Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

En Période de Pandémie |PCI

Réflexion offerte par Mgr Marc Stenger, Co-Président de PCI

Nous pouvons le constater, le pandémie liée à la propagation du Coronavirus a un fort impact sur de nombreux aspects de la coexistence entre les hommes et à ce titre elle concerne aussi Pax Christi et la Doctrine Sociale de l’Eglise. Aujourd’hui beaucoup pensent à l’après – pandémie, comme à un temps où tout redeviendra comme avant, où on réalisera ce qu’on a reporté, et cela est bien compréhensible. Mais il est probable que rien ne sera plus comme avant – il faut en tout cas l’espérer -, après cette dure expérience et nous devons tous réfléchir sur l’après-coronavirus et ne pas penser simplement à reproduire nos discours et nos pratiques.

L’épidémie n’est pas seulement une urgence sanitaire. Elle touche et bouleverse toutes les structures sociales et met en lumière les nombreuses faiblesses de notre mode de vie. Le dévouement à l’extrême des personnels de santé ne parvient pas à masquer que nous n’étions pas prêts à affronter une tempête aussi lourde. Nous pouvons mesurer les insuffisances de notre système économique reposant de manière absolue sur la recherche du profit quitte à déséquilibrer tous les échanges, alors qu’en ce moment ils auraient dû au contraire être fluides et solidaires. Un seul exemple : l’enrayement de la production et de la fourniture de masques chez nous que la Chine vient heureusement compenser. On constate la validité de la critique de « Laudato Si » contre une société et un système qui font avec le choix de la délocalisation prévaloir les intérêts particuliers sur le bien commun.

De graves questions sont à poser sur le rapport entre l’homme et la nature. Une forme de « naturalisme » nous a fait oublier que « tout est lié », qu’il ne faut pas seulement se préoccuper de la nature mais aussi de l’homme, qu’on ne sauvera pas l’un sans l’autre, qu’il faut aussi sauver la vie de l’homme et ne pas nous laisser aller à des pratiques qui ne manifestent pas un regard responsable sur la valeur de la vie humaine. Si cette crise ne nous conduit pas à un examen de conscience approfondi sur le respect les uns des autres, sur la mise en œuvre de relations à tous niveaux, fondées non pas sur la force, mais sur le dialogue et la non-violence, elle ne nous poussera pas à quelque chose de nouveau. A cet égard nous devons nous interroger sur une mondialisation libérale bénéfique aux puissants, dont on mesure l’injustice pour les faible, et aussi sur les choix de violence qu’on fait sous le fallacieux prétexte de sécurité. Nous assistons à la mise en cause des modèles universels qui prétendent se tenir à l’écart des nations. Il nous faut enfin revisiter la place donné à la spiritualité, face à la prétention de l’homme à l’« autoréférentialité », comme dit le pape François.

Le 20 mars est le 7e anniversaire de son pontificat. Pendant ces sept années ses paroles fortes et l’humilité de sa posture ont été un signe vivant de l’Evangile en acte. Dans la crise que nous vivons il est une voix qui croit, qui espère, qui est pleine d’amour et de consolation pour tous, en particulier pour les plus faibles. Il plaide pour la justice, pour le respect des cultures, pour la reconnaissance de la valeur de chaque homme. Et il nous offre ce monument de « Laudato Si » qui pourrait devenir de plus en plus notre Charte au temps de l’après-coronavirus.

Source: Life in a time of a global pandemic crisis, Mgr Marc Stenger, Pax Christi International, 23.03.2

 
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Les Européens s’isolent | eurotopics.net

Du jour au lendemain, des millions d’Européens doivent s’adapter à un nouvel impératif : rester chez soi. La France est le dernier pays en date à avoir décrété un confinement général. Même dans les pays où la liberté de déplacement n’est pas encore soumise à des restrictions, beaucoup de citoyens restent chez eux pour freiner la progression de la pandémie de coronavirus. Les journalistes encouragent leurs lecteurs à tirer le meilleur parti de cette situation.

Un moment de contemplation dans un monde trépidant

Dans un post Facebook relayé par newsru.com, le chroniqueur Alexander Chmelev envisage l’épidémie comme une invitation à observer une pause dans un monde moderne que beaucoup trouvent infernal :

«De plus en plus de gens voudraient arrêter le cours du temps, cesser de courir comme des hamsters dans leur roue, sentir la terre ferme sous leurs pieds. … Le coronavirus nous accorde ce répit. Car la planète entière se trouve provisoirement en stand-by. La possibilité de mettre fin à une course interminable pour se réfugier dans un isolement méditatif. Les jours se suivent et se ressemblent, vous ne sortez nulle part, ne parlez à personne et avez tout loisir de réfléchir en toute quiétude aux questions fondamentales (par exemple à la vie et à la mort – une épidémie stimule la réflexion sur ces sujets), lire des gros livres et autres activités du même type. On ignore encore comment cette histoire finira, mais l’expérience sociale est extrêmement intéressante.»

Alexander Shmelev   —Accéder à l’article original

Nos objectifs éclatent comme des bulles de savon

Le coronavirus anéantit tous les petits objectifs que l’on se fixe et il faudra s’en accommoder, fait valoir la philosophe Barbara Bleisch dans Tages-Anzeiger :

«Car notre existence est truffée de choses que la professeure de philosophie au MIT de Boston, Kieran Setiya, qualifie de ‘téliques’ : des activités axées sur une finalité (en grec ‘telos’) qui entraînera leur accomplissement et donc leur conclusion. … Le coronavirus va nous faire passer cette marotte. Car beaucoup de nos objectifs se trouvent reportés à plus tard – quand ils ne sont pas tout bonnement annulés. Et il est difficile de se donner de nouveaux objectifs, car qui sait de quoi la semaine prochaine, le mois prochain seront faits ? Nous allons devoir apprendre à apprécier à leur juste valeur les activités moins orientées vers un but.»

Barbara Bleisch  —  Accéder à l’article original

Une soif d’infos inassouvissable

A suivre à la seconde près les dernières annonces, on risque aussi de tomber malade, met en garde The Times :

«Nous sommes assoiffés de nouvelles, et l’on espère que celles-ci nous apportent des réponses, et que ces réponses nous soient d’un secours. Nous croyons que nous armer d’informations nous donnera un sentiment de contrôle ; l’information, c’est le pouvoir, nous a-t-on toujours ressassé. Mais se gargariser d’informations n’apaisera en rien nos angoisses. … C’est aussi efficace que boire de l’eau salée pour étancher notre soif : si l’on en conçoit un réconfort initial, à terme, la soif est encore plus lancinante. … Nombreux sont ceux qui s’isolent des autres pour préserver leur santé physique ; pour notre santé mentale, nous serions bien inspirés d’installer un cordon sanitaire entre nous et l’information diffusée 24 heures sur 24.»

 
 

Lire, mais sans passer par Amazon

L’isolement imposé ouvre un boulevard aux assoiffés de lecture, se réjouit le blogueur et éditeur François Gèze sur Mediapart, qui conseille toutefois aux lecteurs d’observer quelques règles :

«Les librairies sont fermées. … Alors même que, sans les librairies de création, dont les responsables jouent un rôle essentiel pour faire connaître les idées neuves comme les innovations littéraires, de tels livres ne peuvent avoir ni visibilité ni audience. Avec la crise actuelle, il faut donc acheter en ligne les livres qui vous intéressent. Je vous invite à ne surtout pas les acheter chez Amazon (bouh !), mais sur les sites de vente en ligne des libraires indépendants. … Merci de faire largement circuler cette information. Ce sera aussi un important geste de soutien à ces librairies dont l’existence même est gravement menacée par la crise actuelle.»

L’art via Internet comme vecteur d’entraide

Grâce à Internet et aux réseaux sociaux, nous n’allons pas dépérir culturellement, souligne Milliyet, en nous appelant à honorer cette offre :

«Les livres, les téléfilms et les séries sont nos meilleurs amis du moment. Les réseaux sociaux vivent actuellement leur heure la plus efficace et la plus utile. Car ils permettent à l’art de nous toucher de sa grâce et de nous dire : ‘Nous ne sommes pas seuls, nous sommes encore et toujours unis par un lien’. … Et pourquoi ne verrait-on pas émerger des manifestations payantes avec des billets ? … On pourrait alors parler de solidarité mutuelle, car il va de soi que ces gens qui ont dû annuler leurs concerts et leurs pièces de théâtre se trouvent privés de leurs revenus.»

Source : Les Européens s’isolent | eurotopics.net, 17.03.20.

 
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[Tribune] Dominique Strauss-Kahn : « Le virus et l’Afrique »

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Après une carrière politique l'ayant conduit au ministère français de l'Économie et à la direction du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn conseille aujourd'hui certains chefs d’État africains en matière de finances publiques et dans leurs négociations avec le FMI.

Contrôles à l'entrée d'un hôpital de Harare, au Zimbabwe, le 21 mars 2020.

Face à la crise économique mondiale provoquée par la pandémie de coronavirus, l’ancien directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn appelle à construire une réponse planétaire coordonnée qui n’oublie pas le continent africain, dont les économies sont déjà fragiles.

Au 22 mars, un millier de cas d’infection par le coronavirus « seulement » étaient détectés dans plus de 40 pays d’Afrique. Ce chiffre semble évidemment assez faible.

Mais qu’il s’agisse d’un décalage dans la diffusion du virus ou d’une faiblesse du recensement, il est illusoire de croire que l’Afrique restera durablement à l’abri.

Or la plupart des pays africains sont bien mal équipés pour répondre à une telle pandémie. C’est le sens de la récente mise en garde de l’OMS suggérant que l’Afrique doit « se préparer au pire ».

En 2016, l’indice de vulnérabilité aux épidémies de la Rand Corporation situait en Afrique 22 des 25 pays les plus vulnérables. Si l’on prend comme indicateur, très imparfait il est vrai, l’épidémie d’Ebola en 2016, on mesure combien la tension exercée par ces épidémies sur un système de santé fragile peut être désastreuse.

Au Liberia, près d’un dixième des personnels de santé décédèrent en raison de leur exposition au virus et dans la Guinée voisine le nombre de consultations médicales fut divisé par deux au premier semestre 2014 en raison de la pénurie de moyens médicaux accaparés par la lutte contre le virus. En conséquence, la mortalité générale a fortement augmenté et l’espérance de vie a chuté de plusieurs années.

Changement climatique et poids de la dette

Or, l’épidémie frappe le continent africain à un moment où il est particulièrement vulnérable. Il y a à cela plusieurs raisons.

La première est liée à l’incapacité collective des pays industrialisés à combattre le changement climatique. En Afrique, 2019 a été une année catastrophique, plusieurs désastres naturels ont frappé le continent : la Zambie et le Zimbabwe ont connu la pire sécheresse depuis 1981 ; les cyclones Idai et Kenneth ont dévasté des régions entières notamment au Mozambique ; des invasions de criquets ont ravagé les récoltes d’Afrique de l’Est menaçant 20 millions de personnes de pénurie alimentaire.

La seconde raison, plus structurelle, tient à des situations budgétaires très tendues qui limitent les capacités de réponse à la crise. Globalement, le ratio dette/PIB des économies subsahariennes est passé de 30% en 2012 à 95% fin 2019.

Ceci est aggravé par l’accroissement de la part des emprunts commerciaux dans l’endettement total : depuis 2009, les gouvernements africains ont émis plus de 130 milliards de dollars d’Eurobonds dont plus de 70 entre 2017 et 2019. Ce sont des emprunts couteux : le service de la dette est passé de 17,4% des exportations en 2013 à 32,4% en 2019.

Aujourd’hui, 18 pays africains à bas revenus sont en crise d’endettement ou en grand risque de crise. Parce que l’Afrique est particulièrement vulnérable, les conséquences économiques du Covid-19 risquent d’y être encore plus dévastatrices qu’ailleurs.

Choc pétrolier et fuite des capitaux

La plateforme Pazflor, au large de l’Angola, est la plus grande barge flottante pétrolière du monde (illustration).

Pour les pays producteurs de pétrole dont certains se relèvent à peine de l’effondrement des cours de 2014-2016 , le choc peut être dramatique.

La semaine dernière le prix du pétrole a connu sa plus grande chute depuis la guerre du Golfe en 1991. Mercredi, le cours est tombé sous 25 dollars le baril contre 70, le 6 janvier. Les recettes budgétaires attendues par ces pays s’effondrent rendant insoutenable leur dette publique.

Pour les pays dont la production est plus diversifiée, la situation n’est pas meilleure. En janvier et février, les importations totales de la Chine n’ont baissé que de 4%, mais le chiffre monte à 20% pour celles qui viennent d’Afrique.

La chute des recettes touristiques frappe durement nombre d’économies : au Cap Vert, le tourisme représente 44% du PIB et 39% de l’emploi.

La bourse du Caire, en mars 2013 (Illustration).

En un mois, la fuite des capitaux dans les pays émergents représente près de 50 milliards de dollars

Ceci a conduit, le 13 mars, la Commission économique de l’Union africaine à réviser sa prévision de croissance pour 2020 de 3,2% à 1,8% alors que la croissance démographique est de 2,7% par an.

Toutefois, il est à craindre qu’il ne s’agisse là d’une prévision encore trop optimiste. Dans les semaines qui viennent, les flux de capitaux quittant l’Afrique vont atteindre des sommets jusqu’alors inconnus. Au cours des quatre dernières semaines la fuite des capitaux dans les pays émergents représente près de 50 milliards de dollars.

La crise sanitaire aura des répercussions terribles sur le plan économique. Dans de nombreux pays du continent, une diminution du PIB par habitant est à attendre, un endettement insoutenable rendra l’exécution des budgets impossible, le paiement des traitements des fonctionnaires sera fortement réduit et les services publics seront durement touchés, aux premiers rangs desquels, l’éducation et la santé.

La profonde crise économique dans nombre de pays africains, entraînant une forte dégradation des conditions de vie et l’effondrement des systèmes sanitaires nationaux, seront autant d’éléments qui accroîtront la pression migratoire vers l’Europe : ce ne sont plus des dizaines de milliers de migrants qui tenteront de rejoindre l’Europe, mais des centaines voire des millions.

Ne peut pas laisser l’Afrique de côté

La riposte économique est déjà engagée de Pékin à Washington. Aux États-Unis, le Congrès s’apprête à dépenser 1 300 milliards de dollars pour soutenir son économie. L’Allemagne et la Chine ont respectivement promis de débloquer 600 et 400 milliards de dollars de stimulus. Cet effort ne peut pas laisser l’Afrique de côté.

Face à l’ampleur de la crise prévisible, une mesure au moins aussi ambitieuse que le programme Pays Pauvres Très Endettés de 2005 doit être mise en œuvre rapidement et conduire à une annulation massive de la dette des pays les plus pauvres.

Depuis la mise en œuvre de ce programme doublée en 2009 par les prêts à taux zéro du FMI, la croissance africaine a été forte, de l’ordre de 5% en moyenne malgré la crise pétrolière de 2014.

Les dirigeants africains réunis lors du 33e sommet de l'Union africaine, à Addis-Abeba, le 9 février 2020.

Un programme d’allègement des dettes doit permettre à ces économies de ne pas sombrer

Le FMI vient de dégager un montant de $50 milliards avec seulement 10 milliards accessibles aux pays les plus fragiles. D’une part, c’est malheureusement loin du compte. Mais, d’autre part, ces mécanismes ne fonctionnent que si la dette est jugée soutenable, or justement pour de nombreux pays ce ne sera pas le cas.

C’est pourquoi un programme d’allègement des dettes – rendu plus difficile en raison de l’importance prise par les dettes commerciales – doit permettre à ces économies de ne pas sombrer à moyen terme.

À plus court terme, la communauté internationale doit envisager une émission massive de DTS, comme cela a été le cas en 2009.

Au niveau mondial, la riposte suppose une coordination planétaire analogue à celle qui a permis de surmonter la crise des subprimes et des décisions collectives de soutien économique doivent être prises comme cela a été le cas avec succès lors du G20 de Londres en avril 2009.

Même si la coopération économique multilatérale n’est pas au goût du jour depuis 2016, elle est plus que jamais indispensable.

L’Europe doit jouer un rôle particulier

Paul Biya et Emmanuel Macron, lors du sommet Europe-Afrique à Abidjan, le 29 novembre 2017.

Pour les Européens, tourner le dos à l’Afrique marquerait un recul considérable dans la coopération entre les deux continents

Pour l’Afrique, il faudra réunir autour d’un même compromis les leaders du continent, divers créanciers privés, les banques régionales, les institutions de Bretton Woods, le Club de Paris, la Chine et les philanthropes qui ont déjà appelé à créer des fonds dédiés à l’Afrique comme Jack Ma ou Mohamed Bouamatou.

La population subsaharienne devrait augmenter d’un milliard d’individus d’ici 2050. La communauté internationale ne peut pas laisser le coronavirus, les égoïsmes nationaux et les guerres commerciales entre les puissants faire dérailler la croissance du continent. Le risque serait alors que la pauvreté et ses conséquences en termes de malnutrition, de santé et d’instabilité sociale soient à l’origine de plus de sinistres que le virus lui-même. Une crise planétaire requiert une réponse planétaire.

Mais s’agissant de l’Afrique, l’Europe doit jouer un rôle particulier. Pour les Européens, tourner le dos à l’Afrique serait une tragédie humanitaire et marquerait un recul considérable dans la coopération entre les deux continents notamment sur les questions migratoires et la lutte contre le terrorisme.

 
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[Tribune] Les mégalopoles sont-elles prêtes au défi de l’accès à l’eau potable ?

 
 
Par

Président Afrique du CEPS (Centre d'études et de prospectives stratégiques), ancien président du comite Afrique du Medef international, ancien PDG Veolia Africa and Middle East et président du think tank (Re)Sources.

Production d'eau minérale de l'usine Ifri, à Ouzellaguen, Wilaya de Béjaia (Algérie).

Alors que les investissements visant à développer les infrastructures nécessaires à contrer les situations de risques                 de « stress hydrique » sont aujourd’hui largement insuffisants, le recours à l’eau en bouteille fait figure de solution transitoire pour les classes moyennes des pays émergents.

Le monde a soif : près de 1,7 milliard d’êtres humains, soit une personne sur quatre, se trouvent déjà en état de « stress hydrique grave », selon un rapport publié en août dernier par le World Resources Institute (WRI). Et même si des solutions existent et sont utilisées parfois à très grande échelle -dessalement, Re-Use – la pénurie engendre dans certaines régions du monde une cascade sans retour : insécurité alimentaire, conflits armés, migrations, instabilités financières…

Un stress hydrique renforcé par l’explosion urbaine

Des conséquences dramatiques, qui le seront encore davantage avec l’urbanisation croissante de nos sociétés. Car si le monde est un village, notre planète ressemble de plus en plus à une immense métropole. Plus d’un humain sur deux (55 %) est, en effet, un citadin. En 2050, les centres urbains concentreront près de 70 % de la population mondiale et la planète comptera plus d’une quarantaine de mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants, dont une quinzaine, comme Le Caire, Lagos ou Kinshasa, dépasseront même les 20 millions de résidents.

Cette urbanisation galopante se constatera principalement dans les pays d’Asie et d’Afrique, avec doublement de la population en moins de 30 ans. L’Inde, le Nigeria et la Chine concentreront, à eux seuls, plus d’un tiers de la croissance de la population urbaine. Pour quels effets sur la gestion de l’eau ? Comment s’y préparent ces gigantesques aires urbaines ?

De l’Afrique à l’Asie, le manque d’eau potable tue

L’Afrique reste la région la plus directement menacée par les pénuries et celle ou l’expansion démographique est la plus notable, près de 4 % par an. L’explosion démographique, l’urbanisation sauvage et le nécessaire développement agricole croissant pour subvenir aux populations se conjuguent, aspirant jusqu’à la dernière goutte des réserves, déjà critiques, du continent.

En cause également, la faiblesse continue des investissements dans le secteur alors que les besoins des populations sont chiffrés et connus. Mais la mauvaise qualité, chronique, des infrastructures liées à l’eau peine à positionner ces investissements en tête des agendas de politiques publiques. Les États africains ne dépensent ainsi que 2 % de leur PIB dans le secteur, contre 8,8 % en Chine. Entre 2016 et 2018, les secteurs africains de l’eau n’ont réussi à mobiliser que 13 milliards de dollars en moyenne. Il en aurait fallu entre 56 et 66 milliards.

Les conséquences de cette incurie sont, hélas, prévisibles, et se traduisent notamment par l’expansion de maladies comme le choléra, la dysenterie ou la typhoïde. Les chiffres sont connus. Les constats publiés et même brandis… Pour quelle prise de conscience, quelle mobilisation ?

L’eau en bouteille, une solution provisoire ?

L’accès à l’eau potable n’est donc pas seulement un enjeu alimentaire, c’est aussi une question sanitaire. Souvent perçue comme une forme de « consommation ostentatoire » des classes moyennes africaines ou asiatiques, l’eau minérale en bouteille est surtout la seule solution pour accéder à une eau saine, sans risque et contourner les rudimentaires infrastructures de traitement et de distribution du précieux « or bleu ».

Pourtant, l’eau en bouteille est parfois mal perçue, notamment en Occident, où l’on considère qu’elle « marchandise » un bien public. Assurément, l’eau n’est pas un bien comme un autre, et si commerce il y a, c’est bien celui du service de l’eau, pas de sa source d’origine. Le sujet dépasse le cadre strict de l’économie : enjeux humanitaires, philosophiques, voire religieux. À chaque continent, chaque culture, son approche : en Inde, elle a une dimension sacrée, et sa distribution ne peut pas être abordée de la même manière qu’en Europe par exemple. Et de fait, il n’y a pas un pays ou on « traite » l’eau comme n’importe quelle ressource.

La principale limite à la consommation de l’eau minérale embouteillée est écologique : on ne peut éluder la pollution dramatique provoquée par une mauvaise gestion des déchets plastiques. Heureusement, certains pays, la Cote d’Ivoire ou le Maroc intègrent le traitement et le recyclage pour consolider de vraies filières industrielles. On peut aussi souligner l’importance de la conversion de certaines entreprises du secteur de l’eau minérale qui troquent progressivement le plastique pour le verre afin de réduire l’impact de ces déchets sur l’environnement.

En attendant que les infrastructures de collecte et de distribution de l’eau soient suffisantes, la consommation d’eaux minérales en bouteille demeure une solution provisoire, mais indispensable pour une partie de ces populations. Mais sur le long terme, seule une gestion coordonnée et juste des ressources à l’échelle régionale – comme c’est le cas dans le bassin du Niger – pourra assurer une meilleure répartition de l’eau potable. Le défi est avant tout politique.

 
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Guinée: le rapport de l’OIF qui pointe les failles du processus électoral

Deux femmes passent devant une inscription laissée par les opposants à une réforme de la Constitution, à Conakry.
Deux femmes passent devant une inscription laissée par les opposants à une réforme de la Constitution, à Conakry. Carol Valade/RFI

Dimanche 22 mars doit se tenir en Guinée le double scrutin couplant élections législatives (déjà reportées à quatre reprises) et le référendum constitutionnel. Le FNDC, certain qu’Alpha Condé compte l’utiliser pour briguer un troisième mandat en violation de l’actuelle loi fondamentale, s’y oppose catégoriquement. La contestation a déjà coûté la vie à une trentaine de personnes depuis octobre 2019 et les poids lourds de l’opposition boycottent le scrutin. Un rapport de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) vient aujourd’hui confirmer certains de leurs doutes sur le fichier électoral.

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De notre correspondant à Conakry

Le rapport n’était pas censé sortir avant la dernière mission de l’OIF,  annulée in extremis. RFI a néanmoins pu le consulter.

L’organisation s’est depuis retirée du processus électoral, suivie par l’Union africaine et la Cédéao qui préconise d’écarter près de 2,5 millions de noms identifiés par le rapport. Presque un tiers du corps électoral. Plus facile à dire qu’à faire.

Ces électeurs sont enregistrés légalement, selon la Céni - et les pièces justificatives n’ont pas été archivées (ce n’était pas prévu par la loi) - mais ne sont pas revenus s’enrôler en 2019 soit par indisponibilité soit parce qu’ils se savaient déjà inscrits.

Si leur radiation permet d’éliminer les personnes décédées, elle prive aussi certains citoyens (dont plusieurs commissaires de la Céni) du droit de vote. « Si c’est pour la paix dans notre pays, nous l’acceptons à contre-coeur », explique Djenab Camara Touré, directrice du fichier électoral à la Céni.

Le fichier reste problématique

Le code électoral ne permettant pas la radiation sans acte de décès, la Céni compte saisir la Cour constitutionnelle. Certains électeurs déjà munis de leur carte se verront refuser l’accès aux isoloirs. Malgré la « sensibilisation » promise, pas sûr que la paix règne dans les bureaux de vote dimanche.

« Leur objectif n’est pas d’avoir un fichier cohérent mais juste d’obtenir le retour des observateurs », lance, amer, un commissaire de la Céni sous couvert d’anonymat.

Dans son rapport, l’OIF note aussi des irrégularités, des doublons persistants et des électeurs avec plusieurs cartes [Recommandation R5 du rapport, NDLR]. Parmi les cinq millions qui resteront sur les listes. Deux millions sont inscrits avec pour seule pièce justificative une attestation contresignée. Le rapport d’audit sur le fichier électoral préconisait de mettre un terme à cette pratique.

Le cas Kankan

Des données présentées par l’OIF, il ressort une concentration d’anomalies dans la région de Kankan, réputée fief du parti au pouvoir.

Outre la forte augmentation de sa population (+54%) en cinq ans et un taux de décès enregistrés particulièrement faible (0,44% contre 18,12% à Nzérékoré), le rapport vient confirmer les accusations portées par l’opposition : plus de 30 000 mineurs y ont été enrôlés avant d’être radiés grâce à la détection faciale. « Mais combien sont passés entre les mailles du filet ? », s’inquiète le commissaire.

C’est aussi à Kankan que la Céni a déployé la plus grande capacité d’enrôlement : trois fois supérieure à la population estimée selon les chiffres de l’OIF. À Conakry, cette capacité est 2,5 fois inférieure au nombre d’électeurs potentiels.

« Soit la formation n’a pas bien fonctionné, soit les agents n’ont pas bien fait leur travail », reconnait Djenab Camara Touré. « Mais le problème fondamental repose sur l’absence d’état civil. Les naissances sont rarement enregistrées et les décès presque jamais », déplore-t-elle.

Une Céni politique

Le rapport d’audit recommandait que chaque électeur vienne à nouveau se présenter physiquement devant la machine biométrique pour obtenir un fichier fiable.

« Sa mise en œuvre aurait nécessité d’amender les dispositions du code électoral » indique l’OIF, mais « les partis politiques ont bloqué les textes à l’Assemblée » accuse Djenab Camara Touré. « C’est de la mauvaise foi, tout le monde était d’accord pour l’appliquer », rétorque un commissaire issu de l’opposition. « La Céni ne dispose pas d’une structure technique professionnelle indépendante des aléas politiques », tranche le rapport de l’OIF.

« Dans ce climat de défiance, comment vérifier que la Céni épure correctement le fichier ? » s’interroge un diplomate occidental. Pour l’opposition, il faut tout reprendre à zéro et rouvrir l’enrôlement des électeurs. Mais la Céni ne l’entend pas de cette oreille.

Pourquoi tant d'empressement ?

« Procéder à une mise à jour partielle et non à la refonte du fichier électoral (…) ne permettait pas de répondre aux recommandations de l’audit », indique le rapport. La Céni a-t-elle réellement tenté de les appliquer ? Des éléments sèment le doute.

Le code électoral impose une révision ordinaire des listes du 1er octobre au 31 décembre mais la Céni a opté pour une révision exceptionnelle de 25 jours, ponctuée de nombreux dysfonctionnements. Seules vingt commissions administratives sur près de 4 000 ont enrôlé durant toute la période, en raison d’incidents techniques, de grèves, de fraudes impliquant des agents de recensement ou de rupture des documents notamment.

Le dispositif d’enrôlement n’était prévu que pour 1,5 million d’électeurs avant d’être élargi à la demande de l’OIF, « mais le délai n’a pas été rallongé », souligne le rapport.

« L’enrôlement s’est fait dans un contexte tendu de manifestations, se défend Djénab Camara Touré. Techniquement, la capacité d’enrôlement était là mais l’histoire nous montre que les gens ne viennent jamais tous, quel que soit le délai accordé ».

« Dans une volonté de tenir ces élections avant la fin de cette année, la Céni a compressé certains délais techniques », poursuit le rapport. Pourquoi la Céni a-t-elle pressé le pas, contre l’avis de l’OIF, des partenaires, de l’opposition et même de ses propres commissaires ? Beaucoup renvoient à l’allocution du président Alpha Condé le 4 septembre 2019 insistant pour que « ces élections se tiennent dans le courant de cette année ».

Inclusivité

« Je précise encore, une précision importante : ne seront concernés que les partis qui sont déjà engagés dans la compétition », martèle le chef de l’État lorsqu’il annonce le report des élections le soir du 28 février. Les poids lourds de l’opposition, qui ont choisi de boycotter le double scrutin en raison des défaillances du fichier, sont maintenus hors du jeu électoral.

« Le chef de l’État en fait une affaire personnelle avec ses deux principaux concurrents », analyse un observateur. « Mais il s’est pris à son propre piège : d’un côté ses pairs réclament des élections crédibles et inclusives, de l’autre son parti et ses alliés veulent voter dès que possible sans la participation de l’opposition qui réduirait leurs chances d’obtenir un siège à l’Assemblée. Un nouveau report fragiliserait la mouvance. »

L’OIF, la Cédéao et l’Union africaine réintégreront-elles le processus malgré l’absence de l’opposition ? La Cour de justice de la Cédéao doit se prononcer jeudi sur un recours déposé par le FNDC contre le référendum tandis qu’une délégation composée des chefs d’État de la Côte d’Ivoire, du Ghana et du Nigeria pourrait se rendre à Conakry ce mardi pour aborder la question de l’inclusivité. Parviendront-ils à convaincre Alpha Condé ou trouveront-ils porte close comme la précédente délégation ? « J’espère que la Guinée ne va se fâcher avec tout le monde » déclarait dimanche Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de l’OIF sur RFI.

Pour suivre l’auteur : @carolvalade


DROIT DE RÉPONSE

Suite à la publication de cet article, Djenab Camara Touré a demandé un droit de réponse portant sur 5 points:

1) Nul part dans le rapport de l’OIF il n’est mentionné la présence de doublons et irrégularités persistantes sur les cinq millions d’électeurs qui restaient sur les listes électorales.

2) Je vous renvoie à la lecture du rapport de l’OIF page 4, point 7 qui mentionne : « Le cadre juridique du processus électoral n’a pas fait l’objet de modifications substantielles depuis les dernières élections communales de 2018. La non révision de certaines dispositions du code électoral a cependant constitué un obstacle à la mise en œuvre de la première recommandation du rapport d’audit (R1) , qui suggère que tous les électeurs présents dans le fichier électoral de 2015 repassent physiquement devant les kits d’enrôlement pour confirmer leur inscription. La question des électeurs qui ne se sont pas présentés à l’enrôlement pour des raisons diverses, reste ainsi pendante  ».

3) Des contres vérités sont dans votre reportage sur le nombre de kits déployés dans la région de Kankan, le rapport à la page 19 dans le tableau de répartition des kits d’enrôlement et CAERLE :

- Conakry: 818 CAERLE et kits
- Kankan : 629 CAERLE et kits

La panne des kits a été plus récurrente dans les régions N’ZÉRÉKORÉ et KANKAN. Les commentaires dans le rapport sont positifs contrairement aux affirmations que vous faites dans votre reportage. Il n’est point question d’anomalies.

4) La concentration d’anomalies à Kankan n’est citée nul part dans le rapport de l’OIF.

5) Nul part dans le rapport de l’OIF, la situation des 2 438 992 ne sont problématiques mais plutôt l’attention de la classe politique est attirée dessus.