Ngozi Okonjo-Iweala, Makhtar Diop, Lazare Eloundou Assomo… Ils sont à la tête de l’Organisation mondiale du commerce, de la Société financière internationale et du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco. Des places à la hauteur des enjeux du continent.
Ngozi Okonjo-Iweala, une briseuse de plafond de verre à l’OMC
Ngozi Okonjo-Iweala, première patronne africaine de l’OMC. © ERIC BARADAT/AFP
À la fois première femme et première Africaine à devenir directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, 67 ans, a pris la tête de l’institution en février dernier, après une longue campagne au cours de laquelle elle a su fédérer les soutiens, notamment sur le continent. « L’Afrique pourra être fière de voir une de ses filles capable de faire le job », glissait-elle, en septembre 2020, dans un long entretien qu’elle avait accordé à Jeune Afrique.
Désignée comme l’une des femmes « les plus influentes » de 2021 par le Financial Times, elle a « brisé tous les plafonds de verre par l’ampleur de ses compétences, son intégrité absolue et sa bonne humeur », écrit Christine Lagarde, désormais patronne de la Banque centrale européenne.
Dès son arrivée à la tête de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala a également entrepris de féminiser la direction générale de l’institution, où elle a instauré une stricte parité homme-femme. « C’est la première fois dans l’histoire de notre organisation que la moitié des directeurs généraux sont des femmes. Cela souligne mon engagement à choisir des dirigeants talentueux pour notre organisation tout en atteignant un équilibre entre les sexes aux plus hauts postes », s’est-elle félicitée.
Sur son bureau, à Genève, où elle a pris ses quartiers, trois dossiers brûlants ont été laissés en souffrance par le Brésilien Roberto Azêvedo, son prédécesseur : la question de la propriété intellectuelle des vaccins, les négociations sur les subventions aux pêcheurs et, chantier particulièrement complexe, la remise sur les rails d’un multilatéralisme largement mis à mal par la guerre économique entre la Chine et les États-Unis.
Dès le mois d’avril, la Nigériane exhorte les pays d’Afrique à s’entendre pour une mutualisation de leurs forces et de leurs ressources afin de créer leurs propres vaccins. Parallèlement, elle travaille à convaincre les pays riches de lâcher du lest sur la question de la levée des brevets.
« À long terme, surtout si nous devons vivre avec ce virus [le Covid-19] pendant plusieurs années, nous devons disposer d’une base mondiale de production de vaccins plus diversifiée géographiquement, plaidait-elle en mai dernier. Le fait que l’Afrique dispose de moins de 0,2% des capacités mondiales de production ne contribuera pas à la résilience de l’offre. » Mais près de dix mois après avoir engagé ce combat, Ngozi Okonjo-Iweala ne peut que constater que les négociations sont « bloquées » sur ce point.
Makhtar Diop, le « bon choix » à l’IFC
« Right choice, right time » (« Le bon choix au bon moment »). Le message de félicitations adressé par le Rwandais Donald Kaberuka, ex-président de la Banque africaine de développement, à Makhtar Diop, lorsque sa nomination à la tête de la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale qui intervient dans le secteur privé) avait le mérite de la concision. Mais il résumait l’état d’esprit d’une large partie de la nomenklatura financière africaine.
Premier Africain à prendre les rênes de l’organisation, l’économiste sénégalais de 60 ans a pris la suite du Français Philippe Le Houérou, le 1er mars dernier, au terme d’un processus de sélection particulièrement difficile. Pas moins d’une centaine de candidats se pressaient au portillon, dont certains poids lourds, de l’économiste camerounaise Vera Songwe au ministre ivoirien Thierry Tanoh, tous deux d’anciens d’IFC, en passant par le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam ou l’ancien Premier ministre togolais Gilbert Houngbo.
Ex-ministre des Finances (2000-2011) du Sénégal, Makhtar Diop a été le premier Africain francophone à être nommé vice-président de la Banque mondiale chargé de l’Afrique. En 2014, il s’était lancé dans la course pour prendre la direction de la Banque africaine de développement, avant de finalement se retirer, laissant un boulevard au Nigérian Akinwumi Adesina.
À la tête de l’IFC, Makhtar Diop a une urgence : « Tout faire pour relancer la machine économique, en particulier en Afrique, le continent le plus affecté par la crise [du Covid-19] ». Dans l’entretien que le Sénégalais a accordé à Jeune Afrique en juillet dernier, le patron de l’IFC détaillait ce qu’il nomme sa « stratégie 3.0 », consistant à ne pas se focaliser sur les opérations financièrement viables, mais à aller « bien au-delà », en poussant le secteur privé international « à investir là où il n’existe pas ». Le but ? « créer de nouveaux marchés ».
Autre chantier sur lequel Makhtar Diop entend travailler au cours de son mandat, la promotion d’investissements « verts ». « Essayer de créer des opportunités économiques sans lutter simultanément contre le changement climatique, c’est comme essayer de pagayer sur un bateau sans rame. C’est possible. Mais je ne pense pas que vous alliez bien loin », a-t-il encore insisté dans un entretien accordé au Financial Times, le 17 décembre dernier.
Lazare Eloundou Assomo, la protection du patrimoine mondial
Lazare Eloundou Assomo, premier Africain à la tête du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco. © DR/ Unesco
Cette fin d’année 2021 aura été marquée par une avalanche de bonnes nouvelles en provenance du siège de l’Unesco, à Paris. L’inscription au patrimoine immatériel de l’humanité du tieboudiène sénégalais, du m’bolon malien et de la rumba des deux Congos ont été saluées comme autant de motifs de fierté sur le continent.
Une autre annonce, début décembre, a eu moins d’écho auprès du grand public. Elle n’en a pas moins une valeur symbolique tout aussi forte : l’arrivée du Camerounais Lazare Eloundou Assomo, 53 ans, à la direction du Centre du patrimoine mondial de l’institution onusienne. Il est le premier Africain à avoir été nommé à ce poste stratégique pour la préservation et la promotion des sites d’exception du continent.
Formé à l’architecture en France, à Clermont-Ferrand puis à Grenoble, il entame sa carrière de chercheur associé au Centre international de la construction en terre de l’école d’architecture de Grenoble en travaillant à la préservation de l’habitat traditionnel mousgoum, dans le nord du Cameroun. Son parcours l’a conduit à travailler en Érythrée, au Bénin – sur la restauration des palais royaux d’Abomey – ou encore au Mali, où il a participé au projet de reconstruction des mausolées de Tombouctou détruits par les jihadistes.
À la tête du Centre du patrimoine mondial, ce passionné qui affirme avoir Nelson Mandela pour modèle, entend faire la part belle à un continent trop longtemps oublié dans ce domaine. « L’Afrique est le berceau de l’humanité. Elle compte énormément de sites culturels et naturels qui sont importants, insistait Lazare Elououndo Assomo, interrogé par le Guardian, le 20 décembre. Mais certaines catégories de sites en Afrique ne sont pas forcément du même genre que celles que l’on trouve dans d’autres régions. »
LA MOBILISATION DE NOS EFFORTS POUR SAUVEGARDER LES SITES DU PATRIMOINE MONDIAL SUR LE CONTINENT DOIT ÊTRE UNE PRIORITÉ
Dans ce combat, si la préservation des sites architecturaux compte parmi ses priorités, il en est une autre que le Camerounais entend placer en tête de son agenda : la préservation des sites naturels d’exception, alors qu’une course contre la montre s’est engagée sur les questions environnementales. « L’Afrique est aujourd’hui en première ligne des effets du changement climatique. La mobilisation de nos efforts pour sauvegarder les sites du patrimoine mondial sur le continent doit être une priorité. »
L’année qui s’ouvre va également marquer la célébration du cinquantenaire de la Convention du patrimoine mondial. « L’occasion d’une grande rétrospective mais aussi d’une réflexion collective sur les meilleures façons de faire prospérer notre démarche pour les cinquante ans à venir », a déclaré Lazare Elououndo Assomo.