Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Partenariat Banque mondiale – Afrique : devenir plus forts et promouvoir la reprise

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Par  Axel van Trotsenburg

Directeur général des opérations de la Banque mondiale.

Un Sénégalais, dans les rues de Dakar, le 29 avril 2020. (illustration)
Un Sénégalais, dans les rues de Dakar, le 29 avril 2020. (illustration) © Alaattin Dogru / ANADOLU AGENCY via AFP)

Alors que l’Afrique paie un lourd tribut à la pandémie, les chefs d’État de la RDC, de Guinée, du Bénin ou encore du Sénégal son attendus à Abidjan ce 15 juillet pour un sommet sur le financement de l’Association internationale de développement (IDA). Axel van Trotsenburg, directeur général des opérations de la Banque mondiale, insiste sur les enjeux cruciaux de cette rencontre pour l’avenir du continent.

Alors que leurs pays sont confrontés à une troisième vague de Covid-19 aux effets sanitaires, sociaux et économiques tragiques, plus d’une douzaine de dirigeants africains vont se réunir ce jeudi 15 juillet à Abidjan pour formuler leurs plans de reprise économique, de création d’emplois et d’investissement dans le capital humain. J’ai hâte de les y rejoindre et je réaffirmerai résolument l’attachement du Groupe de la Banque mondiale à la transformation de l’Afrique.

41 milliards de dollars d’aides

En pleine pandémie, l’axe d’intervention de l’Association internationale de développement (IDA), l’une des institutions qui forment la Banque mondiale, est double. Nous avons entrepris de doubler l’aide d’urgence apportée à l’Afrique pour faire face à la crise, notamment en contribuant à renforcer les systèmes de santé et à financer l’acquisition et le déploiement de vaccins. Parallèlement, nous approfondissons notre soutien aux efforts déployés par les pays dans le cadre de leurs plans pour une reprise forte, verte et inclusive.

Il y a plus d’un an, lorsqu’il est devenu évident que la pandémie aurait un impact énorme sur les personnes les plus vulnérables au monde, nous avons agi rapidement pour mettre à disposition de manière précoce une très grande partie de l’aide que l’IDA offre sur un cycle de trois ans aux pays les plus pauvres de la planète. Trente-neuf des 74 pays concernés se trouvent en Afrique.

Depuis avril 2020, cette intensification de notre soutien au continent africain est sans précédent et l’aide ainsi apportée s’élève à plus de 41 milliards de dollars en fin juin. La plus grande partie de cette aide a été consacrée aux mesures visant à relever les défis posés par le Covid-19, et en particulier à sauver des vies, protéger les pauvres, créer des emplois et reconstruire en mieux à la suite de la crise. Des milliards de dollars ont ainsi été affectés à des dépenses liées à la santé.

Des vaccins pour 400 millions d’Africains

Récemment, nous avons également conclu avec l’Équipe spéciale pour l’acquisition de vaccins en Afrique de l’Union africaine (AVATT) un partenariat visant à financer l’achat de vaccins contre le Covid-19 pour pas moins de 400 millions d’Africains. Les démarches sont allées très vite : les premières doses de vaccin devraient être livrées dans les prochaines semaines.

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CE NIVEAU D’APPUI FINANCIER REPRÉSENTE UN CHANGEMENT STRUCTUREL DANS LE PARTENARIAT ENTRE LA BANQUE MONDIALE ET L’AFRIQUE

L’IDA est, pour les pays africains à faible revenu, la principale source de financement. Elle accorde soit des prêts à long terme sans intérêt soit des dons, le montant de ces derniers ayant dépassé 10 milliards de dollars au cours de l’année écoulée. L’aide de l’IDA permet aux pays de faire face aux effets de la crise et de relever les défis actuels liés au développement à long terme, à la fragilité et au changement climatique.

Ce niveau d’appui financier n’est pas temporaire. Il représente un changement structurel dans le partenariat entre la Banque mondiale et l’Afrique, dans le cadre duquel le niveau d’engagement de la Banque est passé de 15 % de son programme annuel de prêts il y a 20 ans à 45 % aujourd’hui. Au cours des cinq dernières années, la Banque mondiale a engagé 106 milliards de dollars en Afrique tout en augmentant ses effectifs dans les pays africains de plus de 40 %.

Besoins en constante évolution

Les interventions de la Banque mondiale se veulent globales et sans exclusive, l’institution étant déterminée à ne jamais laisser des pays sur la touche. Le Soudan en est une bonne illustration : récemment, nous avons aidé les autorités soudanaises à mettre fin à des décennies d’isolement financier et à renouer avec la communauté internationale. Ce qui nous a permis de lancer un programme majeur de réduction de la pauvreté dans le pays et un programme global d’allégement de dette qui au bout du compte réduira la dette du Soudan de plus de 90 %.

D’une manière plus générale, nous trouvons des moyens de continuer de travailler dans les pays touchés par la fragilité et les conflits, en étroite coordination avec nos partenaires des Nations unies sur le terrain. Au lieu de nous retirer, nous avons choisi de rester aux côtés de ces pays et de leur apporter un soutien indispensable, qui a augmenté de 50 % durant l’année écoulée pour atteindre près de 15 milliards de dollars.

Si l’IDA s’investit considérablement pour aider les pays à faire face à la pandémie et à d’autres crises telles que les invasions de criquets, la sécheresse et les conflits armés, tout son appui s’inscrit dans la poursuite d’un objectif ultime, à savoir promouvoir un développement économique et social durable.

Les besoins des pays étant en constante évolution, il y a tout lieu de recueillir les idées et orientations des dirigeants africains sur la manière dont la Banque mondiale peut soutenir au mieux les ambitions à long terme des pays du continent.

Moteurs de la reprise

Nous avons avancé d’un an les négociations avec les bailleurs de fonds sur la reconstitution triennale des ressources de l’IDA. Les idées venant des partenaires africains influent considérablement sur les orientations stratégiques du prochain cycle, l’accent étant davantage mis sur plusieurs domaines cruciaux : création d’emplois, stimulation du développement du secteur privé, réduction de la fracture numérique, élargissement de l’accès à l’énergie et renforcement de l’intégration régionale.

Le sommet d’Abidjan sera l’occasion de débattre des moteurs de la reprise en Afrique et des perspectives de développement à plus long terme. Il permettra de définir les orientations des négociations menées par l’IDA, étant donné que nous prévoyons qu’environ les deux tiers des ressources du prochain cycle de refinancement de l’Association seront alloués à l’Afrique.

Par ailleurs, les discussions donneront une impulsion à l’ambition quant au montant des fonds à lever, car les besoins sont très importants et les conséquences de l’inaction pourraient sérieusement assombrir les perspectives à long terme du continent. Le défi consiste à agir maintenant, en aidant l’Afrique à se reconstruire en mieux et à améliorer la vie de ses populations.

Mali : l’insoutenable légèreté de l’aide

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Par  Estelle Maussion

Journaliste à Jeune Afrique

Durant le #OnePlanetSummit, le 11 janvier 2021, la Banque mondiale a annoncé un engagement de 5 milliards de dollars pour améliorer les moyens de subsistance et restaurer la dégradation dans les régions du Sahel.
Durant le #OnePlanetSummit, le 11 janvier 2021, la Banque mondiale a annoncé un engagement de 5 milliards de dollars
pour améliorer les moyens de subsistance et restaurer la dégradation dans les régions du Sahel.
© David Malpass/@DavidMalpassWBG/Twitter>



[Chronique] Soutenu à bout de bras par les bailleurs de fonds, le Mali semble pourtant un cas d’école de l’échec de l’aide internationale. À quand la fin de l’hypocrisie ?

« Le fort engagement des autorités en faveur des réformes et leur mise en œuvre résolue seront la clé du succès, et pourraient également contribuer à débloquer le soutien supplémentaire des bailleurs de fonds. » Sans les sous-titres, impossible de savoir si les équipes du Fonds monétaire international (FMI) croient réellement à cette « analyse » de la situation du Mali lorsqu’elles l’utilisent pour justifier le décaissement de 57 millions de dollars d’aide en mars dernier.

Cela intervient sept mois après le coup d’État contre Ibrahim Boubacar Keïta et moins de sept semaines avant « l’auto-putsch » de la junte contre Bah N’Daw.

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AVEC LE MALI, LES BAILLEURS DE FONDS NE SAVENT PAS SUR QUEL PIED DANSER.

D’une certaine façon – et là est le cœur du problème –, qu’ils aient cru ou non aux « réformes », que pouvaient bien écrire d’autre les représentants du FMI ? Avec le Mali, les bailleurs de fonds ne savent pas sur quel pied danser. Une réalité que les autorités au pouvoir à Bamako – en civil ou en armes – connaissent depuis bien longtemps et qui n’en finit pas d’exaspérer les spécialistes de l’aide au développement.

Officieusement, ils sont plusieurs à plaider pour des réponses plus musclées. « Ce rapport du FMI est un scandale. Le ton des équipes durant la revue était beaucoup plus critique sur l’évaluation fiscale et la question de l’évaporation de l’aide », explique un membre d’une institution de développement européenne à Bamako. Fort bien. Mais pourquoi ne pas porter ces critiques sur la place publique ? Ce n’est pas comme si les insuffisances de la gouvernance au Mali étaient un secret.

Christine Lagarde, alors directrice générale du Fonds monétaire international, en visite dans une école primaire
le 10 janvier 2014 à Bamako, au Mali. © IMF Photograph/Flickr/Licence CC

 

Résultats pas au rendez-vous

Depuis la crise de 2012, la communauté internationale ne cesse de répondre présent. Après un pic à 2,2 milliards de dollars en 2013, l’aide multilatérale se maintient depuis à environ 1 milliard de dollars chaque année. À titre de comparaison, le budget 2020 du Mali était d’environ 4,2 milliards de dollars.

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QUI PAIE, COMMANDE… SAUF À BAMAKO, SEMBLE-T-IL.

Sur la majorité des indicateurs socio-économiques, de l’amélioration des services de base à la lutte contre la corruption en passant par le redressement des sociétés publiques, les résultats ne sont pas au rendez-vous. « Les autorités redoublent d’efforts pour améliorer la gouvernance, la transparence et l’environnement des affaires », assure pourtant le rapport du FMI.

Mais les faits sont têtus : moins de un sixième des fonctionnaires censés effectuer une déclaration de patrimoine l’avaient fait à la fin de 2020, selon l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Cette insouciance manifeste vis-à-vis de ceux qui en théorie tiennent les cordons de la bourse montrent bien qu’ils ne tiennent pas grand-chose. Qui paie, commande… sauf à Bamako, semble-t-il.

Impuissance « voulue »

Ne pouvant suspendre leur mobilisation sous peine d’asphyxier le pays ni avoir la garantie de la bonne utilisation de leurs fonds, les bailleurs sont en outre sommés par les exécutifs depuis les capitales occidentales de poursuivre les décaissements au nom de la lutte contre le terrorisme… Quitte à fermer les yeux, voire à se boucher le nez.

Cette impuissance quasi « voulue » arrive peut-être à ses limites. La Banque mondiale a annoncé au début de juin « une pause temporaire » – « et non une suspension », a-t-elle insisté – de ses décaissements, la deuxième après celle intervenue en août 2020 : dans les deux cas en application des politiques de la banque face aux « gouvernements de facto ».

Surtout, la Commission européenne avait bloqué, en mai, 38 millions d’euros d’appui budgétaire prévus au titre de l’année 2020 pour non atteinte des objectifs conjointement fixés. Une autre incarnation de la non-regrettée « aide liée » ? Peut-être, mais les autres méthodes n’ont pas l’air de mieux fonctionner. Après tout, on ne peut se voiler la face qu’un certain temps seulement avant de « se prendre un mur », comme dit l’expression populaire.

 
 
 

G5 Sahel : après Barkhane, quelle stratégie de stabilisation ?

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Mis à jour le 09 juillet 2021 à 17h25
 
 

Par  Allassane Drabo

Allassane Drabo est directeur Afrique de l'Ouest chez Search for Common Ground.

 

Par  Louis Le Masne

Louis Le Masne est spécialiste de programme chez Search for Common Ground.

Représentants des autorités militaires et civiles locales à Ménaka (région de Gao) lors du passage de soldats de l’opération Barkhane en février 2021.

Représentants des autorités militaires et civiles locales à Ménaka (région de Gao)
lors du passage de soldats de l'opération Barkhane en février 2021. © Éric Dessons/JDD/SIPA

 

Un sommet se tient ce 9 juillet, un mois après l’annonce de la fin de Barkhane. Au menu, la redéfinition de la collaboration militaire. La voix des sociétés civiles, qui appellent à une révision des priorités, doit aussi être entendue.

La fin de l’opération Barkhane, annoncée par le président Emmanuel Macron le 10 juin 2021, acte un état de fait : une approche centrée sur le volet sécuritaire – qui ne prend pas suffisamment en compte l’aspect multidimensionnel de la crise – est une impasse au Sahel. Il n’y a jamais eu autant de victimes parmi les civils qu’en 2020, selon l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled), avec plus de 2 400 personnes tuées dans les attaques menées par des groupes armés et dans le cadre d’opérations antiterroristes au Niger, au Mali et au Burkina Faso. C’est ce décalage entre la militarisation de la région et la détérioration inexorable du contexte sécuritaire qui pose question. Et si l’annonce du chef de l’État français était l’occasion de repenser collectivement les politiques de stabilisation ?

Réorientation des priorités

Le bilan contestable de Barkhane (et de l’ensemble des dispositifs de coopération l’accompagnant) se caractérise par une insuffisante prise en considération du tissu social et des causes profondes des conflits. Aujourd’hui, de nombreuses organisations de la société civile regroupées au sein de la Coalition citoyenne pour le Sahel, dont Search for Common Ground fait partie, appellent à une réorientation radicale des priorités. Notamment en plaçant au cœur de la stratégie des réponses à trouver la protection des civils, la crise de gouvernance, le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes et la lutte contre l’impunité.

Le rayon d’action des groupes armés affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Gsim) et à l’État islamique au grand Sahara (Eigs), initialement circonscrit au nord du Mali, s’étend désormais au sud-ouest du Niger et au nord-est du Burkina Faso, produisant un effet de contagion jusqu’aux frontières des États du golfe de Guinée. Au-delà de ce constat, l’objectif de « neutralisation » des chefs de l’Eigs et du Gsim n’est pas en phase avec les préoccupations sécuritaires des populations exposées aux conflits. Celles-ci craignent autant les exactions des forces armées nationales que celles des milices locales dans certaines zones contestées. Les violences ont également pris une tournure communautaire préoccupante avec l’émergence de groupes dits d’autodéfense qui polarisent les tensions et exacerbent un certain nombre de conflits préexistants à la crise.

Répondre aux préoccupations des populations

De façon inquiétante, l’importance des exactions des forces armées nationales montre les limites des politiques de coopération, menées depuis de nombreuses années, dans le domaine de la défense et de la sécurité. Il convient de s’interroger sur l’efficacité d’une stratégie qui passe avant tout par le renforcement du personnel et du matériel, mais sans impact significatif sur le terrain. Des approches complémentaires, visant à améliorer la confiance entre les communautés et les forces de défense et de sécurité au niveau local, ont montré des résultats probants, tels que la réduction des abus commis par les forces armées, l’amélioration du sentiment de sureté chez les populations et l’adoption de mesures sécuritaires élaborées conjointement avec les autorités.

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GAGNER LES CŒURS ET LES ESPRITS N’EST PAS L’OBJECTIF

L’objectif n’est pas de « gagner les cœurs et les esprits », mais de donner aux communautés les voies et les moyens de contribuer à leur sécurité, dans le respect des droits et des devoirs des citoyens et des acteurs régaliens. Dans certaines communes du centre du Mali et de l’ouest du Niger, par exemple, les efforts de Search for Common Ground et d’autres partenaires ont permis de renforcer la collaboration : les communautés n’hésitent plus à faire appel aux forces de défense et de sécurité pour prévenir les incidents violents, tandis que les autorités prennent davantage en considération les besoins exprimés par les populations.

L’exaspération et le désespoir des communautés qui vivent en zones de conflit se traduisent désormais par des manifestations récurrentes contre l’inaction des autorités face aux nombreuses attaques dont elles font l’objet. En témoignent celles ayant été organisées à la suite du massacre de Solhan au Burkina Faso. Dans ces conditions, les priorités des stratégies de stabilisation doivent être définies sur la base des besoins exprimés par les populations locales pour ne pas être perçues comme soutien aux élites ayant failli en matière de décentralisation, de démocratisation et de développement. Il convient également de prêter une attention particulière aux risques de protection spécifiques auxquels peuvent être confrontés les acteurs communautaires qui collaborent avec les forces de sécurité, trop souvent éludés dans l’appui apporté aux systèmes « d’alerte précoce-réponse rapide » et aux « activités civilo-militaires à impact rapide ».

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LE DÉPLOIEMENT EN COURS DES BATAILLONS DES FORCES ARMÉES RECONSTITUÉES DANS LE NORD DU MALI NE POURRA FAIRE L’ÉCONOMIE D’UN DIALOGUE INCLUSIF ET CONTINU

Restaurer l’autorité de l’État est un objectif central, mais qui n’est pas toujours viable dans des zones où il est largement absent et où sa présence n’est pas toujours considérée comme salutaire par les communautés. Dans ces régions dites périphériques, la majorité de la population vit en zones rurales. La faiblesse des services sociaux de base, l’absence de l’administration territoriale (en dehors des grands centres urbains) et le manque d’opportunités socio-économiques concourent au fait que les populations, et particulièrement les jeunes, ne comptent pas sur les autorités pour améliorer leur quotidien. La crise de gouvernance – qui caractérise ces espaces – répond à des causes profondes, à la fois historiques, sociopolitiques et géographiques. Elles ne pourront être réglées autrement que de façon endogène et holistique. À cet égard, le déploiement en cours des bataillons des forces armées reconstituées dans le nord du Mali ne pourra faire l’économie d’un processus de dialogue inclusif et continu autour du renforcement des services publics essentiels permettant de créer les conditions d’une confiance renouvelée entre les populations, les autorités et les acteurs de la sécurité.

Engager un travail de réconciliation

Enfin, il est nécessaire d’engager un travail de réconciliation dans les zones où les violences ont profondément divisé les populations, tout en mobilisant l’ensemble des instruments de l’aide publique au développement autour d’initiatives permettant d’améliorer le quotidien dans les zones relativement stables. Cela pour éviter la dislocation du tissu social et la propagation des discours de groupes extrémistes violents. Il est temps de soutenir (de façon plus systématique et coordonnée) les processus de transformation de conflits initiés par les parties prenantes locales, en leur donnant les moyens d’agir avec tous ceux qui ont la capacité de contribuer positivement à la construction de la paix. De ce point de vue, la politique du gouvernement nigérien – qui visait dès 2017 à encourager le désengagement et la réintégration des combattants de Boko Haram du côté du bassin du lac Tchad – est une tentative intéressante de formaliser les efforts de réconciliation d’abord entrepris localement.

Actuellement, des pans entiers de la région du Liptako-Gourma sont sous l’influence de groupes extrémistes violents qui entretiennent, de facto, des relations avec les autres acteurs des conflits. Ces derniers menacent et tuent les individus suspectés de collaborer avec les autorités, tout en s’appuyant sur les griefs locaux pour recruter parmi les membres des communautés en quête de revanche ou de protection. Compte tenu de leur ancrage local, l’option d’un dialogue incluant certains de ces groupes émerge progressivement depuis quelques années. Il faut d’ailleurs noter que les efforts de médiation déployés dans le centre du Mali avec les acteurs traditionnels, coutumiers et religieux, impliquent d’ores et déjà, de façon indirecte, certains groupes armés. La question des négociations n’est plus taboue à Bamako, Niamey et Ouagadougou, qui ont déjà indiqué avoir plus ou moins ouvertement engagé un dialogue avec certains groupes de façon pragmatique. Le secrétaire général de l’ONU et le conseiller Paix et Sécurité de l’Union africaine n’excluent pas cette option. Cela étant, les objectifs et les interlocuteurs permettant de dessiner les contours de solutions négociées restent à définir au cas par cas, de façon inclusive et concertée avec les communautés concernées. Celles-ci ne sont pas prêtes toujours et partout à pardonner les exactions dont elles sont victimes au nom de leur sécurité.

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DONNER L’OPPORTUNITÉ AUX POPULATIONS DE PARTICIPER AUX PRISES DE DÉCISIONS CONCERNANT L’AMÉLIORATION DE LEUR SÉCURITÉ ET DE LEURS CONDITIONS DE VIE

Plus que jamais, le Sahel fait l’objet de tensions entre les politiques publiques pour la stabilité portées par les États et leurs partenaires internationaux, d’une part, et l’aspiration au changement exprimée par les communautés épuisées par les conflits, de l’autre. Il n’est pas concevable d’engager un processus de construction de la paix sans leur donner l’opportunité  de participer activement aux prises de décisions concernant l’amélioration de leur sécurité et de leurs conditions de vie. Il est urgent de donner aux organisations de la société civile, particulièrement celles représentant les intérêts des femmes et des jeunes, l’opportunité de participer activement à la recherche de solutions négociées localement pour transformer les conflits de façon pacifique et repenser les politiques de stabilisation de la région.

Restitution de biens culturels africains : “Le musée est d’emblée jugé coupable”

Sophie Cachon

Publié le 12/07/21

L’AfricaMuseum, des collections uniques et variées, en provenance essentiellement de la République démocratique du Congo.

L’AfricaMuseum, des collections uniques et variées, en provenance essentiellement de la République démocratique du Congo.

THIERRY ROGE/BELGA MAG/Belga/AFP

La Belgique va restituer entre 1 500 et 35 000 objets culturels à la République du Congo. Une décision qui, comme en France, soulève des questions notamment méthodologiques. Julien Volper, conservateur au département d’art africain à l’AfricaMuseum à Tervuren, exprime ses doutes.

Six mois après la première loi d’exception française autorisant la restitution de pièces du musée du Quai Branly au Bénin, le gouvernement belge fait de même avec un projet de grande ampleur. Le 6 juillet, il annonçait la restitution de biens culturels africains à la République du Congo, autrefois colonie belge. Réaction pour le moins mitigée et à rebours du discours ambiant de Julien Volper, conservateur au département d’art africain de l’AfricaMuseum, ex-musée royal d’Afrique centrale, à Tervuren.

En tant que conservateur de la plus grande collection d’art d’Afrique centrale au monde, comment réagissez-vous à la décision du gouvernement belge ?
C’est une annonce surprenante, la décision s’est prise rapidement, sans que le gouvernement ne prenne le temps d’étudier à fond le dossier, tous les arguments n’ont pas été entendus. On prévoit de restituer de 1 500 à 35 000 pièces. « Il faut être proactif », nous dit-on. Cette idéologie décolonialiste comporte des risques. Le ministre, par exemple, ne parle pas de statut de légalité des œuvres, mais de « légitimité » des œuvres, c’est-à-dire qu’il n’est question que de morale, et non de droit. Ils comptent faire passer les œuvres du domaine public, donc inaliénables, au domaine privé de l’État, comme un bâtiment, par exemple, que l’on peut céder. On est face à une alliance de la démagogie, côté moral, et de libéralisme.

“Tout cela ne rentre dans aucun cadre juridique.”

Quels sont les critères pour la restitution des œuvres ?
Larges. On parle de prises de guerre, de pièces non obtenues à leur juste prix, ou prises sous pression, etc. Pour résumer, tout objet acheté est suspect. C’est l’inversion de la charge, le musée est d’emblée jugé coupable et doit prouver son innocence. On nous demande de faire des recherches de provenance pour prouver le contexte d’achat de l’œuvre. C’est impossible pour beaucoup de musées, et pas seulement dans le cas d’œuvres africaines, prenez par exemple un musée d’art et traditions populaires : y a-t-il des preuves, des factures ? Tout cela jette un doute sur l'institution et nous est imposé comme si c’était une obligation juridique alors que cela ne rentre dans aucun cadre juridique justement.

Le musée royal de l'Afrique centrale a Tervuren devrait restituer entre 1 500 et 35 000 objets culturels.

Le musée royal de l'Afrique centrale a Tervuren devrait restituer entre 1 500 et 35 000 objets culturels.

Philippe Clement/Belpress/Andia

Comment cela va-t-il se passer ? La RDC a-t-elle fait une liste de pièces demandées ?
On va probablement donner la propriété de ces œuvres à la RDC, mais elle les laissera en dépôt ici, en Belgique, à la charge de la Belgique. Pourquoi n’y aurait-il pas plutôt des coopérations entre pays, des contrats communs, pour la formation des conservateurs par exemple, comme cela s’est déjà fait ? Les pièces africaines n’intéressent pas tout le monde. Interrogé sur cette question il y a un an, le président congolais a répondu que la RDC avait beaucoup de problèmes et qu’ils avaient d’autres priorités. Ils n’ont pas établi de liste de pièces à restituer, le gouvernement belge compte leur demander ce qui les intéresse. Tout cela se fait sur le dos des collections nationales, avec une absence totale de défense de la part de l’institution muséale.

Guinée: l'ONG Amnesty International demande la libération de 57 détenus

Amnesty International demande la libération de prisonniers arrêtés lors des manifestations liés à la présidentielle de 2020 (Image d'illustration).
Amnesty International demande la libération de prisonniers arrêtés lors des manifestations liés à la présidentielle de 2020 (Image d'illustration). © ODD ANDERSEN/AFP

Après la remise en liberté, début mai, de 40 personnes détenues depuis les manifestations d'octobre 2020 autour de la présidentielle en Guinée, Amnesty International rappelle que 57 détenus, arrêtés dans les mêmes circonstances, sont toujours derrière les barreaux. L'ONG demande le respect de leurs droits et de la procédure pénale.

« En dépit de ces libérations et également de certaines grâces accordées par le chef d’État guinéen, il y a toujours des dizaines de personnes qui demeurent en détention, certaines dans des situations qui soulèvent certaines questions, rappelle Fabien Offner, du bureau régional d'Amnesty International à Dakar. Ce que l’on demande, c’est que, tout simplement, ils aient droit à un procès équitable. Il y a certains signes qui montrent qu’on pourrait en douter. »

Cela fait plus de sept mois qu’ils sont en détention provisoire. Pour Amnesty International, il faut que ces prisonniers soient jugés au plus vite, voire libérés.

Détention arbitraire

Fabien Offner cite le cas « symbolique » d'Oumar Sylla : « C’est un militant pro-démocratique, en détention arbitraire depuis bientôt dix mois maintenant, simplement pour avoir participé à des manifestations. Il doit être libéré. En dépit de plusieurs appels de la part de différentes organisations guinéennes et internationales, il demeure en détention, ce qui reste problématique ».