Témoignages

 

Le Père Jean Cauvin, présentement à Billère, maison de retraite en France, a envoyé sa circulaire numéro 100, et a accepté que nous la publiions sur le site. Voici donc le contenu de cette lettre.

 

Jean Cauvin                 Jean Cauvin

22 Avenue Montilleul

64140 Billère, France

Tél. 05 59 13 08 52   

Cel. 06 81 32 13 99 

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Skype : jeancauvin               

 

                       

LETTRE 100
 
Oui, lettre centenaire, Billère, 25 avril 2016

 

Chers amis,

 

Bonjour !

Cette lettre commence par une photo de moi, pour vous faire admirer la beauté du jardin de notre maison, et pour vous faire constater que je suis bien vivant ! Hélas, le jardin va prochainement être massacré car une extension est prévue : un EHPAD à 50 chambres n'est pas assez grand aux yeux de la SECU, et pas rentable pour les subventions qu'elle donne ! Le jardin est encore vivant, et le personnage de la photo date de moins d'un mois… !

Je suis dans la maison depuis 6 mois. Je me croyais encore valide. Mais l'infirmière m'a accueilli en commentant mon dossier médical : "c'est le plus gros dossier de la maison !". Il est vrai que depuis 10 ans, je n'ai cessé de fréquenter les médecins, et chacun d'eux a ajouté sa feuille, ses radios, ses analyses, etc. Je plains les personnes qui n'ont pas une bonne couverture médicale. [Ici, je pense à plusieurs destinataires de cette lettre, hélas].

Je suis donc intégré dans une communauté de personnes âgées, chacune avec son (ou ses) handicap(s). Chacun de nous essaie de vivre avec son problème, camouflé ou clairement visible. Pour moi, ma colonne et mes reins gênent  bien visiblement ma marche et je pense qu'un jour, j'aurai besoin d'un déambulateur ou d'un fauteuil roulant. En attendant, je me contente d'une canne…! Mais le handicap est bien plus visible pour ceux qui ont perdu la mémoire ou le sens de l'orientation. La qualité de l'équipe médicale et l'entourage de la communauté fraternelle les aident tout de même.

 

Notre situation me fait évoquer un proverbe minyanka. Le berger des crapauds ne peut pas aller vite. Ne riez pas ! Il faut avoir vu un groupe de crapauds sortir de leur trou au printemps. Ils sont tellement pressés de sortir qu'ils se bousculent : les uns courent, certains tombent à droite ou à gauche, d'autres traînent ou s'égarent… Ils sont tellement maladroits que, s'il y a un obstacle, ils essaient d'y grimper, ils sautent, ratent la marche, retombent en arrière, sur le côté, rebondissent sur le précédent : leur corps semble être un sac élastique… Une pagaille énorme !

Et pourtant, le groupe avance. On ne sait pas vers où, mais il avance ! Sans doute vers une mare que nous ne connaissons pas, vers un endroit où manger ou vers un endroit que leur instinct leur fait pressentir ! L'observateur voit l'unité du groupe qui avance tout en constatant l'indépendance de chaque individu ! Malgré la diversité, il y a une vraie unité.

Regardant une communauté "Père blanc", (communauté dont je fais partie) : l'observateur remarque des mécanismes de grégarisme et des mécanismes d'indépendance. Nous avons un idéal commun et nous sommes passés dans un même "moule". Et pourtant nos personnalités, nos histoires personnelles etc., nous ont rendus très divers jusque dans les détails ! Et dans cette extrême diversité, nous portons un but commun, un "air de Pères blancs" qui nous distingue : au milieu d'autres missionnaires de toutes langues, de toutes origines, même sans gandoura, on "sent" celui qui est PB ! Nous ne sommes pas des moutons, nous ne sommes pas des crapauds, nous sommes ces "sacrés Pères blancs", comme nous appelait une vidéo.

Même si nos handicaps poussaient chacun d'entre nous à rester dans son trou, la communauté nous pousserait vers des services mutuels : pousser la voiturette d'un autre ou accepter d'être poussés, partager les nouvelles, les fêtes (à la chapelle ou en détente), etc. Quant à moi, ni je ne pousse ni je ne suis poussé, mais je fais un peu de secrétariat car  mon  ordinateur, mes doigts et mon cerveau sont encore capables de cela ! Et je garde encore du courrier avec l'Afrique, ce qui me permet de croire que je suis encore utile !

Comme beaucoup de nous gardons des échanges personnes avec l'Afrique, nous constituoons une bonne banque de données récentes sur l'Afrique : non pas les nouvelles publilques que rapportent les médias, ais ce que enos anciens paroissiens ou amis de nos pays là-bas nous racontent d'une manière concrète. Même si les médias parlent a juste titrre des attentats contre les touristes à Ouagadougou, à Abidjan, à tunis, ils parlent peu d'autres attentats moins spectaculaires, mais plus profonds à long terme : appauvrissements et spoliations des terres par ententes entre les gouvernements, mainmise sur les semences, sur l'eau, sur les réserves économiques, etc. Sans parler de l'alimentation en armes et en idéologies de mort pour des populations qui préféreraient vivre et s'entendre elles-mêmes, sans que leur sort soit décidé par d'autres.

Justement : s'entendre ! Car ceux qui veulent aider l'Afrique et les pays pauvres envisagent le seul point de vue économique et surtout le leur ! Sans s'entendre d'abord avec les populations "aidées" pour savoir ce qu'elles souhaitent! C'est ainsi qu'un chef d'État français (j'en ai honte) a pris la décision de faire disparaître Kadhafi (en octobre 2011). Mais la suite ? Toutes les armes et les mercenaires de Tripoli se sont répandus de là en Afrique et ailleurs, et ils alimentent les guerres et déstabilisent tous les pays…

Or, l'immensité des hommes et des femmes d'Afrique (ceux que je connais)  ne demandent qu'à vivre et à grandir dans la paix. Ce mépris de l'humain vient encore d'être illustré (quelle illustration !) par Monsanto : cette entreprise fabrique des produits chimiques, et en particulier le Roundup. Monsanto fournit depuis 15 ans l'Inde en semences de riz. Les rendements ont progressé et les mauvaises herbes disparaissaient. Certes, il y avait une clause de monopole : le pays ne pouvait pas produire lui-même ces semences : il devait les acheter tous les ans à Monsanto.

Mais depuis quelques années, le Roundup n'assure plus les résultats escomptés : les rendements ont baissé, les mauvaises herbes se développent Entre-temps, on a fait la preuve que ce produit est cancérigène. Le Parlement européen en a interdit la fabrication et l'utilisation. Mais ces derniers jours, Monsanto a fait pression sur le Parlement : il a obtenu une prolongation d'autorisation pour 7 ans ! Décision économique, sans considérer l'homme et ses besoins réels…

Le cas du Burkina-Faso est semblable. Non pas avec le riz transgénique, mais avec le coton et le maïs. La qualité du coton du Burkina était excellente et les rendements très bons. Mais avec le temps et l'utilisation continuelle du coton Monsanto, la fibre perd progressivement de la longueur, et le "label coton burkinabè" vient d'être perdu : le coton du Burkina redevient du "coton conventionnel". Mais le gouvernement a de la peine à se dégager des contrats passés avec Monsanto, car pour cette firme, il s'agit d'augmenter les rendements des actions Monsanto et non pas être au service des cultivateurs africains. Tant pis si ceux-ci perdent en étant obligés à continuer du mauvais coton ! Monsanto et ses actionnaires gagneront toujours !

Si vous avez besoin de nettoyer votre jardin ou désinfecter vos carrelages (Roundup est vendu sous diverses formes), vous en trouverez en vente libre dans les drogueries ou sur Amazon. Mais dites à celui que vous avez élu au Parlement de Strasbourg qu'il a encore du travail…

J'arrête ici mes considérations. Sachez que dans ce monde qui perd le sens de l'homme et de son respect, je continue et j'essaye de faire face, même s'il me faut souvent l'aide d'une canne pour avancer !

Je vous dis mon meilleur souvenir et ma prière.

 

Jean Cauvin, M.Afr

 

 

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas bien le parcours de Jean Cauvin, il nous l'a retrarcé à notre demande :
* arrivée en en AFrique de l'Ouest en 1965 après des études en socio, linguistique et ethnologie. 8 ans de paroisse chez les Minyanka, sénoufo du Mali (étude de la langue, mise en place qu’une catéchèse partant des réalités vécues, construction diverses dont une maternité de brousse).
* 1973 – 1988 : enseignement à la faculté de théologie ICAO d’Abidjan : souci de joindre le point de vue humain pour enseigner la théologie. Juin 1977 : doctorat d’Etat en Sorbonne “ès Lettres et Sciences humaines”. 1983 : formation à l’accompagnement à l’IFEC. Juillet 1984 : Maîtrise en théologie à l’Institut Catholique de Paris.
* 1988 - 2005 : Enquête en AO pour la faisabilité, puis lancement de Mater Christi “formation des maîtres et maîtresses des novices, étendue ensuite à plusieurs domaines de la formation des religieux/religieuses pour toute l’Afrique francophone.
* 2005 –2015 : services divers à la Vie Religieuse à partir de Ouagadougou puis de Paris.
* 2015 : entrée de maison de retraite médicalisée à Billère.

Le texte ci joint (de l'agence FIDES) peut paraître un peu ancien, mais est intéressnt car il permet de de rendre compte du nombre de missionnaires hommes et femmes ayant payé de leur vie leur engagement au service de l'évangile et des hommes et des femmes de par le monde en 2015.

(lire la suite)

"Salutations fraternelles depuis Ghardaïa. je vais  bien et toute ma communauté de stage va bien aussi. je vous propose un article pour le site des missionnaires d'Afrique de la PAO ou Baobab"- Vincent est originaire du Mali, du diocèse de Mopti.

MESSAGE DU SAINT-PÈRE POUR LA 53ème JOURNÉE MONDIALE DE PRIÈRE POUR LES VOCATIONS

Trois ouvrages qui nous sont proposés sur le site de l'ARCRE.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)