Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

La police veut démanteler le Mouvement islamique du Nigeria

Manifestation pour la libération d'Ibrahim Zakzaki, chef du Mouvement islamique du Nigeria (MIN) à Abuja, le 10 juillet 2019.
© Kola SULAIMON / AFP

Les tensions restent vives entre Abuja et le Mouvement islamique du Nigeria (MIN). Le parti est toujours considéré comme une organisation terroriste. Les forces de l’ordre continuent de poursuivre les membres du MIN responsables d’actes de violence lors de manifestations.

Deux bulletins officiels affichent le Mouvement islamique du Nigeria (MIN) comme terroriste depuis près de trois semaines. Selon les autorités nigérianes, le MIN appelle à une République islamique et ne respecte pas la Constitution nigériane.

En plus, pour Abuja, l'organisation chiite est responsable d'actes de violence dans une manifestation fin juillet. Cet événement avait été marqué par la mort d'un officier de police et d'un journaliste.

Les rassemblements, réunions, processions lancés au nom du Mouvement islamique du Nigeria sont formellement interdits. Alors que le MIN a fait appel de cette mise au ban, la police nigériane compte strictement appliquer la loi et le démanteler.

►À lire aussi : Qu'est-ce que le Mouvement islamique du Nigeria ?

Les membres du MIN ont rejoint la liste des ennemis publics du Nigeria. Et de fait, tout policier nigérian a pour mission prioritaire de les neutraliser. Pour l'officier supérieur Frank Mba, porte-parole des forces de police du Nigeria, la loi nigériane n’est pas plus sévère qu’ailleurs :

« Le MIN a une organisation paramilitaire appelée “les Hurras”. Ils sont connus pour avoir mené des attaques contre des symboles de l'autorité de l'État fédéral. Ils s'en sont pris à des individus. Nos lois ne sont pas différentes de celles d'autres pays. Partout où nous les verrons, nous les poursuivrons dans le cadre des lois anti-terroristes en vigueur ici au Nigeria. »

Point par point, le MIN conteste cette interdiction. Abdurrahman Abubakar, une voix influente du mouvement chiite, mène la bataille judiciaire à Abuja contre le classement du MIN comme organisation terroriste :

« Nous sommes pacifiques et nous allons le demeurer. Aucune intimidation ne va nous faire craquer. C’est pourquoi nous avons fait appel de cette décision judiciaire nous classant en groupe terroriste. Nous avons préparé une plainte auprès de la Cour pénale internationale. Il y a de nombreuses questions auxquelles le gouvernement nigérian va devoir répondre. »

Abdurrahman Abubakar n'envisage pas d'entrer en clandestinité. Malgré les avis de recherche lancés contre les membres du MIN. Le cheikh Ibrahim Zakzaky, chef du mouvement chiite, est en détention depuis son retour d'Inde sans le moindre soin.

Il est toujours considéré par les autorités nigérianes comme le chef d’une organisation terroriste. La Justice nigériane ne s'est pas encore prononcée sur la poursuite ou non de la liberté conditionnelle du leader du MIN.

 

Sur le même sujet

Naufrages en Méditerranée : l’UE coupable de crimes contre l’humanité?
The Conversation

 

Deux avocats – Omer Shatz membre de l’ONG Global Legal Action Network et Juan Branco, dont le livre Crépuscule a récemment créé la polémique en France – ont déposé une plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) à Paris le 3 juin dernier.

Cette plainte qualifie de crimes contre l’humanité les politiques migratoires des États membres de l’Union européenne (UE) en Méditerranée.

Kerstin Carlson, University of Southern Denmark

 

Selon le journal Le Monde :

Pour les deux avocats, en permettant le refoulement des migrants en Libye, les responsables de l’UE se seraient rendus complices « d’expulsion, de meurtre, d’emprisonnement, d’asservissement, de torture, de viol, de persécution et d’autres actes inhumains, [commis] dans des camps de détention et les centres de torture libyens ».

Les deux avocats ont transmis un rapport d’enquête de 245 pages sur la politique méditerranéenne de l’UE en matière de migration, à la procureure de la Cour, Fatou Bensouda, qui doit décider si elle souhaite ouvrir une enquête préliminaire sur la criminalité liée au traitement des migrants en Europe.

Ils démontrent que la politique migratoire de l’UE est fondée sur la dissuasion et que les migrants noyés sont un élément délibéré de cette politique. Le droit international qu’ils allèguent avoir été violé – les crimes contre l’humanité – s’applique aux politiques étatiques pratiquées même en dehors des conflits armés.

Sur les plans doctrinal et juridique, la CPI peut agir. La question qui demeure est politique : la CPI peut-elle et doit-elle s’en prendre à ses fondateurs sur leurs propres territoires ?

Il y a deux raisons pour lesquelles la réponse est catégoriquement oui. Premièrement, la plainte porte sur ce qui est devenu une impasse en matière de droits au sein de l’UE. En s’attaquant à un domaine qui paralyse d’autres cours supranationales, la CPI peut remplir son rôle d’institution judiciaire de dernier ressort. Deuxièmement, en se tournant vers ses fondateurs (et ses bailleurs de fonds), la CPI peut répliquer à ses détracteurs qui l’accusent d’avoir adopté une posture néocolonialiste vis-à-vis du continent africain, une image qui la poursuit depuis au moins la dernière décennie.

La légitimité de la cour pénale

La CPI est la première cour pénale internationale permanente au monde. Fondée en 2002, elle compte actuellement 122 états membres.

Jusqu’à présent, la cour n’a poursuivi que des ressortissants issus de pays africains. Cela a conduit à des critiques persistantes selon lesquelles il s’agit d’une institution néocoloniale qui « ne poursuit que les Africains », ne jugeant que les adversaires politiques de certains leaders ayant fait appel à la CPI.

En retour, cela a conduit à des pressions à l’encontre de la cour de la part d’acteurs puissants comme l’Union africaine, qui exhorte ses membres à quitter la cour.

Le premier départ du tribunal a eu lieu en 2017, avec le Burundi. Les Philippines en est sorti en mars 2019.


Read more: L’Afrique et la Cour pénale internationale : chronique d’un divorce annoncé


Les deux états font actuellement l’objet d’enquêtes au sein de la CPI : respectivement au sujet d’exactions commises au Burundi depuis 2015 et aux Philippines concernant la campagne de lutte contre la drogue menée par le président Duterte. L’Afrique du Sud avait menacé de se retirer, avant de faire machine arrière.

C’est dans ce contexte sensible que le procureur de la CPI avait décidé en 2017 d’enquêter sur les exactions commises en Afghanistan par les talibans, mais aussi par les forces militaires étrangères actives en Afghanistan, y compris les forces armées américaines. Si l’acte avait été alors salué, le projet n’a pu aboutir.

Les États-Unis, qui ne sont pas membres de la CPI, se sont violemment opposés à toute possibilité d’investigation. En avril 2019, la CPI a annoncé qu’une chambre préliminaire avait mis fin à l’enquête car l’opposition américaine rendait toute action de la CPI impossible. Une décision qui a suscité de vives réactions et beaucoup de frustrations au sein des organisations internationales.

La CPI connaît une période de forte turbulence et de crise de légitimité face à des états récalcitrants. Un autre scénario est-il envisageable dans un contexte où les états mis en cause sont des états membres de l’Union européenne ?

Migrations vers l’Union européene

On estime que plus de 30 000 personnes migrantes se sont noyées en Méditerranée au cours des trois dernières décennies. L’attention internationale s’est attardée sur leur sort lors de la vague migratoire de 2015, lorsque l’image du jeune Alan Kurdi, 3 ans, face contre terre sur une plage turque, a circulé dans le monde.

Plus d’un million de personnes sont entrées en Europe cette année-là. Cela a conduit l’UE et ses États membres à fermer les frontières terrestres et maritimes à l’Est en érigeant des clôtures et en concluant un accord de 3 milliards d’euros avec la Turquie pour y maintenir les migrants. Des navires de l’OTAN ont été positionnés dans la mer Égée pour capturer et rapatrier les migrants.

Les projets de sauvetage des migrants, tels que le programme italien Mare Nostrum – qui a permis de sauver 150 000 migrants en 2013-2014,- ont été remplacés par des projets de garde-frontières. Les pressions politiques visant à réduire le nombre de migrants qui ont atteint les côtes européennes ont conduit à la révocation et non-renouvellement des licences pour les bateaux enregistrés auprès d’ONG dont l’objectif était de sauver les migrants en mer. Cela a conduit à la situation actuelle, où il n’y a qu’un seul bateau de patrouille la Méditerranée.

L’UE a confié des missions de recherche et de sauvetage aux garde-côtes libyens, qui ont été accusés à plusieurs reprises d’atrocités contre les migrants. Les pays européens négocient désormais l’accueil des migrants méditerranéens au cas par cas et s’appuyant sur des réseaux associatifs et bénévoles.

Une impasse juridique

Le droit international et supranational s’applique aux migrants, mais jusqu’à présent, il ne les a pas suffisamment protégés. Le droit de la mer est par ailleurs régulièrement invoqué.

Il exige que les navires recueillent les personnes dans le besoin.

Une série de refus d’autoriser les navires à débarquer des migrants sauvés en mer a mis en péril cette doctrine internationale.

Au sein de l’UE, la Cour de justice supervise les politiques relatives aux migrations et aux réfugiés.

Mais cette responsabilité semble avoir été écartée au profit d’un accord conclu il y a déjà deux ans avec la Libye. Cet accord est pour certains une dont certains l’équivalent d’une « condamnation à morts » vis-à-vis des migrants.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’homme a été perçue comme une institution ne soutenant pas spécialement la cause des migrants.

Certes, en 2012 ce tribunal avait mis en avant la situation de ressortissants somaliens et érythréens. Interceptés en mer par les autorités italiennes, ils avaient été forcés avec 200 autres à retourner en Libye où leurs droits civiques et physiques n’étaient pas respectés, et leurs vies en danger. Portée par des organisations humanitaires, l’affaire avait conduit à un jugement de la cour stipulant :

« que quand des individus sont interceptés dans des eaux internationales, les autorités gouvernementales sont obligées de s’aligner sur les lois internationales régulant les droits de l’Homme. »

Cette position avait été célébrée dans ce qui semblait constituer une avancée pour les droits des migrants en mer. Il n’est cependant pas clair dans quelle mesure cette affaire peut s’appliquer dans d’autres cas et faire jurisprudence.

Si les tribunaux européens sont invoqués et rendent leurs avis, le contexte migratoire empire, or les mécanismes, les politiques et les engagements européens et internationaux existants en matière de droits ne produisent pas de changement.

Dans cette impasse juridique, l’introduction d’un nouveau paradigme semble essentielle.

Remplir pleinement son rôle

Dans ce contexte complexe, un élément fondateur de la CPI peut jouer un rôle : le principe de complémentarité.

Elle [la complémentarité] crée une relation inédite entre les juridictions nationales et la Cour permettant un équilibre entre leurs compétences respectives.

Cela signifie que le tribunal n’intervient que lorsque les États ne peuvent ou ne veulent pas agir de leur propre chef.

Jusqu’à présent, la complémentarité a joué un rôle central inattendu dans les affaires dont la CPI a été saisie jusqu’à présent, les États africains s’étant autoproclamés incompétents, invoquant le manque de ressources (notamment juridiques) nécessaires.

Cela a cependant grandement contribué à l’échec politique de la CPI sur le continent africain. Des gouvernements abusifs ont ainsi profité de ce système pour remettre à la CPI des adversaires politiques tout en se plaignant simultanément de l’ingérence de la CPI dans leurs affaires internes.

Ce n’est pas ainsi que la complémentarité devait fonctionner.

Le refus d’action de l’UE doit pousser la CPI à agir

L’impasse dans laquelle se trouve actuellement l’UE en ce qui concerne les droits en matière de migration montre ce que la complémentarité est censée faire – accorder la primauté aux États souverains sur l’application de la loi et intervenir uniquement lorsque les États violent le droit humanitaire et refusent d’agir.

La dernière décennie de migrations meurtrières, conjuguée à une politique de réfugiés délibérément délaissée en Europe, constitue une telle situation.

Les migrants potentiels ne votent pas et ne peuvent pas être représentés politiquement dans l’UE.

Leur protection ne dépend donc que des normes relatives aux droits de l’Homme et des engagements internationaux qui les entérinent. Ces normes ne sont pas appliquées, en partie parce que les questions de citoyenneté et de sécurité des frontières sont restées largement du ressort des États souverains. Ces politiques se traduisent aujourd’hui par un « crime contre l’humanité » continu.

La CPI est peut-être l’institution qui sera capable de dénouer la situation complexe et l’impasse actuelle en menaçant de traduire les dirigeants européens en justice, faisant ainsi écho avec les idéaux progressistes qui ont nourri sa construction.

Kerstin Carlson, Associate Professor International Law, University of Southern Denmark

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

La lutte des femmes noires en politique
a commencé dès la Résistance française |The Conversation

 

Quand une femme noire, métisse ou issue d’une minorité ethnique occupe un haut poste dans la fonction publique, en Europe comme aux États-Unis, il semblerait que chacune de ses actions soit méticuleusement décortiquée et scrutée.

C’est le cas aux États-Unis de quatre députées du Congrès américain, surnommées « The Squad » par les médias. Alexandria Ocasio-Cortez, Rashida Tlaib, Ayanna Pressley et Ilhan Omar voient souvent leur citoyenneté remise en question non seulement dans les médias mais aussi au sein du gouvernement. Aux yeux de certains, elles ne sont pas assez américaines.

Annette Joseph-Gabriel, University of Michigan

Outre-Atlantique, dans des pays où l’on se targue, comme en France, d’être moins raciste qu’aux États-Unis, des femmes ministres de gouvernements ont fait l’objet d’accusations similaires ces dernières années.

L’ancienne ministre française de la Justice Christiane Taubira, première femme noire en charge de cette haute fonction, autant que la membre du Parlement européen Cécile Kyenge – la première femme noire avec un poste de ministre en Italie – ont été caricaturées à travers l’utilisation d’images insultantes.

Elles ont fait l’objet de moqueries, de railleries et de propos racistes et leur légitimité au sein du paysage politique européen n’a eu cesse d’être critiqué. Plus récemment, la député française Laetitia Avia, motivée par les insultes racistes qu’elle subit quotidiennement sur les réseaux sociaux, a proposé une loi pour lutter contre la haine sur Internet. Celle-ci a été approuvée et votée le 9 juillet.

Mes recherches historiques sur la race et le genre montrent que ces discriminations contre les femmes noires dans la politique datent de bien avant l’époque actuelle.

En France, le nom de deux femmes politiques viennent à l’esprit : Eugénie Éboué-Tell, née à Cayenne en Guyane, membre de l’Assemblée nationale et Jane Vialle, née à Ouesso au Congo, devenue sénatrice. Toutes deux ont combattu contre les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale mais, à leur entrée en politique, ont été victimes de discrimination et de racisme.

Le rôle méconnu des femmes noires durant la Résistance

Les femmes noires françaises ont joué des rôles importants et souvent négligés dans les révoltes et en particulier dans la Résistance française.

Elles opéraient comme espionnes, infirmières et passeuses clandestines.

Mon livre à paraître en janvier 2020, révèle les bouleversements politiques des deux premières sénatrices noires de France, Eugénie Éboué-Tell et Jane Vialle, après qu’elles aient introduit leur combat pour l’égalité raciale dans l’agenda du gouvernement.

Eugenie Éboué-Tell. Assemblée nationale

Eugénie Éboué-Tell née en Guyane française, était l’épouse de Félix Eboué, administrateur colonial en Afrique. En 1939, elle rejoint le corps auxiliaire féminin en tant qu’infirmière dans la jeune armée de la Résistance en Afrique centrale.

La position sociale de son mari a mis en lumière l’engagement militaire d’Éboué-Tell. À travers elle, ce sont les implications africaines du mouvement de la Résistance française qui ont été rendues plus visibles, et avec elles, leurs propres volontés dissidentes vis-à-vis des politiques coloniales de l’époque.

En 1940, Éboué-Tell est condamnée à mort par contumace par le gouvernement de Vichy pour avoir rejoint la Résistance. La victoire des Alliés change son destin : Eugénie Éboué-Tell n’est plus une « femme à abattre » mais une politicienne et résistante de plein droit. Elle reçoit au moins 26 médailles pour ses contributions à la Résistance y compris une Croix de guerre et une Médaille de la Résistance.

En 1945 elle est élue à l’Assemblée nationale et un an plus tard au Sénat. Elle y rencontre une autre femme noire, une autre figure proéminente de la Résistance française, Jane Vialle.

Questionner l’oppression française de l’intérieur

Vialle, née en 1906 en République du Congo, s’installe à Paris avec son père à l’âge de sept ans. Elle travaillait comme journaliste lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté.

Jane Vialle, une journaliste devenue espionne puis sénatrice française. Sénat

Vialle quitte alors Paris et devient une agente clandestine de « Combat », l’un des trois grands mouvements de Résistance du sud de la France. En tant qu’espionne, Vialle recueillait des renseignements sur les mouvements des troupes nazies à travers l’Europe.

Arrêtée en janvier 1943, elle est accusée de trahison. Dans les enregistrements du procès, le procureur français de Vichy déclarait que Vialle avait si bien codé ses données que, lorsque sa maison fut perquisitionnée, la police n’a pas pu décrypter son code.

Vialle est envoyée dans un camp de concentration puis déplacée dans une prison pour femmes à Marseille. Les documents historiques que j’ai trouvés diffèrent sur la façon dont elle a survécu à l’incarcération : grâce à une fuite ou par une libération.

Ces imprécisions témoignent bien du silence et des ambiguïtés qui entourent l’histoire et le rôle des femmes noires pendant la Seconde Guerre mondiale.

Comme Éboué-Tell, Vialle reçoit la Médaille de la Résistance. Elle est élue au Sénat français en 1947.

Poursuivre la résistance après la Seconde Guerre mondiale

Après des campagnes électorales centrées sur leur rôle dans la Résistance, Éboué-Tell et Vialle se sont servies du pouvoir politique acquis grâce aux postes au Sénat pour contrer une autre forme d’oppression : le racisme et le colonialisme.

Elles luttent aussi pour changer les mentalités au sein même du système. Le 22 mai, 1947, Vialle, Éboué-Tell et d’autres sénateurs de l’outre-mer ont ainsi présentée une motion dans laquelle elles ont dénoncé « une volonté de discrimination entre les Conseillers de la République de la Métropole et ceux d’Outre-Mer ».

En 1947, la France représentait encore un empire mondial. Elle contrôlait des douzaines de colonies et de territoires des Caraïbes, en passant par l’Amérique du Sud jusqu’en Afrique.

Étendue de l’Empire colonial français (1534 – 1980). Gd21091993/Wikimedia, CC BY

Le déploiement des troupes françaises dans les colonies africaines pendant la Seconde Guerre mondiale a causé une augmentation du nombre d’enfants nés de mères africaines et de soldats français blancs. Comme l’ont documenté les chercheurs Emmanuelle Saada et Owen White, la politique coloniale française consistait à séquestrer ces enfants et les placer dans des orphelinats publics, où ils allaient recevoir une éducation limitée et pouvaient être contraints au travail des enfants.

Vialle et Éboué-Tell se battaient pour que ces enfants aussi obtiennent la libération.

En 1947, elles travaillèrent ensemble sur une proposition de loi pour donner à ces enfants les mêmes droits des enfants nés en France métropolitaine.

Elles ont lutté pour que ces enfants métis aient la possibilité d’effectuer une recherche de paternité. Les pères français, absents, pouvaient être contraints par la loi de leur verser une pension pour soutenir leur enfance.

Après une féroce bataille de quatre ans, cette proposition de loi relative à la recherche de la paternité dans les territoires d’outre-mer est devenue réalité en 1951.

Les leçons que l’on tire de l’histoire

J’ai remarqué dans les histoires d’Éboué-Tell et de Vialle des parallèles pertinents avec la situation politique d’aujourd’hui.

Ces Françaises noires savaient par leur expérience personnelle que leur pays était à la fois héroïque et honteux, un lieu de liberté et d’atrocité, à la fois symbole de libération du nazisme et oppresseur colonial.

Bien que Françaises, elles étaient perçues comme étrangères à l’ordre et au système établi, néanmoins capables de se bâtir un chemin jusqu’au centre du pouvoir. Elles ont ainsi permis d’ouvrir la qualification de « Français » à des individus qui ne semblaient, dans un imaginaire jusqu’alors restreint, pas pouvoir y prétendre. Elles ont aussi lutté et obtenu des droits égaux de citoyens pour ceux et celles qui, comme elles, étaient issus des colonies.

Des politiciennes noires aujourd’hui continuent cette tradition en utilisant leur pouvoir politique pour défendre les personnes placées aux marges de la société.

En tant que députée, Christiane Taubira a mené une lutte similaire pour la reconnaissance des droits et des histoires de ceux qui n’ont pas toujours été reconnus comme des citoyens à part entière.


Elle a été le fer de lance de la loi de 2001 qui reconnaît depuis cette date la traite négrière atlantique comme un crime contre l’humanité. En 2016, elle démissionne de son poste de ministre de la Justice en désaccord avec les nouvelles lois antiterroristes, particulièrement ciblées à l’encontre des citoyens français d’origine immigrée.

Désormais, une autre femme noire française et membre de l’Assemblée nationale, Danièle Obono, fait pression en faveur d’une législation pour protéger les enfants et les mères qui travaillent.

Aux États-Unis, Alexandria Ocasio-Cortez travaille sur les mêmes sujets. Ilhan Omar a quant à elle signé le projet de loi « Dignity for Detained Immigrants bill » (Projet de loi sur la dignité des immigrants détenus), qui protégerait mieux les immigrants détenus par le Département de la sécurité intérieure.

Et, comme les pionniers français Éboué-Tell et Vialle, ces politiciennes continuent de travailler ensemble pour élargir un peu plus les définitions de citoyenneté, les discours politiques et les lois qui sont acheminées à l’intérieur des gouvernements.


Daniel Peyronel a contribué à la traduction de cet article.

Annette Joseph-Gabriel, Assistant Professor of French and Francophone Studies, University of Michigan

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Niger : quatre soldats tués par un engin explosif dans la région de Diffa

| Par Jeune Afrique avec AFP

Quatre militaires nigériens ont été tués en roulant avec leur véhicule sur un engin explosif près de Bosso, une ville du sud-est du Niger, cible régulière des raids du groupe jihadiste nigérian Boko Haram, ont indiqué mardi 13 août des sources sécuritaires.

« Quatre de nos soldats sont effectivement morts quand leur véhicule a sauté sur un engin explosif entre les localités de Toummour et Bosso », dans la région de Diffa, proche du Nigeria, a précisé une source sécuritaire locale.

« L’incident est survenu samedi dernier mais il n’a été divulgué que ce mardi, en raison de la fête de l’Aïd el-Kébir célébrée dimanche et lundi au Niger », a expliqué cette source. Les quatre soldats tués appartenaient à la Force multinationale mixte (Niger, Nigeria, Tchad et Cameroun) qui opère depuis 2015 dans le bassin du Lac Tchad contre Boko Haram.

Diffa, région cible de Boko Haram

La région de Diffa est depuis 2015 le théâtre d’attaques de Boko Haram, dont des combattants se sont également retranchés dans le lit du lac Tchad. Le 2 août, le président du Niger, Mahamadou Issoufou, a regretté qu’« en dépit des opérations » militaires, « Boko Haram malheureusement fasse preuve d’une résilience » que « nos forces doivent briser coûte que coûte ».

La semaine passée lors d’une réunion à Niamey, des responsables militaires des quatre pays riverains du Lac Tchad et de leurs alliés occidentaux ont décidé de mieux coordonner les renseignements pour lutter plus efficacement contre Boko Haram.

Mali: la Minusma a rendu son rapport sur le massacre de Sobane Da

Cérémonie du souvenir et d'hommage aux victimes de Sobane Da: «Plus jamais ça au Mali» peut-on lire sur la banderole, monument de la Paix, Bamako, le 15 juin 2019.
© REUTERS/Annie Risemberg

Au Mali, la division des droits de l'homme de la Minusma, la mission de maintien de la paix des Nations unies, publie son rapport d'enquête sur le massacre de Sobane Da, dans le centre du Mali. C'était le 9 juin dernier, des hommes armés s'en prenaient à ce village du cercle de Bandiagara, tuant au moins 35 personnes dont 22 enfants de moins de 12 ans. D'après le rapport de la Minusma, le massacre de Sobane Da est le point d'orgue de mois de violences inter-communautaires dans la région.

C'est vers 17 heures, le 9 juin 2019 qu’une quarantaine d’hommes armés arrivent à Sobane Da. Armés de fusils automatiques, ils tirent à vue, puis entrent dans le village, incendient cases et greniers. La plupart des victimes meurent brûlées vives ou asphyxiées et près de 330 personnes fuient vers les villages voisins. Bien que l'armée malienne ait été prévenue le soir même, ce n'est que le lendemain que les militaires arriveront à Sobane Da.

D'après l'enquête des Nations unies, qui ont pu interroger des survivants, des témoins ou encore des autorités locales et coutumières, ce massacre s'inscrit dans une spirale de violences inter-communautaires. Les témoins ont pu identifier les auteurs comme étant des jeunes peuls d'un village avoisinant appartenant à un groupe d'auto-défense. Des jeunes dogons de Sobane Da, probablement membres d'une brigade de surveillance, ont quant eux essayé de répliquer. Dans les vestiges du village, les enquêteurs ont retrouvé deux armes collectives artisanales, sortes de fusils montés sur trépied, dont l'usage reste encore incertain.

Le mobile religieux exclu

Les enquêteurs des Nations unies n'ont pas établi d'affiliation des assaillants de Sobane Da à « un quelconque groupe armé extrémiste. » Ils excluent également un mobile religieux à cette attaque, bien que l'église du village et des maisons marquées d'une croix aient été épargnées.

« La violence armée entre communautés au centre du Mali continue de s'étendre », conclut l'enquête. D'après la Minusma, ces attaques ont fait plus de 440 morts depuis le début de l'année, soit déjà 30 de plus qu'en 2018.

Sobane Da reste sans doute l'attaque la plus grave, mais depuis 2018, 43 incidents de ce type ont été enregistrés par les Nations unies sur l'ensemble des villages de la commune de Madougou, dont dépend Sobane Da.

Quelques jours après l'attaque, le président Ibrahim Boubacar Keïta s'est rendu à Sobane Da, promettant justice et poursuite de ceux qui possèdent illégalement des armes. Le pôle judiciaire spécialisé a ouvert une enquête, qui n'a pas encore abouti à des arrestations.