseigne comment vaincre sans combattre. La Chine de Xi n’est plus celle de Deng Xiaoping, l’habile « petit timonier » qui, à la fin du siècle dernier, libéra les énergies et l’économie chinoises avec discrétion, pragmatisme, et sans provoquer quiconque. Xi imperator exsude une sûreté de soi qui frise l’hubris sur fond de paranoïa, à la tête d’une nation à la fois rouge vif et sauvagement capitaliste, synthèse que l’Occident pensait impossible entre deux pôles apparemment incompatibles.

Car la Chine est toujours communiste : célébré le 1er juillet dans un climat d’orthodoxie idéologique et de nationalisme débridé, le centenaire du Parti communiste (PCC) a été ostensiblement relayé dans toutes les capitales du monde – et singulièrement en Afrique – par une débauche de cérémonies, de conférences et de commémorations sous la houlette de diplomates zélés, les fameux « loups combattants ».

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PÉKIN SAIT QUE SON SOFT POWER NE POURRA JAMAIS RIVALISER AVEC L’ATTRACTION CULTURELLE EXERCÉE PAR LE LIBÉRALISME OCCIDENTAL

En direction du continent africain, le message distillé à cette occasion est le même depuis plus de vingt ans : contrairement à l’Occident, la Chine n’a jamais été colonisatrice, elle a été dominée, humiliée pendant un siècle et demi par ceux-là mêmes qui ont subjugué l’Afrique ; mais elle a su, grâce au PCC, relever la tête jusqu’à devenir la puissance mondiale qu’elle est aujourd’hui. Pour autant, elle ne nourrit ni ne nourrira jamais de desseins impérialistes à l’égard de ses « frères » du Sud pour une raison très simple : ce genre d’ambition n’est ni dans les gènes ni dans la culture du peuple chinois, d’autant que, comme le répète Xi Jinping, la Chine appartient « pour toujours » à la catégorie des pays en développement – « avec des caractéristiques chinoises ».

Cette dernière précision est importante. Elle signifie à la fois que le modèle chinois ne prétend pas être exportable – à la différence du modèle occidental – et que, dans le fond, Xi Jinping ne se fait guère d’illusions excessives sur l’image de son pays, singulièrement en Afrique. Quels que soient les efforts déployés en la matière par les instituts Confucius et les écoles de mandarin qui essaiment sur le continent, les dirigeants de Pékin savent que leur soft power ne sera jamais en mesure de rivaliser avec l’attraction culturelle multiforme exercée par le libéralisme occidental, en particulier sur la jeunesse.

D’autant qu’au joug de la dette et à l’image dégradée des entreprises chinoises, dont beaucoup n’ont cure des normes environnementales et sociales, s’ajoute aux yeux de l’opinion africaine un fait historique que la « diplomatie des masques » n’est que très partiellement parvenue à occulter : c’est bien d’un marché de Wuhan qu’est partie la grande faucheuse du Covid-19. La Chine ne séduit pas, donc, et tel n’est pas son but. Mais elle impressionne, elle captive et, surtout, elle influence de plus en plus.

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IL N’Y AURA PAS DE LIMITES EXTERNES À LA PUISSANCE CHINOISE AU XXIE SIÈCLE, ÉCRIT HUBERT VÉDRINE

Une récente étude américaine estime à 80 environ le nombre de pays sur lesquels Pékin exerce une influence économique, et donc diplomatique, déterminante. Parmi eux, une majorité d’États africains, systématiquement alignés sur les positions chinoises dans toutes les enceintes internationales dès que sont abordés des dossiers aussi sensibles que ceux de Taïwan, de Hong Kong, du Xinjiang ou du Tibet. « Il n’y aura pas de limites externes à la puissance chinoise au XXIe siècle », écrit Hubert Védrine dans son éclairant Dictionnaire amoureux de la géopolitique (paru en mai chez Plon/Fayard), pas plus qu’il n’y a désormais de limites aux mandats présidentiels de Xi Jinping.

Réthorique anti-occidentale

Vladimir Poutine, lui aussi, a le temps devant lui – au minimum jusqu’en 2036 –, et le maître du Kremlin partage avec celui de la cité interdite de Zhongnanhai une même rhétorique anti-occidentale alimentée par le même ressenti des humiliations subies – en l’occurrence la désintégration de l’URSS.

À l’égard de la Russie, l’Europe et les États-Unis ont commis la même erreur de jugement qu’à l’égard de la Chine. Ils ont cru que son insertion dans l’économie capitaliste mondiale signifierait ipso facto sa normalisation et sa démocratisation selon les critères définis par eux. Ils ont cru que le courant proeuropéen l’emporterait à Moscou sur le courant nationaliste slavophile et que la « nouvelle » Russie accepterait passivement la perte de l’Ukraine et le renforcement de l’Otan à ses frontières.

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EN AFRIQUE, XI JINPING ET VLADIMIR POUTINE FONT FACE AU MÊME ADVERSAIRE, L’OCCIDENT, AVEC DES ARMES DIFFÉRENTES

À court ou à moyen terme, le rapprochement en cours, la quasi-alliance entre les deux empires voisins autrefois ennemis au sein du camp socialiste, ne restera pas sans conséquences sur l’Afrique. Xi Jinping et Vladimir Poutine y font face au même adversaire, l’Occident, avec des armes différentes. L’économie pour le Chinois, la sécurité et l’idéologie pour la Russie. Qu’une synergie organisée au plus haut niveau survienne entre ces deux-là sous forme d’une sorte de politique africaine coordonnée et les cartes sur le continent seront totalement bouleversées.

Faute de moyens financiers et d’expertise de ses entreprises (en dehors des secteurs minier et énergétique), l’offensive russe sur le continent est à la fois low-cost et minutieusement ciblée, sous la houlette de diplomates familiers des techniques du SVR – le service de renseignement extérieur. Son aspect purement sécuritaire est désormais connu, son déploiement sur le terrain de l’influence médiatique et de la cyberguerre de conquête de l’opinion l’est moins, parce que nettement plus insidieux. De la Centrafrique au Sénégal, en passant par le Mali, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Cameroun, Moscou irrigue, et souvent finance, toute une série de web TV, de sites internet et de comptes d’influenceurs se réclamant à la fois du nationalisme, du panafricanisme et d’une commune détestation de la France et de son rôle sur le continent.

« Idiots utiles »

Ces réseaux sociaux ont leurs stars, suivies par des dizaines de milliers de fidèles : la Suisso-Camerounaise Nathalie Yamb, le Franco-Béninois Kemi Seba, les Camerounais Banda Kani ou Paul Ella. Ils ont aussi leurs références, quasi adulées : Sankara, Lumumba, Kadhafi, Rawlings, Gbagbo et, depuis ses dernières sorties antifrançaises, le Sénégalais Ousmane Sonko. Les chefs d’État en délicatesse avec Paris comme Faustin-Archange Touadéra, Paul Biya, Alpha Condé, Teodoro Obiang Nguema ou le Malien Assimi Goïta bénéficient d’un traitement de faveur lors de ces interminables plateaux volontiers complotistes où l’outrance côtoie les fake news et où l’on n’aime rien tant que de vouer aux gémonies Emmanuel Macron, Alassane Ouattara et Macky Sall.

Titre d’un débat récent sur la chaîne camerounaise DBSTV : « L’Afrique au cœur d’un grand complot français en 2023, que se passera-t-il ? ». Si le méga exercice militaire « Orion » de défense du territoire hexagonal auquel le média du milliardaire Baba Danpullo fait ici référence est effectivement programmé pour le premier semestre de cette année-là, son lien avec un quelconque projet d’« invasion » de l’Afrique est purement uchronique. Peu importe : audience et partages assurés, jusque dans certains palais présidentiels.

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À LEURS YEUX, LA FRANCE DE 1960 EST TOUJOURS LA MÊME. ELLE A SEULEMENT CHANGÉ DE MASQUE

Certes, on chercherait en vain chez ces activistes du web la moindre critique des visées africaines de Vladimir Poutine, de Xi Jinping ou de Recep Tayyip Erdogan, mais les qualifier pour autant de simples « idiots utiles » de Moscou, de Pékin ou d’Ankara, comme on l’entend parfois dans certaines chancelleries françaises sur le continent, n’est que très partiellement exact. Leur discours, teinté de rancœur et parfois de haine à l’encontre de l’ancien colonisateur, repose sur des frustrations ressenties par nombre d’Africains de l’espace francophone. À leurs yeux, la France de 1960, celle qui, selon la phrase cruelle de Pierre Messmer, a « octroyé l’indépendance à ceux qui la demandaient le moins après avoir éliminé ceux qui l’exigeaient le plus », cette France-là est toujours la même. Elle a seulement changé de masque et – à peine – de méthode, afin de conserver son influence jugée par eux prédatrice.

La « communauté de valeurs » est un mythe

Chinois et Russes ne sont pas en reste, côté rapacité ? Sans doute. Mais eux au moins ne prétendent pas imposer leurs modèles nombrilistes de gouvernance, leur unilatéralisme judiciaire, leur cour pénale internationale et leur prosélytisme droit-de-l’hommiste à géométrie variable, répètent à l’unisson – et dans une paradoxale confusion de jugement et d’intérêt – les gouvernements les plus autoritaires et les activistes antioccidentaux les plus débridés. Il serait temps de se rendre compte que l’incontournable « communauté de valeurs » dont l’Occident serait le dépositaire naturel et légitime est un mythe et que les perceptions des peuples ne sont pas devenues homogènes par le miracle de la normalisation et de la généralisation du numérique.

Premier président français à être né après les indépendances africaines, Emmanuel Macron ne s’estime pas voué à expier le fardeau de l’homme blanc, mais plutôt à faire table rase du passé colonial de son pays au nom de la lucidité historique. Le problème est qu’en maints domaines la mémoire africaine ne coïncide pas avec la sienne et que l’Histoire sur le continent demeure un vortex où l’on puise des munitions pour les batailles et les controverses d’aujourd’hui ou de demain. Cela, les Russes et – plus subtilement – les Chinois l’ont parfaitement compris, au détriment d’une « politique africaine » de la France en panne de machiavélisme (dans le bon sens du terme).

Restitution des œuvres d'art africaines: en France, les blocages persistent



Statuettes du Bénin (XVIe et XVIIe siècle), exposées au Musée du Quai Branly à Paris, le 2 octobre 2007.
Statuettes du Bénin (XVIe et XVIIe siècle), exposées au Musée du Quai Branly à Paris, le 2 octobre 2007. AFP -
OLIVIER LABAN-MATTEI

Comment les pays européens se sont-ils emparés de cette question de la restitution des œuvres d'art africaines ? Quels sont ceux qui vont restituer des biens ? Ceux qui étudient encore le projet ? Dernière étape de notre tour d’Europe en France. En 2017 à Ouagadougou, Emmanuel Macron s’était engagé à rendre possible d’ici cinq ans des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. Bilan trois ans et demi plus tard : la France a remis deux œuvres, l’une au Sénégal, l’autre à Madagascar, et est en passe d’en restituer 26 autres au Bénin.  

Une loi a été votée en décembre dernier pour permettre ces restitutions au Bénin et au Sénégal. Le sabre dit d’El Hadj Omar Tall, fondateur de l’empire Toucouleur, avait lui déjà été restitué sous forme de prêt aux autorités sénégalaises en novembre 2019. La remise des œuvres au Bénin, elle, est prévue à l’automne, sans doute à la fin du mois d’octobre.

Ce sera là un moment marquant : Paris remettra à Cotonou 26 œuvres du trésor du roi Béhanzin, pillées en 1892 par le général Dodds lors du sac du palais d’Abomey. Parmi ces œuvres rendues : des statues royales anthropomorphes, des récades, des trônes ou encore des portes du palais royal d’Abomey.

Cette restitution est un geste d’importance aux yeux de Marie-Cécile Zinsou, historienne de l’art et présidente de la fondation Zinsou au Bénin. « C'est vraiment très important comme loi parce que c'est une première, insiste-t-elle. Depuis 1960, des États africains demandent à se voir restituer des pièces de leur patrimoine qui ont été pillées pendant la colonisation. Et c'est la première fois que c'est rendu possible. »

Remise à Madagascar contestée par les sénateurs

Ces restitutions n'ont suscité presque aucun débat en France. En apparence, du moins. La loi a été adoptée à la quasi-unanimité par les députés. Certes, les sénateurs n’ont pas voté le texte mais ce n’était pas tant pour s’opposer à ces restitutions d’œuvres au Bénin et au Sénégal que pour protester contre la remise à Madagascar de la couronne ornant le dais royal de la reine Ranavalona III. En novembre dernier, Paris a en effet engagé un processus de retour de cette œuvre à Antananarivo. 

Première étape, la mise en dépôt avant le vote d’une loi spécifique. Or, cette remise à Madagascar est survenue en plein débat au Sénat sur le projet de loi de restitutions des œuvres d’art au Bénin et au Sénégal. Excédés de ne pas avoir été consultés, les sénateurs ont alors proposé de créer une structure chargée de « mieux encadrer scientifiquement » les restitutions. Ce que le gouvernement a refusé. Conséquence : le Sénat n’a pas voulu voter le projet de loi présenté par l'exécutif.

► À lire également : Restitution des œuvres d'art africaines: l'embarrassant patrimoine britannique

Le sujet inquiète la droite, peu d'adhésion dans le gouvernement

La question reste donc sensible en France. C’est sans doute la raison pour laquelle le gouvernement n’effectuera pas d’autres restitutions d’ici la fin du quinquennat et ce malgré le fait que plusieurs pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou l’Éthiopie ont formulé des demandes.

Le sujet inquiète la droite. L’une de ses craintes est de voir se vider les musées français. Même au sein du gouvernement, l’idée d’engager un processus de restitutions du patrimoine africain n’a pas eu l’air de susciter l’adhésion. Le projet n’a pas été porté et encore moins défendu par l’ancien ministre de la Culture Franck Riester.

Un projet qui s’est même heurté à une partie de l’administration française, qui a donné l’impression de tout faire pour ralentir sa mise en application. Au-delà de ces blocages, le véritable problème pour l’avocate Corinne Hershkovitch, spécialiste des restitutions d’œuvres d’art, c’est qu’aucune stratégie de fond n’a été élaborée par les autorités françaises.

► À écouter : Restitution du patrimoine africain: «Il faut des accords bilatéraux de coopération culturelle»

« Pas possible de rendre ces objets sans les déclasser »

« Aucun processus ne s'est mis en place, regrette-t-elle. Les 26 objets qui sont promis au Bénin, c'est la France qui a choisi ces objets. Il n'y a pas eu de procédure bilatérale entre la France et le Bénin. Et puis, il a fallu une loi. Et pourquoi il a fallu une loi ? Parce qu'on est toujours dans un blocage qui tient au fait que tous les biens culturels entrés dans les collections nationales sont inaliénables de manière imprescriptible. Donc il n'est pas possible de rendre ces objets sans les déclasser. Et comme aujourd'hui, il n'y a pas de procédure de déclassement, il faut une loi. Donc là non plus, on n'a pas mis en place un processus qui permettrait de trouver des critères, des modalités de restitution. Donc, je dirais que depuis le discours de Ouagadougou, on n'a pas réellement avancé. »

Le gouvernement n’a pas conservé l’idée formulée par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr de modifier le code du patrimoine. Il n’a pas non plus suivi le chronogramme de restitutions proposé par les deux universitaires dans le rapport que leur avait commandé le président français. Résultat, la France, à la différence d’autres pays européens, donne l’impression d’avoir quelques peu relégué cette question des restitutions au second plan.

Drôle de paradoxe : c’est pourtant Emmanuel Macron qui avait ouvert la réflexion sur le sujet par son discours de Ouagadougou en novembre 2017.

► À lire aussi : Restitution des œuvres d'art africaines: les nouvelles règles de la Belgique