C’est sous une bruine continue que la centaine d’invités aux funérailles de Desmond Tutu sont arrivés à la cathédrale Saint George, pour le dernier au revoir à « The Arch ». Malgré la ribambelle de figures politiques présentes, parmi lesquelles le président d’Afrique du Sud Cyril Ramaphosa, les anciens présidents Thabo Mbeki et Kgalema Motlanthe, ou encore le roi du Lesotho, Letsie III, la cérémonie est restée loin du faste des grands enterrements, à l’image de la modestie de l’archevêque. Son cercueil de pin brut, avec ses poignées en simples cordes, a fait très forte impression sur de nombreux Sud-Africains.
Une « icône mondiale »
« Seuls quelques-uns parmi nous, les âmes les plus rares, atteignent la stature d’icône mondiale, a commenté Cyril Ramaphosa lors de son éloge funèbre. À notre époque moderne, le terme est devenu associé à la célébrité et à la renommée sur les réseaux sociaux. Cependant, si l’on considère une icône mondiale comme étant une personne de grande stature morale, dotée de qualités exceptionnelles et ayant servi à l’humanité, il ne fait aucun doute que cela se réfère à l’homme que nous enterrons aujourd’hui. »
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Dans la cathédrale où « dada Tutu » a dirigé et suivi tant de messes, sa fille Mpho Tutu van Furth a exprimé sa gratitude pour les Sud-Africains et les personnes du monde entier qui ont honoré sa mémoire toute la semaine passée. « Papa dirait que l’amour que le monde entier nous a montré réchauffe le cœur. Nous vous remercions de l’avoir tant aimé ! »
Les éloges à l’icône de la paix se sont succédé, certaines en messages vidéo comme pour l’archevêque de Canterbury, ou dans le chœur illuminé de violet, la couleur emblématique de Tutu, et que son épouse Leah arborait également de toute la longueur de sa robe.
« La veille de sa mort, pour Noël, je lui ai célébré la messe, et il n’a cessé de me dire merci merci merci », raconte avec émotion Thabo Makgoba, archevêque anglican du Cap, qui célèbre une semaine plus tard la messe des funérailles. « Jusqu’à la fin, Desmond Tutu était une personne pleine de gratitude. »
« On avait besoin de faire le déplacement pour l’honorer ».
À l’extérieur de la cathédrale, les rues désertes, fermées par un large périmètre de sécurité, contrastaient avec l’animation de la veille, qui avait vu quelque 2 000 personnes rendre un dernier hommage à la dépouille de Tutu. La cérémonie retransmise en direct à la télévision nationale l’était aussi sur le grand écran installé en face de l’hôtel de ville, à quelques rues de la cathédrale, mais seule une petite centaine d’habitants ont bravé la pluie pour se rassembler devant.
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« Moi je suis venu spécialement de Soweto ! » tient à dire un jeune homme, vêtu d’un t-shirt de l’ANC. Et ses amis de confirmer : « Il ne parle que de ça depuis ce matin ! »
« On se demande souvent où on en serait aujourd’hui si Tutu n’avait pas été là », commente une femme assise sur le bitume, venue avec sa fille. « On aurait pu regarder à la maison mais ici on est plus proches de lui, et on avait besoin de faire le déplacement pour l’honorer. »
Dans un coin, trois dames rastafaris rayonnant des couleurs jamaïcaines suivent la cérémonie avec attention. « Nous ne sommes pas anglicanes, mais nous venons honorer sa mémoire. Il a toujours été bon avec notre communauté, il nous a toujours accueillis à bras ouverts alors que beaucoup de religieux nous méprisaient. »
Il considérait tous les êtres humains comme une famille
Un amour universel rare et qu’il vivait profondément, considérant tous les êtres humains comme une même famille. Son amie de longue date la révérende René August se rappelle qu’elle lui demandait : « Comment peux-tu supporter les racistes ? », et qu’il répondait : « Je ne peux pas dire à un membre de ma famille que je le déteste. On peut trouver le bien même dans la personne la plus mauvaise. »
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Le prix Nobel de la paix, combattant anti-apartheid, féministe, écologiste, soutien des personnes LGBT, en somme avocat retentissant de toutes les causes humanistes, qui n’hésitait jamais à dénoncer ce qu’il croyait être mal. « Quand Desmond Tutu est devenu archevêque, en 1986, des milliers d’anglicans ont démissionné de l’Église anglicane, raconte René August. Ils disaient ne plus vouloir être membre de cette Église car cet homme était l’antéchrist et un ennemi de l’État ! »
Les temps ont changé – en partie grâce à lui – et aujourd’hui c’est l’État et l’Église qui l’ont honoré main dans la main avec cette cérémonie nationale. À la fin de la célébration, le soleil brillait dans le ciel du Cap.